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Document 52015AE2961

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires» [COM(2015) 302 final]

OJ C 71, 24.2.2016, p. 42–45 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/42


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires»

[COM(2015) 302 final]

(2016/C 071/07)

Rapporteur:

M. Petru Sorin DANDEA

Corapporteur:

M. Paulo BARROS VALE

Le 6 juillet 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires»

[COM(2015) 302 final].

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 26 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière, des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le CESE a adopté le présent avis par 169 voix pour, 15 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La lutte contre la planification fiscale agressive a été, au cours de ces dernières années, l’une des préoccupations majeures des États membres, mais aussi de la Commission européenne. Le plan d’action pour la mise en œuvre d’un système d’imposition des sociétés juste et efficace qui a été présenté par la Commission pose un jalon important dans l’effort entrepris pour faire régresser ce phénomène dommageable. Le CESE se félicite de la présentation de ce plan et exprime son soutien à la Commission dans sa lutte contre cette pratique qui contribue à éroder les assiettes fiscales des États membres et encourage une concurrence déloyale.

1.2.

Comme il l’a déjà déclaré par le passé (1), le CESE est favorable à l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) qui soit obligatoire pour les entreprises exerçant une activité transnationale. Si une telle mesure était facultative, son efficacité serait mise à mal, car les sociétés qui pratiquent le transfert de bénéfices pour payer moins de taxes refuseraient de l’adopter.

1.3.

Le CESE préconise que les États membres et la Commission envisagent pour l’avenir d’étendre l’ACCIS à toutes les entreprises, afin d’éviter la coexistence de deux régimes fiscaux différents. Avant d’étendre le système de l’ACCIS à l’ensemble des entreprises, il y a lieu de réaliser une analyse d’impact approfondie, notamment en ce qui concerne son incidence sur les microentreprises et les petites entreprises qui sont actives au niveau local.

1.4.

Le CESE recommande à la Commission de veiller, lors de l’élaboration du projet de directive, à la clarté des définitions et des concepts qui devront régir l’assiette commune. En effet, disposer de ces définitions claires sera une condition sine qua non pour garantir la qualité du processus de transposition et éviter que ne se développent entre les États membres des différences importantes, susceptibles de réduire significativement l’efficacité du texte réglementaire.

1.5.

Le CESE estime que le mécanisme de compensation transfrontière des pertes, dont la Commission souhaite la mise en place jusqu’à l’adoption du régime de consolidation, ne doit pas porter atteinte au droit des États membres d’imposer des bénéfices résultant d’une activité exercée sur leur territoire.

1.6.

Le CESE se félicite que la Commission ait publié, en annexe à la communication à l’examen, une liste des juridictions non coopératives en matière fiscale. Il rappelle en outre la proposition qu’il a formulée dans des avis précédents, à savoir que la réglementation de l’Union européenne devrait prévoir des sanctions pour les entreprises qui continueront de gérer leurs affaires à partir de paradis fiscaux, évitant ainsi de payer les taxes en vigueur au titre des régimes fiscaux des États membres dans lesquels elles exercent leurs activités.

1.7.

Le CESE recommande qu’après l’adoption de la directive ACCIS et l’introduction du mécanisme de consolidation, la Commission procède à une analyse d’impact des nouvelles réglementations. Si celle-ci révèle que le transfert de bénéfices vers des États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas n’a pas diminué, il propose que des mesures complémentaires ciblées soient adoptées.

1.8.

Dans le cadre de la procédure de révision du mandat de la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale, le CESE incite la Commission a également envisager d’ajouter à sa composition des représentants des partenaires sociaux européens, lesquels peuvent apporter une contribution importante à ses travaux.

2.   La proposition de la Commission

2.1.

Le 17 juin 2015, la Commission européenne a publié une communication (2) présentant un plan d’action pour la mise en œuvre d’un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne. Il fait suite au train de mesures sur la transparence fiscale présenté par la Commission européenne au mois de mars, qui contenait également un projet de directive sur l’échange automatique et obligatoire d’informations concernant les décisions fiscales anticipées.

2.2.

Le plan s’articule autour de quatre objectifs, qui visent à promouvoir une nouvelle approche de la fiscalité des entreprises dans l’Union européenne, à savoir: rétablir le lien entre l’imposition et le lieu où s’exerce l’activité économique, veiller à ce que les États membres puissent évaluer correctement les activités des entreprises, créer un environnement fiscal compétitif et propice à la croissance pour les entreprises au sein de l’Union et, enfin, protéger le marché unique et garantir l’adoption par l’Union d’une approche énergique à l’égard des questions externes liées à la fiscalité des entreprises, y compris par des dispositions visant à mettre en œuvre le projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

2.3.

Le plan d’action présente une série de mesures destinées à faciliter la réalisation des objectifs, qui consistent à mettre en place une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), à garantir l’imposition effective à l’endroit où les bénéfices sont réalisés, à arrêter des mesures supplémentaires pour améliorer l’environnement fiscal des entreprises, à réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence fiscale et à mieux tirer parti des instruments européens de coordination en matière fiscale.

2.4.

La Commission souhaite également aborder la question des allègements fiscaux accordés par les États membres pour les brevets. Elle entend veiller à ce qu’ils ne créent pas de distorsions sur le marché intérieur et fournira auxdits États membres des orientations concernant la nouvelle approche. Dans la mesure où elle constatera qu’ils ne l’appliquent pas systématiquement, elle établira des mesures législatives contraignantes.

2.5.

La Commission poursuit sa collaboration avec les autres partenaires internationaux et insiste sur l’importance que revêt la mise en œuvre du plan d’action BEPS de l’OCDE, lequel devrait mettre en place des conditions de concurrence équitables pour la fiscalité des entreprises multinationales, y compris dans les pays en développement.

3.   Observations générales

3.1.

Le plan de la Commission a pour ambition de combattre le phénomène nuisible du transfert de bénéfices, lequel est favorisé par les entreprises exerçant des activités transnationales qui transfèrent leurs profits dans des pays ou entités territoriales à taux d’imposition très faibles ou inexistants et qui, ce faisant, contribuent à l’érosion de l’assiette fiscale des États membres et poussent ces derniers à augmenter d’autres taxes ou impôts, dans un mouvement qui se traduit par une hausse de la charge fiscale pour les bons contribuables, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de petites et moyennes entreprises. Le CESE se félicite de la présentation du plan d’action et exprime son soutien à la Commission dans sa lutte contre ledit phénomène.

3.2.

La principale proposition formulée par la Commission dans le plan à l’examen est d’instaurer une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) qui soit obligatoire. La proposition de directive qu’elle avait présentée en 2011 proposait que l’ACCIS soit facultative. À l’époque, le CESE avait publié un avis contenant une série de propositions de fond sur l’ACCIS (3), qu’il défend toujours aujourd’hui.

3.3.

La Commission considère qu’il est nécessaire de rendre l’ACCIS contraignante dans la mesure où les entreprises transnationales pratiquant une planification fiscale agressive ne l’adopteront pas si elle reste facultative. Le CESE exprime son accord avec la proposition de donner un caractère obligatoire à l’ACCIS et recommande à la Commission d’étudier la possibilité qu’à l’avenir elle s’applique à toutes les entreprises afin d’éviter que les États membres utilisent deux assiettes fiscales différentes.

3.4.

Compte tenu des consultations avec les États membres, la Commission propose d’envisager dans un premier temps de créer la base commune et de n’en prévoir la consolidation que dans une phase ultérieure. Étant donné que la planification fiscale agressive compromet gravement la concurrence dans l’ensemble du marché unique et se traduit par des pertes de recettes considérables pour les États membres, le CESE recommande d’accélérer le calendrier de mise en œuvre.

3.5.

La proposition de directive devrait être présentée l’année prochaine. Le CESE recommande à la Commission de veiller, lors de l’élaboration du projet de directive, à la clarté des définitions et des concepts qui devront régir l’assiette commune. En effet, disposer de ces définitions claires sera une condition sine qua non pour garantir la qualité du processus de transposition et éviter que ne se développent entre les États membres des différences importantes, susceptibles de réduire significativement l’efficacité du texte réglementaire.

3.6.

La Commission propose que, jusqu’à la phase ultérieure de la consolidation, le projet de directive comporte un mécanisme de compensation transfrontière des pertes. Puisque la consolidation représente le principal avantage économique de l’ACCIS, il aurait été préférable de l’introduire d’entrée de jeu. Toutefois, compte tenu des difficultés à dégager un accord politique sur cette question, le CESE se rallie au mécanisme proposé. Eu égard aux demandes formulées par le Parlement européen mais aussi par les États membres en faveur de la possibilité d’imposer les bénéfices à l’endroit où ils sont générés, le CESE considère que ce mécanisme de compensation ne doit pas porter indûment atteinte au droit d’un desdits États membres d’imposer les bénéfices résultant d’une activité exercée sur son territoire.

3.7.

Des analyses réalisées par la Commission, il ressort qu’il existe des situations dans lesquelles des entreprises exerçant des activités transnationales transfèrent leurs bénéfices vers des États membres qui appliquent un taux d’imposition moins élevé. Ce phénomène est favorisé par les dispositions de la législation sur les entreprises qui est en vigueur (4). Si cette pratique des entreprises se maintient encore dans l’ensemble du marché unique après l’introduction de la consolidation, il y aura lieu, de l’avis du CESE, d’adopter des dispositions juridiques appropriées.

4.   Observations spécifiques

4.1.

La planification fiscale agressive développée par les entreprises qui exercent des activités transnationales provoque des pertes budgétaires de l’ordre de centaines de milliards d’euros pour les États membres. Le CESE se déclare favorable à la mise en place de l’ACCIS et considère qu’elle devrait devenir une norme générale en matière d’imposition des bénéfices dans l’Union européenne. Elle donnerait la possibilité de simplifier le régime fiscal des sociétés et d’éviter une situation dans laquelle les États membres devraient appliquer, d’une part, l’ACCIS pour les entreprises exerçant une activité transnationale et, d’autre part, un régime différent pour les autres.

4.2.

Le CESE recommande qu’après l’adoption de la directive ACCIS et l’introduction du mécanisme de consolidation, la Commission procède à une analyse d’impact des nouvelles réglementations. Si celle-ci révèle que le transfert de bénéfices vers des États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas n’a pas diminué, le CESE propose que de nouvelles mesures juridiques appropriées soient adoptées pour dissuader les entreprises exerçant une activité transnationale de continuer à transférer leurs bénéfices vers les États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas.

4.3.

La Commission propose de mieux réglementer la notion d’«établissement stable» d’une entreprise. Le CESE est d’avis que l’imposition des bénéfices résultant de l’activité exercée sur le territoire de l’État membre constitue le seul moyen d’ôter aux entreprises toute possibilité de parvenir, dans certaines circonstances, à éviter artificiellement d’y avoir une présence fiscale. L’adoption du projet BEPS de l’OCDE pourrait réduire considérablement les situations dans lesquelles les entreprises arriveraient à éviter de payer l’impôt sur le revenu des sociétés en invoquant les dispositions de la législation européenne en vigueur.

4.4.

La consolidation est l’opération par laquelle les bénéfices et les pertes d’une entreprise peuvent être cumulés pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Le CESE reconnaît qu’une fois adoptée, elle constituera le principal atout de l’ACCIS dans la lutte contre les techniques complexes des prix de transfert auxquelles recourent, pour payer moins d’impôts, les entreprises réalisant des opérations transnationales sur le territoire de l’Union. Il recommande toutefois à la Commission de prendre en considération la nécessité de sauvegarder le droit que possède chaque État membre d’imposer les profits résultant d’activités exercées par des entreprises sur son propre territoire.

4.5.

La communication de la Commission reprend en annexe une liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale. Le CESE estime qu’il ne s’agit là que d’une première étape dans la lutte contre les juridictions fiscales non coopératives, connues également sous l’appellation générique de «paradis fiscaux». Il rappelle en outre la proposition qu’il a formulée dans des avis précédents (5), à savoir que la réglementation de l’Union européenne devrait prévoir des sanctions pour les entreprises qui continueront de gérer leurs affaires à partir de paradis fiscaux, évitant ainsi de payer les taxes en vigueur au titre des régimes fiscaux des États membres dans lesquels elles exercent leurs activités.

4.6.

La Commission reconnaît le rôle important joué par les groupes qui ont veillé à la coopération avec les États membres dans le domaine fiscal, les deux principaux étant le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» et la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale. Le CESE recommande à la Commission et aux États membres d’étudier la possibilité que les dispositions du code soient reprises dans la législation européenne et deviennent ainsi obligatoires.

4.7.

Dans le cadre de la procédure de révision du mandat de la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale, il incite la Commission non seulement à le proroger au-delà de 2016, mais aussi à envisager d’ajouter à sa composition des représentants des partenaires sociaux européens, lesquels peuvent apporter une contribution importante à ses travaux.

4.8.

Le CESE préconise que la Commission et les États membres poursuivent leur effort de simplification et d’harmonisation du cadre légal existant, au niveau tant européen que national. Cette démarche peut avoir pour effet d’encourager l’investissement au niveau européen, en instaurant les conditions nécessaires à une croissance durable et à la création d’emplois supplémentaires.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur la «Coordination des systèmes de fiscalité directe» (JO C 10 du 15.1.2008, p. 113); avis du CESE sur la création d’une assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne (JO C 88 du 11.4.2006, p. 48).

(2)  Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires [COM(2015) 302 final].

(3)  Assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) (JO C 24 du 28.1.2012, p. 63).

(4)  La directive sur les sociétés-mères et les filiales (directive 2011/96/UE du Conseil) et celle relative aux intérêts et aux redevances (directive 2003/49/CE du Conseil).

(5)  Avis du CESE «Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales» (JO C 198 du 10.7.2013, p. 34); avis d’initiative «La méthode communautaire pour une UEM démocratique et sociale» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 33).


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