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Document 62017TO0711

Ordonnance du Tribunal (septième chambre) du 14 novembre 2018.
Bernard Spinoit contre Commission européenne e.a.
Recours en annulation et en indemnité – Acte adopté par le chef de section de la délégation de l’Union en Algérie dans le cadre d’un marché public de prestation de services – Décision demandant le remplacement du requérant comme expert – Résiliation de la convention entre la société adjudicataire et le requérant à la suite de cette décision – Absence de qualité de partie défenderesse – Acte non susceptible de recours – Absence de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-711/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:803

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 novembre 2018 (*)

 « Recours en annulation et en indemnité – Acte adopté par le chef de section de la délégation de l’Union en Algérie dans le cadre d’un marché public de prestation de services – Décision demandant le remplacement du requérant comme expert – Résiliation de la convention entre la société adjudicataire et le requérant à la suite de cette décision –– Absence de qualité de partie défenderesse –Acte non susceptible de recours – Absence de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑711/17,

Bernard Spinoit, demeurant à Charleroi (Belgique), représenté par Me H. Hansen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Aresu, en qualité d’agent,

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spac, en qualité d’agents,

et

Délégation de l’Union européenne en Algérie,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre du 3 août 2017 demandant le remplacement du requérant en tant qu’expert dans le cadre d’une convention de prestation de services et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi à la suite de cette décision,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, M. E. Bieliūnas (rapporteur) et Mme A. Marcoulli, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, la République algérienne démocratique et populaire et l’Union européenne ont, le 22 avril 2002, signé un accord d’association, lequel est entré en vigueur le 1er septembre 2005.

2        Dans ce contexte, la Commission européenne a adopté, sur la base du règlement (CE) no 1638/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2006, arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat (JO 2006, L 310, p. 1), une décision de financement, prévoyant en faveur de la République algérienne démocratique et populaire l’action suivante : « Programme d’appui à la mise en œuvre de l’accord d’association (P3A) – Convention de financement no 2013/024-758 » (ci-après le « P3A »).

3        Aux fins de la mise en œuvre du P3A, le 15 décembre 2016, l’Union, représentée par la Commission, a conclu, au nom et pour le compte du gouvernement algérien, le contrat de service ENPI/2016/381-920, avec la société de droit français S., dont l’intitulé était : « Recrutement de l’assistance technique pour le programme d’appui à la mise en œuvre de l’accord d’association (P3A III) » (ci-après le « contrat principal »).

4        Le contrat principal prévoyait le recrutement par S. d’un certain nombre d’experts à utiliser dans le cadre du P3A.

5        Selon l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe I du contrat principal, l’Union, représentée par la Commission, pouvait, en tant que pouvoir adjudicateur, « sur la base d’une demande écrite et justifiée, en réponse à quoi le contractant devrait soumettre ses propres observations ainsi que celle du personnel concerné, exiger le remplacement du personnel convenu ».

6        Selon l’article 40 des conditions particulières applicables au contrat principal, « tout différend survenant dans l’exécution du présent contrat et qui ne peut être réglé à l’amiable est de la compétence exclusive des tribunaux de Bruxelles (Belgique) ».

7        Aux fins de la mise en œuvre du contrat principal, le 13 janvier 2017, S. a signé avec le requérant, M. Spinoit, une convention de prestation de services, afin qu’il réalise, en tant qu’expert principal no 3, une partie des prestations requises par le contrat principal (ci-après la « convention de prestation de services »).

8        L’article 1.3 de cette convention prévoyait que la date de démarrage des prestations était le 10 janvier 2017 et que la durée prévue était de 24 mois à compter de la date de démarrage, pour une durée maximale de 440 jours ouvrés travaillés.

9        L’article 10 de ladite convention prévoyait, notamment, que S. pouvait procéder à la résiliation de plein droit du contrat en cas de demande de renvoi ou de remplacement de l’expert par la Commission ou le gouvernement algérien, et ce pour quelque raison que ce soit.

10      Selon l’article 16 de ladite convention, « tous litiges découlant de la présente convention que la société de droit français S. et l’expert ne pourraient résoudre à l’amiable seront portés devant (a) le Tribunal de commerce de Nanterre ou (b) le Tribunal de première instance de Bruxelles, rôle francophone, au choix de la partie la plus diligente ».

11      Par lettre du 3 août 2017, portant l’en-tête « Union européenne, Délégation en Algérie », il était demandé à S. de remplacer le requérant, en vertu de l’article 17 de l’annexe I du contrat principal, « en raison de la défaillance avérée dans la mise en œuvre des actions dont il est en charge et de la réalisation des tâches qui lui ont été confiées » (ci-après l’« acte attaqué »).

12      Par courrier électronique envoyé le 3 août 2017, S. a transmis au requérant une copie de cette demande.

13      Le 7 août 2017, faisant suite à la demande du 3 août 2017 susmentionnée, S. a mis fin à sa relation contractuelle avec le requérant, sur la base de l’article 10 de la convention de prestation de services.

 Procédure

14      Par requête déposée le 13 octobre 2017 au greffe du Tribunal, le requérant a introduit le présent recours.

15      Par lettre du 1er mars 2018, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la demande de joindre la présente affaire à l’affaire T‑793/17, Bruel/Commission e.a., telle que formulée par la Commission dans son mémoire en défense déposé dans cette dernière affaire.

16      Le 24 avril 2018, le président de la septième chambre a décidé de ne pas joindre la présente affaire à l’affaire T‑793/17, Bruel/Commission e.a.

 Conclusions des parties

17      Dans la requête et dans la réplique, le requérant conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le SEAE en ce qu’elle est fondée sur l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 du Tribunal et, partant, déclarer le recours recevable en ce qu’il est dirigé contre le service européen pour l’action extérieure (SEAE) ;

–        subsidiairement, rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le SEAE et partant déclarer le recours recevable en ce qu’il est dirigé contre ce dernier ;

–        en tout état de cause, annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission, le SEAE et la délégation de l’Union en Algérie solidairement, sinon in solidum, sinon chacune pour le tout, à payer au requérant le montant de 209 950 euros, à titre de préjudice matériel, et le montant de 15 000 euros, à titre de préjudice moral ;

–        condamner la Commission, le SEAE et la délégation de l’Union en Algérie aux entiers dépens.

18      Dans son exception d’irrecevabilité, déposée par acte séparé au greffe du Tribunal le 26 janvier 2018, le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre lui ;

–        pour autant que de besoin, rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la délégation de l’Union en Algérie ;

–        condamner le requérant aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens de l’instance.

 En droit

20      Le recours a pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de l’acte attaqué, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE, tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi en raison des suites données à l’acte attaqué.

21      Le requérant estime que l’acte attaqué doit être annulé pour violation des formes substantielles, en ce que, contrairement aux dispositions de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 17.2 de l’annexe I au contrat principal, il n’a pas été entendu, il n’a pas eu accès au dossier qui le concernait et l’administration n’a pas suffisamment motivé la demande de son remplacement.

22      Le requérant estime que ces violations du droit de l’Union sont suffisamment caractérisées pour engager la responsabilité non contractuelle de cette dernière. Selon lui, si la délégation de l’Union en Algérie ou la Commission l’avaient entendu et lui avaient donné accès à son dossier, il aurait pu se défendre et expliquer que les reproches qui lui avaient été adressés n’étaient pas fondés. Le requérant ajoute que ces illégalités sont en lien causal direct avec l’acte attaqué, lequel aurait, de façon mécanique, entraîné la résiliation de la convention de prestation de services. L’adoption illégale de l’acte attaqué aurait ainsi causé au requérant, d’une part, un préjudice matériel de l’ordre de 209 950 euros, correspondant au montant de la rémunération qu’il aurait perçue si la convention de prestation de services avait été menée à terme, et, d’autre part, un préjudice moral évalué à 15 000 euros, du fait que la convention a été brutalement résiliée et consistant en l’atteinte à son honneur et à sa réputation professionnelle qu’il a subie en raison du reproche prétendument gratuit de « défaillances en terme de professionnalisme et de comportement », tel que formulé dans l’acte attaqué.

23      La Commission fait valoir que le recours en annulation est manifestement irrecevable, au motif que l’acte attaqué ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Quant au recours en indemnité, la Commission fait valoir que la condition liée à l’illégalité du comportement reproché aux institutions fait défaut. Selon elle, aucune violation suffisamment caractérisée des règles de droit ne pourrait lui être reprochée, dès lors qu’elle s’est limitée à utiliser les seuls instruments que le cadre contractuel mettait à sa disposition.

24      Le SEAE, pour sa part, soulève une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, au motif que l’acte attaqué est imputable à la Commission et non à lui-même ou à la délégation de l’Union en Algérie.

25      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

26      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sur le recours sans poursuivre la procédure et sans devoir se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le SEAE en tant que le recours est formé à l’encontre de ce dernier.

 Sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la délégation de l’Union en Algérie

27      Le requérant a introduit son recours contre la Commission, le SEAE et la délégation de l’Union en Algérie.

28      Il résulte cependant de l’article 221 TFUE, de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (JO 2010, L 201, p. 30) et des dispositions pertinentes du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), que le statut juridique des délégations de l’Union se caractérise par une double dépendance organique et fonctionnelle à l’égard du SEAE et de la Commission, qui ne permet pas de les considérer comme un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263 TFUE et de leur reconnaître la qualité de partie défenderesse (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juin 2012, Elti/Délégation de l’Union au Monténégro, T‑395/11, EU:T:2012:274, point 73).

29      Il s’ensuit que le recours introduit par le requérant contre la délégation de l’Union en Algérie est manifestement irrecevable, qu’il s’agisse tant de la demande en annulation que de la demande indemnitaire (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juin 2012, Elti/Délégation de l’Union au Monténégro, T‑395/11, EU:T:2012:274, point 74), et ce sans qu’il soit besoin de lui signifier la requête.

 Sur la demande tendant à l’annulation de l’acte attaqué

30      Le requérant ayant introduit son recours en annulation sur la base de l’article 263 TFUE, il convient de rappeler qu’un tel recours est recevable à condition notamment que l’acte attaqué constitue un acte attaquable et que la partie requérante dispose de la qualité pour agir.

31      À cet égard, concernant notamment la question de savoir si l’acte attaqué constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, il résulte d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 37 et jurisprudence citée).

32      Ainsi, le recours en annulation est ouvert à l’encontre de tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 38).

33      En outre, selon une jurisprudence constante, la compétence des juridictions de l’Union dans le cadre de l’article 263 TFUE ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité (voir ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission, T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197, point 29 et jurisprudence citée).

34      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE (voir ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission, T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197, point 30 et jurisprudence citée).

35      En effet, si le juge de l’Union se reconnaissait compétent pour statuer en annulation sur des actes s’inscrivant dans un cadre purement contractuel, il risquerait non seulement de vider de son sens l’article 272 TFUE, lequel permet d’attribuer la compétence juridictionnelle de l’Union en vertu d’une clause compromissoire, mais encore, dans les cas où le contrat ne contiendrait pas pareille clause, d’étendre sa compétence juridictionnelle au-delà des limites tracées par l’article 274 TFUE, lequel confie aux juridictions nationales la compétence de droit commun pour connaître des litiges auxquels l’Union est partie (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 19 et jurisprudence citée).

36      Il en découle que, en présence d’un cadre purement contractuel, les juridictions de l’Union ne peuvent être saisies d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors de la relation contractuelle et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20).

37      En l’espèce, il y a lieu d’observer que le cadre factuel du présent litige trouve son origine dans deux relations contractuelles distinctes. D’une part, il existe une relation contractuelle entre l’Union, représentée par la Commission, et S. Celle-ci est formée par le contrat principal. D’autre part, il existe une relation contractuelle entre S. et le requérant. Celle-ci est formée par la convention de prestation de services.

38      Force est de constater que l’acte attaqué s’inscrit dans le contexte du contrat principal liant l’Union, représentée par la Commission, à S., en ce qu’il a comme objet la demande de remplacement d’un expert, laquelle trouve son fondement dans les stipulations dudit contrat, à savoir l’article 17 de l’annexe 1 du contrat principal (voir, en ce sens, ordonnance du 25 mars 2015, Borde et Carbonium/Commission, T‑314/14, non publiée, EU:T:2015:197, point 31).

39      En d’autres termes, la demande de remplacement du requérant s’inscrit uniquement dans le cadre des droits et des obligations nés des stipulations contractuelles qui lient l’Union, représentée par la Commission, à S., lesquelles prévoient explicitement la possibilité d’une telle demande.

40      Il s’ensuit que, de par sa nature, l’acte attaqué ne constitue pas un acte administratif relevant des actes visés à l’article 288 TFUE.

41      En outre, dès lors que l’acte attaqué a exclusivement été pris dans le cadre d’une relation contractuelle, l’auteur de l’acte a agi en tant qu’autorité contractante sans qu’il ait exercé de prérogatives de puissance publique en sa qualité d’autorité publique.

42      Par ailleurs, aucun autre élément du dossier ne permet de conclure que, en l’espèce, de telles prérogatives auraient été exercées.

43      Partant, l’acte attaqué ne constitue pas un acte dont l’annulation peut être demandée sur le fondement de l’article 263 TFUE et le recours visant à l’annulation de cet acte doit être déclaré manifestement irrecevable.

44      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments soulevés par le requérant.

45      En premier lieu, le requérant fait valoir, en substance, que, dès lors que l’acte attaqué a été adopté sans respecter l’ensemble des conditions prévues par l’article 17 de l’annexe I du contrat principal, il est sorti du cadre contractuel et constitue un acte administratif, lequel pourrait faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE.

46      Force est cependant de constater que le non-respect de certaines stipulations contractuelles ne saurait annihiler le caractère contractuel des actes pris sur la base desdites dispositions. En d’autres termes, les actions effectuées par une institution en sa qualité d’autorité contractante ne deviennent pas des actions de nature administrative par le simple fait que ladite institution n’ait pas respecté le contrat concerné.

47      En second lieu, le requérant estime que l’acte attaqué le concerne directement et individuellement, dans la mesure où, d’une part, il constitue un véritable acte de remplacement entraînant ipso facto la résiliation de la convention de prestation de services et, d’autre part, parce qu’il est nommément mentionné dans l’acte et figure parmi les éléments ayant déterminé son adoption.

48      Or, dès lors que l’acte attaqué n’est pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, il est inopérant de déterminer si ledit acte affecte directement ou individuellement le requérant.

49      Il en résulte que le recours en annulation est manifestement irrecevable.

 Sur la demande en indemnité

50      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

51      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition susmentionnée, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16 ; du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, points 106 et 164 à 166, et du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 28).

52      S’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution concernée, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42).

53      Quant à la condition relative au lien de causalité, celle-ci est remplie dès lors qu’il existe un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement reproché à l’institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve. Le comportement ainsi reproché doit être la cause déterminante du préjudice (voir ordonnance du 29 juin 2010, Mauerhofer/Commission, T‑515/08, non publiée, EU:T:2010:260, point 80 et jurisprudence citée).

54      Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le recours doit être rejeté dans son ensemble lorsqu’une seule de ces conditions n’est pas remplie (voir ordonnance du 29 juin 2010, Mauerhofer/Commission, T‑515/08, non publiée, EU:T:2010:260, point 79 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, s’agissant de la condition relative à une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, le requérant invoque le fait que, en violation de l’article 41 de la charte de droits fondamentaux, d’une part, et de l’article 17 de l’annexe I du contrat principal, d’autre part, il n’a pas été entendu, qu’il n’a pas eu accès au dossier qui le concernait et que l’administration n’a pas suffisamment motivé l’acte attaqué.

56      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux consacre le principe de bonne administration, lequel comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue, le droit de toute personne d’avoir accès au dossier qui la concerne et l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

57      Il convient toutefois de relever que le principe de bonne administration constitue un principe général de droit qui régit l’action administrative d’une institution et que, par conséquent, les institutions de l’Union sont soumises à des obligations relevant dudit principe exclusivement dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités administratives (voir arrêt du 11 décembre 2013, EMA/Commission, T‑116/11, EU:T:2013:634, point 245 et jurisprudence citée).

58      Or, force est de rappeler, tel qu’il a été indiqué aux points 38 à 41 ci-dessus, que l’acte attaqué a exclusivement été pris dans le cadre de la relation contractuelle liant l’Union, représentée par la Commission, à S., qu’il n’a ainsi aucunement la nature d’une action administrative d’une institution et que, partant, son auteur a agi en tant qu’autorité contractante, sans qu’il ait exercé de prérogatives de puissance publique en sa qualité d’autorité publique. Par conséquent, les obligations découlant du principe général de la bonne administration ne s’appliquaient pas lors de l’adoption de l’acte attaqué.

59      En outre, tel qu’il a été indiqué au point 42 ci-dessus, le requérant n’a apporté aucun autre élément permettant de conclure que, en l’espèce, des prérogatives de puissance publique auraient été exercées, imposant ainsi le respect des obligations découlant du droit à une bonne administration.

60      En second lieu, pour ce qui concerne la prétendue violation de l’article 17 de l’annexe I du contrat principal, lequel stipule que l’Union, représentée par la Commission, peut, sur la base d’une demande écrite et justifiée, en réponse à quoi S. doit soumettre ses propres observations ainsi que celles du requérant, exiger le remplacement du requérant, force est de constater, comme l’indique la Commission dans son mémoire en défense, que l’obligation d’entendre le requérant pesait, non sur la Commission, mais sur S., ce qui n’a, au demeurant, pas été contesté par le requérant. Dans le même contexte, la Commission indique à juste titre, et le requérant ne le conteste pas, que le contrat principal ne prévoit aucune obligation pour l’Union, représentée par la Commission, d’entendre le requérant, de lui donner accès au dossier ou de motiver des mesures telles que l’acte attaqué.

61      Enfin, dans l’hypothèse où, en invoquant les droits d’être entendu et d’accéder au dossier et l’obligation de motivation, le requérant doit être regardé comme se prévalant de l’atteinte portée au principe d’exécution de bonne foi des contrats, il convient de rappeler qu’il n’existe aucun lien contractuel entre, d’une part, le requérant et, d’autre part, la Commission, le SEAE ou la délégation de l’Union en Algérie, de sorte qu’il y a lieu de faire observer que le requérant n’apporte aucun élément qui démontrerait une violation suffisamment caractérisée au sens de la jurisprudence de l’Union.

62      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le requérant n’a pu établir aucune violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit à son égard.

63      L’une au moins des trois conditions nécessaires pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union faisant ainsi défaut, il en résulte que le recours en indemnité est manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

64      À titre surabondant, à supposer même que le requérant parvienne à démontrer l’existence d’une violation caractérisée d’une règle de droit, il y a lieu de noter que, en tout état de cause, le lien de causalité fait manifestement défaut.

65      En effet, le requérant fait valoir que s’il avait été entendu par la délégation de l’Union en Algérie ou par la Commission, il aurait pu les convaincre que les reproches qui leur avaient été prétendument rapportés n’étaient pas fondés. Or, il n’apporte aucune preuve de ces allégations, de sorte que, au vu de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, son argument doit être rejeté.

66      En outre, il y a lieu de constater que le préjudice invoqué par le requérant est constitué, d’une part, de la rémunération qu’il aurait perçue si la convention de prestation de services avec S. avait été menée à son terme et, d’autre part, du préjudice moral découlant du fait que la convention avec S. a été brutalement résiliée. Or, il convient de rappeler que la situation juridique du requérant, et, dès lors, sa rémunération, est uniquement régie par la convention le liant à S., sans que la Commission, le SEAE ou la délégation de l’Union en Algérie – parties tierces à ladite convention – puisse juridiquement intervenir à cet égard. Plus particulièrement, les conditions de la rémunération du requérant sont fixées à l’article 4 de ladite convention. Force est donc de conclure que le préjudice matériel invoqué par le requérant trouve son origine dans le fait qu’il a été mis un terme à la convention de prestation de services par S. et non dans le comportement prétendument illégal de la Commission, du SEAE ou de la délégation de l’Union en Algérie (voir, en ce sens, ordonnance du 29 juin 2010, Mauerhofer/Commission, T‑515/08, non publiée, EU:T:2010:260, points 82 à 84).

67      Enfin, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de l’examen du lien de causalité entre le comportement reproché à l’institution de l’Union et le préjudice allégué par la personne lésée, cette dernière, au risque de devoir supporter elle-même le dommage, doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour éviter le préjudice ou en limiter la portée (voir arrêt du 19 juillet 2007, FG Marine/Commission, T‑360/04, EU:T:2007:235, point 51 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 33). Un tel comportement négligent peut, notamment, consister dans le fait que la personne lésée n’a pas utilisé les voies de droit qui étaient à sa disposition pour éviter le préjudice (arrêt du 19 juillet 2007, FG Marine/Commission, T‑360/04, EU:T:2007:235, point 53).

68      Or, force est de constater que le contrat de prestation de services, liant le requérant à S., prévoit en son article 16 que tous litiges qui ne peuvent être résolus à l’amiable seront portés devant le Tribunal de commerce de Nanterre (France) ou le Tribunal de première instance de Bruxelles. Il aurait donc été loisible au requérant de contester la résiliation de la convention de prestation de services devant les tribunaux nationaux compétents au titre d’une violation des obligations découlant de celle-ci afin d’éviter les préjudices qu’il a prétendument subis. Toutefois, le requérant n’a apporté aucun élément qui démontrerait qu’il aurait épuisé la voie d’un recours en indemnité contractuelle devant les tribunaux compétents.

69      Au surplus, s’agissant toujours du lien de causalité, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un défaut de motivation n’est pas susceptible en tant que tel d’engager la responsabilité de l’Union, en particulier parce qu’il n’est pas de nature à démontrer que, en son absence, le sens de l’acte attaqué aurait été différent (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, European Dynamics Luxembourg e.a./OHMI, T‑299/11, EU:T:2015:757, point 142 et jurisprudence citée ). 

70      Le requérant n’est donc pas non plus parvenu à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, de sorte que même à supposer la condition de la violation caractérisée d’une règle de droit remplie, le recours en indemnité demeure manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

71      Au vu de tout ce qui précède, il convient, d’une part, de rejeter le recours comme manifestement irrecevable pour autant qu’il a été introduit à l’encontre de la délégation de l’Union en Algérie, ce sans qu’il soit besoin de lui signifier la requête, et, d’autre part, de rejeter le recours en annulation comme manifestement irrecevable et le recours en indemnité comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le SEAE en tant que le recours est introduit à l’encontre de ce dernier.

 Sur les dépens

72      S’agissant du recours pour autant qu’il est dirigé à l’encontre de la délégation de l’Union en Algérie, la présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à celle-ci et avant qu’elle n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.

73      Pour le surplus, aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et du SEAE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Bernard Spinoit est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 novembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

V. Tomljenović


*      Langue de procédure : le français.

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