EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61999CJ0413

Arrêt de la Cour du 17 septembre 2002.
Baumbast et R contre Secretary of State for the Home Department.
Demande de décision préjudicielle: Immigration Appeal Tribunal - Royaume-Uni.
Libre circulation des personnes - Travailleur migrant - Droits de séjour des membres de la famille du travailleur migrant - Droits des enfants de poursuivre leurs études dans l'État membre d'accueil - Articles 10 et 12 du règlement (CEE) nº 1612/68 - Citoyenneté de l'Union européenne - Droit de séjour - Directive 90/364/CEE - Limitations et conditions.
Affaire C-413/99.

European Court Reports 2002 I-07091

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2002:493

61999J0413

Arrêt de la Cour du 17 septembre 2002. - Baumbast et R contre Secretary of State for the Home Department. - Demande de décision préjudicielle: Immigration Appeal Tribunal - Royaume-Uni. - Libre circulation des personnes - Travailleur migrant - Droits de séjour des membres de la famille du travailleur migrant - Droits des enfants de poursuivre leurs études dans l'État membre d'accueil - Articles 10 et 12 du règlement (CEE) nº 1612/68 - Citoyenneté de l'Union européenne - Droit de séjour - Directive 90/364/CEE - Limitations et conditions. - Affaire C-413/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-07091


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Libre circulation des personnes Travailleurs Droit des enfants d'un travailleur d'accéder à l'enseignement dispensé par l'État membre d'accueil Droit de séjour afin de poursuivre des cours d'enseignement général Divorce des parents, perte de la qualité de travailleur migrant dans le chef du seul parent citoyen de l'Union ou enfants n'étant pas eux-mêmes citoyens de l'Union Absence d'incidence

(Règlement du Conseil n° 1612/68, art. 12)

2. Libre circulation des personnes Travailleurs Droit des enfants d'un travailleur d'accéder à l'enseignement dispensé par l'État membre d'accueil Droit de séjour afin de poursuivre des cours d'enseignement général Droit de séjour conféré au parent gardien quelle que soit sa nationalité Divorce des parents ou perte de la qualité de travailleur migrant dans le chef du seul parent citoyen de l'Union Absence d'incidence

(Règlement du Conseil n° 1612/68, art. 12)

3. Citoyenneté de l'Union européenne Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres Citoyen de l'Union ne bénéficiant plus d'un droit de séjour comme travailleur migrant Droit de séjour Application directe de l'article 18, paragraphe 1, CE Limitations et conditions Application dans le respect des principes généraux du droit communautaire notamment du principe de proportionnalité

(Art. 18, § 1, CE)

Sommaire


1. Les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un État membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, conformément à l'article 12 du règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. Le fait que les parents des enfants concernés ont entre-temps divorcé, le fait que seul l'un des parents est un citoyen de l'Union européenne et que ce parent n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil ou le fait que les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union européenne n'ont à cet égard aucune incidence.

( voir point 63, disp. 1 )

2. Lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un État membre d'accueil afin d'y suivre des cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union européenne n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil.

( voir point 75, disp. 2 )

3. Un citoyen de l'Union européenne qui ne bénéficie plus dans l'État membre d'accueil d'un droit de séjour comme travailleur migrant peut, en qualité de citoyen de l'Union européenne, y bénéficier d'un droit de séjour par application directe de l'article 18, paragraphe 1, CE. L'exercice de ce droit est soumis aux limitations et conditions visées à cette disposition, mais les autorités compétentes et, le cas échéant, les juridictions nationales doivent veiller à ce que l'application desdites limitations et conditions soit faite dans le respect des principes généraux du droit communautaire et, notamment, du principe de proportionnalité.

( voir point 94, disp. 3 )

Parties


Dans l'affaire C-413/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par l'Immigration Appeal Tribunal (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Baumbast,

R

et

Secretary of State for the Home Department,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 18 CE et 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, M. Wathelet, V. Skouris, J. N. Cunha Rodrigues et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. et Mme Baumbast ainsi que Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast, par MM. N. Blake et L. Fransman, QC, mandatés par Mme M. Davidson, solicitor, et pour R, par M. N. Blake et Mme S. Harrison, barrister, mandatés par M. B. Andonian, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de M. P. Saini, barrister,

- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes N. Yerrell et C. O'Reilly, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. et Mme Baumbast ainsi que de Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast, de R, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, à l'audience du 6 mars 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 juillet 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 28 mai 1999, parvenue à la Cour le 28 octobre suivant, l'Immigration Appeal Tribunal a posé, en application de l'article 234 CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 18 CE et 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant, d'une part, M. et Mme Baumbast ainsi que Mlles Maria Fernanda Sarmiento et Idanella Baumbast (ci-après, ensemble, la «famille Baumbast») et, d'autre part, R au Secretary of State for the Home Department (ci-après le «Secretary of State») au sujet du refus opposé par ce dernier à l'octroi d'autorisations de séjour sur le territoire du Royaume-Uni.

Le cadre juridique

Les dispositions communautaires

3 Aux termes de l'article 17 CE:

«1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

4 L'article 18, paragraphe 1, CE prévoit que tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application.

5 Les articles 10 à 12 du règlement n_ 1612/68 sont libellés comme suit:

«Article 10

1. Ont le droit de s'installer avec le travailleur ressortissant d'un État membre employé sur le territoire d'un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:

a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;

b) les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge.

2. Les États membres favorisent l'admission de tout membre de la famille qui ne bénéficie pas des dispositions du paragraphe 1 s'il se trouve à la charge ou vit, dans le pays de provenance, sous le toit du travailleur visé ci-dessus.

3. Pour l'application des paragraphes 1 et 2, le travailleur doit disposer d'un logement pour sa famille, considéré comme normal pour les travailleurs nationaux dans la région où il est employé sans que cette disposition puisse entraîner de discriminations entre les travailleurs nationaux et les travailleurs en provenance d'autres États membres.

Article 11

Le conjoint et les enfants de moins de vingt et un ans ou à charge d'un ressortissant d'un État membre exerçant sur le territoire d'un État membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d'accéder à toute activité salariée sur l'ensemble du territoire de ce même État, même s'ils n'ont pas la nationalité d'un État membre.

Article 12

Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.

Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions.»

6 En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26), les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d'autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu'aux membres de leur famille tels qu'ils sont définis à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, à condition qu'ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques dans l'État membre d'accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil.

7 Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 90/364 les ressources visées au premier alinéa de ce paragraphe sont suffisantes lorsqu'elles sont supérieures au niveau de ressources en deçà duquel une assistance sociale peut être accordée par l'État membre d'accueil à ses ressortissants, compte tenu de la situation personnelle du demandeur et, le cas échéant, de celle des personnes admises en application de l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive.

8 L'article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 90/364 prévoit que, lorsque le deuxième alinéa de ce paragraphe ne peut s'appliquer, les ressources du demandeur sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles sont supérieures au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État membre d'accueil.

9 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/364:

«Ont le droit de s'installer dans un autre État membre avec le titulaire du droit de séjour, quelle que soit leur nationalité:

a) son conjoint et leurs descendants à charge;

b) les ascendants du titulaire du droit de séjour et de son conjoint qui sont à sa charge.»

10 L'article 3 de la directive 90/364 prévoit que le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions prévues à l'article 1er de cette directive.

Les dispositions nationales

11 L'article 7, paragraphe 1, de l'Immigration Act 1988 (loi de 1988 relative à l'immigration) dispose:

«Une personne ne sollicitera pas l'autorisation d'entrer ou de séjourner au Royaume-Uni conformément à [l'Immigration Act 1971] lorsqu'elle y est habilitée en vertu d'un droit communautaire qu'elle peut invoquer directement ou de toute disposition prise en vertu de l'article 2, paragraphe 2, de l'European Communities Act 1972 [loi de 1972 sur les Communautés européennes].»

12 L'article 3 de l'Immigration (European Economic Area) Order 1994 (ordonnance de 1994 relative à l'immigration en provenance de l'Espace économique européen, 1994 SI 1895, ci-après l'«EEA Order») énonce le principe général selon lequel les ressortissants d'une partie contractante à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l'«accord sur l'EEE»), ainsi que les membres de leur famille, doivent être admis au Royaume-Uni sur simple présentation d'un document d'identité ou d'un passeport en cours de validité.

13 En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de l'EEA Order, une «personne qualifiée» a le droit de résider au Royaume-Uni aussi longtemps qu'elle conserve cette qualité. Ce droit est étendu aux membres de la famille, y compris au conjoint, par l'article 4, paragraphe 2, de l'EEA Order.

14 Selon l'article 6 de l'EEA Order, constitue notamment une telle «personne qualifiée» le ressortissant d'une partie contractante à l'accord sur l'EEE qui exerce au Royaume-Uni une activité de travailleur.

15 Le point 255 des United Kingdom Immigration Rules (House of Commons Paper 395) (règles sur l'immigration adoptées par le Parlement du Royaume-Uni en 1994, ci-après les «Immigration Rules») dispose:

«Un ressortissant de l'EEE (autre qu'un étudiant), ou le membre de la famille d'une telle personne, qui a obtenu un permis de séjour ou un titre de séjour valide pour cinq ans et qui a séjourné au Royaume-Uni, conformément aux dispositions de l'EEA Order 1994, pendant quatre ans et continue à y séjourner, peut, sur sa demande, voir apposer sur son permis de séjour ou, le cas échéant, son titre de séjour une mention indiquant qu'il est autorisé à séjourner indéfiniment sur le territoire du Royaume-Uni.»

Les litiges au principal

L'affaire Baumbast

16 Mme Baumbast, de nationalité colombienne, s'est mariée au Royaume-Uni, en mai 1990, avec M. Baumbast, qui est un ressortissant allemand. Leur famille est composée de deux filles, l'aînée, Mlle Maria Fernanda Sarmiento, qui est la fille naturelle de Mme Baumbast, ayant la nationalité colombienne et la cadette, Mlle Idanella Baumbast, ayant la double nationalité allemande et colombienne.

17 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, pour les besoins de la demande de décision à titre préjudiciel, les parties au principal sont convenues que, s'agissant des questions de droit communautaire, Mlle Maria Fernanda Sarmiento est également considérée comme un membre de la famille de M. Baumbast. Elle est, en conséquence, désignée dans l'ordonnance de renvoi comme l'un des deux enfants de cette famille.

18 En juin 1990, les membres de la famille Baumbast se sont vu octroyer une carte de séjour valable pour cinq ans. Entre 1990 et 1993, M. Baumbast a exercé une activité économique au Royaume-Uni, initialement en tant que travailleur, puis comme chef d'entreprise. Cependant, après la faillite de son entreprise, faute d'avoir pu obtenir un travail suffisamment bien rémunéré au Royaume-Uni, il a exercé à partir de 1993 des emplois auprès de sociétés allemandes opérant en Chine et au Lesotho. Bien que M. Baumbast ait cherché du travail au Royaume-Uni périodiquement depuis lors, sa situation professionnelle n'avait pas évolué à la date de l'ordonnance de renvoi.

19 Pendant la période considérée, M. et Mme Baumbast possédaient une maison au Royaume-Uni et leurs filles y fréquentaient l'école. Ils n'y bénéficiaient pas de prestations sociales et, étant couverts par une assurance maladie complète en Allemagne, ils s'y rendaient, pour autant que de besoin, afin de recevoir des soins médicaux.

20 En mai 1995, Mme Baumbast a introduit une demande d'autorisation de séjour d'une durée indéterminée («indefinite leave to remain») au Royaume-Uni pour elle même et pour les autres membres de sa famille. En janvier 1996, le Secretary of State a refusé de renouveler la carte de séjour de M. Baumbast ainsi que les documents de séjour de Mme Baumbast et de ses enfants.

21 Le 12 janvier 1998, ce refus a fait l'objet d'un recours devant l'Immigration Adjudicator (Royaume-Uni). Celui-ci a relevé que M. Baumbast n'était ni un travailleur ni une personne ayant un droit général de séjour visés par la directive 90/364. Quant aux enfants, l'Immigration Adjudicator a décidé qu'ils bénéficiaient d'un droit de séjour propre en vertu de l'article 12 du règlement n_ 1612/68. Par ailleurs, il a jugé que Mme Baumbast bénéficiait d'un droit de séjour pour une période correspondant à celle durant laquelle ses enfants jouiraient des droits prévus à l'article 12 dudit règlement. Selon l'Immigration Adjudicator, les droits de Mme Baumbast découlaient de l'obligation imposée aux États membres, en vertu de cette disposition, d'encourager les initiatives permettant à des enfants de suivre des cours dans l'État membre d'accueil dans les meilleures conditions.

22 M. Baumbast a interjeté appel de la décision de l'Immigration Adjudicator à son égard devant la juridiction de renvoi. Le Secretary of State a interjeté, quant à lui, appel devant cette dernière juridiction au sujet de la décision relative à Mme Baumbast et à ses deux enfants.

L'affaire R

23 R, de nationalité américaine, est la mère, par son premier mariage avec un ressortissant français, de deux enfants qui ont la double nationalité française et américaine. Elle s'est installée au Royaume-Uni en 1990 en qualité d'épouse d'un ressortissant communautaire bénéficiant des droits conférés par le traité CE et a été autorisée à séjourner au Royaume-Uni jusqu'en octobre 1995.

24 R et son premier mari ont divorcé en septembre 1992, mais aucune mesure n'a été prise à l'époque par le Secretary of State quant au statut d'immigrée de R et celle-ci a continué à séjourner au Royaume-Uni. Selon les conditions applicables au divorce, les enfants devaient rester avec leur mère en Angleterre et au pays de Galles pendant une période d'au moins cinq ans à dater du divorce ou pour toute autre durée déterminée d'un commun accord par les parties. Après le divorce, les enfants ont eu des contacts réguliers avec leur père, qui réside et travaille toujours au Royaume-Uni et qui partage avec leur mère la responsabilité de leur éducation tant sur le plan affectif que sur le plan financier.

25 Il ressort également du dossier de l'affaire au principal que, pendant son séjour au Royaume-Uni, R a acheté une maison et créé une agence d'architecture d'intérieur dans laquelle elle a investi des sommes importantes. Elle s'est remariée avec un ressortissant britannique en 1997.

26 En octobre 1995, une demande d'autorisation de séjour d'une durée indéterminée au Royaume-Uni a été introduite au nom et pour le compte de R et de ses deux filles en vertu du droit national. Le 3 décembre 1996, un droit de séjour d'une durée indéterminée au Royaume-Uni a été octroyé aux enfants en tant que membres de la famille d'un travailleur migrant. La demande relative à R a cependant été rejetée, le Secretary of State n'étant pas convaincu que la situation de la famille était exceptionnelle au point de justifier l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. À son avis, les enfants étaient suffisamment jeunes pour s'adapter à la vie aux États-Unis s'ils devaient y accompagner leur mère.

27 Une des questions soulevées dans le cadre du recours introduit devant l'Immigration Adjudicator contre le refus du Secretary of State d'autoriser un droit de séjour pour R d'une durée indéterminée portait sur le point de savoir si ce refus était de nature à porter atteinte aux droits dont bénéficient ses enfants, en vertu du droit communautaire, à être éduqués et à séjourner au Royaume-Uni, ainsi qu'au droit à la vie de famille. L'Immigration Adjudicator a rejeté ce recours par une décision dont R a fait appel devant l'Immigration Appeal Tribunal.

Les questions préjudicielles

28 Considérant que les litiges dont elle était saisie exigeaient l'interprétation de l'article 18 CE et du règlement n_ 1612/68, l'Immigration Appeal Tribunal a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Les questions communes aux deux affaires

1) a) Les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui sont eux-mêmes des citoyens de l'Union et qui se sont installés dans un État membre au cours de leur enseignement primaire alors que leur père (ou parent) exerçait des droits de séjour en tant que travailleur dans cet État membre dont il n'est pas ressortissant (`pays d'accueil') sont-ils en droit de séjourner dans le pays d'accueil afin d'y suivre les cours d'enseignement général, conformément à l'article 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil?

b) Dans la mesure où la réponse à la question précédente peut varier selon que:

i) leurs parents sont divorcés;

ii) seul l'un des parents est un citoyen de l'Union européenne et ce parent n'est plus un travailleur dans le pays d'accueil;

iii) les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union européenne;

quels sont les critères qui doivent être appliqués par les autorités nationales?

2) Lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un pays d'accueil afin d'y suivre les cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68, l'obligation incombant au pays d'accueil d'encourager `les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions' doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui garde effectivement des enfants (`primary carer'), qu'il soit ou non un citoyen de l'Union, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice du droit précité nonobstant le fait:

i) que leurs parents sont divorcés, ou

ii) que leur père, qui est un citoyen de l'Union européenne, n'est plus un travailleur dans le pays d'accueil?

Les questions propres à l'affaire Baumbast

3) a) Au regard des faits relatifs à l'affaire de M. Baumbast, celui-ci peut-il, en tant que citoyen de l'Union européenne, bénéficier d'un droit de séjour directement applicable dans un autre État membre de l'Union conformément à l'article 18 CE (ex-article 8 A) dès lors qu'il ne bénéficie plus de droits de séjour en tant que travailleur conformément à l'article 39 CE (ex-article 48) et qu'il ne bénéficie d'un droit de séjour dans le pays d'accueil en vertu d'aucune autre disposition de droit communautaire?

b) Dans l'affirmative, sa femme et ses enfants bénéficient-ils en conséquence de droits dérivés de séjour, de travail et autres?

c) Dans l'affirmative, en bénéficient-ils sur la base des articles 11 et 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68 ou sur la base d'une autre disposition de droit communautaire (et, si oui, laquelle)?

4) a) Dans la mesure où il serait répondu à la question précédente dans un sens défavorable au citoyen de l'Union, les membres de sa famille conservent-ils les droits dérivés qu'ils ont originellement acquis en cette qualité en s'installant au Royaume-Uni avec un travailleur?

b) Dans l'affirmative, quelles sont les conditions qui s'appliquent?»

Sur la recevabilité des deux premières questions préjudicielles

29 Il convient, à titre liminaire, de constater qu'il ressort des observations soumises à la Cour que, entre le début de la procédure au principal et le renvoi préjudiciel, tant Mme Baumbast et ses deux enfants que R ont obtenu des autorisations de séjour d'une durée indéterminée au Royaume-Uni. Dans le cas de R, l'octroi dudit permis est vraisemblablement imputable à son mariage avec un ressortissant britannique, même si aucune précision à cet égard n'a été fournie par la juridiction de renvoi. En conséquence, seul M. Baumbast n'a pas obtenu une autorisation de séjour d'une durée indéterminée.

30 Dans ces circonstances, il y a lieu d'examiner si les deux premières questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi sont recevables.

31 La procédure prévue à l'article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d'interprétation du droit communautaire qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu'elles sont appelées à trancher (voir arrêt du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher, C-231/89, Rec. I-4003, point 18).

32 Il en découle qu'il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt, Gmurzynska-Bscher, précité, points 19 et 20).

33 Ainsi, dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles entre les juridictions nationales et la Cour, prévue à l'article 234 CE, la Cour statue à titre préjudiciel sans qu'elle ait, en principe, à s'interroger sur les circonstances dans lesquelles les juridictions nationales ont été amenées à lui poser les questions et se proposent de faire application de la disposition de droit communautaire qu'elles lui ont demandé d'interpréter (voir arrêt Gmurzynska-Bscher, précité, point 22).

34 Il n'en irait différemment que dans les hypothèses où soit il apparaîtrait que la procédure de l'article 234 CE a été détournée de son objet et est utilisée, en réalité, pour amener la Cour à statuer en l'absence d'un litige véritable, soit il serait manifeste que la disposition de droit communautaire soumise à l'interprétation de la Cour ne peut trouver à s'appliquer, ni directement ni indirectement, aux circonstances de l'espèce (voir, en ce sens, arrêts Gmurzynska-Bscher, précité, point 23, et du 17 juillet 1997, Giloy, C-130/95, Rec. p. I-4291, point 22).

35 Certes, des autorisations de séjour d'une durée indéterminée au Royaume-Uni ont été octroyées à Mme Baumbast et à ses enfants le 23 juin 1998, à savoir avant même la décision de la juridiction de renvoi du 28 mai 1999, et à R à une date ultérieure non précisée.

36 Toutefois, il ressort des observations présentées à l'audience que ces autorisations ont été octroyées aux termes du droit britannique et que la question des droits conférés aux intéressées par le droit communautaire n'a pas été résolue.

37 Il y a également lieu de constater que ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige véritable et que la juridiction de renvoi a fourni à la Cour un exposé de leur cadre factuel et réglementaire, ainsi que des raisons qui l'ont conduite à estimer qu'une réponse auxdites questions était nécessaire pour rendre sa décision.

38 Il résulte de ce qui précède que les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables.

Sur la première question

39 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un État membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, conformément à l'article 12 du règlement n_ 1612/68, y compris lorsque les parents ont entre-temps divorcé, lorsque seul l'un des parents est un citoyen de l'Union et que ce parent n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil ou lorsque les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union.

Observations soumises à la Cour

40 Même si elles admettent que le droit de séjour et le droit de s'inscrire dans le système scolaire de l'État membre d'accueil prévus aux articles 10 et 12 du règlement n_ 1612/68 ne sont pas illimités, R et la famille Baumbast soutiennent que les conditions fixées pour jouir des droits résultant de l'article 12 dudit règlement sont remplies dans les espèces au principal. En fait, dans l'affaire R, rien ne donnerait à penser que les enfants ont cessé d'être des membres de la famille de leur père, qui travaille toujours dans l'État membre d'accueil. Dans l'affaire Baumbast, la seule circonstance qui pourrait amener à considérer que les enfants ont cessé de remplir les conditions de l'article 12 dudit règlement serait que leur père ne travaille plus dans ledit État. Toutefois, conformément à l'arrêt du 15 mars 1989, Echternach et Moritz (389/87 et 390/87, Rec. p. 723), cette circonstance n'aurait aucune incidence sur le maintien de leurs droits.

41 Les gouvernements du Royaume-Uni et allemand soutiennent également que les droits que tire l'enfant d'un travailleur migrant de l'article 12 du règlement n_ 1612/68 restent en principe valables même lorsque les parents quittent l'État membre d'accueil.

42 Le gouvernement allemand prétend cependant que, conformément à l'arrêt Echternach et Moritz, précité, ce n'est que dans le cas où la scolarité ne pourrait être poursuivie dans l'État membre d'origine que l'article 12 du règlement n_ 1612/68 reconnaît à l'enfant un droit de séjour propre.

43 S'agissant, en particulier, de l'affaire R, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que les enfants de R bénéficient de droits à séjourner au Royaume-Uni au titre de l'article 12 du règlement n_ 1612/68 au motif que, bien que R et leur père soient divorcés, ce dernier continue à exercer des droits en tant que travailleur migrant au Royaume-Uni.

44 S'agissant de l'affaire R, la Commission soutient que, même si les parents sont divorcés, tant que l'un d'eux conserve le statut de travailleur migrant dans l'État membre d'accueil, les enfants continuent à jouir d'un droit de séjour en vertu de l'article 10 du règlement n_ 1612/68 et d'un droit d'accès à l'enseignement en vertu de l'article 12 du même règlement.

45 Quant à l'affaire Baumbast, la Commission fait valoir que, selon l'arrêt Echternach et Moritz, précité, l'enfant d'un travailleur migrant garde la qualité de membre de la famille de ce travailleur, au sens du règlement n_ 1612/68, lorsque la famille de l'enfant retourne dans l'État membre d'origine et que l'enfant reste dans l'État membre d'accueil en vue d'y continuer des études qu'il ne pourrait pas poursuivre dans l'État membre d'origine.

46 Selon la Commission, même si les faits à l'origine de l'arrêt Echternach et Moritz, précité, étaient particuliers en ce que l'enfant n'était pas en mesure de poursuivre ses études dans l'État membre d'origine, la Cour a adopté une interprétation large de l'article 12 du règlement n_ 1612/68. La situation des enfants de la famille Baumbast ne serait guère éloignée de celle à l'origine dudit arrêt et il n'y aurait donc, à première vue, aucune raison de parvenir à un autre résultat. La Commission conclut que, si la Cour maintient l'interprétation dégagée dans cet arrêt, les enfants de la famille Baumbast peuvent continuer à séjourner au Royaume-Uni pour y exercer les droits garantis par l'article 12 du règlement n_ 1612/68.

Appréciation de la Cour

47 Afin de répondre utilement à la première question, il y a lieu de distinguer entre les deux situations à propos desquelles la juridiction de renvoi pose sa question.

48 Il convient de rappeler à titre liminaire que l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 1612/68, relatif à la qualité de travailleur migrant, prévoit que tout ressortissant d'un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d'accéder à une activité salariée et de l'exercer sur le territoire d'un autre État membre.

49 S'agissant, d'une part, de l'affaire Baumbast, il ressort du dossier que cette affaire se distingue de l'affaire R en ce que M. Baumbast, ressortissant allemand ayant exercé tant une activité salariée qu'une activité indépendante au Royaume-Uni pendant plusieurs années et continuant d'y résider, ne travaille plus au Royaume-Uni. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi demande si ses enfants peuvent continuer leur scolarité au Royaume-Uni en vertu des dispositions de l'article 12 du règlement n_ 1612/68.

50 À cet égard, il convient de rappeler que l'objectif du règlement n_ 1612/68, à savoir la libre circulation des travailleurs, exige, pour que celle-ci soit assurée dans le respect de la liberté et de la dignité, des conditions optimales d'intégration de la famille du travailleur communautaire dans le milieu de l'État membre d'accueil (voir arrêt du 13 novembre 1990, Di Leo, C-308/89, Rec. p. I-4185, point 13).

51 Ainsi que la Cour l'a relevé au point 21 de l'arrêt Echternach et Moritz, précité, pour qu'une telle intégration puisse réussir, il est indispensable que l'enfant du travailleur communautaire ait la possibilité d'entreprendre sa scolarité et ses études dans l'État membre d'accueil, comme le prévoit explicitement l'article 12 du règlement n_ 1612/68, en vue de les terminer avec succès.

52 Dans des circonstances telles que celles à l'origine de l'affaire Baumbast, empêcher l'enfant d'un citoyen de l'Union de continuer sa scolarité dans l'État membre d'accueil en lui refusant une autorisation de séjour pourrait être de nature à dissuader ledit citoyen d'exercer les droits de libre circulation prévus à l'article 39 CE et créerait donc une entrave à l'exercice effectif de la liberté ainsi garantie par le traité CE.

53 S'il est vrai que la Cour a relevé dans l'arrêt Echternach et Moritz, précité, que l'enfant concerné ne pouvait pas, après le retour de son père dans son État membre d'origine, y continuer ses études à cause d'un défaut de coordination des diplômes scolaires, il n'en reste pas moins que le raisonnement de la Cour y visait essentiellement à garantir, conformément à l'objectif d'intégration des membres de la famille des travailleurs migrants poursuivi par le règlement n_ 1612/68, que l'enfant d'un de ces travailleurs pourrait entreprendre sa scolarité et ses études dans l'État membre d'accueil dans des conditions non discriminatoires, en vue de les terminer avec succès (voir, également, arrêt du 27 septembre 1988, Commission/Belgique, 42/87, Rec. p. 5445, point 10).

54 En effet, n'autoriser les enfants d'un citoyen de l'Union se trouvant dans une situation telle que celle des enfants de M. Baumbast à continuer leur scolarité dans l'État membre d'accueil que lorsqu'il leur est impossible de poursuivre celle-ci dans leur État membre d'origine n'irait pas seulement à l'encontre de la lettre de l'article 12 du règlement n_ 1612/68, qui prévoit un droit d'accès aux cours d'enseignement pour les enfants d'un ressortissant d'un État membre «qui est ou a été employé» sur le territoire d'un autre État membre, mais également à l'encontre de son esprit.

55 Par conséquent, l'interprétation restrictive de cette disposition proposée par le gouvernement allemand ne saurait être retenue.

56 Quant au point de savoir si le fait que les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union peut avoir une incidence sur la réponse à donner à la première question, il suffit de rappeler que, conformément à l'article 10 du règlement n_ 1612/68, les descendants du travailleur communautaire de moins de vingt et un ans ou à charge, quelle que soit leur nationalité, sont à considérer comme des membres de sa famille et ont le droit de s'installer avec ledit travailleur et que, dès lors, ils ont le droit d'être admis dans le système scolaire conformément à l'article 12 de ce règlement.

57 Par ailleurs, le droit de s'installer avec le travailleur migrant dont bénéficient «son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge» doit être interprété en ce sens qu'il bénéficie tant aux descendants de ce travailleur qu'à ceux de son conjoint. En effet, interpréter restrictivement cette disposition dans le sens que seuls les enfants communs du travailleur migrant et de son conjoint ont le droit de s'installer avec eux irait à l'encontre de l'objectif du règlement n_ 1612/68 rappelé ci-dessus.

58 S'agissant, d'autre part, de l'affaire R, les enfants concernés jouissent, en tant que membres de la famille d'un travailleur ressortissant d'un État membre employé sur le territoire d'un autre État membre, d'un droit de séjour et d'un droit de poursuivre leur scolarité en vertu des articles 10 et 12 du règlement n_ 1612/68.

59 En effet, ainsi qu'il ressort du point 50 du présent arrêt, ces dispositions visent à faciliter l'intégration du travailleur migrant et de sa famille dans l'État membre d'accueil afin d'atteindre l'objectif du règlement n_ 1612/68, à savoir la libre circulation des travailleurs, dans le respect de la liberté et de la dignité.

60 Or, même si R et son premier mari ont entre-temps divorcé, il ressort du dossier que celui-ci continue d'exercer une activité salariée au Royaume-Uni et jouit donc de la qualité de travailleur ressortissant d'un État membre employé sur le territoire d'un autre État membre au sens des articles 1er et 10 du règlement n_ 1612/68.

61 Dans ces circonstances, il découle clairement des dispositions du règlement n_ 1612/68, et notamment des articles 10 et 12 de celui-ci, que les enfants du premier mari de R continuent de bénéficier d'un droit de séjour dans l'État membre d'accueil, ainsi que du droit d'y poursuivre leur scolarité dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

62 Le fait que les enfants du premier mari de R n'habitent pas en permanence avec lui n'affecte pas les droits qu'ils tirent des articles 10 et 12 du règlement n_ 1612/68. L'article 10 dudit règlement, en prévoyant que le membre de la famille du travailleur migrant a le droit de s'installer avec le travailleur, n'exige pas que le membre de la famille concerné y habite en permanence, mais, ainsi que l'indique le paragraphe 3 de cet article, seulement que le logement dont le travailleur dispose puisse être considéré comme normal pour l'accueil de sa famille (voir arrêt du 13 février 1985, Diatta, 267/83, Rec. p. 567, point 18).

63 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un État membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, conformément à l'article 12 du règlement n_ 1612/68. Le fait que les parents des enfants concernés ont entre-temps divorcé, le fait que seul l'un des parents est un citoyen de l'Union et que ce parent n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil ou le fait que les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union n'ont à cet égard aucune incidence.

Sur la deuxième question

64 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un État membre d'accueil afin d'y suivre des cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement n_ 1612/68, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union européenne n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil.

Observations soumises à la Cour

65 Selon R et la famille Baumbast, les dispositions communautaires doivent être interprétées de manière large afin que les droits qu'elles accordent soient effectifs, notamment lorsqu'il s'agit d'un droit aussi fondamental que celui d'avoir une vie de famille. Ils considèrent donc que, s'agissant d'enfants mineurs qui ont passé toute leur vie avec leur mère et continuent de vivre avec elle, le refus d'accorder à cette dernière un droit de séjour tant que dure la scolarité des enfants constitue une atteinte aux droits de ceux-ci, qui en rend vain l'exercice. Ils font également valoir qu'un tel refus représente une atteinte disproportionnée à la vie de famille, contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»).

66 Les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que la Commission, proposent à la Cour de répondre par la négative à la deuxième question. Ils soutiennent que l'on ne peut pas déduire de l'article 12 du règlement n_ 1612/68 un droit de séjour en faveur des parents ressortissants d'un pays tiers. Les droits de ceux-ci seraient déterminés par les conditions qui règlent directement l'exercice de la liberté de circulation. Après un divorce ou la fin de l'activité du conjoint ressortissant communautaire en tant que travailleur migrant dans l'État membre d'accueil, le droit communautaire n'accorderait pas au conjoint ressortissant d'un pays tiers un droit de séjour découlant du droit à l'éducation des enfants.

67 Selon le gouvernement du Royaume-Uni, dans le cas où l'État membre d'accueil est tenu d'autoriser des enfants à y séjourner en vue de suivre des cours d'enseignement général en vertu de l'article 12 du règlement n_ 1612/68, son obligation d'encourager les initiatives permettant à ces enfants de suivre lesdits cours dans les meilleures conditions ne doit pas être interprétée en ce sens qu'il est tenu d'autoriser la personne qui en a la garde de résider avec eux. Ledit gouvernement indique que, si et dans la mesure où il est établi que le refus d'un tel droit de séjour affecterait de manière injustifiée la vie familiale, telle que protégée par l'article 8 de la CEDH, le Home Office (ministère de l'Intérieur) pourrait accorder un droit de séjour exceptionnel au parent qui a la garde de l'enfant, par dérogation aux Immigration Rules.

Appréciation de la Cour

68 Il y a lieu de relever, premièrement, qu'il faut interpréter l'article 12 du règlement n_ 1612/68, ainsi que les droits qui en découlent, en fonction du système et de la finalité de ce règlement. Or, il résulte de l'ensemble de ses dispositions que, en vue de faciliter la circulation des membres de la famille des travailleurs, le Conseil a pris en considération, d'une part, l'importance que revêt du point de vue humain, pour le travailleur, le regroupement à ses côtés de sa famille et, d'autre part, l'importance que revêt, à tout point de vue, l'intégration du travailleur et de sa famille dans l'État membre d'accueil, sans aucune différence de traitement par rapport aux nationaux (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1989, Commission/Allemagne, 249/86, p. 1263, point 11).

69 Ainsi qu'il ressort de la réponse à la première question, l'article 12 du règlement n_ 1612/68 vise particulièrement à assurer que les enfants d'un travailleur communautaire puissent, même si celui-ci n'exerce plus une activité salariée dans l'État membre d'accueil, entreprendre et, le cas échéant, terminer leur scolarité dans ledit État membre.

70 Il convient de relever, deuxièmement, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que, tout comme la qualité de travailleur migrant elle-même, les droits dont bénéficient les membres de la famille d'un travailleur communautaire en vertu du règlement n_ 1612/68 peuvent, dans certaines circonstances, subsister même après la cessation de la relation de travail (voir, en ce sens, arrêts Echternach et Moritz, précité, point 21, et du 12 mai 1998, Martínez Sala, C-85/96, Rec. p. I-2691, point 32).

71 Dans des circonstances telles que celles des espèces au principal, où les enfants jouissent, en vertu de l'article 12 du règlement n_ 1612/68, du droit de continuer leur scolarité dans l'État membre d'accueil tandis que les parents assurant leur garde risquent de perdre leurs droits de séjour à cause, dans une affaire, d'un divorce avec le travailleur migrant et, dans l'autre affaire, du fait que le parent ayant exercé une activité salariée dans l'État membre d'accueil en tant que travailleur migrant n'y travaille plus, il est clair que le refus auxdits parents de la possibilité de demeurer dans l'État membre d'accueil pendant la scolarité de leurs enfants pourrait être de nature à priver lesdits enfants d'un droit qui leur a été reconnu par le législateur communautaire.

72 Par ailleurs, il faut, conformément à la jurisprudence de la Cour, interpréter le règlement n_ 1612/68 à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la CEDH, ce respect faisant partie des droits fondamentaux qui, selon une jurisprudence constante, sont reconnus par le droit communautaire (voir arrêt Commission/Allemagne, précité, point 10).

73 Le droit reconnu par l'article 12 du règlement n_ 1612/68 à l'enfant d'un travailleur migrant de poursuivre, dans les meilleures conditions, sa scolarité dans l'État membre d'accueil implique nécessairement que ledit enfant ait le droit d'être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans ledit État membre pendant ses études. Refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'État membre d'accueil porterait atteinte à ce droit.

74 Quant à l'argument de la Commission selon lequel un droit de séjour ne peut pas être tiré de l'article 12 du règlement n_ 1612/68 en faveur d'une personne qui n'est pas l'enfant d'un travailleur migrant, au motif que la possession de cette qualité serait la condition sine qua non de tout droit au titre de cette disposition, il convient de rappeler que, compte tenu du contexte et des finalités poursuivies par le règlement n_ 1612/68 et notamment son article 12, celui-ci ne saurait être interprété de façon restrictive (voir, en ce sens, arrêt Diatta, précité, point 17) et ne doit, en tout état de cause, pas être privé de son effet utile.

75 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que, lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un État membre d'accueil afin d'y suivre des cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement n_ 1612/68, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union européenne n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil.

Sur la troisième question

76 Par la première partie de sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un citoyen de l'Union européenne qui ne bénéficie plus dans l'État membre d'accueil d'un droit de séjour comme travailleur migrant peut, en qualité de citoyen de l'Union, y bénéficier d'un droit de séjour par application directe de l'article 18, paragraphe 1, CE.

Observations soumises à la Cour

77 Selon M. Baumbast, la circonstance que le droit de séjourner librement sur le territoire des États membres prévu à l'article 18 CE soit assorti de restrictions et qu'il soit prévu par le traité CE ne le prive pas d'effet direct. Cette disposition devrait être interprétée comme impliquant que M. Baumbast continue d'exercer un droit de résidence au Royaume-Uni alors qu'il travaille en dehors de l'Union européenne. Cette application de l'article 18 CE permettrait l'exercice du droit de libre circulation inscrit dans le traité CE par la simple preuve de la nationalité, mais resterait cependant dans la ligne de la législation préexistante en la matière.

78 Les gouvernements du Royaume-Uni et allemand font valoir que l'on ne peut pas tirer un droit de séjour directement de l'article 18, paragraphe 1, CE. Les limitations et conditions visées par ce paragraphe démontreraient qu'il n'est pas conçu comme une disposition autonome.

79 Tout en insistant sur l'importance politique et juridique de l'article 18 CE, la Commission soutient que le libellé même de cette disposition, et en particulier de son paragraphe 1, révèle ses limites. En l'état actuel du droit communautaire, le droit de circuler et de séjourner consacré par ledit article serait soumis aux règles préexistantes, tant primaires que dérivées, qui définissent les catégories de personnes pouvant être admises à en bénéficier. Ces droits resteraient liés soit à une activité économique, soit à l'existence de ressources suffisantes. La troisième question préjudicielle reposant sur la prémisse que M. Baumbast ne dispose d'aucune autre disposition de droit communautaire sur laquelle fonder son droit de séjour au Royaume-Uni, la Commission conclut que l'article 18 CE ne peut, dans l'état actuel du droit et en de telles circonstances, lui être d'aucune utilité.

Appréciation de la Cour

80 Selon une jurisprudence constante, le droit des ressortissants d'un État membre d'entrer sur le territoire d'un autre État membre et d'y séjourner constitue un droit directement conféré par le traité CE ou, selon le cas, par les dispositions prises pour la mise en oeuvre de celui-ci (voir, notamment, arrêt du 8 avril 1976, Royer, 48/75, Rec. p. 497, point 31).

81 S'il est vrai que, avant l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, la Cour avait précisé que ce droit de séjour, conféré directement par le traité CE, était soumis à la condition de l'exercice d'une activité économique au sens des articles 48, 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE, 43 CE et 49 CE) (voir arrêt du 5 février 1991, Roux, C-363/89, Rec. p. I-273, point 9), il n'en reste pas moins que, depuis lors, le statut de citoyen de l'Union a été introduit dans le traité CE et un droit a été reconnu, pour tout citoyen, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres par l'article 18, paragraphe 1, CE.

82 En vertu de l'article 17, paragraphe 1, CE, est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. Le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31).

83 Par ailleurs, le traité sur l'Union européenne n'exige pas que les citoyens de l'Union exercent une activité professionnelle, salariée ou indépendante, pour jouir des droits prévus dans la deuxième partie du traité CE, relative à la citoyenneté de l'Union. En outre, rien dans le texte dudit traité ne permet de considérer que des citoyens de l'Union qui se sont établis dans un autre État membre pour y effectuer une activité salariée sont privés des droits qui leur sont conférés par le traité CE en raison de cette citoyenneté lorsque cette activité prend fin.

84 S'agissant, en particulier, du droit de séjourner sur le territoire des États membres prévu à l'article 18, paragraphe 1, CE, il convient de constater que celui-ci est reconnu directement à tout citoyen de l'Union par une disposition claire et précise du traité CE. En sa seule qualité de ressortissant d'un État membre, et partant de citoyen de l'Union, M. Baumbast a donc le droit de se prévaloir de l'article 18, paragraphe 1, CE.

85 Certes, ce droit de séjour des citoyens de l'Union sur le territoire d'un autre État membre est reconnu sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité CE ainsi que par les dispositions prises pour son application.

86 Toutefois, l'application des limitations et conditions admises à l'article 18, paragraphe 1, CE pour l'exercice dudit droit de séjour est susceptible d'un contrôle juridictionnel. Par conséquent, les éventuelles limitations et conditions de ce droit n'empêchent pas que les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, CE confèrent aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn, 41/74, Rec. p. 1337, point 7).

87 S'agissant des limitations et conditions découlant des dispositions de droit dérivé, l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 90/364 prévoit que les États membres peuvent exiger des ressortissants d'un État membre qui veulent bénéficier du droit de séjour sur leur territoire qu'ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques dans l'État membre d'accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil.

88 Quant à l'application de ces conditions aux fins de l'affaire Baumbast, il convient de relever qu'il ressort du dossier que M. Baumbast exerce une activité salariée dans des pays tiers pour le compte d'entreprises allemandes et que ni lui ni sa famille n'ont eu recours à l'assistance sociale dans l'État membre d'accueil. Dans ces circonstances, il n'a pas été contesté que M. Baumbast remplit la condition relative à l'existence de ressources suffisantes imposée par la directive 90/364.

89 Quant à la condition relative à l'assurance maladie, il ressort du dossier que tant M. Baumbast que les membres de sa famille sont couverts par une assurance maladie complète en Allemagne. L'Immigration Adjudicator semble avoir constaté que cette assurance maladie ne pouvait pas couvrir des soins urgents administrés au Royaume-Uni. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier l'exactitude de cette constatation à la lumière des dispositions du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2). Il y a lieu, en particulier, de se référer à l'article 19, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, qui garantit, à charge de l'État membre compétent, le droit, pour le travailleur salarié ou non salarié, résidant dans un autre État membre, dont l'état vient à nécessiter des soins sur le territoire de l'État membre de résidence, à bénéficier de prestations de maladie en nature servies par l'institution de ce dernier État.

90 En tout état de cause, les limitations et conditions visées à l'article 18 CE et prévues par la directive 90/364 s'inspirent de l'idée que l'exercice du droit de séjour des citoyens de l'Union peut être subordonné aux intérêts légitimes des États membres. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il ressort du quatrième considérant de la directive 90/364 que les bénéficiaires du droit de séjour ne doivent pas devenir une charge «déraisonnable» pour les finances publiques de l'État membre d'accueil.

91 Toutefois, l'application desdites limitations et conditions doit être faite dans le respect des limites imposées par le droit communautaire et conformément aux principes généraux de ce droit, notamment, le principe de proportionnalité. Cela signifie que les mesures nationales prises à cet égard doivent être appropriées et nécessaires pour attendre le but recherché (voir, en ce sens, arrêt du 2 août 1993, Alluè e.a., C-259/91, C-331/91 et C-332/91, Rec. p. I-4309, point 15).

92 Pour l'application du principe de proportionnalité aux circonstances de l'affaire Baumbast, il convient de rappeler, premièrement, qu'il n'a pas été contesté que M. Baumbast dispose de ressources suffisantes au sens de la directive 90/364; deuxièmement, que celui-ci a travaillé et donc résidé légalement dans l'État membre d'accueil pendant plusieurs années, initialement en tant que travailleur salarié et ultérieurement en tant que travailleur non salarié; troisièmement, que, pendant cette période, sa famille a également résidé dans l'État membre d'accueil et y est demeurée même après la cessation de ses activités salariées et non salariées dans ledit État; quatrièmement, que ni M. Baumbast ni les membres de sa famille ne sont devenus des charges pour les finances publiques de l'État membre d'accueil et, cinquièmement, que tant M. Baumbast que sa famille disposent d'une assurance maladie complète dans un autre État membre de l'Union.

93 Dans ces conditions, le refus à M. Baumbast de l'exercice du droit de séjour qui lui est conféré par l'article 18, paragraphe 1, CE, en vertu de l'application des dispositions de la directive 90/364 au motif que l'assurance maladie dont il dispose ne couvre pas les soins urgents administrés dans l'État membre d'accueil constituerait une ingérence disproportionnée dans l'exercice dudit droit.

94 Il convient donc de répondre à la première partie de la troisième question qu'un citoyen de l'Union européenne qui ne bénéficie plus dans l'État membre d'accueil d'un droit de séjour comme travailleur migrant peut, en qualité de citoyen de l'Union, y bénéficier d'un droit de séjour par application directe de l'article 18, paragraphe 1, CE. L'exercice de ce droit est soumis aux limitations et conditions visées à cette disposition, mais les autorités compétentes et, le cas échéant, les juridictions nationales doivent veiller à ce que l'application desdites limitations et conditions soit faite dans le respect des principes généraux du droit communautaire et, notamment, du principe de proportionnalité.

95 Par les deuxième et troisième parties de sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si, au cas où M. Baumbast jouirait d'un droit de séjour sur le fondement de l'article 18, paragraphe 1, CE, les membres de sa famille bénéficient de droits de séjour sur le même fondement. Eu égard aux réponses apportées aux deux premières questions, il n'est pas nécessaire de répondre à ces parties de la troisième question.

96 Eu égard à la réponse apportée à la première partie de la troisième question, il n'est pas nécessaire non plus de répondre à la quatrième question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

97 Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par l'Immigration Appeal Tribunal, par ordonnance du 28 mai 1999, dit pour droit:

1) Les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un État membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, conformément à l'article 12 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. Le fait que les parents des enfants concernés ont entre-temps divorcé, le fait que seul l'un des parents est un citoyen de l'Union et que ce parent n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil ou le fait que les enfants ne sont pas eux-mêmes des citoyens de l'Union n'ont à cet égard aucune incidence.

2) Lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un État membre d'accueil afin d'y suivre des cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement n_ 1612/68, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union européenne n'est plus un travailleur migrant dans l'État membre d'accueil.

3) Un citoyen de l'Union européenne qui ne bénéficie plus dans l'État membre d'accueil d'un droit de séjour comme travailleur migrant peut, en qualité de citoyen de l'Union, y bénéficier d'un droit de séjour par application directe de l'article 18, paragraphe 1, CE. L'exercice de ce droit est soumis aux limitations et conditions visées à cette disposition, mais les autorités compétentes et, le cas échéant, les juridictions nationales doivent veiller à ce que l'application desdites limitations et conditions soit faite dans le respect des principes généraux du droit communautaire et, notamment, du principe de proportionnalité.

Top