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Document 52003IE0410

Avis du Comité économique et social européen sur les "Grandes orientations de politique économique 2003"

OJ C 133, 6.6.2003, p. 63–69 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52003IE0410

Avis du Comité économique et social européen sur les "Grandes orientations de politique économique 2003"

Journal officiel n° C 133 du 06/06/2003 p. 0063 - 0069


Avis du Comité économique et social européen sur les "Grandes orientations de politique économique 2003"

(2003/C 133/14)

Le 10 décembre 2002, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur les "Grandes orientations de politique économique 2003".

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 6 mars 2003 (rapporteur: M. Vever).

Lors de sa 398e session plénière des 26 et 27 mars 2003 (séance du 26 mars), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 96 voix pour et 8 abstentions.

1. Résumé

1.1. Le Comité économique et social européen approuve l'inclusion, à dater de 2003, des grandes orientations de politique économique (GOPE, rapport mise en oeuvre) dans un nouveau "paquet mise en oeuvre", que la Commission a présenté en janvier et qui se réfère à d'autres politiques connexes de l'Union (emploi, marché unique, réformes de Lisbonne), et de même pour le "paquet orientations" en avril, tout en se situant dans un horizon sur trois ans. Ce faisant, le Comité insiste sur la nécessité de ne pas alourdir ni diluer ces priorités, mais au contraire de mieux les préciser.

1.2. Le Comité souligne la complexité des enjeux des trois prochaines années, qui nécessitent une politique économique mieux intégrée avec l'euro, un appui réellement efficace à l'adhésion des nouveaux États membres, et une mise en oeuvre plus effective des réformes convenues à Lisbonne.

1.3. Le Comité constate que ces objectifs sont eux-mêmes rendus plus difficiles par la dégradation très préoccupante de la situation économique au cours des deux dernières années, malgré les progrès par ailleurs accomplis concernant le marché unique, l'euro, et les processus politiques de convergence économique entre les États membres.

1.4. Le Comité souligne que la priorité doit être de dégager une nouvelle dynamique européenne de croissance, dont dépend le redressement de l'emploi, en s'appuyant sur un ciblage plus précis, une application plus efficace et un encadrement plus cohérent des GOPE.

1.5. Mieux cibler les GOPE devrait conduire, sans créer de rupture avec les orientations définies en 2002, à mettre davantage l'accent sur le contenu croissance du pacte de stabilité, amorcer une gouvernance économique mieux coordonnée allant de pair avec l'euro, et mieux appuyer l'adaptation compétitive et technologique du Site Europe.

1.6. Mieux appliquer les GOPE devrait impliquer l'affirmation de l'Eurogroupe dans un dialogue efficace avec la Banque Centrale européenne, une association plus étroite et plus en amont des représentants socioprofessionnels et des partenaires sociaux, et le développement des indicateurs sur l'état de mise en oeuvre des orientations économiques et des réformes, notamment sur les progrès de l'économie de la connaissance.

1.7. Mieux encadrer les GOPE devrait appeler une accélération de l'achèvement du marché unique dans des domaines prioritaires, assurant un supplément de confiance et de croissance, une réactivation des réformes de Lisbonne, y compris de la simplification réglementaire, et un renforcement des dispositions de gouvernance économique commune dans le futur traité que prépare la Convention.

2. Les propositions de la Commission

2.1. La Commission européenne a proposé en septembre 2002(1) d'inaugurer, dès 2003, un nouveau cycle annuel intégré de présentation et de mise en oeuvre des grandes orientations de politiques économiques (GOPE), des lignes directrices et recommandations sur l'emploi, et des orientations stratégiques pour le marché unique. L'objectif est un meilleur agencement et une meilleure coordination de ces différentes politiques.

2.2. Le Sommet européen de printemps en mars joue un rôle clé au sein de ce nouveau cycle:

2.2.1. Il est précédé des rapports de la Commission, depuis la mi-janvier, concernant l'état de mise en oeuvre des GOPE, de la stratégie d'emploi, de la stratégie du marché unique et des réformes structurelles convenues à Lisbonne. Ces rapports de la Commission destinés au Sommet de printemps comprennent également des évaluations sur le processus de Cardiff, la situation des aides d'État, l'innovation et la politique de l'entreprise.

2.2.2. Les conclusions du Sommet européen de printemps, telles qu'elles sont dégagées par la Présidence, donneront ensuite lieu, dès avril, à de nouvelles propositions de la Commission concernant les GOPE (pour l'ensemble de l'UE et par pays), les lignes directrices et les recommandations sur l'emploi et la stratégie pour le marché unique. Dès 2003, ces propositions sont présentées dans une perspective à moyen terme, révisable tous les trois ans (cf. 2003-2006). Dans l'intervalle (en l'occurrence en 2004 puis en 2005), seuls des ajustements limités seront apportés, en fonction des évolutions qui pourraient les justifier.

2.3. Le Sommet européen de juin sera chargé de sanctionner les orientations sur base des propositions de la Commission, après examen en première lecture par les formations spécialisées du Conseil (notamment Économie-Finances, Emploi-Affaires sociales, Compétitivité). Ces orientations seront ensuite formellement adoptées par ces mêmes formations spécialisées du Conseil.

2.4. Lors des derniers mois de l'année, la Commission rassemblera des rapports des États membres sur l'état de mise en oeuvre et sur les actions envisagées, et les examinera en vue de réamorcer le cycle en janvier.

2.5. La Commission propose aussi d'inclure dans ce cycle la méthode de coordination ouverte concernant les questions de protection sociale.

2.6. Sur ces bases, la Commission a présenté le 14 janvier 2003 son premier "paquet mise en oeuvre", comprenant:

2.6.1. un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre des GOPE pour 2002(2): par-delà la diversité des situations nationales, le bilan d'ensemble est présenté comme plutôt décevant, principalement en raison de la faiblesse de la croissance et de la détérioration des situations budgétaires de plusieurs États membres, alors même qu'on constate la persistance de retards dans l'ouverture des marchés - infrastructures, énergie -, dans les réformes structurelles du fonctionnement des marchés du travail et dans celles visant à restaurer l'équilibre financier des différents régimes de protection sociale;

2.6.2. un rapport en vue d'une nouvelle stratégie pour l'emploi(3): l'objectif du plein emploi est compliqué par le vieillissement démographique, tandis que la qualité et la productivité du travail doivent être renforcés, tout en levant les disparités qui subsistent dans l'accès au marché du travail;

2.6.3. un rapport sur l'état d'avancement du marché intérieur européen(4): l'évaluation est mitigée, dans la mesure où les progrès réalisés, au demeurant seulement partiels (cf. services financiers, ouverture des marchés de l'énergie, procédures de passation des marchés publics) coïncident avec des retards persistants (cf. fonds de pension, harmonisation fiscale, brevet communautaire);

2.6.4. un rapport sur l'état des réformes de la stratégie de Lisbonne(5) (le rapport de printemps): il confirme le bilan contrasté des autres rapports précédemment cités, et souligne la nécessité d'intensifier les efforts de réforme économique et sociale face aux objectifs de compétitivité convenus par les 15.

3. Les observations du Comité

3.1. Concernant la révision de la procédure, le Comité approuve:

3.1.1. la meilleure cohérence entre les grandes orientations de politique économique, les lignes directrices pour l'emploi, les mesures pour l'achèvement du marché unique et les réformes de la stratégie de Lisbonne, qui devrait constituer un réel progrès en raison de l'interrelation étroite entre ces différents enjeux;

3.1.2. en particulier, la liaison ainsi faite entre les différents "processus" de Luxembourg, de Cardiff et de Cologne avec la stratégie de Lisbonne, elle-même actualisée à Göteborg puis Barcelone;

3.1.3. le souci d'une meilleure constance des orientations politiques autour d'une perspective approfondie, avec un horizon étendu à trois ans;

3.1.4. la simplification du cycle, avec un effort de synthèse des rapports, des orientations et des "processus": leur multiplication commençait en effet, ces dernières années, à générer des procédures lourdes, parallèles et parfois contradictoires, affectées par un manque de vision d'ensemble.

3.2. Le Comité souligne toutefois:

3.2.1. la nécessité de ne pas alourdir exagérément les rapports de synthèse de la Commission et le cycle annuel d'orientations économiques et sur l'emploi, en surajoutant les analyses et les prescriptions au lieu de les synthétiser;

3.2.2. en particulier, la nécessité de dégager de véritables priorités de gouvernance économique à l'échelle européenne, faisant l'objet d'une analyse macroéconomique approfondie, d'une impulsion et d'un suivi politique, et non pas seulement technique, engageant les institutions de l'UE et les États membres sur la base d'orientations suffisamment convergentes et constantes, même s'il convient de tenir également compte de la diversité des situations nationales et régionales.

3.3. Concernant le contenu du rapport de synthèse, et notamment l'évaluation de la mise en oeuvre des GOPE, le Comité souligne que l'analyse de la Commission et les propositions qui l'accompagnent sont présentées à un moment où la situation économique et sociale de l'Union européenne justifie de très fortes préoccupations:

3.3.1. La confiance des différents acteurs de l'économie (investisseurs, entrepreneurs, consommateurs, épargnants et salariés) s'est beaucoup détériorée depuis le 11 septembre 2001, notamment face à la résurgence des menaces de guerre au Proche-Orient et aux tensions internationales qui en découlent sur le plan politique, économique, financier et pétrolier, avec une forte baisse en 2001 puis à nouveau en 2002 des marchés financiers et boursiers, le tout entretenant un cycle déprimé.

3.3.2. La croissance est faible, avec un taux qui n'a guère dépassé, en moyenne, 1 % dans l'Union en 2001 et 2002 et qui restera nettement en deçà de 2 % en 2003, en raison des effets conjoints du manque de vigueur de la demande interne et des difficultés accrues à l'exportation avec le renchérissement du cours de l'euro. Ces résultats sont nettement inférieurs à l'objectif de 3 % de croissance annuelle fixé dans la stratégie de Lisbonne. Contrairement à d'autres régions du monde, l'Union européenne ne dispose pas d'une politique macroéconomique suffisamment affirmée pour stimuler son potentiel de croissance, ce qui lui donnerait une meilleure capacité pour faire face au fléchissement conjoncturel, ranimer la confiance et soutenir la demande intérieure.

3.3.3. Après une période en 2002 où il a paru continuer de résister au ralentissement économique, l'emploi se dégrade à nouveau fortement et cette fois brutalement en ces premiers mois de 2003, affectant la situation sur le marché du travail tant des plus jeunes que des plus âgés.

3.3.4. Les déficits publics sont particulièrement élevés pour quatre États membres de la zone euro (cf. Allemagne, France, Italie et Portugal), déclenchant des mises en garde au titre de la limite de 3 % fixée par le Pacte de stabilité et de croissance - cette tendance au creusement des déficits affectant à présent aussi d'autres États.

3.3.5. L'inflation demeure globalement modérée - la préoccupation face à des pressions déflationnistes de prix l'emporte d'ailleurs chez nombre d'observateurs sur celles d'un retour de l'inflation -, même si le passage matériel à l'euro en billets et pièces début 2002 a été perçu par nombre de consommateurs comme un facteur de hausse des prix de certains produits de la vie courante - en dépit de constats généralement différents des instituts économiques et des indicateurs statistiques.

3.3.6. Au-delà de ces données globales, et en l'absence d'une gouvernance économique plus coordonnée et plus intégrée que ne le permettent actuellement les GOPE, les diversités demeurent marquées entre les économies nationales, tant à l'intérieur de l'UE que - ce qui peut paraître plus paradoxal - au sein-même de la zone euro.

3.3.7. Ces diversités ne vont faire que s'accroître avec l'élargissement de 15 à 25 officiellement programmé pour mai 2004: si les nouveaux États membres connaissent des taux de croissance qui sont fréquemment doubles de ceux des 15, leur niveau de développement demeure inférieur de près de moitié, et leur adaptation à l'économie de marché et à l'acquis communautaire reste encore à achever et à consolider.

3.3.8. On soulignera aussi, par-delà les contre-performances conjoncturelles les plus visibles, les indicateurs négatifs concernant des données structurelles de fond, telles que les perspectives démographiques très défavorables, la fragmentation des régimes fiscaux dans le marché intérieur, le poids excessif de la fiscalité et des prélèvements obligatoires sur le travail en Europe par rapport à ses principaux concurrents, notamment dû à une détérioration de la structure de la fiscalité européenne (cf. rapport Monti), les efforts à mener concernant les marchés du travail, et la nécessité pour l'économie européenne de générer beaucoup plus de croissance pour créer de l'emploi que ceci n'est par exemple le cas dans l'économie américaine. Au total, c'est bien l'insuffisance de potentiel autonome de croissance du Site Europe, de même que ses handicaps d'attractivité et de compétitivité, qui posent question, et risquent de mettre en cause la faisabilité même de l'ambitieux objectif 2010 fixé à Lisbonne en 2000, dans un climat économique qui était, il est vrai, beaucoup plus porteur.

3.4. Cette médiocrité de la situation économique et sociale et cette mise en péril de la stratégie de Lisbonne sont d'autant plus préoccupants qu'ils font suite à des progrès réels d'harmonisation juridique, d'unification monétaire et de mise au point de nombreux outils politiques d'accompagnement:

3.4.1. Ainsi, les progrès d'harmonisation juridique se sont poursuivis dans la réalisation du marché unique (cf. suppression des contrôles entre États membres, nombreuses nouvelles directives, normalisation, etc.), même si des retards subsistent encore dix ans après l'échéance de 1992.

3.4.2. L'unification monétaire est devenue réalité depuis 4 ans, concernant à présent 12 États membres, avec mise en circulation des billets et des pièces en euros depuis janvier 2002.

3.4.3. Plusieurs outils d'orientations communes ont été mis en oeuvre à la suite des GOPE - l'objet même du "paquet mise en oeuvre" présenté en janvier par la Commission étant de faire le point sur les interactions entre ces différents processus. Ainsi, le traité d'Amsterdam de juin 1997 a prévu l'élaboration annuelle par le Conseil européen de lignes directrices, dont les États membres tiennent compte dans leurs politiques d'emploi. Puis le processus de Luxembourg mis en place en novembre 1997 a précisé le contenu de ces lignes directrices pour l'emploi. En juin 1998, un autre processus convenu à Cardiff a prévu de faire chaque année le point sur les réformes structurelles des marchés de biens, de services et de capitaux pour un meilleur fonctionnement du marché unique. En juin 1999, un nouveau processus fut décidé à Cologne, prévoyant des recommandations pour un pacte européen pour l'emploi. Enfin, au Sommet européen de Lisbonne en mars 2000, les 15 ont convenu d'engager une ambitieuse stratégie pluriannuelle de relance du marché unique européen et de réformes économiques, sociales et administratives, tant sur le plan européen que national, visant à faire de l'Europe, d'ici 2010, "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde".

3.5. La question qui mérite d'être posée est donc: "Pourquoi les progrès du marché unique, de la mise en place de l'euro, de la mise en oeuvre des GOPE et des nombreux processus de convergence et de réformes qui les accompagnent n'ont-ils pas permis à ce jour de redresser la croissance, la compétitivité et l'emploi en Europe?" Trois types de réponses pourraient y être apportées:

3.5.1. D'une part, on peut considérer que les grandes orientations économiques, malgré leurs mérites, présentent encore des approximations et des défauts de ciblage. On constatera en particulier que les pays de la zone euro ont reçu de la Commission européenne des notations globalement plus médiocres (cf. finances publiques, marché du travail, marchés de produits) que les trois autres pays de l'Union restés à ce jour hors de la zone euro. Certes, il ne s'agit pas ici de mettre en question les avantages ouverts par l'euro, que le Comité a toujours soulignés. Il s'agit par contre de constater que l'euro ne s'est pas encore accompagné d'une politique économique suffisamment cohérente, coordonnée et adaptée à cette monnaie unique. Dans ces conditions, l'application d'une politique monétaire et de taux d'intérêts uniques à des économies et des politiques qui demeurent diverses crée des difficultés. Le bon "policy mix" devant aller de pair avec l'euro reste encore à inventer et à appliquer, quatre ans après la mise en place de la monnaie unique. Aujourd'hui, plusieurs plaident en faveur d'un assouplissement du Pacte de stabilité, en soulignant notamment que les pays qui ont des problèmes de conformité à ce Pacte, aux premiers rangs desquels l'Allemagne et la France, représentent une part dominante du PIB européen, et en considérant que les rigueurs de ce Pacte entravent leur potentiel de croissance. Mais on soulignera aussi que les États qui se sont mis dans cette situation n'avaient guère multiplié les efforts, lors des années de meilleure croissance, pour s'en prévenir.

3.5.2. D'autre part, on peut considérer que les grandes orientations économiques sont mal appliquées par les États. On soulignera ici que les progrès ont coïncidé avec les retards, tant dans l'achèvement du marché unique que dans les réformes nationales. Concernant le marché unique, on constatera ainsi que, dix ans après l'échéance de 1992, on n'est toujours pas arrivé à supprimer toutes les doubles impositions intracommunautaires, à mettre en place un régime définitif simple sur la TVA, à obtenir l'ouverture et l'interconnexion libres des réseaux d'énergie, ou à progresser de façon réellement décisive dans l'ouverture des services. De même, trop de retards subsistent dans les transpositions nationales des directives. Par ailleurs, des réformes essentielles programmées à Lisbonne, concernant le renforcement de la recherche et de la formation, la modernisation négociée du marché du travail, l'équilibre et la durabilité des régimes de protection sociale ont pris du retard dans de nombreux pays. Ces défauts d'application expliquent en bonne part les contre-performances de l'économie européenne.

3.5.3. Enfin, on peut aussi considérer que les grandes orientations de politique économique demeurent insuffisantes en soi. Certes, un premier remède y est apporté dès 2003 avec la réforme consistant à présenter en un seul paquet les rapports puis les orientations concernant les GOPE, les lignes directrices d'emploi, les mesures pour le marché unique et l'avancement des réformes structurelles de Lisbonne. Toutefois, ce rassemblement sera sans doute insuffisant s'il ne s'accompagne pas d'options prioritaires mieux étayées. Ainsi, des mesures énergiques visant à réduire la fragmentation des régimes fiscaux, tout en optimisant la structure de la fiscalité européenne, ne sont que trop rares. La question de l'attractivité du Site Europe aux investissements directs internationaux, face à la globalisation économique, n'est pas vraiment posée, alors même qu'elle est pourtant directement liée au manque de dynamisme de l'économie européenne.

4. Les priorités du CESE

4.1. La Commission annonce qu'elle présentera début avril 2003 un paquet d'orientations concernant les GOPE, outre les lignes directrices pour l'emploi.

4.1.1. Dans cette perspective, le Comité met l'accent sur une exigence pour 2003: assurer les conditions d'une relance significative et durable de la croissance économique, dont dépendent les autres priorités, y compris dans les domaines social et environnemental.

4.1.2. Cette exigence devra, compte tenu de la perspective triennale dans laquelle s'inscrivent les GOPE, veiller tant à l'affirmation d'une politique économique commune liée à l'euro qu'aux nouveaux besoins d'appui et de cohésion faisant suite à l'adhésion en 2004 de 10 nouveaux États membres. Ceci implique une politique macro-économique fondée sur les interdépendances au sein des circuits économiques, volontaire, active, de nature à raffermir la confiance des investisseurs et des différents acteurs de l'économie, et donc à stimuler la croissance.

4.1.3. À cette fin, le Comité fait trois propositions: mieux cibler les grandes orientations économiques, mieux les appliquer et mieux les encadrer.

4.2. Mieux cibler les GOPE

4.2.1. Les priorités des GOPE en 2002 étaient:

- mettre en oeuvre des politiques macroéconomiques axées sur la croissance et la stabilité,

- améliorer la qualité et la viabilité des finances publiques,

- dynamiser les marchés du travail,

- relancer les réformes structurelles sur les marchés de produits,

- promouvoir l'efficacité et l'intégration des marchés financiers de l'UE,

- encourager l'esprit d'entreprise,

- promouvoir l'économie fondée sur la connaissance,

- soutenir le développement durable.

4.2.2. Le Comité considère que ces différents objectifs de 2002, non seulement restent valables en soi pour la période 2003, mais également pour la perspective triennale 2003-2006. Par contre, le Comité souligne qu'un accent devrait être aujourd'hui plus directement mis sur certaines exigences ayant un effet direct pour la relance de la croissance, concernant l'application du pacte de stabilité, l'harmonisation fiscale, et la promotion de l'innovation.

4.2.3. Le Comité constate que les modalités d'application du pacte de stabilité ont été ces derniers mois au coeur des débats économiques de l'Union, notamment en raison de la fixation par le Sommet de Barcelone de mars 2002 d'une date butoir en 2004 pour le retour à l'équilibre des finances publiques. Cette échéance fut ensuite reporté à 2006 à l'initiative de la Commission, en raison de la détérioration économique qui a creusé les déficits. Dans les conditions actuelles, le Comité se prononce en faveur d'une lecture réaliste du Pacte de stabilité et de croissance, n'altérant pas son esprit - le besoin de réduire les déficits est au coeur d'un développement durable - tout en réduisant les risques d'un impact économique négatif à court terme. Le Comité recommande ainsi:

4.2.3.1. que la Commission présente des rapports réguliers sur les évolutions des finances publiques dans chacun des États membres et rende publique sans délai toute recommandation de la Commission ou du Conseil à l'encontre d'une dérive notable des finances publiques d'un État;

4.2.3.2. une meilleure prise en compte de la composante "croissance" du pacte de stabilité, notamment en intégrant des critères complémentaires à ceux du déficit public et de la dette publique, pouvant concerner l'inflation, l'emploi, le développement durable (retraite, santé, investissements), la fiscalité et les prélèvements obligatoires;

4.2.3.3. enfin, si l'aggravation des circonstances internationales, suite au conflit militaire au Proche-Orient, devaient le justifier, l'octroi exceptionnel et temporaire de dérogations à la stricte application du Pacte, pour éviter d'aggraver encore les problèmes économiques sur le court terme.

4.2.4. Le Comité souligne également la nécessité d'amorcer une gouvernance économique mieux coordonnée, allant de pair avec l'euro. En raison de la prépondérance du poids économique des pays de la zone euro à l'intérieur de l'Union européenne, qui demeurera même après l'élargissement, la mise en place d'une politique économique réellement coordonnée entre ces États aurait des effets très positifs sur l'ensemble de l'Union européenne. Parmi ses objectifs prioritaires, elle devrait engager une meilleure harmonisation fiscale. Cette harmonisation pourrait se centrer sur le rapprochement des assiettes et préserver les libertés sur les taux, tout en palliant une concurrence excessive à travers des dispositions minimales, compte tenu des nécessités d'assurer un équilibre fiscal dans l'Union européenne propice aux investissements, comme des besoins d'alléger une charge fiscale sur le travail qui est aujourd'hui trop élevée.

4.2.5. Le Comité souligne aussi la nécessité de mieux promouvoir le tissu industriel et technologique des entreprises en Europe - qu'on ne saurait dissocier arbitrairement du développement également nécessaire et parallèle des services - et d'appuyer, dans ce cadre, le processus d'innovation. Comme le Sommet de Lisbonne l'avait souligné en mars 2000, il doit s'agir là d'un moteur essentiel de la croissance économique européenne. Il convient bien sûr de créer de meilleures synergies entre le programme cadre européen de recherche et les programmes nationaux. Mais il faut aussi encourager la formation, la recherche et l'innovation dans les entreprises, y compris par des mesures fiscales plus attractives. Une priorité pour la croissance économique européenne est notamment d'éviter que les jeunes les mieux formés ne se détournent durablement de l'Europe pour d'autres horizons.

4.3. Mieux appliquer les GOPE

4.3.1. Il ne suffit pas d'adopter des orientations économiques bien ciblées, mais aussi et surtout de bien les appliquer: ceci suppose notamment de mieux structurer l'Eurogroupe et le Conseil Économie-Finances, d'associer plus étroitement les représentants économiques et les partenaires sociaux, et de compléter les indicateurs permettant d'évaluer leur mise en oeuvre.

4.3.2. Une meilleure application des GOPE implique en premier lieu de mieux structurer l'Eurogroupe et la cohésion économique au sein de la zone euro, qui concerne 12 des 15 États membres. L'Eurogroupe doit devenir un véritable gouvernement économique de la zone Euro, appuyé par la Commission, et capable de développer un dialogue permanent efficace avec la Banque centrale européenne, comme ceci est le cas aux États-Unis entre l'Exécutif et la Federal Reserve. Des ajustements dans de moindres délais des taux d'intérêt aideraient aussi à la reprise de l'activité économique. L'année 2003 est opportune pour assurer cette évolution de l'Eurogroupe: même si l'entrée en 2004 de dix nouveaux États membres dans l'UE ne modifiera guère le poids économique de la zone euro dans cette UE élargie, dans la mesure où leur PIB n'atteint pas 10 % de celui de l'UE, elle fera néanmoins basculer le rapport numérique aujourd'hui prédominant des membres de la zone euro, qui passera de 12 sur 15 à 12 sur 25.

4.3.3. Il convient aussi de mieux associer les représentants économiques et les partenaires sociaux à la mise en oeuvre du nouveau cycle annuel des orientations économiques et sociales de l'UE. Un progrès majeur est l'organisation, depuis le Sommet de Barcelone de mars 2002, de Sommets tripartites des partenaires sociaux avec les Présidents du Conseil européen et de la Commission à la veille du Sommet de Printemps. Cette rencontre doit être le temps fort d'une concertation plus permanente de ces partenaires de la vie économique et sociale avec la Commission, le Conseil Économie-Finances et l'Eurogroupe, et le Conseil Social. Par ailleurs, elle doit se développer aussi sur le plan national dans l'optique du Sommet de printemps. En particulier, les organisations patronales et syndicales devraient présenter chaque année leurs propres observations à leurs pouvoirs publics sur l'état d'avancement des réformes économiques et sociales, en mettant aussi l'accent sur leurs initiatives et leurs négociations et accords contractuels.

4.3.4. Ces rapports nationaux des associations socioprofessionnelles devraient contribuer utilement au développement de meilleurs indicateurs sur l'état de mise en oeuvre des orientations économiques et des réformes. L'étalonnage comparatif ("benchmarking") devrait être systématisé, et comprendre des indicateurs permettant de mieux mesurer la diffusion de l'économie de la connaissance, et sa contribution au redressement de la croissance. Il faut enfin débattre tant des bonnes pratiques que des moins bonnes ou des mauvaises: une évaluation franche des initiatives et de leurs résultats est indispensable pour progresser dans la mise en oeuvre d'une meilleure gouvernance économique.

4.4. Mieux encadrer les GOPE

4.4.1. La présentation d'un rapport de synthèse resituant plus clairement les orientations économiques et sociales parmi les autres politiques communautaires doit être l'occasion de mieux mettre ces différentes politiques communautaires au service d'une politique de croissance. Trois enjeux paraissent ici prioritaires pour mieux encadrer les GOPE: l'achèvement du marché unique, une meilleure mise en oeuvre des réformes de Lisbonne, et une réforme réussie des procédures de gouvernance économique faisant suite à la Convention.

4.4.2. Concernant l'achèvement du marché unique, le Comité souligne que, au-delà de son entretien permanent comme de son perfectionnement ultime, cinq ou six mesures capitales, aujourd'hui manquantes et souvent bloquées, permettraient d'assurer dès le court terme, si une volonté politique s'affirmait, un véritable bond en avant, avec ce qu'il implique de surplus de croissance économique et d'emploi: tout en se félicitant du récent compromis au Conseil qui permet enfin de débloquer l'adoption du brevet communautaire, le Comité rappelle la nécessité de remédier à d'autres lacunes telles que la suppression par un règlement communautaire de toutes les doubles impositions transnationales - permettant de mettre fin au maquis inextricable des conventions bilatérales éparses -, un régime définitif de TVA à l'échelle européenne simple pour tous ses utilisateurs, un statut européen de société ouvert aux entreprises de toutes tailles.

4.4.3. Concernant les retards des réformes convenues à Lisbonne, le Comité partage les préoccupations de la Commission. Chacun connaît les réformes à engager ou à faire progresser, mais la mise en oeuvre ne suit pas au rythme requis pour tenir les objectifs de compétitivité de Lisbonne. Le Comité insiste donc sur la nécessité d'accélérer le rythme de ces réformes, ce qui ne sera pas possible sans une association étroite des milieux socioprofessionnels et des partenaires sociaux, ainsi que le Comité le souligne dans son présent rapport.

4.4.4. Dans le cadre de ces réformes, le Comité souligne tout particulièrement le besoin d'une simplification et d'une meilleure qualité de la réglementation, tant au niveau européen que national, comme il n'a cessé ces dernières années d'en souligner l'urgence, avec des propositions concrètes à l'appui. En libérant les énergies et l'esprit d'entreprise, la simplification de la réglementation permettrait là aussi d'augmenter de façon sensible le potentiel de croissance de l'économie européenne, et notamment d'encourager l'essor des entreprises de toutes tailles. Le Comité continuera à veiller avec constance sur cette exigence, à travers les différentes saisines dont il fait l'objet, et comme il s'y est engagé dans son propre code de conduite pour la simplification.

4.4.5. Le Comité souligne enfin la nécessité de mieux structurer la gouvernance économique de l'Union en renforçant les procédures du traité, suite aux travaux de la Convention. En particulier, il serait utile d'inclure dans le nouveau traité les dispositions suivantes:

4.4.5.1. le rôle de la Commission européenne dans les grandes orientations de politique économique devrait être renforcé, pour les questions qui relèvent de la compétence communautaire plutôt que de la méthode de coordination ouverte, au travers de propositions et non de recommandations, nécessitant dès lors une unanimité du Conseil pour les modifier;

4.4.5.2. il devrait en être de même concernant l'intervention de la Commission au titre du Pacte de stabilité et de croissance: les recommandations de la Commission, y compris en ce qui concerne les sanctions devraient être des propositions requérant une unanimité du Conseil pour les modifier;

4.4.5.3. les décisions relatives à la politique économique dans la zone euro et aux problèmes liés à l'euro devraient être prises par les ministres des finances de la zone euro réunis en Conseil Économie-Finances - nonobstant l'intensification de leur dialogue économique interne et avec la Banque centrale européenne dans le cadre de l'Eurogroupe;

4.4.5.4. la représentation extérieure de l'euro devrait être unifiée, principalement à travers la Commission;

4.4.5.5. l'engagement d'une harmonisation fiscale devrait être rendu possible par la renonciation à l'exigence d'unanimité au Conseil pour les décisions concernant les questions fiscales directement liées au fonctionnement du marché intérieur - tout en laissant les États libres des niveaux d'imposition.

Bruxelles, le 26 mars 2003.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger Briesch

(1) COM(2002) 487 final.

(2) COM(2003) 4 final.

(3) COM(2003) 6 final.

(4) SEC(2003) 43.

(5) COM(2003) 5 final.

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