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Document 52015IR2698

Avis du Comité européen des régions — La dimension locale et régionale de l’économie du partage

JO C 51 du 10.2.2016, pp. 28–33 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

10.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 51/28


Avis du Comité européen des régions — La dimension locale et régionale de l’économie du partage

(2016/C 051/06)

Rapporteure:

Mme Benedetta BRIGHENTI (IT/PSE), adjointe au maire de Castelnuovo Rangone, province de Modène

RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

1.

considère que l’économie du partage se fonde sur des modèles sociaux nouveaux ou renouvelés ayant d’importantes répercussions économiques, juridiques et institutionnelles: les pratiques sociales de partage, la collaboration et la coopération. Compte tenu de son caractère innovant et dynamique, son concept ne peut, en fin de compte, pas être défini. Il englobe toutefois des phénomènes présentant les caractéristiques suivantes:

i)

ses principaux protagonistes n’agissent pas de la même manière que ce qui se pratique habituellement dans les modèles économiques classiques (c’est-à-dire comme un «homo oeconomicus»). Ceci ne les empêchant pas de pouvoir être rationnels et agir de manière déterminée pour atteindre leurs objectifs;

ii)

l’économie du partage repose sur une approche par plateforme où les relations, la réputation, la confiance sociale et d’autres éléments non économiques au sein d’une communauté figurent parmi les principaux moteurs;

iii)

l’économie du partage fait un usage intensif et à grande échelle des technologies numériques et de la collecte de données. Les données deviennent des matières premières primaires. Les coûts fixes sont en grande partie externalisés;

iv)

à une plus petite échelle au niveau local, certaines initiatives d’économie du partage peuvent se limiter à une utilisation ou une gestion partagée des actifs physiques [par exemple espaces de travail en commun, communs urbains (urban commons), etc.], ou à de nouvelles formes de systèmes de protection sociale entre pairs, parfois au niveau d’une rue ou d’un bâtiment;

v)

l’économie du partage peut être organisée selon des modèles fondés tant sur des logiques de marché que sur des logiques sociales;

2.

note dans ce contexte que la Commission européenne utilise le terme «économie collaborative» plutôt que «économie du partage» et qu’elle a fait un premier effort dans sa récente communication sur le thème «Améliorer le marché unique» (1) pour définir le concept comme suit: «On assiste au développement rapide de l’économie collaborative, un écosystème complexe, fondé sur des services à la demande et l’utilisation temporaire de biens reposant sur des échanges conclus sur des plateformes en ligne. Pour les consommateurs, l’économie collaborative se traduit par une diversification des choix et un abaissement des prix, tandis que, pour les jeunes pousses du secteur de l’innovation et les entreprises européennes établies, elle est synonyme de perspectives de croissance aussi bien sur le territoire national que dans d’autres États membres. Elle accroît aussi l’emploi et bénéficie aux salariés puisqu’elle autorise une plus grande souplesse, qui va des microemplois non professionnels à l’entrepreneuriat à temps partiel. Les ressources peuvent être utilisées de manière plus efficiente, ce qui accroît la productivité et la durabilité.» Le Comité des régions (CdR) estime toutefois que cette définition met l’accent sur les aspects commerciaux de l’économie du partage (ou collaborative) et ceux liés aux consommateurs, et laisse de côté les approches non commerciales et qui se fondent sur les communs (commons). Il demande dès lors à la Commission d’analyser plus en profondeur et ensuite de définir les différentes formes de l’économie du partage (dont une partie relève de l’économie sociale);

L’économie du partage comme vecteur d’un nouveau paradigme

3.

souligne qu’ils sont nombreux à estimer que le principal acteur de l’économie du partage n’est plus le «consommateur» désireux de posséder quelque chose ou d’acheter un service, mais plutôt un citoyen, un membre d’une communauté de partage (commoner), un utilisateur, un fabricant, un producteur, un créateur, un concepteur, un collaborateur, un artisan numérique ou un agriculteur urbain cherchant à accéder à un service ou à un bien qui est nécessaire pour satisfaire certains de ses besoins;

4.

indique que certains autres font néanmoins valoir que l’agent de l’économie du partage est, dans bien des cas, également une personne prête à agir et à prendre en charge, à gérer, à générer ou régénérer une ressource commune matérielle ou immatérielle d’accès libre, sans passer par l’intermédiaire d’un fournisseur public ou privé, à petite échelle au niveau des pairs et des particuliers. Dans l’économie du partage, l’agent n’est donc pas un simple «acteur économique». Il s’agit plutôt d’un acteur social, individuel ou civique pour lequel les motivations économiques traditionnelles sont secondaires ou tout à fait inexistantes. Certains domaines de l’économie du partage ne relèvent pas nécessairement de l’«économie» au sens strict, mais consistent en des communautés et réseaux sociaux de collaboration qui créent de nouvelles structures économiques ou assument une fonction en lien avec les activités économiques existantes;

5.

signale que l’économie du partage semble également remettre en question les modèles économiques traditionnels qui distinguent clairement le consommateur du producteur;

6.

estime que l’économie du partage pourrait donner naissance à une nouvelle identité économique, selon laquelle un individu ne voulant pas agir seul serait non pas guidé par la quête permanente de la maximisation de ses propres intérêts matériels, mais associerait son comportement économique à un engagement vis-à-vis de la communauté, agirait dans la sphère publique — sociale, économique, politique — et se replacerait par rapport aux autres afin d’agir dans l’intérêt général et commun (c’est-à-dire comme une mulier activa) (2);

7.

souligne la nécessité d’établir une distinction entre les différentes formes de l’économie du partage. Toutes adoptent le même modèle social, l’acte de partage, de collaboration et de coopération. Toutefois, elles sont très différentes les unes des autres. Il est nécessaire de préciser quelles sont les formes qui perpétuent, en quelque sorte, la même dynamique sociale et économique que le modèle économique préexistant et de leur appliquer à chacune un régime juridique différent. La distinction entre but lucratif et non lucratif et le type d’entreprise ou d’association portant des projets d’économie du partage ainsi que, au regard du droit communautaire, l’impact sur les échanges transfrontaliers peuvent constituer des paramètres importants pour distinguer entre les différentes formes de cette économie et proposer des approches régulatoires différenciées.

8.

fait valoir qu’une première distinction peut être établie entre l’économie du partage au sens strict et ses formes collaboratives, en considérant la collaboration et la coopération comme des strates de partage supplémentaires. En fait, il conviendrait de distinguer les initiatives d’économie du partage qui élaborent et fixent des typologies d’utilisateurs (utilisateurs-consommateurs par opposition aux utilisateurs-fournisseurs) et celles qui favorisent une approche «de pair à pair», où chaque utilisateur peut être simultanément fournisseur et consommateur, ou même participer à la gouvernance par plateforme. Il pourrait également être tenu compte du modèle de gouvernance et de contrôle des transactions économiques en établissant une distinction entre les cas où la plateforme sert uniquement d’outil destiné à mettre en contact les particuliers (lesquels concluent l’accord de manière autonome), et ceux où l’intermédiaire conserve le contrôle des transactions (3). Le renforcement de la coopération pourrait suggérer une approche de l’économie de partage qui se fonde sur les communs (commons) (4). Lorsque les acteurs concernés ne partagent pas uniquement une ressource mais collaborent pour créer, produire ou régénérer une ressource commune pour tout un chacun ou la communauté, ils coopèrent et unissent leurs efforts pour les communs;

9.

estime que deux grandes catégories et quatre formes d’économie du partage semblent ressortir:

l’économie du partage au sens strict ou l’économie à la demande:

l’«économie de l’accès», pour les initiatives de l’économie du partage dont le modèle commercial suppose que les biens et services sont négociés sur la base de l’accès plutôt que de la propriété. Il s’agit de louer temporairement des choses au lieu de les vendre de manière permanente,

l’«économie des petits boulots (gig)» pour les initiatives de l’économie du partage basées sur des prestations de travail ponctuelles négociées sur un marché numérique,

l’économie de mise en commun:

l’«économie collaborative», pour les initiatives de l’économie de partage qui favorisent une approche «de pair à pair» et/ou associent les utilisateurs à la conception du processus productif ou encore transforment les clients en une communauté;

l’«économie des communs (commoning)» pour les initiatives de l’économie de partage qui appartiennent à une communauté ou sont gérées collectivement;

10.

note que la Commission cite une récente étude (5) pour évaluer la capacité potentielle de l’économie sociale de faire passer son chiffre d’affaires mondial de quelque 13 milliards d’EUR à 300 milliards d’EUR d’ici 2025. Néanmoins, selon le CdR, la croissance de l’économie du partage ne doit être considérée que partiellement comme une révolution et/ou une conséquence de la crise. À certains égards, elle pourrait également représenter le retour (6) ou la transition (7) de certains secteurs du modèle économique actuel vers des traditions et modèles économiques anciens (par exemple l’économie coopérative, l’économie sociale, l’économie solidaire, la production artisanale, l’économie des communs, etc.) voire même vers des formes antiques d’échanges économiques (par exemple l’économie de troc), qui représentent des possibilités autres que les formes d’économie de marché à forte intensité de capital;

11.

souligne que l’innovation technologique joue un rôle déterminant dans le développement de l’économie du partage, dont la plupart des initiatives reposent sur l’utilisation de plateformes collaboratives par lesquelles s’effectuent les transactions/échanges de biens et/ou de services. Pour cette raison, il est nécessaire de renforcer les initiatives visant à lutter contre la fracture numérique, et ce d’autant plus que l’on se propose d’établir un marché unique numérique;

12.

souligne que, dans les cas où de nouveaux services fondés sur l’économie du partage exercent un effet d’éviction agressif sur les services traditionnels, les pouvoirs publics au niveau national, régional ou local portent le plus souvent une lourde part de responsabilité dans la mesure où:

les conditions d’accès au marché établies par les pouvoirs publics, tant en termes de politique budgétaire que d’exigences professionnelles, ont créé des monopoles ou des oligopoles sans prévoir les conditions de défaillance de marché,

des systèmes contrôlant la qualité des services fournis n’ont peut-être pas été mis en place;

Principes pour l’élaboration d’une initiative de l’Union européenne concernant l’économie de partage

13.

l’économie du partage peut améliorer la qualité de la vie, favoriser la croissance (en particulier dans les économies locales) et réduire les effets sur l’environnement. Elle peut aussi créer de nouveaux emplois de qualité, réduire les coûts et augmenter la disponibilité et l’efficacité de certains biens et services ou infrastructures. Il importe toutefois que les services offerts au moyen de l’économie du partage ne favorisent pas l’évasion fiscale ou la concurrence déloyale et qu’ils n’enfreignent pas la réglementation au niveau local et régional, ni le droit national et européen. Toute initiative réglementaire sur l’économie du partage devrait par ailleurs accorder une place prépondérante à l’évaluation de l’ensemble des incidences positives et négatives potentielles et à la définition des objectifs de politique publique;

14.

estime qu’il convient de garantir le libre accès au marché pour les nouveaux venus. La collecte de données par les plateformes/initiatives de l’économie du partage pourrait entraîner des «déséquilibres dans le pouvoir économique». Les données sont la matière première de l’économie de partage, il faut donc, dans certains cas, qu’elles soient de source ouverte autant que possible, ce qui est parfois nécessaire afin de rendre l’économie du partage plus accessible et de permettre l’évaluation des effets des initiatives ou entreprises de cette économie et favoriser une réglementation de la donnée à tous les niveaux de gouvernement. Il convient d’inviter les plateformes de l’économie du partage à intégrer en leur sein des mécanismes techniques permettant de fournir aux collectivités territoriales des données publiques et pertinentes mais non sensibles ou stratégiques. En tout état de cause, l’Union européenne et les gouvernements nationaux devraient soutenir les collectivités locales et régionales dans le développement des opérations de collecte de données. La protection des données devrait également être l’un des principaux moteurs, tandis que la mulier activa devrait être en mesure de posséder ses données;

15.

fait remarquer que la confiance et la gestion de l’image de marque sont des conditions préalables importantes en ce qui concerne l’économie du partage (8). Ainsi la confiance et l’image doivent être gérées correctement et de manière indépendante (par exemple par la réglementation, la certification ou l’arbitrage d’une tierce partie). Il convient d’étudier plus en détail si les acteurs de l’économie de partage sont en mesure d’appliquer efficacement des mesures d’autorégulation (9). Un examen par les pairs pourrait garantir la confiance. La mise en place d’organismes indépendants fournissant des notations, étant de préférence aux mains de pairs, est un choix politique qui devrait faire l’objet d’une attention particulière. Il convient également d’évaluer la couverture d’assurance. Dans tous les cas, la «portabilité» des données et de l’image de marque devrait être l’un des principaux objectifs politiques;

16.

souligne le fait que les résultats de l’évaluation des incidences de l’économie de partage ne sont pas toujours positifs en termes de protection de l’environnement, de cohésion sociale, d’égalité et de justice sociale, d’utilisation raisonnée des terres ou de bonne gouvernance urbaine (10). Il convient également de noter que des entreprises dont l’objectif est de réaliser un profit utilisent parfois indûment la plateforme de l’économie du partage et n’offrent pas aux travailleurs la garantie d’une sécurité sociale, portant ainsi atteinte au bien-être des citoyens ainsi qu’aux budgets de l’État et des collectivités territoriales. L’Union européenne et les collectivités locales et régionales ne doivent soutenir et encourager que le développement des initiatives ou plateformes de l’économie de partage dont les incidences sociales, économiques et environnementales sont positives. La mise en place de communautés, la création de communs urbains, l’inclusion, la non-discrimination, le développement économique local, l’esprit d’entreprise chez les jeunes, la sensibilisation à l’environnement et la solidarité entre particuliers sont les objectifs de politique publique qu’il convient de promouvoir grâce à l’économie de partage;

17.

est convaincu que, si les conditions de travail des acteurs de l’économie du partage étaient définies au sein de l’Union européenne de la même manière que celles des «salariés», ils seraient traités de façon appropriée. Dans un contexte d’échanges économiques de plus en plus «souple», l’économie du partage est susceptible de semer le trouble dans les relations de travail. Il convient d’analyser minutieusement les effets de l’économie du partage sur la sécurité économique et le bien-être social des citoyens. La Commission doit examiner en détail, en concertation avec les États membres, les partenaires sociaux et, le cas échéant, les collectivités territoriales, les conditions d’emploi et de travail au sein de l’économie du partage, afin de déterminer si des mesures réglementaires doivent être prises dans ce domaine. L’économie du partage pourrait donner naissance à une nouvelle classe sociale fondée sur la collaboration, qui nécessiterait des garanties sociales et économiques.

18.

souligne qu’il convient en principe d’appliquer toutes les dispositions prévues en matière d’ententes, de marché intérieur, de réglementation fiscale et de protection des consommateurs à l’économie du partage, de la même manière qu’aux autres secteurs économiques. Les initiatives de l’économie du partage ne devraient pas avoir le droit d’utiliser le modèle de partage pour perturber les marchés préexistants en poursuivant une stratégie de réduction des coûts consistant essentiellement à échapper aux frais, liés à la réglementation, applicables aux services et produits similaires qui ne sont pas fournis par l’intermédiaire de plateformes. Le Comité estime toutefois que la réglementation des marchés préexistants devrait faire l’objet de contrôles réguliers afin de vérifier son aptitude à permettre la continuité des processus d’innovation. Il devrait être tenu compte de l’économie du partage notamment dans le débat sur l’économie circulaire et le marché unique numérique. Dans le même temps, la Commission et les États membres devraient veiller à ce que la réglementation de l’économie du partage au niveau européen soit abordée suivant une approche coordonnée, dans les domaines où une approche européenne est nécessaire, afin de consolider le marché unique et de faciliter la diffusion transfrontière des initiatives réussies dans ce domaine; dans tous les autres cas, la réglementation devrait demeurer la prérogative des gouvernements nationaux et des collectivités régionales ou locales, conformément au principe de subsidiarité;

19.

note que la Commission n’a accordé qu’une place très marginale à la question de l’économie du partage dans sa communication sur la «Stratégie pour un marché unique numérique en Europe» [COM(2015) 192], mais se félicite de l’engagement pris par la Commission dans sa communication sur le thème «Améliorer le marché unique» de développer un programme européen en matière d’économie collaborative ou de partage, de fournir des orientations quant à la manière dont la législation existante — y compris la directive sur les services, la directive sur le commerce électronique et la législation relative aux consommateurs, notamment la directive sur les pratiques commerciales déloyales, la directive concernant les clauses abusives dans les contrats et la directive sur les droits des consommateurs — s’applique à l’économie collaborative et d’évaluer les éventuelles lacunes de la réglementation. Le CdR signale qu’il est disposé à jouer un rôle actif dans le développement de ce programme et suggère de renforcer la coopération avec les institutions européennes dans ce domaine;

20.

relève que les dossiers liés à l’économie du partage sont suivis par une dizaine de directions générales (DG) de la Commission (notamment CNECT, GROW, COMP, JUST, MOVE, TAXUD, EMPL, REGIO et TRADE) et qu’il y a nécessité d’assurer une coordination interservices à l’intérieur de la Commission; suggère donc à la Commission de mettre en place un groupe de travail visant à coordonner les travaux des DG concernées par les questions relatives à l’économie du partage;

21.

se félicite cependant de l’intention de la Commission de lancer fin septembre 2015 une consultation publique sur les approches régulatoires européennes envisageables en matière d’économie du partage;

22.

estime que sur le volet commercial de l’économie de partage des approches régulatoires sectorielles sont nécessaires au niveau européen pour assurer une sécurité juridique des opérateurs concernés et des conditions de concurrence équitables, notamment en matière de fiscalité;

23.

encourage la Commission et les États membres à mettre en place des mesures incitatives en faveur de l’économie collaborative afin de soutenir et d’appliquer les principes de l’économie sociale (en particulier s’agissant des principes de solidarité, de démocratie et de participation, ainsi que de la coopération avec la communauté locale);

24.

dans une dimension locale et régionale, les initiatives d’économie du partage, en plus de promouvoir le développement des économies locales, peuvent devenir un instrument par lequel favoriser la promotion, la préservation et la régénération des biens communs tels que la mobilité, la protection sociale, le paysage urbain et l’environnement. De ce point de vue, les pouvoirs publics devraient avoir pour rôle de favoriser la consolidation d’un «écosystème institutionnel collaboratif» (11). Dans cette optique, la tâche des autorités locales doit être de faciliter et de coordonner les différentes initiatives d’économie du partage, en mettant l’accent sur celles qui renforcent les processus de participation et de collaboration avec les mulier activa, qui se montrent ouvertes à tous, tant au stade de la planification que de la gestion et de la fourniture du service, et qui respectent les principes de transparence, d’ouverture et de responsabilité;

25.

dans le même temps, estime qu’il est important de surveiller les secteurs dans lesquels se développe l’économie du partage ainsi que ses effets sur les indicateurs macroéconomiques afin qu’elle ne se transforme pas en un système d’optimisation fiscale;

Un agenda pour l’économie du partage

26.

estime que toute initiative de réglementation contraignante devrait conserver une approche sectorielle et tenir compte de la petite ou grande échelle de l’initiative de l’économie de partage en tant que critère lors de l’élaboration des orientations réglementaires. Les institutions et la législation européennes devraient établir un cadre solide et fournir une orientation institutionnelle et juridique ainsi qu’un accès permanent à l’expertise et à d’autres formes d’assistance pour la mise en œuvre;

27.

invite, néanmoins, toutes les institutions de l’Union européenne concernées par la question de l’économie du partage à adopter une approche globale dans ce domaine, à la traiter comme un phénomène économique, social et politique, à coordonner leurs efforts, compte tenu de l’importance des changements que cette économie pourrait provoquer dans les systèmes économiques actuels, et à mettre en place une politique publique globale, en élaborant de manière collaborative un programme de politique publique en la matière;

28.

recommande à l’Union européenne d’adopter un programme pour l’économie du partage qui repose sur les axes suivants:

définir un protocole méthodologique, fondé notamment sur une évaluation ex ante de l’impact urbain et territorial, et développé en partenariat étroit avec tous les niveaux de gouvernance, en concertation avec un cercle de responsables politiques, d’universitaires, de professionnels, d’experts, d’entreprises relevant de l’économie du partage, d’initiatives et de plateformes, afin de promouvoir la transition vers des villes de partage et de collaboration,

promouvoir, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, des conditions de concurrence équitables au niveau européen, en laissant suffisamment de marge de manœuvre pour des solutions locales, et encourager la réalisation de projets pilotes et la création de réseaux de villes et de régions ayant adopté des bonnes pratiques dans le domaine de l’économie du partage, tels que l’initiative pour les jeunes entreprises de l’économie du partage (12),

favoriser le développement de programmes éducatifs et mener des campagnes de communication (à l’instar de Sharitaly) pour sensibiliser le public au potentiel et aux risques de l’économie du partage,

définir des critères clairs et partagés pour un système de qualification axé sur la communauté, et développer un ensemble d’indicateurs permettant de surveiller et de mesurer l’incidence des initiatives et des pratiques relevant de l’économie de partage,

appliquer le programme de manière effective, afin de lutter contre l’évasion fiscale et garantir la protection des consommateurs, l’octroi des licences et le respect des règles en matière de santé et de sécurité,

mettre le programme à jour et assurer son suivi de manière régulière afin d’éviter des charges superflues et garantir la pérennité et l’efficacité dans un environnement en évolution rapide;

29.

considère que bon nombre des secteurs touchés par l’économie du partage ont un impact, parfois négatif, au niveau local et régional, et qu’il devrait dès lors être possible qu’ils soient régis ou réglementés, le cas échéant, par les collectivités locales ou régionales conformément au principe d’autonomie locale, afin de permettre à ces collectivités d’adapter les initiatives et les entreprises de l’économie du partage aux contextes locaux;

30.

insiste sur le fait qu’une initiative réglementaire dans le domaine de l’économie du partage ne doit pas être déconnectée d’une vision de la gouvernance urbaine et locale (13), ainsi que des zones rurales. Les expériences de gouvernance collaborative et polycentrique qui ont été menées dans plusieurs villes européennes semblent progressivement s’imposer comme l’approche la mieux adaptée pour accompagner et favoriser un développement ordonné et équitable d’initiatives relevant de l’économie du partage. Une approche de cette économie fondée sur la gouvernance collaborative ou polycentrique permettrait à des groupes de citoyens, à des associations, à des organisations du secteur tertiaire, à des syndicats, à des institutions du savoir, à des entreprises sociales et à des entreprises en démarrage d’utiliser les espaces et les biens publics à leur disposition qui sont inutilisés, vacants ou abandonnés, en s’inspirant de certaines initiatives menées par des collectivités locales et régionales (à l’instar du règlement de Bologne sur la collaboration relative aux biens urbains communs) (14).

Bruxelles, le 4 décembre 2015.

Le Président du Comité européen des régions

Markku MARKKULA


(1)  COM(2015) 550, p. 3.

(2)  Voir C. Iaione, Economics and law of the commons, 2011 et Poolism, sur www.labgov.it, 28.8.2015.

(3)  G. Smorto, «I contratti della sharing economy», dans Il Foro Italiano, 2015, no 4, p. 222-228.

(4)  D. Bollier, Think like a commoner: a short introduction to the life of the commons, 2014; S. Foster, Collective action and the Urban Commons, 2011; C. Iaione, The Tragedy of Urban Roads, 2009.

(5)  «Consumer Intelligence Series: The Sharing Economy», PwC 2015, https://www.pwc.com/us/en/technology/publications/assets/pwc-consumer-intelligence-series-the-sharing-economy.Pdf

(6)  K. Polanyi, La grande transformation: aux origines politiques et économiques de notre temps, 1944.

(7)  M. Bauwens, A commons transition plan, disponible sur le site: http://commonstransition.org/

(8)  T. Wagner, M. Kuhndt, J. Lagomarsino, H. Mattar, Listening to Sharing Economy Initiatives, 2015, Nesta & Collaborative Lab, Making Sense of the UK Collaborative Economy, 2014.

(9)  M. Cohen, A. Sundararajan, Self regulation and innovation in the peer to peer sharing economy, 2015.

(10)  P. Parigi, B. State, D. Dakhlallah, R. Corten, K. Cook, A Community of Strangers: The Dis-Embedding of Social Ties, 2013; S. Shaheen, Greenhouse Gas Emission Impacts of Carsharing in North America, rapport final, 2010.

(11)  Voir le règlement sur la collaboration entre les citoyens et l’administration pour la préservation et la régénération des biens communs urbains de la ville de Bologne, et, dernièrement, le document «Sharexpo, lignes directrices pour l’économie du partage et pour les services collaboratifs à Milan».

(12)  Initiative bénéficiant d’une enveloppe de 2 500 000 EUR, approuvée par le Parlement européen dans sa lecture du budget général de l’Union européenne pour 2016, le 28 octobre 2015.

(13)  S. Foster, C. Iaione, The City as a Commons, 2015.

(14)  Pour plus d’exemples voir le projet Sharing cities mené par Neal Gorenflo de Shareable et le manuel Sharitories conçu par la communauté Ouishare.


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