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Document 62013CC0293

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 11 décembre 2014.
Fresh Del Monte Produce Inc. contre Commission européenne et Commission européenne contre Fresh Del Monte Produce Inc.
Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen des bananes – Coordination dans la fixation des prix de référence – Notion d’‘unité économique’ entre deux sociétés – Notion d’‘influence déterminante’ – Imputabilité du comportement d’une société à l’autre – Dénaturation d’éléments de preuve – Charge de la preuve – Principe in dubio pro reo – Notion d’‘infraction unique et continue’ – Notion de ‘pratique concertée’ – Notion d’‘infraction par objet’ – Entreprises membres d’une entente – Communication d’informations à la Commission – Obligation légale – Étendue – Droit de ne pas devoir contribuer à sa propre incrimination – Intervenante en première instance – Pourvoi incident – Recevabilité.
Affaires jointes C-293/13 P et C-294/13 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2439

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 11 décembre 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑293/13 P et C‑294/13 P

Fresh Del Monte Produce e.a.

contre

Commission européenne e.a.

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Pratiques concertées — Marché européen de la banane — Unité économique entre société mère et filiale — Réponse volontaire à de simples demandes de renseignements de la Commission — Réduction du montant d’une amende pour coopération avec la Commission au cours de la procédure administrative — Restriction de concurrence ‘par objet’ — Infraction unique et continue»

Table des matières

 

I – Introduction

 

II – Antécédents du litige

 

A – Les relations juridiques entre Del Monte et Weichert

 

B – La procédure administrative et la décision litigieuse

 

III – Procédure devant la Cour et conclusions des parties

 

A – Conclusions dans l’affaire C‑293/13 P

 

B – Conclusions dans l’affaire C‑294/13 P

 

C – Jonction des affaires et audience

 

IV – Analyse des pourvois

 

A – Questions préalables relatives à l’admission de Weichert à participer à la procédure

 

1. L’habilitation de Weichert à présenter un mémoire en réponse

 

2. L’habilitation de Weichert à former des pourvois incidents

 

3. Conclusion intermédiaire

 

B – Le pourvoi principal de Del Monte dans l’affaire C‑293/13 P

 

1. Sur les premier, troisième et quatrième moyens: absence d’unité économique entre Del Monte et Weichert, charge de la preuve, présomption d’innocence

 

a) Sur le premier moyen: critères permettant de conclure à l’existence d’une unité économique

 

i) Recevabilité

 

ii) Bien‑fondé

 

– L’influence de Del Monte sur Weichert (deuxième branche du premier moyen)

 

– Le non‑respect allégué des instructions par Weichert (première branche du premier moyen)

 

b) Sur les troisième et quatrième moyens: charge de la preuve et présomption d’innocence

 

i) Sur le troisième moyen: charge de la preuve

 

ii) Sur le quatrième moyen: présomption d’innocence

 

iii) Conclusion intermédiaire

 

2. Sur le deuxième moyen: dénaturation de certains éléments de preuve

 

a) Les différents griefs tirés d’une dénaturation

 

i) Le grief tiré de la dénaturation de l’accord d’association

 

– Les droits de veto du commanditaire

 

– Les droits de veto du commandité

 

– La nomination et le remplacement du gérant

 

– Le mécanisme d’arbitrage

 

ii) Le grief tiré de la dénaturation de certains autres documents

 

– L’«équilibre des pouvoirs»

 

– Les déclarations émises par d’autres importateurs sur la formation des prix

 

– La lettre d’un avocat externe adressée à Del Monte

 

– Le mémoire issu d’une procédure juridictionnelle nationale

 

– L’absence de consolidation des résultats commerciaux

 

iii) Conclusion intermédiaire

 

b) L’obligation du Tribunal d’examiner les preuves dans leur ensemble

 

3. Sur le cinquième moyen: infraction unique et continue

 

C – Le pourvoi incident formé par Weichert dans l’affaire C‑293/13 P

 

1. Sur le premier moyen: existence d’une pratique concertée

 

a) Le grief tiré de la motivation contradictoire de l’arrêt

 

b) Le grief tiré de la dénaturation de certains éléments de preuve

 

c) Le grief tiré de l’absence d’échange d’informations concernant le futur I

 

d) Conclusion intermédiaire

 

2. Sur le second moyen: la restriction de concurrence «par objet»

 

a) Les critères juridiques pertinents

 

b) L’application des critères juridiques pertinents au cas particulier

 

– La nature et l’objet de l’échange d’informations

 

– La fréquence et la régularité de l’échange d’informations

 

c) Conclusion intermédiaire

 

3. Résumé concernant le pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P

 

D – Le pourvoi principal formé par la Commission dans l’affaire C‑294/13 P

 

1. Sur le premier moyen: la réponse aux demandes de renseignements de la Commission comme fondement d’une réduction du montant de l’amende

 

2. Sur le second moyen: unité économique comme condition de l’extension à la société mère de circonstances atténuantes dont bénéficie la filiale

 

a) Recevabilité

 

b) Bien‑fondé

 

3. Résumé concernant le pourvoi principal dans l’affaire C‑294/13 P

 

E – Les pourvois incidents respectifs de Weichert et de Del Monte dans l’affaire C‑294/13 P: portée du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

 

V – Réévaluation du montant de l’amende

 

VI – Sur les dépens

 

VII – Conclusion

I – Introduction

1.

La présente procédure de pourvoi donne à la Cour l’occasion de prendre position sur deux questions qui ont une importance cruciale pour la pratique administrative future de la Commission européenne en tant qu’autorité de la concurrence.

2.

Tout d’abord, il convient de préciser les conditions juridiques dans lesquelles une société mère peut être tenue pour solidairement responsable des infractions au droit des ententes commises par sa filiale lorsqu’il ne s’agit pas d’une filiale à 100 % ou presque 100 %.

3.

Il convient en outre de clarifier le point de savoir si une circonstance atténuante doit toujours être retenue dans le calcul du montant d’une amende lorsqu’une entreprise répond dûment aux demandes de renseignements de la Commission au cours de la procédure administrative, ou uniquement lorsque l’entreprise fournit des informations à la Commission de sa propre initiative, c’est‑à‑dire non seulement volontairement mais également spontanément.

4.

L’affaire soulève en outre quelques points de détail en rapport avec les notions relevant du droit européen de la concurrence de pratique concertée, de restriction de concurrence par objet ainsi que d’infraction unique et continue.

5.

Toutes ces questions se posent dans le contexte d’un «cartel des bananes» dont les membres se sont rendus coupables de pratiques anticoncurrentielles concertées dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Par décision du 15 octobre 2008 ( 2 ), la Commission a infligé à quelques participants à l’entente des amendes de plusieurs millions d’euros pour infraction à l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE). À la suite du recours introduit par Fresh Del Monte Produce, Inc., le Tribunal de l’Union européenne a, par un arrêt rendu le 14 mars 2013 (affaire T‑587/08) ( 3 ), prononcé une réduction significative du montant de l’amende infligée par la Commission. Il semble que cet arrêt de première instance n’ait pas suscité la satisfaction générale, puisqu’il est à présent attaqué par les parties les plus diverses soit par des pourvois, soit par des pourvois incidents, sur lesquels la Cour doit statuer conjointement.

6.

La présente procédure dans les affaires jointes C‑293/13 P et C‑294/13 P est étroitement liée à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑286/13 P, dans laquelle nous présentons, aujourd’hui également, nos conclusions. Les questions juridiques qu’elle soulève se distinguent toutefois de celles qui se posent en l’espèce, à l’exception de la problématique relative à la restriction de concurrence par objet.

II – Antécédents du litige

A – Les relations juridiques entre Del Monte et Weichert

7.

Le groupe Fresh Del Monte Produce ( 4 ) est l’un des plus grands producteurs, négociants et distributeurs verticalement intégrés de fruits et de légumes frais et fraîchement coupés du monde ainsi qu’un des principaux producteurs et distributeurs de fruits et de légumes préparés, de jus, de boissons, de snacks et de desserts d’Europe, des États‑Unis d’Amérique, du Moyen‑Orient et d’Afrique. Il commercialise ses produits, notamment les bananes, dans le monde entier sous la marque Del Monte.

8.

La société Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert GmbH & Co. KG ( 5 ) était, à l’époque des faits, une société en commandite de droit allemand, principalement impliquée dans la commercialisation de bananes, d’ananas et d’autres fruits exotiques en Europe du Nord. Du 24 juin 1994 au 31 décembre 2002, Del Monte détenait, indirectement, une participation de 80 % dans Weichert à titre de commanditaire, en l’occurrence par sa filiale en pleine propriété Westeuropa‑Amerika‑Linie GmbH, achetée en 1994 par l’intermédiaire de sa filiale Global Reefer Carriers Ltd ( 6 ). Weichert était le distributeur exclusif pour l’Europe du Nord, jusqu’au 31 décembre 2002, des bananes de marque Del Monte.

B – La procédure administrative et la décision litigieuse

9.

La procédure administrative introduite par la Commission avait pour objet une pratique concertée de plusieurs entreprises actives dans le commerce des bananes (ci‑après les «entreprises concernées»), dont Weichert et, par Weichert, Del Monte également, consistant à coordonner les prix de référence des bananes commercialisées en Europe du Nord durant les années 2000, 2001 et 2002.

10.

D’après les constatations du Tribunal, les bananes sont généralement expédiées vertes par bateau à partir de ports d’Amérique latine vers l’Europe du Nord, où elles sont, la plupart du temps, débarquées une fois par semaine.

11.

Elles sont soit livrées directement aux acheteurs européens encore vertes, soit jaunes, après environ sept jours de maturation. La maturation peut soit être exécutée par l’importateur ou en son nom, soit être organisée par l’acheteur. Les clients des importateurs sont généralement des mûrisseurs ou des chaînes de détail.

12.

Au cours de la période concernée, la formation des prix de ces bananes en Europe du Nord était organisée en cycles hebdomadaires sur la base des prix de référence pour les bananes vertes. Le prix de référence pour les bananes jaunes se composait normalement de l’offre pour les bananes vertes majorée d’une redevance de maturation. Les prix payés par les détaillants et les distributeurs pour les bananes (appelés «prix réels» ou «prix de transaction») résultaient soit de négociations ayant lieu sur une base hebdomadaire, généralement le jeudi après‑midi ou le vendredi, soit de la mise en œuvre de contrats de fourniture avec des formules de tarification préétablies.

13.

D’une part, les entreprises concernées se sont engagées dans des communications bilatérales de prétarification au cours desquelles elles discutaient des facteurs pertinents pour la fixation hebdomadaire des prix de référence, ou ont débattu ou révélé les tendances suivies par les prix ou donné des indications sur les prix de référence pour des semaines à venir. Ces communications avaient lieu avant que les parties n’établissent leur prix de référence, généralement le mercredi, et se rapportaient toutes aux futurs prix de référence. Ces communications bilatérales visaient à réduire l’incertitude liée au comportement des parties en ce qui concerne les prix de référence qu’elles devaient établir dans la matinée du jeudi.

14.

D’autre part, les entreprises concernées s’échangeaient leurs prix de référence de manière bilatérale après l’établissement de leurs prix de référence le jeudi matin. Cet échange d’informations leur permettait de contrôler les décisions de tarification individuelles au vu des communications de prétarification intervenues auparavant et renforçaient leurs liens de coopération.

15.

Ces prix de référence servaient, à tout le moins, de signaux, de tendances et/ou d’indications pour le marché en ce qui concerne l’évolution envisagée du prix des bananes. En outre, dans certaines transactions, le prix était directement lié aux prix de référence en application de formules fixées contractuellement.

16.

Les informations reçues de la part des concurrents étaient nécessairement prises en compte par les entreprises concernées lors de la définition de leur comportement sur le marché, ce que Chiquita Brands International Inc. (ci‑après «Chiquita») et Dole Food Company, Inc. (ci‑après «Dole») ont même expressément admis.

17.

Le 8 avril 2005, Chiquita a déposé auprès de la Commission une demande d’immunité au titre de la communication sur la coopération de 2002 ( 7 ). Après avoir procédé à des inspections au sein de différentes entreprises, et notamment dans les locaux de Del Monte et Weichert, et envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé, le 20 juillet 2007, une communication des griefs à de nombreuses entreprises actives dans le commerce des bananes. Dans la suite de la procédure administrative, les entreprises concernées ont obtenu l’accès au dossier et elles ont été auditionnées du 4 au 6 février 2008. Le 15 octobre 2008, la Commission a finalement adopté la décision litigieuse.

18.

Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que plusieurs entreprises, dont Del Monte et Weichert, avaient enfreint les dispositions de l’article 81 [CE] en participant à une pratique concertée consistant à coordonner les prix de référence pour les bananes. Géographiquement, cette infraction concernait la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays‑Bas, l’Autriche, la Finlande et la Suède ( 8 ). La Commission a constaté que la période de participation de Del Monte et Weichert à l’infraction s’étendait du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ( 9 ).

19.

Elle considère que la pratique concertée a eu une incidence appréciable sur les échanges entre les États membres compte tenu du fait que le marché transfrontalier de la banane en Europe du Nord se caractérisait par un volume commercial substantiel entre les États membres et que les accords collusoires couvraient une partie importante de la Communauté.

20.

La Commission a conclu que les communications de prétarification, qui ont eu lieu entre Dole et Chiquita et entre Dole et Weichert, étaient susceptibles d’influer sur les prix pratiqués par les opérateurs et étaient relatives à la fixation des prix et qu’elles ont donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE.

21.

Elle a qualifié tous les accords collusoires décrits dans la décision litigieuse d’«infraction unique et continue» ayant pour objet de restreindre la concurrence au sein de la Communauté au sens de l’article 81 CE. La Commission a tenu Chiquita et Dole pour responsables de l’infraction dans sa globalité, tandis qu’elle n’a tenu Weichert pour responsable que de la partie de l’infraction à laquelle elle a participé, à savoir la partie de l’infraction qui concernait les accords collusoires avec Dole.

22.

Dans la décision litigieuse, la Commission a infligé des amendes à plusieurs entreprises concernées au titre de leur participation à l’infraction. Elle a condamné Weichert et Del Monte solidairement à une amende de 14,7 millions d’euros ( 10 ). Selon la Commission, le fait que Del Monte avait, conjointement avec les associés commandités de Weichert, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur la façon dont Weichert gérait ses affaires et avait exercé de fait une telle influence au cours de la période infractionnelle, de sorte que cette dernière entreprise ne pouvait pas déterminer sa propre attitude sur le marché de manière indépendante et constituait, avec Del Monte, une unité économique, était déterminant pour retenir cette responsabilité solidaire.

23.

Plusieurs destinataires de la décision litigieuse ont sollicité, en première instance, la protection juridictionnelle du Tribunal en introduisant des recours en annulation. Del Monte a introduit un recours le 31 décembre 2008 et a été soutenue dans ses conclusions par Weichert en tant que partie intervenante. Le recours a été accueilli dans la mesure où, par un arrêt du 14 mars 2013, le Tribunal a réduit le montant de l’amende infligée solidairement à Del Monte et Weichert par la Commission à 8,82 millions d’euros. Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus et a condamné Del Monte à supporter ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission, alors que Weichert a été condamnée à supporter ses propres dépens et la Commission à supporter un quart des siens.

III – Procédure devant la Cour et conclusions des parties

24.

Plusieurs pourvois et pourvois incidents ont été formés contre l’arrêt du Tribunal. Dans l’affaire C‑293/13 P, Del Monte a formé un pourvoi par mémoire du 24 mai 2013, et Weichert a formé un pourvoi incident par mémoire du 7 août 2013. Dans l’affaire C‑294/13 P, la Commission a formé un pourvoi par mémoire du 27 mai 2013, et Del Monte ainsi que Weichert ont respectivement formé un pourvoi incident le 1er et le 7 août 2013.

A – Conclusions dans l’affaire C‑293/13 P

25.

Par son pourvoi dans l’affaire C‑293/13 P, Del Monte demande à la Cour en tant que requérante au pourvoi:

d’annuler l’arrêt du Tribunal du 14 mars 2013 dans l’affaire T‑587/08 (EU:T:2013:129),

d’annuler la décision litigieuse pour autant qu’elle concerne la requérante au pourvoi, et

de condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et de pourvoi.

26.

Pour sa part, la Commission demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi, et

de condamner la requérante au pourvoi aux dépens.

27.

En revanche, Weichert demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi de Del Monte en tant qu’il porte sur la responsabilité de la société mère,

d’accueillir le pourvoi de Del Monte en tant qu’il porte sur l’infraction unique et continue,

d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse dans son intégralité,

à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il confirme la décision litigieuse sur l’infraction unique et continue et de réduire le montant de l’amende infligée à Del Monte et Weichert en conséquence, puis

de condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et de pourvoi.

28.

Par son pourvoi incident dans la procédure C‑293/13 P, Weichert demande en outre à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué,

d’annuler la décision litigieuse, et

de condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et de pourvoi.

29.

Dans sa réponse au pourvoi incident, Del Monte soutient, en substance, les conclusions de Weichert ( 11 ), alors que la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident avec condamnation aux dépens.

B – Conclusions dans l’affaire C‑294/13 P

30.

Par son pourvoi dans l’affaire C‑294/13 P, la Commission demande à la Cour en tant que requérante au pourvoi:

d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué,

de statuer définitivement en fixant le montant de l’amende infligée à Del Monte à 9800000 euros, et

de condamner Del Monte à la totalité des dépens du pourvoi et à la part des dépens de la procédure devant le Tribunal que la Cour jugera adéquate.

31.

Pour sa part, Del Monte demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi de la Commission, et

de condamner la Commission aux dépens.

32.

Weichert demande, quant à elle, à la Cour:

de rejeter le pourvoi de la Commission dans son intégralité, et

de condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et de pourvoi.

33.

Dans son pourvoi incident dans l’affaire C‑294/13 P, Weichert demande en outre à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il retient que Weichert ne saurait se prévaloir du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination,

de réduire le montant de l’amende infligée solidairement à Weichert et à Del Monte, de façon à prendre en compte le fait que Weichert a coopéré avec la Commission au‑delà de son obligation en répondant aux demandes de renseignements,

d’annuler la décision litigieuse, et

de condamner la Commission aux dépens de la procédure de première instance et de pourvoi.

34.

Dans sa réponse à ce pourvoi incident, Del Monte demande à la Cour, dans l’éventualité où la Cour accueillerait le pourvoi formé par la Commission:

d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il retient, en son point 839, que le droit au silence ne s’applique pas à de simples demandes de renseignements de la Commission,

de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur les questions de savoir si les renseignements demandés par la Commission étaient bien de nature auto‑incriminante, et si Weichert et Del Monte devaient, par conséquent, se voir accorder une réduction du montant de l’amende, et

de condamner la Commission aux dépens.

35.

Par son propre pourvoi incident dans l’affaire C‑294/13 P, Del Monte formule les mêmes conclusions.

36.

Pour sa part, la Commission conclut au rejet des deux pourvois incidents avec condamnation aux dépens.

C – Jonction des affaires et audience

37.

Par ordonnance du 22 juillet 2014, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal a joint les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P aux fins de la procédure orale et de l’arrêt. L’audience devant la Cour a eu lieu le 9 octobre 2014.

IV – Analyse des pourvois

A – Questions préalables relatives à l’admission de Weichert à participer à la procédure

38.

Avant d’examiner en détail les moyens invoqués par les différentes parties à la procédure dans leurs pourvois principaux et incidents, il convient de vérifier si Weichert peut valablement participer aux deux procédures de pourvoi dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P. La Commission a émis des doutes sur ce point.

39.

L’objection d’irrecevabilité opposée par la Commission doit s’analyser au regard du fait que Weichert, en tant que destinataire de la décision litigieuse, n’a pas respecté le délai imparti pour introduire son propre recours en annulation contre cette décision ( 12 ). La décision litigieuse est donc devenue définitive à l’égard de Weichert ( 13 ).

40.

Weichert ne pouvait participer à la procédure devant le Tribunal que parce que le Tribunal l’avait autorisée à intervenir au soutien des conclusions de Del Monte. Même si l’on peut avoir de sérieux doutes quant à la justesse de cette démarche, la légalité de l’intervention de Weichert en première instance ne fait pas, en tant que telle, l’objet de la présente procédure de pourvoi.

41.

Sur la base de sa qualité de partie intervenante en première instance, Weichert a participé à la présente procédure de pourvoi tant dans l’affaire C‑293/13 P que dans l’affaire C‑294/13 P en présentant, dans chaque cas, un mémoire en réponse ainsi qu’un pourvoi incident. Ces deux types de participation à la procédure doivent être soigneusement distingués l’un de l’autre.

1. L’habilitation de Weichert à présenter un mémoire en réponse

42.

Conformément à l’article 172 du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne, toute partie à l’affaire en cause devant le Tribunal ayant un «intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi» peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi.

43.

En principe, les parties intervenues en première instance comme Weichert peuvent donc aussi participer à la procédure de pourvoi en présentant un mémoire en réponse, à condition qu’elles aient un «intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi» introduit par une autre partie à la procédure.

44.

L’intérêt à participer à une telle procédure de pourvoi n’équivaut pas nécessairement à l’intérêt dont il convient de justifier pour être admis à intervenir au litige en première instance (article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne). Par conséquent, il n’y a pas d’automatisme entre l’admission à intervenir à la procédure devant le Tribunal et la possibilité de participer à la procédure de pourvoi devant la Cour. Au contraire, l’intérêt à participer à chacune de ces procédures s’apprécie toujours au regard de l’objet du litige en cause. Alors que, devant le Tribunal, la décision litigieuse et sa légalité constituent l’objet du litige, devant la Cour, celui‑ci porte sur l’arrêt attaqué et sur sa confirmation ou son annulation pour des motifs juridiques.

45.

En s’inspirant de la jurisprudence constante relative à l’intérêt à agir, l’existence d’un intérêt à participer à la procédure de pourvoi devrait toujours être admise lorsque cette procédure est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui présente un mémoire en réponse ( 14 ). Un tel bénéfice ne doit pas nécessairement être de nature juridique. Un intérêt économique ou moral peut aussi, selon le cas, justifier la participation à la procédure de pourvoi.

46.

En l’espèce, contrairement à ce que la Commission semble sous‑entendre, Weichert a, à l’évidence, un intérêt à l’issue des deux procédures de pourvoi dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P. En effet, dans les deux affaires, l’accueil ou le rejet des pourvois principaux formés par Del Monte (C‑293/13 P) et la Commission (C‑294/13 P) ainsi que du pourvoi incident formé par Del Monte (C‑293/13 P) auront des conséquences juridiques et économiques notables pour Weichert.

47.

Certes, Weichert ne peut plus, en principe, remettre en cause sa propre participation à l’infraction ni son obligation au paiement d’une amende puisqu’elle n’a pas elle‑même attaqué la décision litigieuse en temps utile, et que celle‑ci est donc devenue définitive à son égard. Toutes les conclusions et tous les arguments exposés dans les mémoires en réponse ainsi que dans les argumentations orales de Weichert tendant à faire annuler la décision litigieuse sont dès lors irrecevables.

48.

Toutefois, selon ce que la Cour décidera dans l’affaire C‑293/13 P, Weichert devra verser l’amende fixée soit seule, soit solidairement avec Del Monte, étant entendu qu’elle pourra, dans le cadre de leur relation interne de solidarité, agir, le cas échéant, contre Del Monte en répétition, totale ou partielle, des sommes versées. De même, selon ce que la Cour décidera dans l’affaire C‑294/13 P, le montant de l’amende dont Weichert est solidairement responsable sera plus ou moins élevé. Il est dans l’intérêt légitime de Weichert de présenter des observations sur toutes les questions juridiques y afférentes, ce qui justifie son intervention devant la Cour.

49.

Dans cette mesure, Weichert était donc fondée, en vertu de l’article 172 du règlement de procédure, à présenter un mémoire en réponse dans les deux affaires et, ainsi, à participer à la procédure de pourvoi, tout en se limitant aux aspects que nous venons d’évoquer au point 48.

2. L’habilitation de Weichert à former des pourvois incidents

50.

Il en va différemment des deux pourvois incidents formés par Weichert dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P.

51.

Conformément aux dispositions combinées de l’article 172 et de l’article 176, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, l’introduction d’un pourvoi incident est bien soumise également à la condition que la partie ayant formé le pourvoi incident ait été partie à l’affaire en cause devant le Tribunal et qu’elle ait un «intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi».

52.

Toutefois, cela ne suffit pas. Conformément à l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour, une partie intervenante non privilégiée de première instance ne peut former un pourvoi que lorsque, de surcroît, la décision du Tribunal l’«affecte directement». Cette disposition statutaire, qui est ancrée dans le droit primaire et qui prime donc sur le règlement de procédure de la Cour, serait vidée de son sens si l’on lui conférait simplement le même contenu que celui de l’exigence tenant à l’«intérêt à l’accueil ou au rejet du pourvoi», qui est de toute façon déjà applicable en vertu de l’article 172 du règlement de procédure.

53.

En d’autres termes, la partie intervenante non privilégiée de première instance doit donc remplir une condition de recevabilité supplémentaire si elle veut elle‑même former un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal ( 15 ). Cette rigidité s’explique par la position procédurale du requérant au pourvoi qui peut finalement influencer l’objet du litige devant la Cour par les moyens et arguments de droit qu’il invoque. Les autres intervenants, qui se contentent de répondre à un pourvoi déjà introduit, n’ont pas cette possibilité.

54.

De même, la partie intervenante non privilégiée de première instance, qui veut former un pourvoi incident, doit également être directement affectée par la décision litigieuse du Tribunal. En effet, d’une part, le règlement de procédure de la Cour ne comporte aucune indication laissant entendre que les conditions de recevabilité sont moins strictes pour les pourvois incidents en particulier et, d’autre part, l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour s’applique sans distinction à tous les types de pourvois, que ce soient des pourvois principaux ou des pourvois incidents.

55.

Si le pourvoi incident est accessoire par rapport au pourvoi principal ( 16 ), il permet toutefois à la partie ayant formé le pourvoi incident d’influencer, de la même manière que le requérant au pourvoi principal, l’objet du litige devant la Cour par ses propres moyens et arguments de droit, d’autant plus que les arguments qu’il invoque dans son pourvoi incident doivent se distinguer des moyens et arguments qu’il a fait valoir dans son mémoire en réponse (article 178, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour). C’est pourquoi l’«affectation directe» en tant que condition de recevabilité supplémentaire, qui va au‑delà de la simple exigence tirée d’un intérêt à l’issue de la procédure (article 172 lu en combinaison avec l’article 176, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour), est également justifiée pour le pourvoi incident.

56.

Néanmoins que signifie cette condition de recevabilité concrètement?

57.

Est directement affecté au sens de l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour le requérant au pourvoi ou la partie ayant formé le pourvoi incident lorsque l’arrêt attaqué entraîne une modification défavorable de sa situation juridique ou de ses intérêts économiques ou immatériels. Cet arrêt doit donc lui causer un préjudice de fond.

58.

S’agissant de Weichert, tel n’est pas le cas en l’espèce.

59.

L’arrêt entraîne une nette réduction du montant de l’amende à laquelle Del Monte et Weichert ont été solidairement condamnées. Cette situation n’a pas porté préjudice à Weichert, mais l’a plutôt favorisée.

60.

Il est vrai que Weichert subit bel et bien un préjudice dans la mesure où sa participation à une infraction à l’article 81 CE est constatée et que le paiement d’une amende, bien que sensiblement inférieure, lui est réclamé. Toutefois, ce préjudice causé à Weichert résulte directement non pas de l’arrêt attaqué, mais de la décision litigieuse.

61.

En revanche c’est la seule et unique responsabilité de Del Monte dans l’infraction qui constitue l’objet du litige de la présente procédure. Par son recours en annulation présenté au Tribunal, Del Monte a uniquement demandé l’annulation des articles 1er à 4 de la décision litigieuse, dans la mesure où ceux‑ci la (c’est‑à‑dire Del Monte) concernent ( 17 ) . Par conséquent, le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, ne s’occupe également que de la responsabilité de Del Monte. Le Tribunal n’examine le comportement de Weichert que si cela présente un intérêt pour apprécier la responsabilité de Del Monte.

62.

Si Weichert avait voulu contester sa propre responsabilité dans l’infraction devant le Tribunal, elle aurait sans aucun doute été fondée, en tant que destinataire de la décision litigieuse, contrairement aux intervenants dans les affaires tranchées jusqu’à maintenant par la Cour sur cette problématique ( 18 ), à introduire elle‑même un recours en annulation devant le Tribunal (article 263, quatrième alinéa, premier cas de figure, TFUE). Cependant, Weichert n’a pas exercé son droit de recours en temps utile, de sorte que la décision litigieuse est devenue définitive à son égard. Comme cela a déjà été mentionné ( 19 ), Weichert ne peut pas contourner ce caractère définitif en formant des pourvois incidents dans les procédures judiciaires engagées par d’autres destinataires de la décision litigieuse concernant leur responsabilité respective.

63.

La possibilité de participer à la procédure de première instance offerte à l’intervenant non privilégié ainsi que son droit d’attaquer la décision rendue en première instance par le Tribunal en formant son propre pourvoi ne peuvent pas être utilisés de manière abusive pour compenser le fait que cette partie a laissé passer le délai d’introduction de son propre recours en annulation. La voie de recours tirée du pourvoi incident n’est pas ouverte aux profiteurs.

64.

La présente affaire offre à la Cour une occasion rare d’apporter des précisions sur cette subtilité procédurale, qui ne devraient pas rester sans incidence sur de futures affaires de concurrence et, d’une manière générale, sur la procédure de pourvoi.

65.

Étant donné que l’arrêt attaqué n’affecte pas directement Weichert au sens procédural, ses deux pourvois incidents dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P ne satisfont pas aux exigences de recevabilité visées à l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour. Ils sont irrecevables.

3. Conclusion intermédiaire

66.

En somme, la participation de Weichert à la procédure n’est recevable que dans la mesure où elle répond aux pourvois dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P afin de protéger ses intérêts légitimes au regard de sa responsabilité solidaire avec Del Monte. En revanche, n’étant pas directement affectée au sens de l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour, elle n’est pas fondée à faire valoir des moyens propres par la voie de pourvois incidents contre l’arrêt attaqué, qui vont au‑delà de l’objet du litige des deux pourvois principaux dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P.

B – Le pourvoi principal de Del Monte dans l’affaire C‑293/13 P

67.

Le pourvoi formé par Del Monte dans l’affaire C‑293/13 P, qui est fondé sur non moins de cinq moyens, est essentiellement consacré aux relations entre Del Monte et Weichert. Il convient d’examiner les différents moyens dans un ordre légèrement modifié.

1. Sur les premier, troisième et quatrième moyens: absence d’unité économique entre Del Monte et Weichert, charge de la preuve, présomption d’innocence

68.

Del Monte reproche au Tribunal d’avoir retenu à tort sa responsabilité solidaire au titre des infractions au droit des ententes commises par Weichert. Ce grief est exposé tout d’abord dans le cadre du premier moyen du pourvoi, relatif à une violation de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no1/2003 ( 20 ). En outre, les troisième et quatrième moyens dans l’affaire C‑293/13 P sont également consacrés à la même problématique, en examinant toutefois la question de la coresponsabilité de Del Monte sous l’angle de la charge de la preuve (troisième moyen) et de la présomption d’innocence – principe in dubio pro reo – (quatrième moyen). Étant donné que ces moyens se recoupent quant à leur contenu, nous les examinerons tous les trois ensemble dans les développements suivants.

a) Sur le premier moyen: critères permettant de conclure à l’existence d’une unité économique

69.

Dans le cadre de son premier moyen, Del Monte fait valoir que le Tribunal a retenu à tort l’existence d’une unité économique entre elle et Weichert. À cet égard, Del Monte se fonde très largement sur une série d’arguments qui sont en rapport avec les éléments concrets de cette affaire et qui ont trait, en substance, à la structure de Weichert en tant que société en commandite de droit allemand, à l’accord de distribution conclu entre Del Monte et Weichert, aux discussions entre Weichert et Del Monte ainsi qu’à la politique tarifaire de Weichert.

i) Recevabilité

70.

La Commission ainsi que Weichert, curieusement, réfutent cette argumentation et considèrent qu’il s’agit d’une remise en cause illicite de l’appréciation des faits et des éléments de preuve du Tribunal.

71.

En effet, ce premier moyen balance de manière à peine sensible entre des questions d’appréciation des faits et des preuves, d’un côté, et des problèmes de qualification juridique des faits, d’un autre côté. Alors que la Cour, statuant sur pourvoi, n’est pas compétente en matière d’appréciation des faits et des preuves, à l’exception d’un éventuel grief de dénaturation, la qualification juridique des faits est soumise à son contrôle dans le cadre de la procédure de pourvoi ( 21 ). La Cour est appelée à contrôler si, lors de l’examen de la légalité de la décision litigieuse, le Tribunal a appliqué des critères juridiques corrects et s’il a tiré des conclusions juridiques pertinentes des faits constatés ( 22 ).

72.

Le premier moyen de Del Monte n’est donc recevable que dans la mesure où il reproche au Tribunal d’avoir méconnu les critères juridiques applicables en droit européen de la concurrence pour établir l’existence d’une unité économique entre deux ou plusieurs sociétés. Dans le cadre de l’examen de l’argumentation de Del Monte, la Cour devrait toutefois résister à la tentation de substituer sa propre appréciation des faits et des éléments de preuve à celle du Tribunal, ce pour quoi elle ne serait pas compétente. Si la Cour ne veut pas que la procédure de pourvoi dégénère en procédure d’appel, elle doit s’en tenir strictement aux faits constatés par le Tribunal.

ii) Bien‑fondé

73.

En vertu d’une jurisprudence constante, une infraction aux règles de concurrence commise par une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui existent entre ces deux entités juridiques ( 23 ).

74.

En d’autres termes, la société mère peut donc être tenue pour coresponsable des infractions au droit des ententes commises par sa filiale si, au moment de l’infraction, cette dernière était sous l’influence déterminante de sa société mère ( 24 ). À cet égard, il importe peu que la société mère ait exercé cette influence sur la filiale seule ou conjointement avec d’autres sociétés.

75.

Si l’on peut pas parler non pas d’une relation mère‑filiale classique entre Del Monte et Weichert, mais plutôt d’un partenariat entre Del Monte et la famille W. ( 25 ), l’on peut toutefois aisément transposer les critères précités à ce genre de partenariat. Toutes les parties étaient d’accord sur ce point, et le Tribunal est, à juste titre, également parti de ce principe ( 26 ).

76.

Étant donné que Del Monte ne détenait ni 100 % ni la quasi‑totalité du capital de Weichert, il ne pouvait pas y avoir, en l’espèce, de présomption réfragable de l’exercice d’une influence déterminante de Del Monte sur Weichert ( 27 ), mais celle‑ci devait être positivement établie par la Commission ( 28 ).

77.

Après avoir analysé l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal considère, dans l’arrêt attaqué, que la Commission a réussi cette démonstration ( 29 ). À cet effet, le Tribunal s’appuie sur une conjonction de différentes circonstances propres à la présente espèce, à savoir:

les liens entre Del Monte et la famille W. sous la forme d’une société en commandite de droit allemand, étant précisé que, si Del Monte était une simple associée commanditaire, elle détenait toutefois 80 % des parts sociales et disposait de certains droits de veto;

l’accord de distribution conclu entre Del Monte et Weichert qui avait, en pratique, amené Del Monte à devenir le fournisseur exclusif de bananes de Weichert et, en contrepartie, à faire de cette dernière le distributeur exclusif des bananes de Del Monte en Europe du Nord;

le flux d’informations entre Weichert et Del Monte, par lequel Weichert informait Del Monte régulièrement et en détail de la gestion quotidienne de ses affaires, ainsi que

les discussions relatives à la politique tarifaire et à l’approvisionnement de Weichert, dans le cadre desquelles Del Monte et Weichert échangeaient des informations de manière intensive, voire parfois controversée, sur la commercialisation et la politique de tarification des bananes de Weichert.

78.

Comme cela a déjà été indiqué, il serait tout à fait contraire au sens d’une procédure de pourvoi que la Cour réexamine à présent l’ensemble des éléments de preuve et qu’elle substitue son appréciation à celle du Tribunal. Au stade du pourvoi, la Cour peut seulement contrôler si, sur la base des constatations matérielles formulées dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué les critères corrects d’un point de vue juridique.

79.

Il est à noter que l’existence d’une unité économique peut ainsi être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité ( 30 ). Il convient donc de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes de l’espèce et les conclusions qu’en tire le Tribunal sans se focaliser, comme Del Monte tente de le faire, sur certaines de ces circonstances en particulier.

80.

Étant donné, de surcroît, que chaque affaire présente ses particularités, la question de savoir s’il existe, dans la jurisprudence de la Cour ou du Tribunal, des précédents dont les circonstances sont strictement identiques ou similaires à la présente espèce, n’a pas non plus une importance déterminante.

81.

Cela étant dit, nous examinerons ci‑après les deux griefs soulevés par Del Monte, par lesquels celle‑ci réfute l’exercice d’une influence déterminante sur Weichert, d’une part, et entend de toute façon remettre en cause le succès d’une telle influence, d’autre part.

– L’influence de Del Monte sur Weichert (deuxième branche du premier moyen)

82.

Tout d’abord, Del Monte conteste avoir exercé une quelconque influence déterminante sur Weichert. Selon Del Monte, les éléments dont la Commission a déduit, avec l’approbation du Tribunal, qu’une influence déterminante avait été exercée ne respectaient pas les exigences juridiques relatives à la coresponsabilité d’une société au titre des infractions au droit des ententes commises par une autre société. À cet égard, Del Monte reproche au Tribunal une «mauvaise interprétation du critère de responsabilité d’une société mère».

83.

Les arguments sur lesquels Del Monte fonde ce reproche sont regroupés, en substance, autour de deux problématiques relatives, d’une part, à la question de savoir si Del Monte était en mesure d’exercer une influence déterminante et, d’autre part, à la question de savoir si une telle influence a effectivement été exercée.

84.

Concernant tout d’abord les possibilités d’exercice d’une influence déterminante, Del Monte indique que, dans le partenariat avec la famille W., qui avait pris la forme juridique d’une société en commandite de droit allemand, elle a simplement joué le rôle de l’associé commanditaire, qu’elle a été exclue de la gestion commerciale et qu’elle ne disposait d’ailleurs que d’un droit de regard limité. À cet égard, Del Monte cite le code de commerce allemand et l’accord d’association applicable à Weichert.

85.

D’un point de vue juridique, il convient de noter que le point de savoir si une filiale est en mesure de décider de façon autonome de son comportement sur le marché ou si elle est soumise à l’influence déterminante d’une autre société ne saurait être apprécié qu’au regard des seules règles du droit des sociétés (dispositions légales mais aussi conventions figurant dans les accords d’association). Il est tout à fait vrai qu’il y a lieu de prendre en compte les compétences des différents organes et des associés. Ce sont cependant les réalités économiques qui sont au final décisives. En effet, le droit de la concurrence s’oriente non pas aux formes des entreprises, mais au comportement effectif de celles‑ci ( 31 ).

86.

Certes, la position au regard du droit des sociétés d’une associée commanditaire qui est exclue de la gestion commerciale ne suffit pas, en soi, à présumer qu’une influence déterminante peut être exercée. Toutefois, l’on peut aisément concevoir que viennent s’ajouter d’autres éléments d’ordre économique, organisationnel et juridique, qui confèrent eux‑mêmes tellement de pouvoir à une simple associée commanditaire qu’elle peut de facto exercer une influence déterminante sur la société concernée.

87.

Ce sont précisément ces éléments que le Tribunal a constatés en l’espèce.

88.

Premièrement, le Tribunal a mentionné les droits de veto de Del Monte au sein de la structure sociale de Weichert. Si ces droits de veto ne suffisaient pas, en soi, à caractériser un contrôle exclusif de Del Monte sur Weichert de iure, il n’est toutefois pas exclu qu’ils aient entraîné, en lien avec d’autres éléments, un contrôle exclusif de facto ( 32 ). En tout état de cause, ils peuvent être considérés comme constituant la base d’un contrôle conjoint entre Del Monte et la famille W., ce qui, d’après la jurisprudence récente, peut suffire pour imputer la responsabilité en vertu du droit des ententes ( 33 ).

89.

Au reste, il n’est pas nécessaire juridiquement que ces droits de veto portent sur des mesures de gestion courante ni, concrètement, sur le comportement de la société sur le marché, puisqu’il suffit simplement que ces droits de veto confèrent, d’une manière générale, à l’associé concerné une influence suffisante sur la politique commerciale de la société au sens le plus large ( 34 ).

90.

D’après les constatations du Tribunal, les droits de veto de Del Monte se rapportaient, entre autres, à des décisions importantes de l’assemblée des associés sur les budgets ou les plans d’investissement ou de dotation en personnel ( 35 ). Normalement, de tels droits de veto confèrent à un associé une influence factuelle considérable sur la politique commerciale, même s’ils ne lui permettent pas, d’un point de vue purement juridique, de participer à la gestion quotidienne des affaires.

91.

Deuxièmement, le Tribunal a souligné que Del Monte détenait, en qualité de commanditaire, 80 % des parts sociales de Weichert. Le Tribunal en a déduit que Del Monte avait une motivation économique importante à exercer une influence sur Weichert ( 36 ).

92.

Troisièmement, le Tribunal s’est fondé sur l’accord de distribution conclu entre Del Monte et Weichert qui avait, en pratique, amené Del Monte à devenir le fournisseur exclusif de bananes de Weichert et, en contrepartie, à faire de cette dernière le distributeur exclusif des bananes de Del Monte en Europe du Nord ( 37 ).

93.

Une telle relation d’exclusivité, surtout lorsqu’elle va de pair avec le statut d’actionnaire de loin le plus important du distributeur concerné, est normalement susceptible de créer une situation de dépendance économique et organisationnelle et de permettre l’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale.

94.

La question de savoir si une telle dépendance entre Del Monte et Weichert existait réellement en l’espèce est de nature purement factuelle, et son appréciation incombe dès lors au Tribunal seul. En toute hypothèse, rien ne s’opposait, en droit, à ce que le Tribunal conclue que, compte tenu de l’ensemble de ses liens économiques et structurels avec Weichert qui ont été constatés dans la procédure de première instance, Del Monte était en mesure d’exercer une influence déterminante sur cette société en dépit de son statut de commanditaire.

95.

Au demeurant, il n’est pas nécessaire d’examiner si Del Monte disposait juridiquement de possibilités suffisantes d’exercer une influence déterminante et si Del Monte avait de iure le contrôle exclusif sur Weichert, ou si elle devait partager ce contrôle avec la famille W., dès lors qu’il est simplement établi que Del Monte a de facto exercé une influence déterminante ( 38 ).

96.

Concernant à présent cet exercice effectif d’une influence déterminante, il ressort des constatations du Tribunal que Del Monte s’informait auprès de Weichert de manière continue et détaillée de sa gestion quotidienne des affaires sur le marché de la banane, étant précisé que cette information allait bien au‑delà de ce qui correspondait aux droits de Del Monte au titre de l’accord d’association ainsi que de l’accord de distribution ( 39 ). Néanmoins surtout, les constatations du Tribunal ( 40 ) montrent que Del Monte a, à de nombreuses reprises, expressément et directement donné des instructions en ce qui concerne la commercialisation et la politique de tarification des bananes vendues par Weichert sous la marque Del Monte ( 41 ).

97.

Ainsi le Tribunal disposait de plusieurs éléments de preuve lui permettant de conclure à bon droit que Del Monte avait effectivement exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de Weichert, et qu’elle s’était même directement immiscée dans le comportement de Weichert sur le marché. Le Tribunal pouvait valablement considérer l’existence d’instructions concrètes de Del Monte concernant la commercialisation de ses bananes et la politique tarifaire y afférente comme un indice particulièrement évident de l’existence d’une influence déterminante de cette société sur Weichert ( 42 ).

98.

S’il est vrai que l’on aurait éventuellement pu interpréter les preuves d’une manière différente du Tribunal, il n’appartient toutefois pas à la Cour, en tant que juridiction statuant sur pourvoi, de substituer sa propre appréciation à l’appréciation souveraine et juridiquement fondée du Tribunal en matière de preuves.

– Le non‑respect allégué des instructions par Weichert (première branche du premier moyen)

99.

Par ailleurs, Del Monte réfute l’argument selon lequel son influence sur Weichert a été couronnée de succès. En substance, Del Monte fait valoir que Weichert n’a pas exécuté, en pratique, toutes les instructions de Del Monte et qu’elle a même été impliquée dans des litiges (judiciaires et extrajudiciaires) l’opposant à Del Monte. Dans ces conditions, Del Monte estime que le Tribunal n’aurait pas dû conclure à l’existence d’une unité économique entre Del Monte et Weichert ni à l’exercice d’une influence déterminante de Del Monte sur Weichert.

100.

Comme cela a déjà été indiqué, l’on ne peut conclure à l’existence d’une unité économique entre deux sociétés que lorsque l’une d’entre elles ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par l’autre ( 43 ).

101.

Cependant, ce critère ne saurait être interprété erronément en ce sens que l’une des sociétés doit appliquer sans exception toutes les instructions de l’autre et qu’il ne doit y avoir aucune divergence de vues entre elles, lesdites instructions devant être appliquées uniquement pour l’essentiel. L’une des sociétés ne doit pas non plus étouffer dans l’œuf tout rejet par l’autre société de son influence ou toute contestation juridique de l’autre société afin de démontrer son influence, et donc l’unité économique.

102.

Même dans les structures classiques de groupe, les divergences de vues ne sont pas rares. Il arrive que des instructions adressées par des sociétés mères à leurs filiales à 100 % ou presque 100 % ne soient pas appliquées et que des instructions très importantes soient même violées. Ainsi, il est courant que, dans le cadre de programmes de mise en conformité, des sociétés mères adressent à toutes leurs filiales des instructions dites de mise en conformité, par lesquelles elles exhortent celles‑ci à n’adopter aucune pratique commerciale anticoncurrentielle. Le non‑respect éventuel de ces instructions de mise en conformité, dont l’importance est incontestable non seulement pour les activités commerciales mais aussi pour le droit de la concurrence, n’interdit en aucun cas, selon la jurisprudence, d’imputer la responsabilité des infractions au droit des ententes commises par l’une des sociétés à l’autre ( 44 ).

103.

Dès lors, rien ne s’opposait juridiquement à ce que le Tribunal conclue en l’espèce à l’existence d’une unité économique entre Del Monte et Weichert, même si Weichert n’avait pas appliqué toutes les instructions de Del Monte et qu’elle avait pu par ailleurs s’opposer juridiquement à Del Monte sur certains points.

104.

Toutefois, l’on ne peut plus parler d’influence déterminante ni d’unité économique dès lors qu’il existe des indices sérieux laissant penser que le non‑respect des instructions adressées par l’une des sociétés à l’autre était la règle et que cela a amené cette dernière à adopter un comportement indépendant sur le marché.

105.

Par conséquent, c’est à juste titre que le Tribunal a en l’espèce contrôlé les preuves dont il disposait pour vérifier si Weichert n’avait pas, de manière générale, suivi les instructions de Del Monte et se comportait de manière autonome sur le marché ( 45 ). Dans ce contexte, il a examiné de manière particulièrement détaillée les arguments de Del Monte indiquant, d’une part, que Weichert avait adopté une autre politique tarifaire que celle souhaitée par Del Monte en se référant au niveau des prix et, d’autre part, que Weichert n’avait pas mis en œuvre la nouvelle approche du marketing de Del Monte visant prétendument à placer ses bananes dans un segment haut de gamme afin de pratiquer des prix proches de ceux de Chiquita.

106.

De tels éléments constitueraient effectivement, pour autant qu’ils soient établis, un indice important tendant à écarter l’exercice (couronné de succès) d’une influence déterminante de la part de Del Monte sur Weichert, et donc l’existence d’une unité économique entre les deux sociétés.

107.

Ainsi, dans ses conclusions écrites et orales formulées dans la présente procédure de pourvoi, Del Monte a donc constamment cherché à donner l’impression que le non‑respect allégué de ses instructions tarifaires et de sa nouvelle approche du marketing par Weichert pendant la période infractionnelle comprise entre les années 2000 et 2002 était un fait établi.

108.

Or, si l’on examine uniquement non pas l’extrait cité par Del Monte ( 46 ), mais tout le passage de l’arrêt attaqué consacré à cette question ( 47 ), il apparaît que le Tribunal n’a nullement considéré les affirmations de Del Monte comme avérées. Ainsi le Tribunal souligne que Del Monte ne rapporte «pas la preuve d’une manifestation claire de ses attentes à l’égard de Weichert» ( 48 ). En outre, le Tribunal constate que les déclarations des autres importateurs sur lesquelles Del Monte a tenté de s’appuyer contredisaient en réalité ses propres allégations ( 49 ).

109.

D’après ces constatations du Tribunal qui, sous réserve d’une éventuelle dénaturation ( 50 ), sont les seules pertinentes aux fins de l’examen du premier moyen, les affirmations formulées par la requérante au pourvoi sur la politique tarifaire prétendument autonome de Weichert et sur le non‑respect de la nouvelle approche du marketing de Del Monte constituaient donc de simples allégations ( 51 ) qui, au vu d’autres éléments de preuve, ne se sont absolument pas révélées convaincantes pour le Tribunal.

110.

Dans ces conditions, l’on ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir retenu une qualification juridiquement erronée des faits sur ce point. Compte tenu des constatations matérielles qu’il a faites dans la procédure de première instance, le Tribunal n’était nullement tenu juridiquement de conclure à l’absence d’unité économique entre Del Monte et Weichert.

b) Sur les troisième et quatrième moyens: charge de la preuve et présomption d’innocence

111.

Par le troisième moyen, Del Monte reproche au Tribunal d’avoir renversé la charge de la preuve, alors que le quatrième moyen est fondé sur la présomption d’innocence (principe in dubio pro reo). L’argument consistant à soutenir que les preuves examinées dans la présente procédure juridictionnelle ne permettent pas de présumer l’exercice d’une influence déterminante de Del Monte sur Weichert, et qu’il n’est donc pas possible de conclure à une coresponsabilité de Del Monte pour les infractions au droit des ententes commises par Weichert, est commun à ces deux moyens.

112.

Il nous semble que cet argument vise, sous couvert de griefs juridiques, à inciter la Cour à procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, ce qui échappe à sa compétence dans la procédure de pourvoi. Par conséquent, ces deux moyens doivent être déclarés irrecevables ( 52 ).

113.

Par simple souci d’exhaustivité, nous ajoutons que l’argument de Del Monte n’est pas non plus convaincant au fond.

i) Sur le troisième moyen: charge de la preuve

114.

Dans le cadre du troisième moyen, Del Monte fait valoir que le Tribunal a opéré à tort un renversement de la charge de la preuve en considérant que certaines preuves fournies par Del Monte n’étaient pas de nature à démontrer l’indépendance de Weichert à l’égard de Del Monte.

115.

En particulier, ces preuves concernent des droits de veto au sein de la société Weichert ( 53 ), la formation des prix de Weichert ( 54 ), la position adoptée par Weichert dans un litige devant une juridiction nationale ( 55 ) et l’absence de consolidation des résultats de Del Monte et de Weichert ( 56 ).

116.

Il est vrai que le Tribunal n’a reconnu aucune valeur probatoire à l’argument avancé par Del Monte sur ce point pour démontrer l’indépendance de Weichert à l’égard de Del Monte. Toutefois, contrairement à ce que pense Del Monte, cela ne reflète pas un renversement de la charge de la preuve. Au contraire, le Tribunal considère à très juste titre que la charge de la preuve de la coresponsabilité de Del Monte dans l’infraction incombe à la Commission ( 57 ).

117.

Sur la base de cette répartition de la charge de la preuve, le Tribunal a analysé la force probatoire de toutes les preuves qui lui ont été fournies. Il est parvenu à la conclusion, d’une part, qu’il existait suffisamment de preuves de l’existence d’une influence déterminante de Del Monte sur Weichert et, d’autre part, que les objections formulées par Del Monte n’étaient pas de nature à infirmer l’argumentation de la Commission. Ce raisonnement n’est pas contestable juridiquement ( 58 ). Il n’implique aucun renversement de la charge de la preuve, mais résulte uniquement de la procédure normale suivant laquelle, en amont même de la question de la répartition de la charge de la preuve, les parties sont tour à tour appelées à satisfaire à leur obligation d’exposer leurs thèses ( 59 ).

ii) Sur le quatrième moyen: présomption d’innocence

118.

Dans le cadre du quatrième moyen, Del Monte fait valoir que le Tribunal a enfreint la présomption d’innocence (le principe in dubio pro reo) ( 60 ) en concluant, malgré des indices douteux, à la coresponsabilité de Del Monte pour les infractions au droit des ententes commises par Weichert.

119.

Ce quatrième moyen n’appelle, sur le fond, aucune autre réponse que celle qui a été apportée au premier moyen. Comme nous l’avons souligné ci‑dessus ( 61 ), le Tribunal pouvait valablement déduire de l’ensemble des éléments de preuve dont il disposait que Del Monte avait exercé, au cours de la période infractionnelle, une influence déterminante sur Weichert, et que celles‑ci constituaient donc toutes deux, à l’époque, une unité économique.

120.

Lorsqu’il existe suffisamment de preuves pour établir la coresponsabilité, l’on ne peut pas parler de violation de la présomption d’innocence.

iii) Conclusion intermédiaire

121.

Par conséquent, le troisième moyen est aussi dénué de fondement que le quatrième.

2. Sur le deuxième moyen: dénaturation de certains éléments de preuve

122.

Comme nous l’avons indiqué ci‑dessus, le premier moyen étant aussi inopérant que le troisième et le quatrième, nous examinons, dans les développements suivants, le deuxième moyen qui est uniquement soulevé à titre subsidiaire. Par ce moyen, Del Monte reproche au Tribunal d’avoir, à de nombreux égards, dénaturé des éléments de preuve qui ont tous un rapport avec les possibilités d’influence de Del Monte sur Weichert.

a) Les différents griefs tirés d’une dénaturation

123.

En vertu d’une jurisprudence constante, la reconnaissance d’une dénaturation des faits ou des éléments de preuve est subordonnée à des conditions strictes. Une telle dénaturation n’existe que lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée ( 62 ). Nous précisons d’emblée qu’aucun des griefs tirés d’une dénaturation soulevés par Del Monte ne respecte ce niveau d’exigence élevé.

124.

Comme la Commission et Weichert, nous avons aussi l’impression que Del Monte est simplement insatisfaite de l’appréciation des preuves faite par le Tribunal et qu’elle veut à présent suggérer à la Cour une autre analyse des éléments de preuve, qui est toutefois loin de s’imposer.

i) Le grief tiré de la dénaturation de l’accord d’association

125.

Tout d’abord, Del Monte soulève un certain nombre de griefs tirés de la dénaturation de l’accord d’association par lequel Weichert s’est dotée du statut juridique d’une société en commandite de droit allemand.

– Les droits de veto du commanditaire

126.

Premièrement, Del Monte fait référence à l’article 7, paragraphe 3, de l’accord d’association, qui prévoit que les commandités devaient demander le consentement écrit préalable de tous les associés pour un certain nombre d’actes. Del Monte est d’avis que le Tribunal a dénaturé cette clause en considérant, au point 101 de l’arrêt attaqué, qu’«[i]l apparaît ainsi qu’un ensemble d’actes importants, ayant nécessairement un impact, même indirect, sur la gestion de Weichert, ne» [pourraient] «être pris sans le consentement du commanditaire».

127.

Ce grief n’est pas fondé.

128.

Les actes qui, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’accord d’association, nécessitaient le consentement de tous les associés étaient constitués par l’achat et la vente de tous biens immobiliers et de toute part dans le capital ou autre participation dans d’autres entreprises, les investissements de plus de 100000 mark allemands (DEM), les prêts aux salariés d’un montant supérieur à 10000 DEM, les prêts au profit de Weichert ne relevant pas du cours ordinaire des affaires, l’émission de garanties par cette dernière société, les rémunérations de toutes sortes à l’associé gérant et tout accord conclu par le ou les associés gérants instaurant des obligations régulières de paiement de Weichert pour un montant supérieur à 10000 DEM par mois, à l’exception des contrats de travail, du moins lorsqu’ils prévoyaient une rémunération annuelle inférieure à 60000 DEM.

129.

Il est tout à fait concevable, et en aucun cas manifestement erroné, de considérer de telles opérations comme «un ensemble d’actes importants» et d’admettre que le droit de veto y afférent dont Del Monte disposait «[avait] nécessairement un impact, même indirect, sur la gestion de Weichert» ( 63 ). Contrairement à ce que Del Monte sous‑entend, le passage susvisé de l’arrêt ne fait aucune mention d’un impact sur le comportement de Weichert sur le marché. Selon la jurisprudence, le constat d’un tel impact n’aurait du reste absolument pas été nécessaire ( 64 ).

– Les droits de veto du commandité

130.

Deuxièmement, Del Monte se montre critique au sujet du point 114 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal fait observer que «le fait que le commandité détenait […] un droit de veto sur ‘toutes’ les décisions de la société ne ressort pas des stipulations de l’accord d’association». En revanche, Del Monte estime qu’elle n’aurait pu imposer aucune décision à la société contre le veto de l’associé commandité.

131.

Les allégations contestées du Tribunal doivent être examinées en lien avec les points de l’arrêt attaqué qui les précèdent immédiatement et qui répondent à un argument de Del Monte en rapport avec l’article 9, paragraphe 2, seconde phrase, de l’accord d’association ( 65 ). Cette clause ne concerne que certaines décisions de l’assemblée des associés, définies à l’article 9, paragraphe 4, de ce même accord. Selon cette clause, l’approbation du commandité n’était impérativement requise que pour les décisions qui y sont visées.

132.

Dans ces conditions, la conclusion du Tribunal, selon laquelle il ne ressort des stipulations de l’accord d’association aucun droit de veto du commandité «sur ‘toutes’ les décisions de la société», est tout à fait défendable et ne saurait en aucun cas être qualifiée de «manifestement erronée».

133.

À titre complémentaire, il convient de rappeler qu’une éventuelle dénaturation des éléments de preuve ne conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué que lorsqu’elle a pu affecter son dispositif ( 66 ). Dans ce contexte, il est important de préciser que même un droit de veto général du commandité «sur ‘toutes’ les décisions de la société» n’apporterait en soi aucune indication sur les possibilités d’influence juridiques et matérielles dont disposait le commanditaire de son côté au sein de la société. Del Monte n’a rien dit qui aurait contraint le Tribunal à conclure que le commandité de la société pouvait agir seul à sa guise, malgré l’opposition du commanditaire.

134.

En tout état de cause, comme cela a déjà été indiqué, la coresponsabilité du commanditaire dans les infractions au droit des ententes commises par la société ne suppose pas nécessairement que le commanditaire ait exercé le contrôle exclusif, une situation de contrôle conjoint avec le ou les commandités pouvant également entraîner une imputation de la responsabilité en vertu du droit des ententes ( 67 ).

– La nomination et le remplacement du gérant

135.

Troisièmement, la requérante au pourvoi conteste le point 117 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal rejette l’argument de Del Monte selon lequel elle ne détenait pas les pouvoirs nécessaires pour nommer, remplacer ou même opposer son veto à la nomination des gérants de la société. Del Monte assimile le rejet de son argument par le Tribunal à une «dénaturation des éléments de preuve».

136.

À cet égard, il convient de noter que, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par cette juridiction et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation ( 68 ).

137.

Ces indications font totalement défaut en l’espèce. Del Monte a omis de citer une pièce concrète du dossier et de démontrer de manière détaillée dans quelle mesure le Tribunal aurait dénaturé cette pièce. Par conséquent, cette branche du deuxième moyen est irrecevable.

138.

Par ailleurs, l’on ne peut que présumer que Del Monte évoque une dénaturation de l’article 9, paragraphe 3, de l’accord d’association, puisque le passage litigieux de l’arrêt fait référence à cette disposition. Toutefois, cette clause de l’accord stipule mot pour mot ce que le Tribunal cite au point 117 de l’arrêt attaqué, à savoir que toute modification de l’accord d’association exigeait l’unanimité des associés.

139.

Étant donné que le statut de l’associé qui supporte une responsabilité personnelle en tant que gérant était expressément établi par l’article 7, paragraphe 1, de l’accord d’association, il ne pouvait être justifié ou modifié que par la modification de cet accord et non, dès lors, sans l’accord de Del Monte. C’est pourquoi l’argument de Del Monte, selon lequel elle ne disposait même pas d’un droit de veto concernant la nomination ou le remplacement des gérants, est inexact, tout au moins dans sa généralité.

140.

L’on ne saurait donc parler d’une dénaturation des éléments de preuve. Il nous semble plutôt que Del Monte tente d’inciter la Cour, sous couvert d’un grief tiré d’une dénaturation, à procéder purement et simplement à une nouvelle appréciation des faits, ce qui est irrecevable au stade du pourvoi ( 69 ).

– Le mécanisme d’arbitrage

141.

Quatrièmement, Del Monte reproche au Tribunal une dénaturation de l’article 9, paragraphe 5, de l’accord d’association, qui prévoyait la création d’un conseil pour arbitrer les situations de blocage au sein de l’assemblée des associés ( 70 ).

142.

Del Monte critique en particulier les deux déclarations suivantes formulées par le Tribunal au point 116 de l’arrêt attaqué:

D’une part, le Tribunal relève dans ce passage que «l’allégation d’une adoption des décisions à une majorité simple au sein dudit conseil, et donc de décisions forcément favorables à [la] famille [W.], n’est pas étayée».

D’autre part, le Tribunal ajoute qu’«[e]n tout état de cause, la portée de l’avantage en cause doit être relativisée au regard des compétences spécifiques de l’assemblée des associés».

143.

Aucune de ces deux déclarations du Tribunal ne nous semble manifestement erronée au regard de l’article 9, paragraphe 5, de l’accord d’association. Au contraire:

Concernant la première déclaration, il convient de noter que l’article 9, paragraphe 5, de l’accord d’association ne contient aucune indication précisant les règles de majorité applicables à la prise des décisions du conseil d’arbitrage. Il est possible que d’autres clauses de l’accord d’association prévoient une obligation d’adopter les décisions à une majorité simple. Toutefois, Del Monte n’a pas invoqué leur dénaturation en l’espèce. Au reste, la déclaration du Tribunal fait référence aux majorités avec lesquelles les décisions du conseil d’arbitrage ont été adoptées effectivement. Il va de soi qu’une simple clause figurant dans l’accord d’association ne peut pas, en tant que telle, fournir d’informations sur son application pratique dans la vie de la société.

Concernant la seconde déclaration, elle fait uniquement ressortir que le Tribunal a mesuré et relativisé la portée des avantages résultant du mécanisme d’arbitrage pour la famille W. dans le contexte général de l’accord d’association. L’on ne voit pas très bien comment, et la requérante au pourvoi n’aborde pas du tout ce point, cette prise en considération du contexte général dans lequel s’inscrivent les éléments de preuve aurait pu être manifestement erronée.

144.

Nous ajoutons que la simple existence d’un mécanisme d’arbitrage sous la forme d’un conseil d’arbitrage est tout sauf probant au regard de l’allégation de Del Monte précisant «que seule la famille Weichert décidait finalement de la façon dont Weichert devait être gérée». En effet, même si l’affirmation de Del Monte est vraie, c’est‑à‑dire que la famille W. disposait de trois voix sur six à chaque conseil d’arbitrage, elle n’avait donc justement pas la majorité, pas même simple.

ii) Le grief tiré de la dénaturation de certains autres documents

145.

En dehors de l’accord d’association, le Tribunal a, selon Del Monte, dénaturé la signification de certains autres documents figurant dans le dossier de procédure. Nous allons examiner brièvement ce grief ci‑après.

– L’«équilibre des pouvoirs»

146.

Premièrement, Del Monte déplore une «dénaturation manifeste» de ses propos formulés dans la requête de première instance ( 71 ), dans laquelle elle avait parlé d’un «équilibre des pouvoirs» entre les commanditaires et les commandités. La requérante au pourvoi estime que le Tribunal a, au point 118 de l’arrêt attaqué, déduit à tort de ses allégations relatives à l’«équilibre des pouvoirs» que la famille W. et Del Monte exerçaient un contrôle conjoint sur Weichert, et qu’il a à tort considéré cela comme un indice de la capacité de Del Monte d’exercer une influence déterminante sur Weichert.

147.

En s’inspirant de la jurisprudence relative à la dénaturation des faits et des éléments de preuve, une dénaturation de l’argumentation des parties en première instance par le Tribunal doit être retenue, lorsqu’elle a été manifestement mal comprise par le Tribunal ou qu’elle a été exposée en altérant sa teneur ( 72 ).

148.

Il ne saurait être question de cela en l’occurrence. Si le Tribunal a repris, au point 118 de l’arrêt attaqué, l’expression «équilibre des pouvoirs» employée par Del Monte, il n’a toutefois pas du tout reproduit l’argumentation de Del Monte au fond dans le passage en question de l’arrêt. Le Tribunal a simplement fait référence à ses propres remarques sur certaines clauses de l’accord d’association précédant immédiatement ledit passage ( 73 ) et en a déduit la capacité de Del Monte d’exercer une influence déterminante sur Weichert.

– Les déclarations émises par d’autres importateurs sur la formation des prix

149.

Deuxièmement, Del Monte reproche au Tribunal d’avoir considéré, aux points 211 à 215 de l’arrêt attaqué, sur la base des réponses faites par d’autres importateurs (Chiquita et Dole) à des demandes de renseignements de la Commission, que l’alignement des prix de référence de Weichert sur ceux de Dole «était également conforme aux attentes de Del Monte». Selon Del Monte, le Tribunal a en cela dénaturé les déclarations de ces importateurs.

150.

Ce grief repose sur une lecture inexacte, voire déformante de l’arrêt attaqué. En effet, rien dans ce passage de l’arrêt n’indique, expressément ou implicitement, que l’alignement des prix de référence de Weichert sur ceux de Dole «était également conforme aux attentes de Del Monte». Ainsi Del Monte prête au Tribunal des propos qu’il n’a absolument pas tenus sous cette forme et établit un lien avec le reproche grave tiré de la dénaturation des éléments de preuve.

151.

En réalité, dans le passage en question de l’arrêt, le Tribunal examine les allégations de Del Monte indiquant que Weichert jouissait d’une autonomie totale, que Del Monte elle‑même souhaitait des prix de référence proches de ceux de Chiquita et que les attentes de Del Monte sur ce point à l’égard de Weichert ont été clairement manifestées ( 74 ). Dans ce passage, le Tribunal parvient simplement à la conclusion intermédiaire que les déclarations de Chiquita et de Dole citées par Del Monte contredisent ses propres allégations ( 75 ). Le Tribunal ne tire aucune conclusion définitive quant à l’autonomie de Weichert à l’égard de Del Monte aux points 211 à 215 litigieux de l’arrêt attaqué.

152.

Il convient en outre de noter que les déclarations en cause de Chiquita et Dole n’étaient absolument pas aussi claires que Del Monte le prétend. Bien au contraire, elles étaient tout à fait sujettes à interprétation. Cela est particulièrement vrai de la déclaration de Dole selon laquelle Del Monte «a été mécontente des résultats du marketing de Weichert» et «a apparemment rompu ses relations avec Weichert pour appliquer sa propre approche agressive du marketing» ( 76 ).

153.

Premièrement, ainsi que cela a été évoqué ci‑dessus ( 77 ), la question de savoir si Dole n’était insatisfaite de Weichert que d’un point de vue financier ou également en termes d’approche du marketing ne ressort pas clairement de ces déclarations. Deuxièmement, il ne ressort pas non plus de ces éléments de preuve si et quand la direction de Weichert aurait reçu l’instruction de mettre en œuvre cette nouvelle approche du marketing. Troisièmement, l’on ne voit pas non plus très bien si cette approche du marketing avait effectivement échoué, à l’époque, en raison de l’opposition de la direction de Weichert ou si elle ne pouvait tout simplement pas être imposée sur le marché, comme l’affirme Weichert. Les éléments de preuve que le Tribunal aurait, de l’avis de Del Monte, dénaturés ne montrent même pas clairement à quel moment Del Monte a développé sa propre approche agressive du marketing, puis tenté de la mettre en pratique: pendant la période infractionnelle comprise entre les années 2000 et 2002 ou seulement à partir de l’année 2003, et donc après la fin de l’infraction.

154.

Si les éléments de preuve rendent différentes appréciations plausibles et que le Tribunal opte pour l’une d’entre elles, l’on ne saurait sérieusement lui reprocher une dénaturation des éléments de preuve. Tel est le cas des éléments de preuve cités aux points 211 à 215 de l’arrêt attaqué.

– La lettre d’un avocat externe adressée à Del Monte

155.

Troisièmement, Del Monte invoque une dénaturation des éléments de preuve au sujet de la lettre adressée à Del Monte en 1997 par un avocat externe. Selon elle, le Tribunal donne l’impression, au point 236 de l’arrêt attaqué, que cette lettre a été envoyée pour le compte de l’un des associés de Weichert alors que c’est en réalité la société elle‑même qui en a donné instruction.

156.

À cet égard, il convient de noter immédiatement que, dans ce passage de l’arrêt litigieux, le Tribunal n’examine pas l’origine de ladite lettre, mais émet uniquement des considérations générales sur la question de savoir si le fait qu’un associé fasse appel à un conseiller juridique permet de tirer des conclusions relativement au contrôle de l’autre associé sur la société. C’est pourquoi le grief tiré d’une dénaturation soulevé par Del Monte nous semble assez éloigné de la réalité.

157.

En outre, une lecture attentive de ladite lettre montre clairement que, contrairement à ce que pense Del Monte, celle‑ci est rédigée de manière tout à fait équivoque et ne fait absolument pas apparaître de façon claire au nom et pour le compte de qui elle formule des déclarations concernant certains objets. Si l’introduction fait ressortir qu’elle émet un avis pour la société ( 78 ), le reste de l’argumentation est toutefois également exposé, tout au moins partiellement, au nom de M. W., voire, de manière expresse, conjointement au nom de M. W. et de la société ( 79 ).

158.

Il s’agit donc là encore d’un élément de preuve qui laisse la porte ouverte à différentes interprétations. Dans ces conditions, l’on ne saurait reprocher au Tribunal une quelconque dénaturation lorsqu’il évoque, au point 236 de l’arrêt attaqué, «le fait qu’un associé fasse appel à un conseiller juridique pour connaître ses droits et se défendre face à une personne qu’il suspecte de ne pas les respecter».

159.

À titre complémentaire, il convient de noter que Del Monte n’a absolument pas précisé dans quelle mesure la dénaturation alléguée de cette lettre a pu influer sur l’arrêt du Tribunal. Cependant, une éventuelle dénaturation n’est susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué que lorsqu’elle a pu affecter son dispositif ( 80 ). Il n’y a ici aucun indice concret allant dans ce sens.

– Le mémoire issu d’une procédure juridictionnelle nationale

160.

Quatrièmement, eu égard aux points 237 et 238 de l’arrêt attaqué, Del Monte pense que le Tribunal a méconnu la valeur probante d’un mémoire issu d’une procédure juridictionnelle nationale. Dans ce mémoire, Weichert répond à un recours introduit par Del Monte que la totalité de la valeur ajoutée économique de Weichert, à savoir les achats, le marketing et la logistique, était exclusivement imputable aux commandités et que le rôle de Del Monte au sein de la société se limitait à une participation financière.

161.

À cet égard, le Tribunal a fait observer à très juste titre que le recours juridictionnel avait été introduit par Del Monte, et non par Weichert, qu’il s’inscrivait dans le contexte d’une résiliation de l’accord de distribution et que la mise en œuvre par Del Monte d’une procédure judiciaire concernant la valeur économique de l’entreprise n’excluait pas la conclusion de l’exercice d’une influence déterminante en la personne de Del Monte ( 81 ).

162.

Nous ne voyons pas très bien comment le Tribunal a pu, par ces allégations, dénaturer le mémoire précité. Le Tribunal a simplement replacé le mémoire dans son contexte procédural et économique et en a tiré des conclusions tout à fait plausibles, et en aucun cas manifestement erronées, au regard de sa valeur probante dans la présente procédure d’entente.

– L’absence de consolidation des résultats commerciaux

163.

Cinquièmement, eu égard au point 259 de l’arrêt attaqué, Del Monte déplore que le Tribunal ait écarté à tort l’absence de consolidation des résultats de Del Monte et de Weichert comme étant «dépourvue de toute pertinence». Del Monte l’analyse comme une dénaturation des éléments de preuve.

164.

Cet argument est infondé. Del Monte est peut‑être d’avis que le Tribunal a tiré des conclusions juridiquement erronées du défaut de consolidation et qu’il n’a pas tenu compte de la jurisprudence rendue en la matière. Cependant, cela n’a absolument rien à voir avec une dénaturation des éléments de preuve.

iii) Conclusion intermédiaire

165.

En résumé, il y a donc lieu de constater qu’aucun des griefs tirés d’une dénaturation des éléments de preuve, soulevés individuellement par Del Monte, ne saurait prospérer, ne serait‑ce que partiellement.

b) L’obligation du Tribunal d’examiner les preuves dans leur ensemble

166.

Enfin, dans le cadre de ce deuxième moyen, Del Monte fait valoir que le Tribunal a omis d’examiner les preuves dont il disposait dans leur ensemble. Selon Del Monte, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en examinant chacun de ces éléments individuellement sans toutefois analyser si l’ensemble de ces éléments démentait l’exercice d’une influence déterminante de Del Monte sur Weichert ou, à titre subsidiaire, si les preuves y afférentes n’étaient pas claires (non liquet).

167.

Même ce grief nous semble reposer sur une lecture très sélective de l’arrêt attaqué. Il suffit de jeter un coup d’œil au point 266 dudit arrêt pour constater que le Tribunal a jugé que les preuves documentaires fournies par Del Monte, «prises individuellement ou collectivement», n’étaient pas de nature à remettre en cause l’imputation à Del Monte des infractions au droit des ententes commises par Weichert. Par conséquent, le Tribunal n’a absolument pas omis de procéder à un examen d’ensemble des éléments de preuve.

168.

En réalité, malgré sa qualification de grief tiré d’une dénaturation, le reproche formulé par Del Monte s’apparente donc plutôt à un grief tiré de la qualification juridiquement erronée des faits. Del Monte pense que le Tribunal a tiré des conclusions juridiques erronées de l’ensemble des éléments de preuve au regard de l’existence d’une unité économique entre Del Monte et Weichert. À cet égard, ce dernier grief soulevé dans le cadre du deuxième moyen fait double emploi avec le premier moyen et doit être rejeté pour les raisons déjà exposées dans ce contexte‑là ( 82 ).

3. Sur le cinquième moyen: infraction unique et continue

169.

Par son cinquième moyen, Del Monte fait valoir que le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse car celle‑ci faisait état d’une infraction unique et continue entre Dole, Chiquita et Del Monte/Weichert alors qu’il était établi que Weichert n’avait pas connaissance de l’échange d’informations entre Dole et Chiquita.

170.

Del Monte reproche à présent au Tribunal d’avoir considéré, de manière juridiquement erronée, l’ignorance de Weichert concernant l’échange d’informations entre Dole et Chiquita comme une simple circonstance atténuante, méconnaissant ainsi la jurisprudence pertinente de la Cour.

171.

Il nous semble que ce moyen repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué ainsi que de la jurisprudence de la Cour.

172.

La notion d’«infraction unique et continue» permet d’imputer la participation aux faits de chacun des participants à l’entente à l’ensemble des autres participants, comme complices en quelque sorte, même s’ils n’ont pas eux‑mêmes pris une part active à chacun des éléments de l’entente globale ( 83 ).

173.

Il est admis qu’une telle imputation suppose que l’entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque ( 84 ).

174.

En d’autres termes, une imputation réciproque de participation aux faits est possible lorsque chaque participant à l’entente savait ou aurait dû savoir que, par sa propre action, il s’intégrait dans une entente globale et contribuait par son comportement aux objectifs anticoncurrentiels communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’entente ( 85 ).

175.

En revanche, s’il n’est pas établi qu’un participant à l’entente avait ou devait avoir connaissance de certains aspects d’une infraction unique et continue, il ne peut se voir imputer la responsabilité de ces aspects ( 86 ).

176.

Bien évidemment, le fait qu’un participant à l’entente n’ait pas eu ou dû avoir connaissance de tous les aspects ne change rien à l’existence objective de l’infraction unique et continue. A fortiori, cela ne saurait conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements dont il est constant qu’elle y a pris part ou dont elle peut effectivement être tenue pour responsable ( 87 ). En effet, ces différences sont plutôt de simples différences de degré et ne changent rien au fait que l’entreprise concernée a enfreint l’article 81 CE, même si l’on ne peut pas lui imputer la responsabilité de tous les éléments constitutifs de l’infraction unique et continue ( 88 ).

177.

En somme, l’importance et la gravité de chaque participation aux faits par rapport à l’entente globale doivent être prises en considération de manière individuelle pour chaque participant à l’entente lors de la détermination du montant de l’amende ( 89 ).

178.

En l’espèce, le Tribunal a appliqué ces règles sans commettre d’erreur de droit.

179.

Le Tribunal a admis que Weichert n’avait pas connaissance de l’échange d’informations entre Dole et Chiquita et qu’elle n’avait pas non plus à en avoir connaissance. Le Tribunal a eu parfaitement raison de ne pas faire de cette circonstance un motif de remise en cause de l’existence d’une infraction unique et continue en tant que telle. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est simplement concentré avec raison sur les seules conséquences juridiques pour Weichert et a constaté que, à la différence de Dole et de Chiquita, Weichert ne pouvait pas se voir imputer la responsabilité de l’infraction dans son ensemble, et qu’une amende moins élevée devait donc lui être infligée ( 90 ).

180.

Certes, il est quelque peu étonnant que le Tribunal parle dans ce contexte, probablement pour reprendre les termes choisis par la Commission dans la décision litigieuse, de «circonstances atténuantes» pour Weichert. En effet, c’est en réalité la participation moindre de Weichert à l’entente qui justifie une sanction moins sévère. Or, c’est précisément de ce principe que le Tribunal part également en définitive lorsqu’il fait remarquer que le montant de base de l’amende appliquée à Weichert était inférieur en raison du fait qu’elle n’avait pas connaissance des communications de prétarification entre Chiquita et Dole ou qu’elle ne pouvait raisonnablement les prévoir.

181.

Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être rejeté.

C – Le pourvoi incident formé par Weichert dans l’affaire C‑293/13 P

182.

Comme cela a été indiqué ci‑dessus ( 91 ), le pourvoi incident formé par Weichert dans l’affaire C‑293/13 P est irrecevable car il ne satisfait pas aux conditions de l’article 56, paragraphe 2, seconde phrase, du statut de la Cour. C’est pourquoi nous ne nous prononcerons qu’à titre subsidiaire sur son bien‑fondé dans les développements suivants.

1. Sur le premier moyen: existence d’une pratique concertée

183.

Par son pourvoi incident formé dans l’affaire C‑293/13 P, Weichert conteste tout d’abord les constatations du Tribunal concernant l’existence d’une pratique concertée entre Weichert et Dole. Selon Weichert, il ne saurait être question d’une pratique concertée entre ces deux entreprises parce que Weichert était un simple suiveur de prix qui se fondait unilatéralement sur les prix de référence de Dole.

184.

Dans ce contexte, Weichert soulève au total trois griefs contre l’arrêt attaqué, que nous allons examiner séparément ci‑après.

a) Le grief tiré de la motivation contradictoire de l’arrêt

185.

Premièrement, Weichert estime que l’arrêt attaqué est motivé de manière contradictoire car, au point 580, le Tribunal dément l’existence de signes indiquant son comportement suiviste, tout en estimant, au point 847, que ce comportement est possible.

186.

La question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi ( 92 ).

187.

En l’espèce, le Tribunal constate, dans la dernière phrase du point 580 de l’arrêt attaqué, qu’une certaine déclaration de Chiquita, qui y est détaillée, tirée de la procédure administrative ne suffit pas pour fonder l’allégation «selon [laquelle] Weichert attendait chaque semaine de connaître le prix de Dole avant de fixer son propre prix de référence au même niveau».

188.

En revanche, le Tribunal relève, au point 847 de l’arrêt attaqué, que cette même déclaration de Chiquita «pouvait également laisser à penser que Weichert s’était contentée d’adopter un comportement suiviste par rapport à la politique tarifaire de Dole».

189.

S’il existe, a priori, une certaine incompatibilité entre ces deux points de l’arrêt attaqué, un examen plus poussé montre toutefois qu’ils ne sont pas contradictoires en soi. En effet, dans les deux passages de l’arrêt, le Tribunal s’intéresse, dans un contexte toutefois très différent selon le cas, à la force probatoire d’une seule et même déclaration de Chiquita tirée de la procédure administrative. Dans les deux cas, le Tribunal part du principe que cette déclaration a une force probatoire intrinsèque relativement faible.

190.

C’est précisément en raison de cette faible force probatoire que le Tribunal n’a pas accordé beaucoup de crédit à la déclaration en cause de Chiquita concernant l’existence ou l’absence d’une pratique collusoire entre Dole et Weichert. Partant, le Tribunal a certes refusé, aux points 580 et 581 de l’arrêt attaqué, de voir dans la déclaration de Chiquita une preuve à décharge attestant que Weichert s’était contentée d’adopter un comportement suiviste par rapport à Dole, mais il n’a pas pour autant considéré, aux points 847 à 853 de l’arrêt attaqué, que cette déclaration constituait une preuve à charge du caractère anticoncurrentiel des contacts bilatéraux entre Weichert et Dole.

191.

Il n’y a donc pas lieu de conclure à une violation de l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu des dispositions combinées de l’article 36 et de l’article 53, paragraphe 1, du statut de la Cour.

192.

En tout état de cause, il convient de constater, d’une manière générale, que le Tribunal doit moins motiver son analyse des différents éléments de preuve que son arrêt. Même si l’on considérait, en dépit de nos observations exposées ci‑dessus, que la formulation des points 580 et 847 de l’arrêt attaqué révèle certaines ambigüités, la décision du Tribunal à proprement parler relative au recours pendant devant lui est motivée de manière claire et sans contradiction, et aboutit à la conclusion qu’il existe une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel et que Weichert y a participé ( 93 ).

193.

Le grief tiré du défaut de motivation soulevé par Weichert n’est donc pas pertinent.

b) Le grief tiré de la dénaturation de certains éléments de preuve

194.

Deuxièmement, Weichert reproche au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve. La constatation figurant au point 580 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la déclaration de Chiquita ne suffit pas pour fonder l’allégation relative à la simple qualité de suiveur de prix de Weichert, dénature, selon elle, les preuves claires. C’est ce que Weichert croit pouvoir dégager d’une lecture combinée avec le point 847 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal relève, comme nous l’avons déjà indiqué, que la déclaration précitée de Chiquita «pouvait également laisser à penser que Weichert s’était contentée d’adopter un comportement suiviste par rapport à la politique tarifaire de Dole».

195.

Comme nous l’avons déjà indiqué, la reconnaissance d’une dénaturation des faits ou des éléments de preuve est subordonnée à des conditions strictes. Une telle dénaturation n’existe que lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée ( 94 ). En revanche, il n’y a pas de dénaturation lorsque les éléments de fait et de preuve rendent différentes appréciations plausibles et que le Tribunal opte pour l’une d’entre elles.

196.

Tel est le cas en l’espèce. La déclaration en cause de Chiquita dans la procédure administrative ne faisait pas ressortir clairement si Weichert, en simple suiveur de prix, reprenait unilatéralement les prix de référence de Dole ou si elle était impliquée dans une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel. Le Tribunal est parvenu à la conclusion que la déclaration de Chiquita ne permettait pas de fonder l’allégation relative à la qualité de suiveur de prix ( 95 ). Une telle conclusion était justifiée compte tenu de la faible valeur probatoire de cette déclaration sur le lien entre Weichert et Dole. En aucun cas cette conclusion du Tribunal n’était manifestement erronée.

197.

Dès lors, le grief tiré d’une dénaturation des éléments de preuve est dénué de fondement.

c) Le grief tiré de l’absence d’échange d’informations concernant le futur

198.

Enfin, Weichert prétend qu’aucun échange d’informations entre Dole et Weichert sur leur propre comportement futur sur le marché n’a jamais été constaté. C’est aussi la raison pour laquelle Weichert pense que l’on ne saurait retenir l’existence d’une pratique concertée anticoncurrentielle entre les deux entreprises.

199.

À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation des faits et des éléments de preuve appartient au Tribunal seul, et que la Cour, en tant que juridiction statuant sur pourvoi, n’est pas compétente pour la revoir, à l’exception d’un éventuel grief tiré d’une dénaturation ( 96 ). L’argumentation de Weichert vise à inciter la Cour à procéder à une nouvelle appréciation des faits et doit donc être rejetée comme étant irrecevable.

200.

Par simple souci de concision, nous faisons observer que, contrairement à ce que soutient Weichert, plusieurs passages de l’arrêt attaqué font bel et bien état d’un échange d’informations entre Dole et Weichert sur leur comportement futur sur le marché ( 97 ).

201.

Au reste, il est également sans importance qu’une seule entreprise informe ses concurrents unilatéralement du comportement qu’elle entend adopter sur le marché ou que toutes les entreprises concernées se communiquent mutuellement leurs considérations et leurs intentions. En effet, il suffit qu’une seule entreprise s’expose en fournissant à ses concurrents des informations confidentielles sur sa future politique commerciale pour que, aussitôt, le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause soit atténué pour tous les intéressés, au risque de restreindre la concurrence et de voir apparaître des comportements collusoires ( 98 ).

202.

Ainsi, il importe peu de savoir si, dans le cadre de leurs communications de prétarification, Dole et Weichert s’informaient mutuellement sur leur comportement futur respectif sur le marché ou si Dole ne révélait ces informations à Weichert que de manière unilatérale, sans réciprocité de la part de Weichert envers Dole. Cela ne changerait rien à l’existence d’une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel interdite par l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE).

d) Conclusion intermédiaire

203.

En somme, le premier moyen soulevé par Weichert dans le cadre de son pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P est donc dénué de fondement.

2. Sur le second moyen: la restriction de concurrence «par objet»

204.

Deuxièmement, dans son pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P, Weichert reproche au Tribunal d’avoir conclu à tort, en l’espèce, à une restriction de concurrence par objet. Selon Weichert, le Tribunal s’est contenté «d’affirmer» que les communications de prétarification étaient, par leur nature même, nuisibles à la concurrence, sans examiner leur aptitude concrète à restreindre la concurrence dans le contexte juridique et économique spécifique.

205.

Il pourrait sembler, à première vue, que Weichert cherche à inciter la Cour, par cette argumentation, à substituer sa propre appréciation des faits et des éléments de preuve à celle du Tribunal, ce qui ne lui est pas permis lorsqu’elle est appelée à connaître d’un pourvoi. En réalité, cependant, la Cour est appelée en l’occurrence à vérifier si l’appréciation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal a été réalisée selon les critères et principes requis. Il s’agit d’une question de droit qui est soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi ( 99 ) et qui présente un intérêt particulier au regard de l’arrêt CB/Commission ( 100 ) rendu récemment.

206.

Nous précisons d’emblée que le Tribunal a examiné en détail les circonstances propres au marché ainsi que les arguments exposés à ce sujet, et qu’il a expliqué de manière très convaincante pourquoi l’échange d’informations entre les entreprises concernées devait être considéré, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence. C’est en cela que la présente affaire se distingue fondamentalement de l’affaire CB/Commission (EU:C:2014:2204).

a) Les critères juridiques pertinents

207.

Dans le champ d’application de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE), le caractère anticoncurrentiel d’une pratique entre entreprises peut résulter non seulement de ses effets mais également de son objet. Cela est aussi vrai pour les accords que pour les décisions et pratiques concertées ( 101 ).

208.

Un échange d’informations entre concurrents n’a pas nécessairement pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 102 ).

209.

Afin d’apprécier si un tel échange d’informations présente, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence «par objet» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il convient de s’attacher à son objet, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère ( 103 ). L’appréciation du contexte doit également prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question ( 104 ). L’appréciation peut également tenir compte de l’intention des parties même si elle ne constitue pas un élément nécessaire ( 105 ).

210.

S’il s’avère, eu égard aux critères précités, qu’un tel échange d’informations entre concurrents peut être considéré, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, c’est‑à‑dire qu’il présente, en d’autres termes, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence en lui‑même, il n’y a pas lieu d’examiner ni de tenir compte de ses effets concrets sur la concurrence ( 106 ). Il suffit alors simplement que l’échange d’informations soit concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché intérieur ( 107 ).

211.

En outre, la jurisprudence de la Cour établit une présomption réfragable selon laquelle, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché ( 108 ).

b) L’application des critères juridiques pertinents au cas particulier

212.

Contrairement à ce que pense Weichert, nous ne voyons aucun élément donnant à penser que le Tribunal aurait pu, en l’espèce, appliquer de manière erronée ou examiner trop superficiellement les critères juridiques qui viennent d’être évoqués.

213.

D’une manière très générale, il nous semble que Weichert ne fait pas la différence entre les conditions requises pour constater le caractère anticoncurrentiel d’un objet et d’un effet lorsqu’elle soutient, comme elle l’a déjà fait en première instance, que le Tribunal aurait dû prendre en considération «[l’impact économique] du comportement incriminé sur le marché de la banane en Europe». En effet, dans le cadre de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE), cela est nécessaire non pas à l’appréciation de l’objet d’un comportement, mais simplement à celle de son ou ses effets ( 109 ).

– La nature et l’objet de l’échange d’informations

214.

En particulier, Weichert prétend tout d’abord qu’un échange d’informations concernant des prix de référence ne peut pas être considéré, par sa nature même, comme ayant pour objet de restreindre la concurrence.

215.

À cet égard, il convient de noter qu’un échange d’informations n’a pas un objet anticoncurrentiel lorsqu’il porte directement sur les prix pratiqués par les entreprises concernées sur le marché. En effet, comme la Cour l’a déjà jugé, l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) protège la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle ( 110 ). Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle‑ci avec les prix à la consommation ( 111 ). Il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait un lien direct entre les informations échangées et les prix de gros. Pour retenir l’existence d’un objet anticoncurrentiel, il suffit simplement que les concurrents échangent des informations sur des éléments ayant une importance pour leur politique de tarification respective ou, plus généralement, pour leur comportement sur le marché ( 112 ).

216.

C’est précisément le cas en l’espèce.

217.

D’après les constatations très détaillées du Tribunal, contre lesquelles Weichert ne soulève aucun grief tiré d’une dénaturation, des communications bilatérales de prétarification ont eu lieu en l’espèce entre les entreprises concernées, dans le cadre desquelles leurs prix de référence respectifs et certaines tendances de prix ont été discutés ( 113 ). L’allégation dénuée de tout fondement formulée par Weichert, selon laquelle l’échange d’informations n’avait porté que sur les conditions générales prévalant sur le marché et non sur les intentions individualisées des parties concernées, ne correspond pas à la situation constatée par le Tribunal et est donc inopérante dans la présente procédure de pourvoi en l’absence de grief tiré d’une dénaturation.

218.

D’après les constatations du Tribunal également, qui résultent d’ailleurs en grande partie des propres déclarations de Weichert, les prix de référence étaient importants pour le marché concerné ( 114 ). En particulier, ces prix de référence des importateurs de bananes servaient en l’espèce, à tout le moins, de signaux, de tendances et/ou d’indications pour le marché en ce qui concerne l’évolution envisagée du prix des bananes. En outre, dans certaines transactions, le prix était directement lié aux prix de référence en application de formules contractuelles basées sur les prix de référence ( 115 ).

219.

Nous ajoutons que, d’un point de vue commercial, il ne serait pas très logique de fixer des prix de référence et de discuter de leur évolution avec des concurrents si les prix de référence de chacun et les informations obtenues sur les prix de référence des concurrents n’avaient aucun impact sur le comportement futur des entreprises respectives sur le marché ni sur les prix qu’elles pratiquent effectivement.

220.

C’est donc à bon droit que le Tribunal a conclu, après avoir longuement débattu des circonstances concrètes propres au marché ainsi que des arguments exposés par Weichert, que l’échange d’informations pratiqué entre les entreprises concernées avait un objet anticoncurrentiel ( 116 ).

221.

En effet, un tel échange d’informations entre concurrents sur des facteurs déterminants pour les prix contredit de manière flagrante l’exigence d’autonomie qui caractérise le comportement des entreprises sur le marché dans un système de concurrence efficace ( 117 ). Il présente donc en lui‑même, sans qu’il y ait besoin d’autres explications, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence et peut être considéré, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence ( 118 ).

222.

C’est en cela que la présente affaire se distingue fondamentalement de l’affaire Asnef‑Equifax et Administración del Estado ( 119 ) évoquée par Weichert, qui concernait le système espagnol d’échange d’informations sur le crédit. En effet, un échange d’informations sur la solvabilité des emprunteurs tel que celui existant dans l’affaire Asnef‑Equifax et Administración del Estado (EU:C:2006:734) sert avant tout à améliorer le fonctionnement du marché et à créer des conditions de concurrence équitables pour tous les fournisseurs de crédit sans qu’un opérateur économique communique à ses concurrents d’une manière ou d’une autre, par ce moyen, les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle. Or, un échange d’informations tel que celui en cause en l’espèce, qui concerne essentiellement les facteurs se rapportant aux prix de référence indicatifs et aux tendances de prix, produit justement l’effet inverse: les entreprises concernées s’en servent pour communiquer à leurs concurrents respectifs, tout au moins pour partie, le comportement sur le marché qu’elles entendent adopter et des indications sensibles relatives à leurs prévisions en matière de prix. Ce procédé est bien évidemment susceptible d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées, et a pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause.

223.

Dans ces conditions, la critique émise par Weichert concernant la nature et l’objet de l’échange d’informations doit être rejetée.

– La fréquence et la régularité de l’échange d’informations

224.

Une autre objection opposée par Weichert concerne la fréquence et la régularité de ses échanges d’informations avec Dole. Weichert souligne que les communications bilatérales de prétarification n’ont eu lieu «qu’»environ 20 à 25 fois par an, alors que les prix de référence étaient fixés chaque semaine. Elle ajoute que ce n’était «qu’à de rares occasions» que «l’éventuelle évolution future des prix de référence en général» faisait l’objet de discussions.

225.

Même s’il nous semble difficilement contestable qu’un échange d’informations survenant 20 à 25 fois par an présente une régularité et une fréquence impressionnantes, la présente procédure de pourvoi, qui porte exclusivement sur des questions de droit, ne devrait pas constituer le cadre approprié pour les jeux de chiffres, qui équivaudraient en définitive à une nouvelle appréciation des faits.

226.

Dans ce contexte, l’argument de Weichert consistant à soutenir que, si les prix de référence étaient fixés chaque semaine, il n’y avait toutefois pas, chaque semaine, un échange d’informations sur les éléments ayant une incidence sur les prix, n’est pas très convaincant non plus. Car même à supposer l’exactitude de l’allégation selon laquelle le rythme de fixation des prix de référence et le rythme des échanges d’informations n’étaient pas parfaitement synchronisés, cela ne changerait rien à l’existence d’un échange d’informations ayant un objet anticoncurrentiel.

227.

En effet, contrairement à ce que Weichert semble penser, la constatation d’un échange d’informations ayant un objet anticoncurrentiel ne dépend pas de la preuve qu’un tel échange est fréquent ou régulier, voire hebdomadaire, entre les entreprises concernées. Selon la jurisprudence, un seul échange d’informations peut suffire à fonder la constatation d’une infraction et l’imposition d’une amende si les entreprises concernées sont restées actives sur le marché après cet échange d’informations ( 120 ).

228.

La critique de Weichert relative au prétendu défaut d’analyse du Tribunal concernant la fréquence et la régularité de ses échanges d’informations avec Dole est donc inopérante.

c) Conclusion intermédiaire

229.

En somme, l’argumentation de Weichert n’est pas de nature à invalider la qualification juridique de l’échange d’informations litigieux retenue par le Tribunal en tant que pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel contraire à l’article 81 CE. Dès lors, le second moyen du pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P ne peut pas non plus prospérer.

3. Résumé concernant le pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P

230.

Aucun des moyens soulevés par Weichert ne pouvant être accueilli, son pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P doit être rejeté.

D – Le pourvoi principal formé par la Commission dans l’affaire C‑294/13 P

231.

La Commission n’était manifestement pas non plus satisfaite de l’arrêt attaqué. Son pourvoi dans l’affaire C‑294/13 P porte sur les conditions dans lesquelles il est juridiquement nécessaire de considérer la coopération d’une entreprise avec la Commission au cours de la procédure administrative comme une circonstance atténuante dans le calcul du montant de l’amende.

1. Sur le premier moyen: la réponse aux demandes de renseignements de la Commission comme fondement d’une réduction du montant de l’amende

232.

Par son premier moyen, la Commission conteste les points 840 à 853 de l’arrêt attaqué. Dans ce passage de l’arrêt, le Tribunal considère, notamment sur le fondement de la communication sur la coopération, qu’une réduction du montant de l’amende infligée solidairement à Del Monte et Weichert s’impose en tant que reconnaissance des indications fournies volontairement par Weichert au cours de la procédure administrative ( 121 ). La Commission considère que cette approche est erronée et fait valoir, en substance, que Weichert a simplement respecté son obligation de répondre à des demandes de renseignements. Del Monte et Weichert opposent à cela qu’une telle obligation n’existait pas et que les informations fournies par Weichert l’ont été volontairement.

233.

Il nous semble qu’une part de l’intensité du débat entre les parties dans le cadre de ce premier moyen tient à une certaine confusion terminologique autour des notions de «volontariat», de «coopération» et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination en lien avec la transmission de renseignements au cours de la procédure administrative. Cette confusion terminologique commence déjà, pour partie, dans l’arrêt attaqué et se poursuit à présent avec le pourvoi de la Commission.

234.

Tout d’abord, il est clair que la Commission est habilitée à demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires en vue d’établir une infraction présumée au droit de la concurrence. À cet effet, la Commission peut procéder, à sa discrétion, soit par simple demande de renseignements, soit par décision formelle (article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003).

235.

Seuls les renseignements fournis en réponse à une décision formelle ont un caractère obligatoire, alors que la réponse aux simples demandes de renseignements est volontaire ( 122 ). Ce constat se confirme au vu des sanctions appliquées en cas de rétention de renseignements: elles ne sont prévues qu’en cas de renseignements demandés par voie de décision formelle et non pour de simples demandes de renseignements ( 123 ). Seuls les renseignements inexacts ou dénaturés sont passibles d’une amende dans les deux cas ( 124 ). De cette manière, le règlement no 1/2003 préserve l’équilibre délicat entre efficacité dans les enquêtes de la Commission et protection appropriée pour les entreprises et associations d’entreprises concernées.

236.

Il est tout à fait constant que Weichert n’a pas, en l’espèce, été obligée de fournir des renseignements par une décision formelle au sens de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, mais qu’elle y a été invitée de manière informelle par la Commission, par une simple demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, de ce règlement ( 125 ). Contrairement à ce que la Commission semble penser, il est donc établi que Weichert n’a pas rempli, au cours de la procédure administrative, une quelconque obligation légale en répondant à la demande de renseignements, mais que tous les renseignements qu’elle a fournis l’ont été volontairement.

237.

Toutefois, ce caractère volontaire n’entraîne en aucun cas nécessairement ni automatiquement l’ouverture du champ d’application de la communication sur la coopération en l’espèce.

238.

En effet, même si l’on considère, comme le Tribunal l’a constaté, que les renseignements fournis par Weichert n’étaient pas seulement volontaires, mais qu’ils avaient en outre une importance particulière pour la procédure administrative ( 126 ), et qu’ils ont permis à la Commission de constater l’existence d’une infraction avec moins de difficulté ( 127 ), tous ces éléments n’apportent aucune indication quant à la question de savoir s’il s’agissait d’un véritable acte de coopération avec la Commission, pour lequel Weichert aurait dû être récompensée en vertu de la communication sur la coopération par une réduction du montant de son amende.

239.

Il convient au contraire de rappeler que la réduction du montant d’une amende basée sur la communication sur la coopération ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée pourraient être considérés comme démontrant une véritable coopération avec la Commission. En d’autres termes, le comportement de l’entreprise concernée au cours de la procédure administrative doit donc témoigner d’un véritable esprit de coopération ( 128 ).

240.

Il serait erroné de parler d’un tel esprit de coopération dès lors qu’une entreprise répond dûment à toutes les demandes de renseignements de la Commission. En effet, en répondant simplement à des demandes concrètes de la Commission, même si elles sont présentées sous la forme de simples demandes de renseignements et qu’elles ne sont donc pas contraignantes juridiquement, l’entreprise fait uniquement ce que l’on attend d’elle au cours de la procédure administrative et qui correspond au comportement normal d’une partie raisonnable ( 129 ).

241.

Le fait qu’une entreprise ne fasse pas obstruction dans la procédure administrative n’a rien de méritoire. En effet, l’entreprise évite ainsi simplement l’application de circonstances aggravantes qui peuvent, le cas échéant, justifier l’augmentation du montant d’une amende devant lui être infligée ( 130 ). L’absence de telles circonstances aggravantes ne permet pas pour autant de conclure à l’existence de circonstances atténuantes. Quiconque souhaite bénéficier de circonstances atténuantes doit faire plus qu’adopter le comportement normal que l’on peut raisonnablement attendre de n’importe quelle partie. Il doit de lui‑même jouer cartes sur table intégralement.

242.

Comme la Commission le souligne à juste titre, il ne correspond ni à l’objet ni à la finalité d’un système de clémence, tel qu’exposé dans la communication sur la coopération, d’accorder d’emblée à toutes les parties à une entente le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende dès qu’elles ont fourni à la Commission, à sa demande, des éléments de preuve ou toute autre information utile aux fins de la constatation d’une infraction.

243.

Dans le cas contraire, l’application de la communication sur la clémence qui doit, selon la jurisprudence, expressément rester l’exception ( 131 ) deviendrait précisément la règle et les réductions du montant de l’amende devant être accordées augmenteraient de manière inflationniste.

244.

Si les avantages de la réduction du montant de l’amende étaient ouverts à une entreprise même lorsque celle‑ci s’abstient de communiquer des informations et des éléments de preuve jusqu’à ce que la Commission les sollicite par des demandes de renseignements concrètes, cela réduirait en outre sensiblement l’effet incitatif du système de clémence. Il vaudrait alors la peine pour les entreprises, au plan de la stratégie procédurale, et surtout économiquement, d’adopter un comportement attentiste voire passif, au lieu de revenir immédiatement dans la légalité et de fournir à la Commission, de leur propre initiative, des informations factuelles et des éléments de preuve aussi rapidement et largement que possible. Cela desservirait la mise en œuvre efficace des règles européennes de concurrence, qui constitue l’un des objectifs fondamentaux des traités ( 132 ).

245.

La comparaison avec les lignes directrices de 2006, qui exigent une coopération effective avec la Commission, montre également que le comportement purement attentiste et passif d’une entreprise dans la procédure administrative n’ouvre droit à aucune circonstance atténuante ( 133 ). Il n’existe aucun élément indiquant que les exigences relatives à la qualité de la coopération des entreprises avec la Commission relevant du champ d’application d’un système de clémence, telle qu’exposée dans la communication sur la coopération, doivent être moins strictes que dans le champ d’application des règles générales sur le calcul du montant des amendes, telles qu’elles sont formulées dans les lignes directrices de 2006.

246.

Dans ces conditions, une réduction du montant de l’amende, telle que prévue par la communication sur la coopération, n’est justifiée que lorsqu’une entreprise fournit des informations à la Commission sans y avoir été invitée. En d’autres termes, la coopération ne doit pas seulement être volontaire, mais doit aussi être spontanée ( 134 ).

247.

Par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 840 à 853 de l’arrêt attaqué, que la réponse volontaire à de simples demandes de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 justifiait en soi une réduction du montant de l’amende au sens des points 20 à 23 de la communication sur la coopération.

248.

Le fait qu’il ne régnait précisément aucun esprit de coopération entre la Commission et Weichert en l’espèce ne résulte d’ailleurs pas seulement de l’absence de renseignements fournis spontanément à la Commission, mais également de la constatation du Tribunal selon laquelle Weichert a adopté une position continue de dénégation de toute infraction au cours de la procédure administrative ( 135 ). Chacun de ces deux aspects, à savoir l’absence de renseignements spontanés, d’une part, et la dénégation persistante de l’infraction, d’autre part, exclut catégoriquement l’application des points 20 à 23 de la communication sur la coopération.

249.

Il est vrai que la seule circonstance que le Tribunal se soit fondé sur une interprétation erronée de la communication sur la coopération pour justifier la réduction du montant de l’amende qu’il avait prononcée en faveur de Del Monte et de Weichert n’aboutit pas nécessairement à l’annulation de l’arrêt attaqué ( 136 ). En effet, il convient de rappeler que cette communication fait uniquement état de la pratique administrative de la Commission de l’époque, en tant qu’autorité de la concurrence, par la publication de laquelle cette dernière s’est imposée une autolimitation, sans que cela confère à la communication le caractère d’une règle de droit ( 137 ). Rien n’empêche le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction (dispositions combinées de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003) de fixer d’autres critères et, le cas échéant, de prononcer des réductions plus généreuses ( 138 ).

250.

L’exercice par le Tribunal de cette compétence que lui confère l’article 261 TFUE n’est contrôlé par la Cour qu’en matière d’erreurs manifestes ( 139 ). Ces erreurs peuvent être retenues, en premier lieu, dans la mesure où le Tribunal a méconnu la portée de ses pouvoirs au titre de l’article 261 TFUE ( 140 ), en deuxième lieu, lorsqu’il n’a pas pris suffisamment en considération l’ensemble des éléments pertinents ( 141 ) et, en troisième lieu, lorsqu’il a appliqué des critères juridiques erronés ( 142 ), en particulier au regard des principes d’égalité de traitement ( 143 ) et de proportionnalité ( 144 ).

251.

La présente affaire relève de la deuxième catégorie: dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 261 TFUE, le Tribunal n’a pas pris suffisamment en considération l’ensemble des éléments pertinents. D’une part, comme cela a déjà été souligné, il a méconnu la différence existant entre une coopération simplement volontaire et une coopération spontanée ( 145 ). D’autre part, il n’a pas examiné les effets négatifs qu’une pratique de réduction du montant des amendes établie par le juge de l’Union en cas de coopération volontaire mais non spontanée peut avoir sur le fonctionnement de la communication sur la clémence et, plus généralement, sur la mise en œuvre efficace des règles de concurrence ( 146 ).

252.

Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen de la Commission.

2. Sur le second moyen: unité économique comme condition de l’extension à la société mère de circonstances atténuantes dont bénéficie la filiale

253.

La Commission soulève son second moyen uniquement à titre subsidiaire, pour le cas où son premier moyen ne serait pas couronné de succès. Même si nous proposons ci‑dessus d’accueillir le premier moyen ( 147 ), nous allons également examiner brièvement le second ci‑après, par souci d’exhaustivité.

254.

La Commission reproche au Tribunal une erreur de droit et un défaut de motivation pour avoir étendu à Del Monte la réduction accordée à Weichert au titre de sa coopération au cours de la procédure administrative, sans examiner si Del Monte et Weichert appartenaient toujours à une seule et même entreprise.

a) Recevabilité

255.

Del Monte considère que ce second moyen de la Commission est irrecevable, car la Commission n’a jamais fait valoir dans la décision litigieuse ni dans la procédure devant le Tribunal que Del Monte et Weichert devraient être jugées séparément au regard du montant de l’amende.

256.

Cette objection doit être accueillie.

257.

Certes, le défaut d’observations dans la décision litigieuse sur la question qui nous intéresse ici ne saurait jouer au détriment de la Commission. En effet, dans cette décision, la Commission s’est elle‑même contentée d’effectuer des réductions du montant de l’amende se rapportant à des événements survenus au cours de la période comprise entre les années 2000 et 2002. Étant donné que la Commission considérait encore Del Monte et Weichert comme une entreprise unique au titre de cette période, le problème des amendes de niveau différent pour l’une et l’autre, qui fait débat ici, ne se posait pas pour elle.

258.

Toutefois, la Commission aurait pu et dû faire valoir son argument au plus tard durant la procédure devant le Tribunal. Del Monte avait alors demandé une réduction du montant de l’amende à titre de compensation pour la coopération de Weichert avec la Commission au cours de la procédure administrative. En réponse à ce moyen, la Commission était libre d’indiquer qu’après l’année 2002, Del Monte et Weichert ne constituaient plus une entreprise unique, en particulier au cours de la procédure administrative, et que Del Monte ne pouvait dès lors pas être récompensée pour une éventuelle coopération de Weichert avec la Commission.

259.

Dans ces conditions, l’on peut donc difficilement soutenir que la Commission fait valoir en l’espèce un moyen né de l’arrêt attaqué lui‑même et qui doit dès lors être nécessairement recevable ( 148 ). Cela est d’autant plus vrai que, selon une jurisprudence constante ( 149 ), le Tribunal n’était pas tenu, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction (dispositions combinées de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003), de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier et d’aborder ainsi des problèmes tels que celui exposé ici par la Commission.

260.

Si l’on autorisait à présent la Commission à soulever ledit problème pour la première fois au stade de la procédure de pourvoi, elle pourrait saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Cela est irrecevable au stade du pourvoi ( 150 ).

b) Bien‑fondé

261.

Dans l’hypothèse où la Cour considérerait néanmoins que le second moyen est recevable, nous ajoutons, à titre complémentaire, que le grief soulevé par la Commission serait fondé.

262.

Comme la Cour l’a jugé dernièrement, la réduction du montant d’une amende, qui récompense la coopération d’un participant à une entente avec la Commission au cours de la procédure administrative, ne saurait être étendue à une société qui, pendant tout ou partie de la période infractionnelle, avait fait partie de l’entité économique constituée par cette première entreprise, mais qui en était sortie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission ( 151 ).

263.

Contrairement à ce que Del Monte et Weichert semblent penser, la responsabilité solidaire de la société mère au titre des infractions au droit des ententes commises par une filiale placée sous son influence déterminante ne saurait être réduite à une relation purement accessoire, telle qu’elle existerait, par exemple, dans le cas de la caution. Si la Cour a qualifié la responsabilité de la société mère de «dérivée et accessoire» dans la mesure où il s’agit de l’existence d’une infraction et de sa durée ( 152 ), il n’existe toutefois, en dehors de cela, aucun principe général en droit de l’Union prévoyant que la société mère ne pourrait jamais être condamnée au paiement d’une amende d’un montant supérieur à celle infligée à la filiale ( 153 ).

3. Résumé concernant le pourvoi principal dans l’affaire C‑294/13 P

264.

Tout bien considéré, le pourvoi formé par la Commission dans l’affaire C‑294/13 P est donc parfaitement fondé au regard de son premier moyen et entraîne l’annulation du point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué (article 61, paragraphe 1, première phrase, du statut de la Cour). Dans ces conditions, il n’y a plus lieu de statuer sur le second moyen qui contient certes des arguments pertinents au fond, mais qui ne satisfait pas aux exigences de recevabilité.

E – Les pourvois incidents respectifs de Weichert et de Del Monte dans l’affaire C‑294/13 P: portée du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

265.

Les pourvois incidents formés par Weichert et Del Monte dans l’affaire C‑294/13 P sont dirigés contre le point 839 de l’arrêt attaqué et soulèvent tous deux le même problème juridique: le Tribunal aurait commis une erreur de droit en n’examinant pas la question de savoir si les demandes de renseignements de la Commission adressées à Weichert étaient compatibles avec le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (nemo tenetur se ipsum accusare) ( 154 ).

266.

Ce grief n’est soulevé par les deux parties ayant formé un pourvoi incident que dans l’hypothèse où la Cour retiendrait la thèse exposée par la Commission dans son pourvoi principal et conclurait à l’existence d’une obligation légale imposant à Weichert de répondre aux simples demandes de renseignements au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

267.

Comme nous l’avons déjà indiqué ( 155 ), le comportement de Weichert au cours de la procédure administrative n’était certes pas suffisant pour être considéré comme une circonstance atténuante et justifier une réduction du montant de l’amende au sens de la communication sur la coopération. Toutefois, indépendamment de cela, les réponses de Weichert aux simples demandes de renseignements de la Commission étaient volontaires. En l’absence de décision visée à l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, Weichert n’était pas obligée de fournir à la Commission les renseignements demandés. Pour cette même raison, les simples demandes de renseignements de la Commission n’étaient pas, dès le départ, susceptibles de contraindre Weichert à contribuer à sa propre incrimination ( 156 ).

268.

Par conséquent, les deux pourvois incidents dans l’affaire C‑294/13 P sont sans objet et il n’y pas lieu de statuer sur ceux‑ci.

V – Réévaluation du montant de l’amende

269.

Il résulte des observations qui précèdent que seul le pourvoi de la Commission formé dans l’affaire C‑294/13 P peut être accueilli. L’annulation du point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, que nous avons suggérée sur la base de ce pourvoi ( 157 ), entraîne l’obligation de réévaluer le montant de l’amende à laquelle Del Monte et Weichert ont été solidairement condamnées au point 2, sous c), de la décision litigieuse.

270.

Au cours de la procédure devant le Tribunal ainsi que dans la présente procédure de pourvoi, les parties ont eu, à cet égard, l’occasion d’échanger leurs points de vue sur tous les éléments pertinents. Il n’est par ailleurs pas nécessaire d’instruire les faits davantage. Le litige est ainsi en état d’être jugé (article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut de la Cour).

271.

Dans le cadre de son droit d’évocation, la Cour dispose d’une compétence de pleine juridiction, telle que prévue à l’article 261 TFUE lu en combinaison avec l’article 31 du règlement no 1/2003. Elle peut donc librement déterminer le nouveau montant de l’amende ( 158 ).

272.

Pour corriger l’erreur de droit constatée dans l’arrêt attaqué, il convient de revenir sur la réduction de 10 % du montant de l’amende accordée par le Tribunal au titre de la coopération de Weichert dans la procédure administrative ( 159 ).

273.

En outre, l’on pourrait envisager, compte tenu de la dénégation persistante de l’infraction par Weichert au cours de la procédure administrative ( 160 ), de procéder à une augmentation du montant de l’amende. En principe, la compétence de pleine juridiction ouvre également cette possibilité ( 161 ), étant précisé qu’il n’existe en particulier, ni dans la procédure devant le Tribunal ni dans la procédure de pourvoi, aucune interdiction de reformatio in pejus. Les juridictions de l’Union ne sont pas non plus liées par les demandes des parties concernant le montant de l’amende dès lors qu’elles restent dans le cadre de l’objet du litige défini dans le recours en annulation et dans le ou les pourvois.

274.

Nous suggérons néanmoins de ne pas envisager d’augmentation dans la présente procédure. En effet, même si Weichert a nié l’infraction de manière persistante, elle a quand même toujours dûment répondu à toutes les demandes de renseignements de la Commission. La simple négation de l’illégalité d’un comportement reproché à une entreprise, à laquelle toute partie est habilitée au regard de la présomption d’innocence et des droits de la défense, ne justifie aucune aggravation particulière de la sanction infligée.

275.

Les parties, avec lesquelles tous les points précités avaient été débattus, se sont également prononcées unanimement dans ce sens lors de l’audience devant la Cour. En particulier, la Commission a refusé de considérer la dénégation de l’infraction comme une circonstance aggravante en soi.

276.

En dehors des questions qui viennent d’être évoquées concernant la juste appréciation du comportement de certaines entreprises au cours de la procédure administrative, nous ne voyons pas, en l’espèce, d’indices de ce que l’amende prononcée à l’égard de Del Monte et Weichert aurait été mal calculée, serait disproportionnée ou tout simplement inappropriée.

277.

Après avoir pris en compte, une nouvelle fois, l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment la nature, la gravité et la durée de l’infraction, une amende s’élevant à 9,8 millions d’euros semble proportionnée tant au comportement de l’entreprise qu’à sa faute, étant précisé que la responsabilité solidaire de Del Monte et Weichert est maintenue.

VI – Sur les dépens

278.

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle‑même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

279.

Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, lu en combinaison avec l’article 184, paragraphe 1, de ce même règlement, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Étant donné que Del Monte et Weichert ont succombé en leurs conclusions, que ce soit par un pourvoi, un pourvoi incident ou en réponse aux pourvois formés par d’autres parties, elles supporteront chacune leurs propres dépens dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P ainsi que l’ensemble des dépens de la Commission dans les deux affaires, ces derniers devant être supportés solidairement ( 162 ).

VII – Conclusion

280.

À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer dans les termes suivants:

1)

Le point 1 du dispositif de l’arrêt Fresh Del Monte Produce/Commission (T‑587/08, EU:T:2013:129) est annulé.

2)

Le montant de l’amende infligée par la Commission européenne le 15 octobre 2008 au titre de l’article 2, sous c), de la décision C(2008) 5955 final relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité [CE] (affaire COMP/39188 — Bananes) est fixé à 9800000 euros.

3)

Le pourvoi et le pourvoi incident dans l’affaire C‑293/13 P sont rejetés.

4)

Il n’y a pas lieu de statuer sur les deux pourvois incidents dans l’affaire C‑294/13 P.

5)

Fresh Del Monte Produce, Inc. et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert GmbH & Co. KG supporteront leurs propres dépens dans les affaires C‑293/13 P et C‑294/13 P. En outre, ces sociétés supporteront solidairement l’ensemble des dépens de la Commission dans les deux affaires.


( 1 )   Langue originale: l’allemand.

( 2 )   Décision C (2008) 5955 final de la Commission du 15 octobre 2008 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité [CE] (affaire COMP/39188 — Bananes, résumée au JO 2009, C 189, p. 12, ci‑après la «décision litigieuse»).

( 3 )   Arrêt Fresh Del Monte Produce/Commission (T‑587/08, EU:T:2013:129, ci‑après l’«arrêt attaqué» ou l’«arrêt du Tribunal»).

( 4 )   Ci‑après «Del Monte».

( 5 )   Ci‑après «Weichert».

( 6 )   Par mesure de simplification, nous parlerons ci‑après de Del Monte même en faisant référence à l’une des filiales précitées.

( 7 )   Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la «communication sur la coopération»).

( 8 )   Article 1er de la décision litigieuse.

( 9 )   Article 1er, sous g) et h), de la décision litigieuse.

( 10 )   Article 2, sous c), de la décision litigieuse.

( 11 )   Toutefois, Del Monte ne conclut à l’annulation de la décision litigieuse que dans la mesure où elle concerne la requérante au pourvoi.

( 12 )   Le recours en annulation introduit par Weichert a été rejeté de manière définitive par le Tribunal comme étant manifestement irrecevable pour cause de tardiveté (voir ordonnance Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission (C‑73/10 P, EU:C:2010:684) et ordonnance du Tribunal Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission (T‑2/09, EU:T:2009:478).

( 13 )   Arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:407, points 52 à 57). Dans cette mesure, la présente espèce se distingue fondamentalement de l’affaire Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29), dans laquelle tant la société mère que la filiale avaient respectivement introduit des recours en annulation séparés contre une décision de la Commission.

( 14 )   Arrêts Rendo e.a./Commission (C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13), Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 23) ainsi que France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 43).

( 15 )   Voir, dans le même sens, arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 55).

( 16 )   Voir article 183 du règlement de procédure de la Cour.

( 17 )   Point 46 de l’arrêt attaqué.

( 18 )   Arrêts Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 55 à 58) ainsi que International Power e.a./NALOO (C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, EU:C:2003:534, points 51 à 53).

( 19 )   Voir point 47 des présentes conclusions.

( 20 )   Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] du traité (JO 2003, L 1, p. 1).

( 21 )   Arrêts Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 49), Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 55) et Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 74).

( 22 )   Arrêts Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission (C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 40), Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 117), Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 51) et Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje (C‑440/11 P, EU:C:2013:514, point 59).

( 23 )   Voir, à cet égard, arrêts de principe Imperial Chemical Industries/Commission (48/69, EU:C:1972:70, points 132 à 135), Geigy/Commission (52/69, EU:C:1972:73, point 44) ainsi que Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 15); plus récemment, voir notamment arrêts ETI e.a. (C‑280/06, EU:C:2007:775, point 39 lu en combinaison avec le point 49), Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 58), Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One Internationale e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 43) ainsi que Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 30).

( 24 )   Voir, dans ce sens, arrêts Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 60 et 61), Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 56, 63 et 95), Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje (C‑440/11 P, EU:C:2013:514, en particulier points 40 et 41) ainsi que Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 32 et 33).

( 25 )   Point 72 de l’arrêt attaqué ainsi que considérants 382 et 383 de la décision litigieuse.

( 26 )   Voir, en particulier, points 50 à 56 ainsi que points 87 et 88 de l’arrêt attaqué.

( 27 )   Concernant la présomption réfragable de l’exercice effectif d’une influence déterminante, voir, notamment, jurisprudence citée à la note 24.

( 28 )   À cet égard, voir en particulier arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, points 102, 104 et 105); voir, dans le même sens, bien que dans un contexte différent, arrêt AceaElectrabel Produzione/Commission (C‑480/09 P, EU:C:2010:787, points 46 et suiv.).

( 29 )   Point 276 de l’arrêt attaqué.

( 30 )   Arrêt Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 65).

( 31 )   Voir, à cet égard, arrêt récent Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje (C‑440/11 P, EU:C:2013:514, en particulier points 66 à 68) ainsi que points 71 et 72 de nos conclusions présentées dans cette affaire (EU:C:2012:763).

( 32 )   Voir, dans ce sens, arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One Internationale e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, points 102 à 105) ainsi qu’arrêt du Tribunal Sasol e.a/Commission (T‑541/08, EU:T:2014:628, points 53 et 54).

( 33 )   Arrêts The Dow Chemical Company/Commission (C‑179/12 P, EU:C:2013:605), EI du Pont de Nemours/Commission (C‑172/12 P, EU:C:2013:601) et arrêt du Tribunal Avebe/Commission (T‑314/01, EU:T:2006:266).

( 34 )   Voir, à cet égard, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 73 et 74) ainsi que points 89 à 93 de nos conclusions présentées dans cette affaire (EU:C:2009:262), puis arrêt Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 112 en particulier).

( 35 )   Point 99 de l’arrêt attaqué et considérant 387 de la décision litigieuse.

( 36 )   Points 122, 125 et 130 de l’arrêt attaqué ainsi que considérants 387 et 404 de la décision litigieuse.

( 37 )   Point 135 de l’arrêt attaqué et considérant 383 de la décision litigieuse.

( 38 )   À cet égard, voir points 144, 145 et 154 de nos conclusions présentées dans l’affaire Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:11).

( 39 )   Points 156 à 158 de l’arrêt attaqué ainsi que considérants 388 et 393 de la décision litigieuse.

( 40 )   Points 204, 220 et, à titre complémentaire, points 171, 175, 176 et 185 de l’arrêt attaqué ainsi que considérants 389 et 390 de la décision litigieuse.

( 41 )   Le point de savoir si ces instructions ont été suivies dans une mesure suffisante par Weichert, et donc si elles ont été «couronnées de succès», fait l’objet d’une branche distincte du premier moyen, que nous allons examiner tout de suite (voir points 99 à 110 des présentes conclusions).

( 42 )   Voir point 89 de nos conclusions présentées dans l’affaire Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:262).

( 43 )   À cet égard, voir à nouveau jurisprudence citée au point 23 des présentes conclusions.

( 44 )   Arrêt Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 144 en particulier).

( 45 )   Point 208 de l’arrêt attaqué.

( 46 )   Del Monte renvoie à plusieurs reprises au point 208 de l’arrêt attaqué.

( 47 )   Voir, en particulier, points 208 à 215 de l’arrêt attaqué.

( 48 )   Point 210 de l’arrêt attaqué.

( 49 )   Point 211 de l’arrêt attaqué.

( 50 )   Concernant le grief tiré de la dénaturation des éléments de preuve soulevé par Del Monte, voir nos remarques formulées dans le cadre du deuxième moyen aux points 122 à 165 des présentes conclusions.

( 51 )   Même lorsque nous l’avons interrogée expressément, Del Monte n’a pas été en mesure, lors de l’audience devant la Cour, d’indiquer le passage de l’arrêt attaqué qui comporterait un constat factuel susceptible de corroborer son allégation, ni les éléments de preuve que le Tribunal aurait méconnus à cet égard.

( 52 )   Arrêts Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 23), Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 75 et 76) ainsi que FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 31).

( 53 )   Point 113 de l’arrêt attaqué.

( 54 )   Point 208 de l’arrêt attaqué.

( 55 )   Points 237 et 238 de l’arrêt attaqué.

( 56 )   Points 259 et 260 de l’arrêt attaqué.

( 57 )   Points 104 et 221 de l’arrêt attaqué.

( 58 )   Voir également arrêt Knauf Gips/Commisison (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 80).

( 59 )   Voir, dans ce sens, arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 79 et 132) ainsi que, concernant le domaine visé à l’article 86 du traité CEE, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326, point 25). Concernant l’obligation des parties de satisfaire à leur obligation d’exposer leurs thèses dans les contextes les plus divers, voir en outre nos conclusions présentées dans les affaires Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C‑105/04 P, EU:C:2005:751, point 73), T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 89), Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:262, point 74) ainsi que Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:11, point 170).

( 60 )   Dans ce contexte, Del Monte fait référence à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

( 61 )   À cet égard, voir points 82 à 110 des présentes conclusions.

( 62 )   Arrêts PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37), Sniace/Commission (C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 37) et Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17).

( 63 )   Point 101 de l’arrêt attaqué (italique ajouté par nos soins).

( 64 )   À cet égard, voir à nouveau arrêt Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 73 et 74) ainsi que points 89 à 93 de nos conclusions présentées dans cette affaire (EU:C:2009:262), puis arrêt Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 112 en particulier).

( 65 )   Voir points 111 à 114 de l’arrêt attaqué.

( 66 )   Arrêts P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, points 67 à 69), Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 70 à 72) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 112).

( 67 )   À cet égard, voir point 88 des présentes conclusions.

( 68 )   Arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 50 et 159), Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 16) et Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 152).

( 69 )   Arrêts Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 23), Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 75 et 76) ainsi que FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 31).

( 70 )   Le fonctionnement de ce mécanisme d’arbitrage est résumé au point 115 de l’arrêt attaqué.

( 71 )   Il s’agit concrètement du point 63 de la requête de première instance.

( 72 )   À cet égard, voir nos conclusions présentées dans les affaires Solvay/Commission (C‑110/10 P, EU:C:2011:257, points 126 et 131) ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:21, point 134).

( 73 )   Voir les mots d’introduction du point 118 de l’arrêt attaqué: «Il résulte des considérations qui précèdent que l’accord d’association traduit […]».

( 74 )   Points 209 et 210 de l’arrêt attaqué.

( 75 )   Point 211 de l’arrêt attaqué.

( 76 )   Point 214 de l’arrêt attaqué.

( 77 )   Voir points 107 à 109 des présentes conclusions.

( 78 )   Le paragraphe d’introduction de la lettre est rédigé comme suit: «We were retained by Interfrucht as legal counsel […] Interfrucht wishes to stress the following […]», [«Nous avons été engagés par Interfrucht en tant que conseil juridique […] Interfrucht souhaite souligner ce qui suit […]»], étant précisé que «Interfrucht» a été utilisé comme abréviation de la dénomination sociale de Weichert.

( 79 )   Voir les formulations telles que «Mr. [W.] instructed us» [«M. [W.] nous a chargés»], «Mr. [W.] never consented» [«M. [W] n’a jamais consenti»], «Mr. [W.] further wishes to remind you» [«M. [W.] souhaite également vous rappeler»], ainsi que «Mr. [W.] and Interfrucht» [«M. [W.] et Interfrucht»] ou «he and Interfrucht» [«lui et Interfrucht»].

( 80 )   Arrêts P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, points 67 à 69), Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 70 à 72) ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 112).

( 81 )   Point 238 de l’arrêt attaqué.

( 82 )   Voir à nouveau points 82 à 110 des présentes conclusions.

( 83 )   Voir point 34 de nos conclusions présentées dans l’affaire Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:317).

( 84 )   Arrêts Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 83, 87 et 203), Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 83) ainsi que Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778, points 43 et 44). Voir, également, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 143), où il est question d’«approbation tacite d’une initiative illicite», qui aboutit à une «complicité» et à «un mode passif de participation à l’infraction».

( 85 )   Voir point 36 de nos conclusions présentées dans l’affaire Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:317). Voir, dans le même sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 87).

( 86 )   Voir, dans ce sens, arrêt Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 44).

( 87 )   Ibidem (point 45).

( 88 )   Voir, dans ce sens, point 33 de nos conclusions présentées dans l’affaire Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:317).

( 89 )   Arrêts Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 90), Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 86) et Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 45).

( 90 )   Points 646 et 649 de l’arrêt attaqué; voir également considérants 258 et 476 de la décision litigieuse.

( 91 )   Voir points 50 à 65 des présentes conclusions.

( 92 )   Arrêts FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 90), Masdar (UK)/Commission (C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 76) et Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 41); voir, dans le même sens déjà, arrêt Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 190 et 202).

( 93 )   Voir, en particulier, points 583 à 585 et 788 de l’arrêt attaqué.

( 94 )   Arrêts PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37), Sniace/Commission (C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 37) et Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17).

( 95 )   Points 850 et 851 de l’arrêt attaqué.

( 96 )   Ordonnance San Marco/Commission (C‑19/95 P, EU:C:1996:331, points 39 et 40) et arrêts Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 103) ainsi que Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 84); voir, dans le même sens, arrêt MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 60).

( 97 )   Voir, en particulier, points 583 et 585 ainsi que point 362 de l’arrêt attaqué.

( 98 )   Voir point 54 de nos conclusions présentées dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110).

( 99 )   Arrêts Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 125), Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 117) ainsi que Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje (C‑440/11 P, EU:C:2013:514, point 59).

( 100 )   C‑67/13 P, EU:C:2014:2204.

( 101 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 24).

( 102 )   Voir, à cet égard, point 37 de nos conclusions présentées dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110).

( 103 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 27); voir, dans le même sens, arrêts Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 37) ainsi que CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53).

( 104 )   Arrêts Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 36) ainsi que CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53).

( 105 )   Arrêts T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 27), Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 37) ainsi que CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54).

( 106 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 29 et 30); voir, dans le même sens, arrêts Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 135), Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34) ainsi que CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49 à 52 et 57 à la fin).

( 107 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 31 et 43); voir, dans le même sens, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 38).

( 108 )   Arrêts Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 121 et 126), Hüls/Commission (C‑199/92 P, EU:C:1999:358, points 162 et 167) ainsi que T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51) et point 75 de nos conclusions présentées dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110).

( 109 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 29 et 30); voir, dans le même sens, arrêts Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 135), Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34) ainsi que CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49 à 52 et 57 à la fin).

( 110 )   Arrêts T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 38) ainsi que GlaxoSmithKline Services/Commission (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 63).

( 111 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 36 à 39).

( 112 )   Voir, dans ce sens, arrêts Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 173), Deere/Commission (C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 86) ainsi que T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 32).

( 113 )   Voir, en particulier, points 17 à 20, 583 à 585 et 788 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 51 à 57 de la décision litigieuse.

( 114 )   Points 450 à 562 de l’arrêt attaqué; voir, en outre, points 850 à 852 de cet arrêt, où il est fait référence aux propres déclarations de Weichert.

( 115 )   Points 21, 553 et 583 de l’arrêt attaqué ainsi que considérant 115 de la décision litigieuse.

( 116 )   Voir, en particulier, point 585 de l’arrêt attaqué.

( 117 )   Concernant l’exigence d’autonomie, voir, entre autres, arrêts Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 173), Deere/Commission (C‑7/95 P, EU:C:1998:256, points 86 et 87) ainsi que T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 32 et 33).

( 118 )   Concernant ces critères, voir à nouveau arrêt rendu récemment CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, en particulier points 50 et 57).

( 119 )   C‑238/05, EU:C:2006:734.

( 120 )   Arrêt T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 58 et 59); voir également arrêts Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 121) et Hüls/Commission (C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 162); voir, à titre complémentaire, points 97 à 107 de nos conclusions présentées dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110).

( 121 )   Voir, en particulier, point 853 de l’arrêt attaqué.

( 122 )   Arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 279).

( 123 )   Article 23, paragraphe 1, sous b), et article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1/2003.

( 124 )   Article 23, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no°1/2003.

( 125 )   Point 838 de l’arrêt attaqué et considérant 46 de la décision litigieuse.

( 126 )   Point 852 de l’arrêt attaqué.

( 127 )   Point 855 de l’arrêt attaqué.

( 128 )   Arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 395 et 396) ainsi que Schenker & Co. e.a. (C‑681/11, EU:C:2013:404, point 48).

( 129 )   Voir, dans ce sens, également arrêt Alliance One International/Commission (C‑668/11 P, EU:C:2013:614, point 78), qui renvoie toutefois, à tort selon nous, à l’obligation légale de répondre aux simples demandes de renseignements (voir arrêt du Tribunal Agroexpansión/Commission, T‑38/05, EU:T:2011:585, point 268).

( 130 )   Concernant cette circonstance aggravante, voir point 28, deuxième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les «lignes directrices de 2006»).

( 131 )   Voir, dans ce sens, arrêt Schenker e.a. (C‑681/11, EU:C:2013:404, point 49), bien qu’il porte sur l’immunité ou la non‑imposition d’une amende.

( 132 )   Concernant l’importance des règles de concurrence pour le fonctionnement du marché intérieur, voir arrêt Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 36) ainsi que, concernant la situation juridique après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, arrêts TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 20) et Commission/Italie (C‑496/09, EU:C:2011:740, point 60). La nécessité d’une mise en œuvre efficace des articles 81 CE et 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) a été soulignée récemment, notamment, dans les arrêts X (C‑429/07, EU:C:2009:359, points 33 à 35), VEBIC (C‑439/08, EU:C:2010:739, point 59), Pfleiderer (C‑360/09, EU:C:2011:389, point 19) ainsi que Schenker e.a. (C‑681/11, EU:C:2013:404, point 46).

( 133 )   Point 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006.

( 134 )   Par simple souci de concision, nous indiquons que des informations transmises spontanément peuvent également figurer dans la réponse à une demande de renseignements de la Commission dans la mesure où elles vont au‑delà de l’objet des questions qui y sont posées ou des documents qui y sont demandés.

( 135 )   Point 855 de l’arrêt attaqué.

( 136 )   Voir, dans ce sens, arrêts Lestelle/Commission (C‑30/91 P, EU:C:1992:252, point 28), FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187) ainsi que MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 170).

( 137 )   Arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 à 211), KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 100) ainsi que Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 60).

( 138 )   L’arrêt ThyssenKrupp/Commission (C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, points 51 et 54) peut être compris en ce sens que la réduction du montant de l’amende est envisageable dès lors que l’entreprise concernée s’est contentée de ne pas nier les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission a fondé ses griefs. Toutefois, il convient de noter que la Cour s’est simplement prononcée sur l’interprétation d’une réglementation antérieure à la communication sur la coopération, et non, en revanche, sur ce qui semble approprié dans le cadre de l’exercice par le juge de la compétence de pleine juridiction conformément à l’article 261 TFUE.

( 139 )   Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 365).

( 140 )   Voir, à cet égard, nos conclusions présentées dans les affaires Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C‑105/04 P, EU:C:2005:751, point 137) ainsi que Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:248, point 190); voir, dans le même sens, arrêts Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 155 et 156) ainsi que Kone e.a./Commission (C‑510/11 P, EU:C:2013:696, points 40 et 42).

( 141 )   Arrêts Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 128), Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 244 et 303) ainsi que Papierfabrik August Koehler e.a./Commission (C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 125).

( 142 )   Arrêts Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:1998:608: point 128), Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 244 et 303) ainsi que Papierfabrik August Koehler e.a./Commission ( C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 125).

( 143 )   Arrêts Weig/Commission (C‑280/98 P, EU:C:2000:627, points 63 et 68) ainsi que Sarrió/Commission (C‑291/98 P, EU:C:2000:631, points 97 et 99).

( 144 )   Arrêts E.ON Energie/Commission (C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 126) ainsi que Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 165).

( 145 )   Voir points 237 à 241 et 246 des présentes conclusions.

( 146 )   Voir points 242 à 245 des présentes conclusions.

( 147 )   Voir point 252 des présentes conclusions.

( 148 )   Voir, à cet égard, arrêts Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission (C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, points 100 à 102) ainsi que FLS Plast/Commission (C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 48).

( 149 )   Arrêts Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 66), Kone e.a./Commission (C‑510/11 P, EU:C:2013:696, point 32) ainsi que Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 55).

( 150 )   Arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 165), Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 126) ainsi que Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 99).

( 151 )   Arrêt FLS Plast/Commission (C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 85); voir, dans le même sens, arrêt FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 85).

( 152 )   Arrêt Commission/Tomkins (C‑286/11 P, EU:C:2013:29, points 38 et 39).

( 153 )   Arrêt FLS Plast/Commission (C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 107).

( 154 )   Arrêts Orkem/Commission (374/87, EU:C:1989:387, points 28 à 35), Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 62 à 65) ainsi que Commission/SGL Carbon (C‑301/04 P, EU:C:2006:432, points 40 à 49).

( 155 )   Voir, à cet égard, nos observations sur le premier moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑294/13 P (points 232 à 252 des présentes conclusions).

( 156 )   Voir, dans ce sens, arrêts Dalmine/Commission (C‑407/04 P, EU:C:2007:53, points 34 et 35) ainsi que Erste Group Bank e.a./Commission (C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, points 271 et 272).

( 157 )   Voir point 264 des présentes conclusions.

( 158 )   Voir, à cet égard, arrêts Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 218) et Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 79).

( 159 )   Point 856 de l’arrêt attaqué.

( 160 )   Point 855 de l’arrêt attaqué.

( 161 )   Arrêt Groupe Danone/Commission (C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 61).

( 162 )   Voir, dans ce sens, arrêt D et Suède/Conseil (C‑122/99 P et C‑125/99 P, EU:C:2001:304, point 65); dans cette affaire également, D et le Royaume de Suède avaient formé deux pourvois séparés et avaient été condamnés solidairement aux dépens.

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