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Document 32012D0339

2012/339/UE: Décision de la Commission du 13 juillet 2011 Concernant l’aide d’état SA.26117 — C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Aluminium of Greece SA [notifiée sous le numéro C(2011) 4916] Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

OJ L 166, 27.6.2012, p. 83–89 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2012/339(1)/oj

27.6.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 166/83


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 13 juillet 2011

Concernant l’aide d’état SA.26117 — C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Aluminium of Greece SA

[notifiée sous le numéro C(2011) 4916]

(Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2012/339/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

vu la décision de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE (1),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées, et compte tenu de ces observations,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

En juillet 2008, la Commission a reçu deux plaintes alléguant que la Grèce avait octroyé des aides à Aluminium of Greece ainsi qu’à Aluminium SA, qui lui a succédé à 100 % dans la production d’aluminium en juillet 2007 (entreprises ci-après dénommées conjointement «Aluminium of Greece»). Les plaintes concernaient deux mesures présumées d’aides d’État: un tarif préférentiel d’électricité, d’une part, et la construction d’un gazoduc raccordant Aluminium of Greece au réseau public, d’autre part.

(2)

Par lettre du 27 janvier 2010, la Commission a informé la Grèce de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à l’égard des mesures en cause.

(3)

Le 31 mars 2010, la Grèce a présenté ses observations sur la décision de la Commission d’ouvrir la procédure.

(4)

La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations concernant les mesures.

(5)

La Commission a reçu les observations de deux parties intéressées: le 12 mai 2010 et le 4 mai 2011, d’Aluminium of Greece et, le 17 mai 2010, de l’entreprise publique d’électricité (ci-après «EPE»), la société publique qui a mis en œuvre une des mesures présumées (le tarif préférentiel d’électricité). Elle les a transmises à la Grèce en lui donnant la possibilité d’y réagir, ce qu’elle a fait les 16 juillet 2010, 6 août 2010 et 16 mai 2011.

(6)

La Commission a demandé des renseignements supplémentaires aux autorités grecques le 1er décembre 2010. La Grèce a répondu à cette demande par lettre du 11 février 2011.

II.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’AIDE PRÉSUMÉE

II. a)   BÉNÉFICIAIRE DE L’AIDE

(7)

Aluminium of Greece est une grande entreprise dont le siège est établi dans la région de Béotie, en Grèce. Elle est active dans la production d’aluminium en tant que matière première. En juillet 2007, Aluminium of Greece a été scindée en deux nouvelles entreprises, à la suite d’une séparation de secteurs: a) Aluminium SA et b) Endesa Hellas SA Aluminium SA a pris en charge la production d’aluminium et Endesa Hellas celle d’électricité (Aluminium of Greece ayant obtenu des licences pour la production d’électricité quelques années auparavant). Aluminium a donc succédé à 100 % à Aluminium of Greece dans la production d’aluminium. Aluminium of Greece dispose également de trois centrales électriques, qui jouxtent l’usine de production d’aluminium. En 2009, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 427,3 millions d’EUR (pour un bénéfice avant imposition de 34,4 millions d’EUR) et comptait 960 salariés. En 2006 (l’année précédant les mesures d’aide en cause), elle a réalisé un chiffre d’affaires de 470,9 millions d’EUR (en augmentation de 23 % par rapport à 2005), pour un bénéfice avant imposition de 102,5 millions d’EUR (en augmentation de 39 % par rapport à 2005), et comptait 1 047 salariés. Elle appartient au groupe d’entreprises privé «Mytilinaios SA» depuis 2005.

II. b)   MESURE 1: TARIF PRÉFÉRENTIEL D’ÉLECTRICITÉ

(8)

Aluminium of Greece bénéficiait, depuis sa création en 1960, de plusieurs avantages accordés par l’État grec, notamment la fourniture d’électricité à un tarif réduit. D’après les dispositions des statuts fixant les avantages, la fourniture d’électricité à un tarif réduit devait prendre fin en mars 2006, pour autant qu’EPE en informe Aluminium of Greece en temps utile (deux ans à l’avance). Le 26 février 2004 (soit plus de deux ans avant l’expiration de l’avantage), EPE a dûment informé Aluminium of Greece et a ensuite cessé d’appliquer le prix préférentiel à la fin du mois de mars 2006.

(9)

De mars 2006 à janvier 2007, Aluminium of Greece a donc payé le tarif d’électricité normal appliqué aux grands consommateurs industriels.

(10)

Aluminium of Greece a toutefois contesté en justice la résiliation du tarif préférentiel et, en janvier 2007, un tribunal de première instance a ordonné, à titre de mesure provisoire, le rétablissement du tarif préférentiel dans l’attente d’un jugement sur le fond. EPE a ensuite introduit un recours contre cette décision provisoire, qui a été annulée en mars 2008 (le jugement sur le fond doit encore être rendu).

(11)

Les décisions de justice ont eu pour effet pratique le rétablissement du tarif préférentiel en faveur d’Aluminium of Greece de janvier 2007 à mars 2008. Pendant cette période, d’après les données fournies par les autorités grecques, Aluminium of Greece a versé 17,4 millions d’EUR de moins que ce qu’elle aurait dû payer en vertu du tarif «normal» appliqué aux grands consommateurs industriels.

II. c)   MESURE 2: EXTENSION DU RÉSEAU DE GAZ NATUREL À ALUMINIUM OF GREECE

(12)

En Grèce, le système national de transport de gaz naturel peut être étendu à la demande d’un client (potentiel) aux conditions suivantes:

l’autorité de régulation de l’énergie (ARE) – l’organisme régulateur grec dans le domaine de l’énergie – doit rendre un avis favorable,

le gestionnaire du réseau doit estimer qu’il sera en mesure de récupérer en temps utile le coût de l’extension grâce aux recettes résultant des droits d’utilisation du réseau.

(13)

Dans le cas d’Aluminium of Greece, le réseau national a été étendu par la construction d’un gazoduc de 29,5 km permettant le raccordement d’Aluminium of Greece, après l’avis favorable rendu par l’ARE (le 15 avril 2005) et l’approbation du gestionnaire du réseau (le 13 juin 2005) (3). Les travaux de construction du gazoduc ont débuté le 16 mai 2008.

(14)

Le coût total de construction de l’extension s’élève à 12,64 millions d’EUR, dont 9,04 millions d’EUR ont été pris en charge par le gestionnaire du système national de gaz naturel (ci-après le «GSNGN»), 3,3 millions d’EUR ont été payés par Aluminium of Greece et 3,6 millions d’EUR ont été financés par le cadre communautaire d’appui 2000-2006 (4).

III.   MOTIFS DE L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D’EXAMEN

(15)

Dans la décision d’ouvrir la procédure du 27 janvier 2010, la Commission a exprimé des doutes quant au fait de savoir si le tarif préférentiel d’électricité facturé à Aluminium of Greece par EPE, après mars 2006, se situait au même niveau que celui appliqué aux autres grands consommateurs industriels. Les doutes de la Commission trouvent leur origine dans le fait que la tarification préférentielle devait cesser en mars 2006, d’après les dispositions des statuts fixant les avantages. Il a été indiqué ci-dessus qu’EPE avait effectivement tenté de mettre fin à l’avantage en question, qui a toutefois été prolongé par décision de justice.

(16)

En ce qui concerne la mesure consistant à étendre le système national de transport de gaz naturel à Aluminium of Greece, dans sa décision d’ouvrir la procédure du 27 janvier 2010, la Commission a émis des doutes quant à la question de savoir pourquoi le coût de construction du gazoduc avait été principalement pris en charge par l’État et non par Aluminium of Greece, doutes alimentés par le fait que la Grèce n’avait pas fourni de renseignements malgré les demandes répétées de la Commission, ce qui explique également pourquoi la décision d’ouvrir la procédure contient une injonction de fournir des informations adressée à la Grèce.

IV.   OBSERVATIONS DE LA GRÈCE ET DES PARTIES INTÉRESSÉES

IV. a)   OBSERVATIONS DE LA GRÈCE ET DU BÉNÉFICIAIRE

Mesure 1:   Tarif préférentiel d’électricité

(17)

La Grèce reconnaît que, pendant la période entre les deux décisions de justice (de janvier 2007 à mars 2008), Aluminium of Greece a payé un montant de 131,4 millions d’EUR, conformément au tarif préférentiel, au lieu des 148,8 millions d’EUR, dont elle aurait dû s’acquitter en vertu du tarif «normal» appliqué aux grands consommateurs industriels.

(18)

La Grèce soutient cependant que, même si le tarif préférentiel accordé à Aluminium of Greece était considéré comme une aide, il constituerait une aide existante.

(19)

Aluminium of Greece soutient à ce propos que la décision rendue en janvier 2007 par une juridiction nationale n’a pas entraîné de modifications substantielles de l’accord initial et que le tribunal a simplement décidé de «suspendre» l’avis de cessation du tarif préférentiel et de reporter le jugement sur le fond en raison du litige entre Aluminium of Greece et EPE.

Mesure 2:   extension du réseau de gaz à Aluminium of Greece

(20)

La Grèce conteste qu’Aluminium of Greece ait bénéficié d’un avantage sélectif en raison de la subvention du coût de construction de son gazoduc. Elle soutient plus particulièrement que la réglementation nationale sur la base de laquelle l’extension du réseau a été décidée s’applique de la même manière à tous les utilisateurs finals de gaz. Par conséquent, Aluminium of Greece n’a pas bénéficié d’un avantage sélectif.

(21)

La Grèce soutient en outre que le gazoduc en question n’est pas exclusivement destiné à Aluminium of Greece, mais aussi aux autres utilisateurs finals industriels et privés de la région. Il fait partie de la capacité du système national de transport de gaz naturel et est la propriété du GSNGN. En outre, sa capacité dépasse la consommation annuelle d’Aluminium of Greece (1,7 milliard Nm3/an, contre 0,7 milliard Nm3/an).

(22)

Aluminium of Greece a prétendu que sa consommation contractuelle annuelle de gaz équivaut à 13,5 % de la consommation nationale totale et que sa consommation annuelle réelle de gaz équivaut à 10,5 % de la consommation nationale totale. Aluminium of Greece a également déclaré que l’investissement rapporte au gestionnaire du réseau des recettes d’un montant total de 11,6 millions d’EUR résultant des droits d’utilisation, ce qui rend l’investissement très intéressant et rentable pour ce dernier. Les autorités grecques ont confirmé ces données.

IV. b)   OBSERVATIONS D’EPE

(23)

EPE soutient l’enquête de la Commission sur la mesure d’aide relative au tarif de l’électricité. Elle confirme que l’avantage conféré à Aluminium of Greece s’élève à 17,4 millions d’EUR.

V.   APPRÉCIATION DE LA MESURE

(24)

Eu égard aux faits précités et aux arguments de la Grèce et d’autres tiers, la Commission procédera, dans la présente section, à une appréciation des mesures en cause. Elle appréciera tout d’abord l’existence d’une aide dans les mesures à l’examen afin de conclure si l’aide d’État existe ou non (point 5.1). Ensuite, si la mesure constitue effectivement une aide, la Commission évaluera sa compatibilité avec le marché intérieur (point 5.2).

V. a)   EXISTENCE D’UNE AIDE AU SENS DE L’ARTICLE 107, PARAGRAPHE 1, DU TFUE

(25)

L’article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose que «sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

(26)

Sur la base de la disposition précitée, la Commission appréciera ci-dessous si les mesures contestées en faveur d’Aluminium of Greece constituent des aides d’État.

Mesure 1:   Tarif préférentiel d’électricité

a)   Avantage

(27)

La Commission observe que le tarif payé par Aluminium of Greece est inférieur au tarif normal payé par les autres grands consommateurs industriels. Elle considère qu’un vendeur opérant en économie de marché n’accepterait pas de facturer un tarif mensuel réduit sans motif spécifique. À cet égard, la Grèce n’a présenté aucun argument convaincant permettant de conclure que le tarif préférentiel en cause était un tarif de marché, bien que la Commission ait formellement soulevé la question dans sa correspondance. Au contraire, deux éléments importants indiquent que le tarif payé par Aluminium of Greece ne peut être considéré comme un tarif fixé par les forces du marché:

a)

le premier élément concerne le comportement d’EPE. En effet, dès qu’elle a pu se soustraire à l’obligation légale que lui imposaient les statuts de 1960 établissant les avantages en faveur d’Aluminium of Greece, EPE a pris la décision de retirer immédiatement le tarif préférentiel et s’est mise à facturer le prix normal appliqué aux grands consommateurs industriels, comme en témoigne la résiliation communiquée par EPE à Aluminium of Greece en février 2004 (voir le considérant 8 ci-dessus). La Commission y voit une indication claire que le tarif fixé par les statuts de 1960 ne correspondait pas au prix du marché pour EPE;

b)

le deuxième élément découle d’une décision antérieure de la Commission. Le 16 octobre 2002, la Commission a approuvé une subvention d’un montant maximal de 178 millions d’EUR que la Grèce devait octroyer à EPE [affaire N133/01 (5)]. L’objet de cette subvention était de permettre à EPE d’être indemnisée pour les coûts échoués qu’elle avait supportés dans le cadre du tarif préférentiel de 1960 en faveur d’Aluminium of Greece, jusqu’à sa date d’expiration en mars 2006. La subvention a été approuvée en tant que mesure ne constituant pas une aide d’État dès lors qu’elle n’était qu’une simple compensation d’un désavantage subi par l’entreprise. La décision faisait également valoir que, si la subvention devait être considérée comme une aide, elle constituerait une aide en faveur d’Aluminium of Greece et non d’EPE. En conclusion, cette décision reconnaît qu’EPE a dû supporter un tarif privilégié en faveur d’Aluminium of Greece, ce qu’elle n’aurait normalement pas dû faire dans des conditions de marché normales. La Commission considère donc que l’avantage d’Aluminium of Greece consiste dans la différence entre le tarif normal appliqué aux grands consommateurs industriels (qu’Aluminium of Greece aurait payé si elle n’avait pas bénéficié d’un tarif «préférentiel» spécial) et le tarif payé par Aluminium of Greece entre janvier 2007 et mars 2008.

b)   Ressources d’État

(28)

L’application d’un tarif plus bas a eu pour effet une réduction des recettes d’EPE. EPE SA est une entreprise contrôlée par l’État grec, qui en détient une participation de 51 %, et placée sous la tutelle du ministère grec de l’environnement, de l’énergie et du changement climatique (du ministère des finances jusqu’en 2009). L’État grec peut désigner la majorité des membres de son conseil d’administration et est directement représenté, à l’assemblée générale, par le ministre grec de l’environnement, de l’énergie et du changement climatique (du ministre des finances jusqu’en 2009). Des ressources d’État ont donc été utilisées en l’occurrence. La Commission observe en outre que la décision de prolongation est imputable à l’État grec, étant donné qu’elle a été adoptée par un tribunal grec, qui est un organe de l’État.

(29)

Le critère des ressources d’État est donc rempli.

c)   Sélectivité

(30)

Le tarif privilégié n’a été appliqué qu’à Aluminium of Greece, qui a donc bénéficié de la mesure de manière sélective. La Commission considère donc que la mesure est sélective.

d)   Distorsion de la concurrence et incidence sur les échanges entre les États membres

(31)

Aluminium of Greece est présente dans un secteur où les produits font l’objet d’échanges intensifs entre les États membres. L’aluminium est ainsi produit dans neuf États membres autres que la Grèce, à savoir la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni (6). La production d’électricité existe dans tous les États membres en tant qu’activité économique libéralisée. Lorsqu’une aide d’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre les États membres, il convient de considérer que ces dernières sont lésées par cette aide. Le critère de distorsion de la concurrence et d’incidence sur les échanges entre États membres est donc rempli.

(32)

Ni la Grèce, ni le bénéficiaire n’ont contesté ce point.

e)   Conclusion sur l’existence d’une aide dans la mesure 1

(33)

À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que le tarif préférentiel d’électricité dont a bénéficié Aluminium of Greece constitue une aide d’État en sa faveur au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Le montant de cette aide s’élève à 17,4 millions d’EUR, ainsi qu’il ressort de la différence entre a) les recettes d’EPE résultant du tarif normal qui aurait dû être appliqué pendant la période comprise entre janvier 2007 et mars 2008, soit 148,8 millions d’EUR, et b) les recettes d’EPE résultant du tarif appliqué dans la pratique pendant la même période, soit 131,4 millions d’EUR.

f)   La mesure 1 constitue une aide illégale

(34)

Aluminium of Greece soutient que la première décision judiciaire de janvier 2007 n’a pas impliqué de modification substantielle de l’accord préférentiel initial (voir considérant 16 ci-dessus). Par conséquent, d’après Aluminium of Greece, la décision ne lui a pas octroyé une nouvelle aide et la mesure consistant en un tarif préférentiel d’électricité a été maintenue en tant qu’aide existante.

(35)

La Commission ne peut admettre l’argument d’Aluminium of Greece. Les conditions initiales du tarif préférentiel, qui constituait une aide existante, prévoyaient que l’aide prendrait fin en mars 2006 à condition qu’EPE l’en informe en temps utile. Dès que cette condition a été remplie, l’aide existante a cessé d’exister, ainsi que le prévoyaient les conditions de l’octroi initial du tarif préférentiel. Par conséquent, tout octroi d’un tarif réduit d’électricité répondant à la définition de l’aide d’État (comme c’est le cas en l’espèce) constitue une nouvelle aide, même si ses conditions peuvent être similaires à celles de l’aide existante antérieure. La jurisprudence de la Cour de justice énonce clairement que la prolongation d’une aide existante constitue une nouvelle aide et qu’elle doit être notifiée (7). Tel est également le cas, a fortiori, lorsqu’une aide existante arrivée à expiration est réactivée quelques mois plus tard.

(36)

Cette nouvelle aide n’ayant pas été notifiée à la Commission conformément à l’article 108 du TFUE, elle est illégale.

Mesure 2:   extension du réseau de gaz à Aluminium of Greece

a)   Avantage

(37)

L’enquête a révélé que la décision d’étendre le réseau a entraîné une augmentation considérable des recettes du GSNGN résultant des droits d’utilisation. En effet, des clients tels qu’Aluminium of Greece doivent rétribuer le GSNGN pour l’utilisation du réseau. La Commission a constaté que cette mesure, à savoir la construction du gazoduc, était économiquement rationnelle pour le gestionnaire du réseau et que, par conséquent, elle ne donnait pas lieu à un avantage en faveur d’Aluminium of Greece. En effet, un gestionnaire de réseau privé aurait également réalisé le même investissement.

(38)

La Commission note, d’après les observations présentées par les autorités grecques, que l’investissement en question rapporte au GSNGN des recettes annuelles d’un montant de 11,6 millions d’EUR résultant des droits d’utilisation. Elle a comparé ce montant au coût d’investissement (investissement unique) et au coût d’exploitation (sur une base annuelle) du gazoduc, afin de vérifier si l’investissement est conforme au principe de l’investisseur en économie de marché, c’est-à-dire s’il apporte un rendement satisfaisant à l’investisseur.

(39)

D’après les observations présentées par les autorités grecques, le coût d’investissement du gazoduc d’Aluminium of Greece s’est élevé au total à 12,64 millions d’EUR (dont 9,04 millions ont été versés par le GSNGN et 3,6 millions ont été financés par une aide communautaire, comme décrit au considérant 14 ci-dessus). Outre le coût d’investissement unique, les dépenses d’exploitation annuelles sont évaluées à 0,933 million d’EUR. Par conséquent, il apparaît clairement que les recettes annuelles d’un montant de 11,6 millions d’EUR apportent au GSNGN un rendement très élevé sur le capital investi. La durée de la période d’amortissement de l’investissement (y compris la partie financée par l’aide communautaire) est inférieure à 15 mois. Le rendement de l’investissement (taux interne de rentabilité), dans l’hypothèse où la période d’exploitation de la connexion de gaz serait de 20 ans, est de 84 %. Vu son taux élevé, la Commission estime que le rendement aurait suffi à inciter un investisseur privé à réaliser le même investissement (8). Elle considère par conséquent que la décision de l’État d’étendre le réseau de transport de gaz n’a pas octroyé à Aluminium of Greece un avantage qu’elle n’aurait pas été en mesure d’obtenir aux conditions du marché.

(40)

Le critère de l’avantage n’est donc pas rempli. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner plus avant les autres critères qui doivent être réunis pour qu’une mesure constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

b)   Conclusion sur l’existence d’une aide dans la mesure 2

(41)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que l’extension du gazoduc ne constitue pas une aide d’État en faveur d’Aluminium of Greece au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

V. b)   COMPATIBILITÉ DE L’AIDE AVEC LE MARCHÉ INTÉRIEUR

(42)

Dès lors que la mesure 1 constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, sa compatibilité doit être examinée à la lumière des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article.

(43)

L’article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE prévoit des dérogations à la règle générale selon laquelle l’aide d’État est incompatible avec le marché intérieur, comme l’énonce l’article 107, paragraphe 1.

(44)

Les dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 2, du TFUE ne s’appliquent pas en l’espèce parce que la mesure ne revêt pas un caractère social, qu’elle n’est pas destinée aux consommateurs individuels, qu’elle n’est pas destinée à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires et qu’elle n’a pas été octroyée à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne.

(45)

D’autres dérogations sont prévues à l’article 107, paragraphe 3, du TFUE. Celles prévues à l’article 107, paragraphe 3, points b), d) et e), ne sont manifestement pas applicables et n’ont pas été invoquées par les autorités grecques. La Commission évaluera ci-dessous si la mesure 1 est compatible avec l’article 107, paragraphe 3, points a) et c).

(46)

L’article 107, paragraphe 3, point a), dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur «les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi». Aluminium of Greece est située dans une région aidée au titre de l’article 107, paragraphe 3, point a), du TFUE et pourrait donc éventuellement prétendre au bénéfice d’une aide régionale.

(47)

Les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale qui étaient en vigueur au moment où le tarif préférentiel a été appliqué, à savoir en janvier 2007 [«lignes directrices de 2006 concernant les aides d’État à finalité régionale» (9)], fixent les conditions d’approbation de l’aide régionale à l’investissement.

(48)

Les lignes directrices de 2006 concernant les aides d’État à finalité régionale définissent l’aide au fonctionnement comme une aide destinée à réduire les dépenses courantes d’une entreprise. D’après ces lignes directrices, une aide au fonctionnement peut être octroyée aux régions bénéficiant de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, point a), à condition i) qu’elles soient justifiées par leur contribution au développement régional et leur nature et ii) que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu’elles visent à pallier. Il incombe à l’État membre de démontrer l’existence et l’importance des handicaps (point 76).

(49)

La Commission observe que les dépenses courantes sont non pas des dépenses en capital, mais généralement des dépenses récurrentes nécessaires au fonctionnement d’une entreprise. En ce sens, le tarif préférentiel d’électricité appliqué à Aluminium of Greece a permis à cette dernière de réduire ses dépenses courantes. Il constitue donc une aide au fonctionnement, qui n’était pas autorisée par les lignes directrices de 2006 concernant les aides d’État à finalité régionale. Les autorités grecques n’ont fourni aucune preuve que la réduction du tarif de l’électricité était justifiée par sa contribution au développement régional ou par sa nature et n’ont pas davantage démontré qu’elle était proportionnelle aux éventuels handicaps. En outre, les autorités grecques n’ont pas mesuré ou calculé les handicaps de la région ni le niveau de l’aide afin de démontrer que l’aide était proportionnelle aux handicaps.

(50)

Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut que l’aide ne peut être considérée comme compatible sur la base des lignes directrices de 2006 concernant les aides à finalité régionale.

(51)

En ce qui concerne la compatibilité de l’aide sur la base du règlement général d’exemption par catégorie déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché commun en application des articles 107 et 108 du TFUE (10), la Commission considère que, d’après les données financières soumises par les autorités grecques, Aluminium of Greece est une grande entreprise, comme il a été démontré au considérant 7 ci-dessus. D’après l’article 1er, paragraphe 5, du règlement général d’exemption par catégorie, les aides ad hoc accordées à de grandes entreprises sont exclues du champ d’application du règlement.

(52)

En outre, selon l’article 8, paragraphe 3, du règlement général d’exemption par catégorie, lorsqu’une aide couverte par le règlement est accordée à une grande entreprise, l’État membre doit confirmer que celle-ci a un effet incitatif notable, sur la base d’un document analysant la viabilité du projet ou de l’activité du bénéficiaire, avec et sans l’aide. La Commission n’a pas reçu de données en ce sens.

(53)

En conclusion, l’aide octroyée à Aluminium of Greece n’est pas compatible en vertu du règlement général d’exemption par catégorie.

(54)

L’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE prévoit que «les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun» peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

(55)

La Commission considère que l’exception prévue à l’article 107, paragraphe 3, point c), ne s’applique pas dans le cas d’espèce. En effet, en ce qui concerne le développement de certaines régions économiques, Aluminium of Greece est située dans une région soutenue en vertu de l’article 107, paragraphe 3, point a), et non en vertu de l’article 107, paragraphe 3, point c) (11). En ce qui concerne le développement de certaines activités économiques, la Commission observe que le secteur de la production d’aluminium n’est pas soumis à des règles spécifiques en matière d’aides d’État qui pourraient s’appliquer au bénéficiaire. Les autres règles relatives aux aides d’État adoptées en vertu de l’article 107, paragraphe 3, point c), ne sont manifestement pas applicables. Ainsi, Aluminium of Greece ne peut prétendre à une aide au sauvetage et/ou à la restructuration. En effet, Aluminium of Greece n’était pas une entreprise en difficulté pendant la période d’application de l’aide, puisqu’elle ne remplissait aucun des critères visés aux points 9 à 11 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, en vigueur au moment de l’application du tarif préférentiel (12). En outre, l’octroi d’une aide à la restructuration dépend de l’existence d’un plan de restructuration solide. La Grèce n’a pas soumis un tel plan de restructuration. En conclusion, l’aide octroyée à Aluminium of Greece n’est pas compatible sur la base des règles en matière d’aides au sauvetage ou à la restructuration.

(56)

Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut que la mesure d’aide en cause n’est pas compatible avec le TFUE. Plus particulièrement, la Commission considère que la différence entre a) les recettes d’EPE résultant du tarif normal qui aurait dû être appliqué à Aluminium of Greece pendant la période comprise entre janvier 2007 et mars 2008 et b) les recettes d’EPE résultant du tarif appliqué dans la pratique à ladite entreprise pendant la même période constitue une aide incompatible en faveur d’Aluminium of Greece.

VI.   CONCLUSION

(57)

Compte tenu des considérations qui précèdent, la Commission conclut que la mesure 1 constitue une aide d’État et qu’elle n’est pas compatible avec le marché intérieur. Elle aboutit également à la conclusion que l’extension du réseau national de transport de gaz naturel ne constitue pas une aide d’État.

(58)

L’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (13) dispose qu’«en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire».

(59)

En conséquence, puisque la mesure examinée est qualifiée d’aide illégale et incompatible, le montant de l’aide doit être récupéré pour rétablir la situation qui prévalait sur le marché avant l’octroi de l’aide. Le point de départ pour la récupération doit être la date à laquelle l’avantage a été octroyé au bénéficiaire, c’est-à-dire la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition du bénéficiaire, qui doit payer des intérêts sur les montants à récupérer jusqu’à leur recouvrement effectif.

(60)

L’élément d’aide incompatible de la mesure est calculé comme étant la différence entre a) les recettes d’EPE résultant du tarif normal qui aurait dû être appliqué pendant la période comprise entre janvier 2007 et mars 2008 et b) les recettes d’EPE résultant du tarif appliqué dans la pratique pendant la même période. Par conséquent, le montant de l’aide octroyé à Aluminium of Greece pendant cette période s’élève à 17,4 millions d’EUR,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1.   L’aide d’État d’un montant de 17,4 millions d’EUR, octroyée illégalement par la Grèce à Aluminium of Greece SA et à Aluminium SA, qui lui a succédé, au moyen d’un tarif préférentiel d’électricité, en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est incompatible avec le marché intérieur.

2.   L’extension du réseau national de transport de gaz naturel ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Article 2

1.   La Grèce récupère auprès du bénéficiaire l’aide mentionnée à l’article 1er, paragraphe 1.

2.   Les montants à récupérer sont majorés d’intérêts calculés à partir de la date à laquelle ils ont été mis à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base composée, conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission (14) et du règlement (CE) no 271/2008 de la Commission (15) modifiant le règlement (CE) no 794/2004.

4.   La Grèce annule tous les paiements en souffrance des aides mentionnées à l’article 1er, paragraphe 1, avec effet à la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1.   La récupération de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 1, est immédiate et effective.

2.   La Grèce garantit l’exécution de la présente décision dans un délai de quatre mois à partir de la date de sa notification.

Article 4

1.   Dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, la Grèce transmet à la Commission les renseignements suivants:

a)

le montant total (principal et intérêts) qui devra être récupéré auprès du bénéficiaire,

b)

une description précise des mesures qui ont déjà été prises ou qui seront prises pour se conformer à la présente décision;

c)

les documents attestant que le bénéficiaire a été sommé de restituer l’aide.

2.   La Grèce tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision, jusqu’à la récupération complète de l’aide mentionnée à l’article 1er, paragraphe 1. Si la Commission en fait la demande, la Grèce lui transmet dans les plus brefs délais tous les renseignements concernant les mesures qui ont déjà été prises ou qui seront prises pour se conformer à la présente décision. La Grèce lui fournit aussi des renseignements détaillés concernant les montants de l’aide et des intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 5

La République hellénique est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Par la Commission

Joaquín ALMUNIA

Vice-président


(1)  JO C 96 du 16.4.2010, p. 7.

(2)  Voir la note 1 de bas de page.

(3)  À cette époque, le gestionnaire du système de transport de gaz était l’entreprise publique de gaz (ci-après «EPG»), appartenant à 65 % à l’État. Le système national de transport de gaz (en ce compris le raccordement d’Aluminium of Greece) a ensuite été transféré au gestionnaire du système national de gaz naturel (ci-après le «GSNGN»), créé le 30 mars 2007 en tant que filiale à 100 % d’EPG.

(4)  Plus particulièrement par le programme opérationnel «Compétitivité», axe 7 «Énergie et développement durable», mesure 7.1 «Pénétration du gaz naturel dans les ménages et le secteur tertiaire, chez les consommateurs industriels et dans le secteur des transports».

(5)  JO C 9 du 15.1.2003, p. 6.

(6)  Source: Association européenne de l’aluminium, «Aluminium use in Europe, country profiles, 2005-2008» (http://www.eaa.net).

(7)  Arrêt dans l’affaire 70/72, Commission contre Allemagne, Rec. 1973, p. 813, point 14, et arrêt dans l’affaire C-197/1999 P, Belgique contre Commission, Rec. 2003, p. I-8461, point 109.

(8)  Pour une indication du rendement dans le secteur du transport de gaz, voir la décision N 594/09 de la Commission – Aide en faveur de Gaz-System S.A. pour les réseaux de transport de gaz naturel en Pologne, et notamment le point 17: «Le rendement du capital applicable à Gaz-System à partir du 1er juin 2009 s’élève à 10,8 %».

(9)  JO C 54 du 4.3.2006, p. 13.

(10)  JO L 214 du 9.8.2008, p. 3.

(11)  En outre, les aides régionales au fonctionnement ne sont pas autorisées en vertu de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

(12)  JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(13)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(14)  JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.

(15)  JO L 82 du 25.3.2008, p. 1.


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