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Document 52001DC0714

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité Économique et Social et au comité des régions - Plan d'action - Science et Société

/* COM/2001/0714 final */

52001DC0714

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité Économique et Social et au comité des régions - Plan d'action - Science et Société /* COM/2001/0714 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET AU COMITÉ DES RÉGIONS - Plan d'action Science et Société

TABLE DES MATIÈRES

Contexte

Science et société : Vers un nouveau partenariat

La stratégie de la Commission

1 Promouvoir l'éducation et la culture scientifiques en Europe

1.1 Sensibiliser le public

1.2 Éducation et carrières scientifiques

1.3 Dialoguer avec les citoyens

2 Une politique scientifique plus proche du citoyen

2.1 Participation de la société civile

2.2 Produire de l'égalité entre hommes et femmes dans les sciences

2.3 La recherche et la prospective pour la société

3 Une science responsable au coeur de la définition des politiques

3.1 La dimension éthique dans les sciences et les nouvelles technologies

3.2 La gouvernance des risques

3.3 L'utilisation de l'expertise

Maintenir l'élan

Contexte

Ce plan d'action est présenté à l'invitation du Conseil Recherche du 26 juin 2001. Il s'inscrit dans la dynamique de création d'un véritable Espace Européen de la Recherche [1], initiée en janvier 2000 par la Commission Européenne.

[1] «Vers un Espace Européen de la Recherche», COM(2000)6, 18/01/2000

Il constitue la suite logique du document des services de la Commission « Science, société et citoyens en Europe » [2] qui a posé, en novembre 2000, les bases du débat sur les relations qu'entretiennent la science et la technologie avec la société et les citoyens européens [3].

[2] SEC(2000)1973, 14 novembre2000

[3] Voir Forum électronique Science et Société : http://www.cordis.lu/rtd2002/science-society/home.htm

Son ambition est de soutenir l'objectif stratégique que s'est fixé l'Union Européenne à Lisbonne de devenir, en 2010, l'économie basée sur la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde, capable d'une croissance économique durable riche en emplois et dotée d'une meilleure cohésion sociale.

Ce plan d'action entend apporter une contribution significative à la mise en oeuvre du Livre Blanc sur la Gouvernance Européenne [4] adopté par la Commission le 25 juillet 2001. Il s'inspire d'ailleurs des nombreuses réflexions menées lors des auditions et séminaires préparatoires [5], notamment de la conférence « Science et gouvernance » d'octobre 2000. Il entend de même soutenir et intensifier le processus politique entamé en 1999 en vue de promouvoir la place et le rôle des femmes dans la recherche [6].

[4] «Gouvernance européenne: un Livre Blanc», COM(2001)428, 25 juillet 2001

[5] Voir en particulier le rapport du groupe interservice «Démocratiser l'expertise et établir des systèmes de références scientifiques européens», Rapport disponible sur le site gouvernance de la Commission à http://europa.eu.int/comm/governance/areas/group2/report_en.pdf

[6] Communication de la Commission: «Femmes et Sciences: mobiliser les femmes pour enrichir la recherche européenne», COM(99)76, final, Résolution du Conseil du 20 mai 1999, JO C 201, p.1 du 16/07/99, Résolution du Parlement européen du 3 février 2000 (PE 284.656), Document de travail des services de la Commission: «Femmes et Sciences: la dimension du genre, un levier pour réformer la science», 15 mai 2001, SEC(2001)771.

Les avis du Parlement Européen, du Comité Economique et Social et du Comité des Régions sur l'Espace Européen de la Recherche, ainsi que l'avis du Comité Economique et Social et le rapport du CREST sur le document des services de la Commission précité, y sont pris en compte. Les débats sur l'éducation, la science et la société qui ont eu lieu à Uppsala le 2 mars 2001 lors d'une réunion informelle des Ministres de l'Education et de la Recherche [7], sont également pris en considération.

[7] Document de travail des services de la Commission, conjoint DG RTD et EAC, « Science Education and Research : Towards a knowledge-based society », en préparation de la réunion informelle des Ministres de la Recherche et de l'Education des 2-3 mars 2001 à Uppsala

Enfin, les débats initiés autour du Plan d'action « eLearning [8] - Penser l'éducation de demain » seront pris en compte, dans la perspective d'une meilleure contribution des technologies de l'information et de la communication à l'éducation scientifique, et - plus globalement - à poser les bases d'une citoyenneté active, condition pour la maîtrise sociale des choix scientifiques et de leur impact pour la société.

[8] http://europa.eu.int/comm/education/elearning/index.html

Science et société [9] : Vers un nouveau partenariat

[9] Ce document comprend sous le terme «science» l'ensemble des activités publiques ou privées à caractère scientifique et technologique, y compris les sciences sociales. Le terme « société » recouvre l'ensemble des citoyens et leurs associations, ainsi que les entreprises et les pouvoirs publics.

Au seuil du XXIe siècle, alors que l'intégration économique d'une Union Européenne en cours d'élargissement est devenue une réalité tangible grâce à l'introduction de l'euro, notre société se trouve confrontée au défi de son insertion dans un monde secoué de turbulences économiques et politiques.

Les exemples abondent pour montrer que la connaissance, et en particulier la science, la technologie et l'innovation, sont nécessaires pour relever ce défi. Chaque jour, des avancées scientifiques et technologiques permettent de nouvelles innovations essentielles pour la qualité de la vie et notre compétitivité au niveau mondial [10], et par ailleurs, la coopération scientifique constitue souvent un élément important dans le dialogue avec les pays tiers [11].

[10] «L'innovation dans une économie fondée sur la connaissance», COM(2000)567 du 20 septembre 2000.

[11] «La dimension internationale de l'Espace Européen de la Recherche», COM(2001)346, 25 juin 2001.

Pourtant, des indications montrent qu'il existe aujourd'hui un décalage entre cet immense potentiel de réalisations et les besoins et les aspirations des citoyens européens tels que la paix entre les peuples, l'emploi, la sécurité ou le développement durable de la planète.

L'enquête Eurobaromètre [12] d'octobre 2001 sur les attitudes des Européens à l'égard de la science révèle un paysage contrasté, où se mêlent confiance, espoir, mais parfois aussi manque d'intérêt pour les activités scientifiques, voire craintes à l'égard de certains de leurs prolongements.

[12] Un sondage d'opinion "Les Européens, la science et la technologie" a été effectué à la demande la Commission dans les quinze Etats membres, entre le 10 mai et le 15 juin 2001.

Ainsi, 80 % des Européens pensent que la science permettra un jour de vaincre des maladies telles que le cancer ou le Sida et les scientifiques jouissent d'un degré de confiance élevé, au point que 72 % des personnes sondées dans cette enquête souhaitent que la classe politique base davantage ses choix sur les avis des experts. Mais en dépit de ces attentes et de ce capital de confiance, cette même enquête montre que les citoyens européens n'ont pas toujours une perception très positive de la science et de la technologie, et que certaines franges de la population restent aujourd'hui en marge de la science.

Les risques industriels, les questions éthiques sont largement commentés par les médias, ce qui suscite des interrogations du public et renforce son souhait d'une meilleure maîtrise du progrès. Chez certains peut se développer le sentiment que la science et la technologie changent trop rapidement leurs modes de vie.

Malgré quelques avancées, trop de stéréotypes tiennent encore les femmes à l'écart de la science et privent celle-ci d'une diversité dont elle a bien besoin pour contribuer plus harmonieusement à la vie politique, sociale et économique.

Les jeunes par ailleurs ne trouvent plus aujourd'hui les études et les carrières scientifiques suffisamment attrayantes pour s'y lancer. Ceci, combiné au changement démographique, se traduit notamment sur le marché du travail par la difficulté que rencontrent les industriels à trouver les ingénieurs et les scientifiques dont ils ont besoin.

L'Europe gagnerait donc à rassembler dans un cadre de niveau communautaire les énergies déployées dans les Etats-membres pour faire en sorte que les citoyens européens soient mieux à même de juger des enjeux scientifiques et technologiques de leur temps et pour qu'ils souhaitent s'impliquer davantage dans l'aventure scientifique.

La stratégie de la Commission

La Commission focalisera son attention dans le présent plan d'action sur un nombre délibérément limité d'actions nouvelles à haute valeur ajoutée communautaire destinées à :

- Promouvoir l'éducation et la culture scientifique en Europe.

La science et la technologie doivent tout d'abord devenir plus familières aux citoyens. Il sera essentiel, dans cette perspective, de renforcer la présence de la science et de la technologie dans les paysages médiatique et pédagogique européens, pour stimuler l'esprit d'entreprise des jeunes et leur goût pour les études et carrières scientifiques, et de favoriser le dialogue entre science et société, notamment par la tenue à intervalles réguliers d'événements de grande ampleur.

- Elaborer des politiques scientifiques plus proches des citoyens.

La science, la technologie et l'innovation devront reconsidérer leur contrat social et plus encore qu'aujourd'hui construire leur agenda en fonction des besoins et des aspirations des citoyens européens. Il leur faudra notamment à l'avenir permettre aux femmes leur pleine expression et anticiper les questions de demain.

- Mettre une science responsable au coeur des politiques.

La plupart des politiques possèdent une dimension scientifique et technologique et se doivent d'appuyer leurs décisions sur des avis transparents et responsables basés sur des recherches respectueuses de l'éthique. Il convient donc de renforcer les bases éthiques des activités scientifiques et technologiques, de détecter et d'évaluer les risques inhérents au progrès et de gérer ceux-ci de façon responsable sur la base des expériences passées.

Les actions envisagées sous ces trois chapitres seront menées en étroite coopération avec les Etats-membres et les pays candidats, et au-delà de l'Europe, avec les pays tiers et les organisations internationales. De nombreux acteurs seront impliqués : autorités publiques locales et régionales, citoyens, société civile, entreprises, etc.

La Commission agira comme un catalyseur, utilisant tous les moyens mis en oeuvre au niveau communautaire et notamment ceux de sa politique de recherche [13] (mise en réseau, mesures d'accompagnement, etc.). Il est clair cependant que, en tant que partie intégrante de l'Espace Européen de la Recherche, il ne faudra escompter de résultats significatifs que dans la mesure où les Etats-membres s'investiront eux-mêmes dans un effort commun et coordonné aux côtés de la Commission. A ce propos, la résolution du Conseil du 26 juin 2001 invitant à la mise en forme de ce plan d'action s'adresse autant aux Etats-membres qu'à la Commission.

[13] Beaucoup des activités prévues par le plan d'action seront mises en oeuvre par le truchement des programmes cadres de RTD communautaires. La Commission assurera une coordination adéquate entre toutes les activités intéressant la science et la société, avec d'autres activités au titre du programme cadre et les activités mises en oeuvre par d'autres instruments communautaires.

Il convient de souligner encore que ce plan d'action fait partie d'un processus évolutif dans lequel le suivi d'indicateurs spécifiques, l'évaluation des impacts des actions retenues et la révision régulière du plan d'action nécessiteront aussi une mobilisation de l'ensemble des parties prenantes.

Enfin, le caractère prospectif des objectifs affichés ne doit pas cacher l'urgence de certains problèmes et la Commission a tenu à se fixer des échéances suffisamment rapprochées pour maintenir une mobilisation constante dans les prochaines années. Les actions seront initiées par la Commission dès 2002. Un panorama et une évaluation des deux premières années du Plan d'action seront ensuite proposés aux parties prenantes en 2004.

1 Promouvoir l'éducation et la culture scientifiques en Europe

1.1 Sensibiliser le public

Pour que les progrès de la science et de la technologie répondent aux besoins des citoyens européens et rencontrent leur adhésion, il est nécessaire que ceux-ci disposent d'une information compréhensible et de qualité, ainsi que d'un accès libre à cette culture spécifique.

Les médias, les chercheurs, les organismes de recherche - notamment les universités -, mais aussi les entreprises doivent pleinement jouer ici leur rôle d'information du public. Ils doivent être capables de communiquer et de dialoguer sur des thèmes scientifiques d'une façon professionnelle, à la fois rigoureuse et attractive, et d'expliquer davantage la démarche scientifique, dans toute sa rigueur comme dans ses limites.

Diffusion de l'information scientifique par les médias

En vue de fournir au grand public une information fiable et pertinente, il sera nécessaire de soutenir des sources d'information indépendantes à l'attention du public par des actions de niveau européen. Il est important que se développent, en complément, des modules de formation scientifique thématiques et multilingues à destination des journalistes de la presse écrite et de l'audiovisuel.

En coopération avec les Etats-membres, la Commission constituera un groupe de réflexion comportant des journalistes et représentants d'organes de presse afin d'étudier la meilleure façon d'assurer une diffusion efficace des informations scientifiques au niveau européen, en stimulant par exemple la création d'une agence de presse scientifique européenne ou en favorisant la création d'un réseau d'échange d'informations grand public entre les professionnels du secteur.

Les relations entre science et média soulèvent parfois des polémiques de part et d'autre. Dans certains pays, des lignes directrices ont été proposées, pour les médias dans leur relation à la science et, vice versa, pour les scientifiques ayant à travailler avec les médias. Les journalistes et les scientifiques qui s'investissent particulièrement dans ce domaine, méritent d'être encouragés.

Des représentants de la communauté scientifique et des médias seront réunis dans un forum au niveau européen pour encourager et soutenir l'élaboration d'orientations pour une interaction plus fructueuse et une compréhension mutuelle entre eux.

La Commission va stimuler l'intérêt pour le journalisme scientifique et contribuer à en améliorer la qualité en créant un prix spécial pour tous ceux qui travaillent dans le secteur de la communication scientifique avec le public.

La Commission étudie les possibilités de promouvoir la présence de la science dans l'ensemble des supports multimédias y compris la télévision (festival européen du film scientifique grand public, mécanismes d'échange entre structures de production audiovisuelle, réseaux des chaînes de télévision régionale etc.). La Commission soutient déjà dans le cadre du programme MEDIA Plus [14] le développement et la production d'oeuvres audiovisuelles, y compris les documentaires de création, destinées à être diffusés sur les chaînes de télévision européennes. Ces oeuvres audiovisuelles peuvent porter sur des sujets de vulgarisation scientifique et technologique.

[14] Le programme MEDIA est entré en vigueur en janvier 2001. Il vise à renforcer la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne par une série de mesures concernant la formation des professionnels, le développement de projets et de compagnies de production, et la distribution et la promotion de travaux cinématographiques et de programmes audiovisuels.

Un forum d'échange (y compris électronique) sera mis en place, prenant en compte le potentiel d'Internet pour la diffusion audiovisuelle [15], afin de poursuivre la réflexion sur le contenu scientifique des outils multimédias.

[15] Il faut souligner ici l'initiative importante que constitue, pour la dissémination de la culture scientifique, le Plan d'action e-Europe de la Commission Européenne, destiné entre autres à favoriser l'accès à Internet pour le plus grand nombre.

L'exploitation à l'échelle européenne des savoir-faire existants en matière de vulgarisation scientifique et technologique dans les instituts de recherche nationaux et transnationaux et certaines initiatives telles que le réseau des musées des sciences européens seront encouragées.

La création de produits de grande diffusion (émissions télévisées, publications papiers, etc.) sera stimulée par des appels d'offres ciblés et l'utilisation à ces fins des instruments existants sera encouragée.

D'excellents produits d'information scientifique grand public existent déjà dans les pays de l'Union et mériteraient d'être davantage exploités par une mobilité accrue entre pays européens.

Les meilleurs produits de communication grand public (e.g. expositions itinérantes ou permanentes, documentaires, etc.) se verront offrir la possibilité d'être traduits vers d'autres langues par le biais d'appels à propositions ciblés.

Les semaines de la science en Europe

La Semaine européenne de la Science et la Technologie, créée par la Commission en 1993, est devenue une des actions du Programme Cadre de Recherche et de Développement Technologique. Les Etats-membres et les Etats associés organisent aussi des activités de promotion de la culture scientifique et technique. Des activités semblables existent également aux niveaux régional et local.

Les Etats-Membres et la Commission gagneraient à mettre en commun leurs expériences et leurs meilleures pratiques dans ce domaine.

La création d'un comité composé des organisateurs des semaines de la science nationales facilitera l'établissement de synergies entre la semaine européenne de la science et les semaines ou festivals nationaux de la science, notamment par l'échange de bonnes pratiques et d'événements à succès.

La semaine européenne de la science sera considérablement renforcée par l'association d'événements nationaux, tandis qu'à l'inverse, les semaines nationales seront renforcées par l'organisation d'événements d'envergure européenne.

La Commission veillera tout particulièrement à ce que les réalisations de la recherche communautaire soient mieux représentées dans la Semaine européenne et puissent contribuer au développement des semaines nationales.

Comparaison des approches nationales de la culture scientifique et technique

La Commission a déjà pris l'initiative d'une étude comparative des politiques nationales dans cinq domaines clés, notamment la promotion de la culture en matière de recherche et développement technologique (RDT) et la compréhension de la science par le public. Les résultats du premier cycle de "benchmarking" sont attendus pour la mi-2002. D'autres activités en vue d'évaluer et d'analyser l'état actuel de la culture en matière de RDT en Europe seront déployées.

Les effets des activités entreprises dans toute l'Europe pour sensibiliser davantage le public à la science, à la technologie et à l'innovation seront analysés par des études et recherches comparatives (y compris du benchmarking).

Information systématique du public sur les activités de recherche communautaires

Compte tenu de leurs connaissances, les chercheurs, les organismes de recherche et les entreprises ont aujourd'hui une responsabilité particulière vis à vis de la société en terme d'information scientifique et technologique des citoyens européens. Les activités de communication sur les avancées scientifiques et technologiques devraient encore être renforcées, et notamment celles opérées par le Programme Cadre de Recherche et Développement Technologique.

Le cahier des charges des projets de recherche et développement technologique communautaires fera obligation aux partenaires de disséminer systématiquement vers le public les avancées scientifiques et technologiques opérées à travers les activités financées par le Programme Cadre de Recherche sous diverses formes: couverture médiatique, expositions, produits à finalité éducative et pédagogique, débats publics, etc.

1.2 Éducation et carrières scientifiques

Dans une société de la connaissance, la démocratie demande que les citoyens possèdent une certaine culture scientifique et technique dans leur bagage initial [16]. Son acquisition et sa mise à jour sont devenues aussi indispensables que l'alphabétisation et l'apprentissage du calcul. Au-delà de cette connaissance générale, l'Europe doit disposer d'un réservoir de scientifiques lui permettant d'assurer le développement socio-économique espéré. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Il convient ainsi, d'une part, d'éveiller davantage l'intérêt des jeunes, garçons et filles, pour les sciences en donnant à chaque élève les connaissances de base pour une citoyenneté active vis-à-vis des choix scientifiques, et d'autre part, de les inciter à s'engager dans des carrières scientifiques. Les adultes qui entreprennent une formation, et continuent à se former plus tard dans leur vie, doivent également être encouragés à poursuivre une carrière scientifique.

[16] On entend par "Basic Skills" (aptitudes fondamentales) un ensemble d'aptitudes et de compétences dont ont besoin les individus pour s'épanouir dans la société actuelle, et qui doivent normalement être acquises à la fin de la scolarité ou de la formation obligatoire, mais qui peuvent être améliorées par un apprentissage tout au long de la vie. L'acquisition de ces "Basic Skills" par tous les citoyens est considéré comme prioritaire dans le rapport sur les futurs objectifs concrets des systèmes d'éducation et de formation, et par la communication de la Commission sur la réalisation d'un espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie (COM(2001)678 du 21 novembre 2001).

Il faut également veiller à ce que ceux qui ont entamé une carrière scientifique puissent conserver leur enthousiasme et leur motivation et avoir la possibilité de s'y épanouir, sans devoir abandonner les filières scientifiques en faveur d'un autre type de carrière. Les autorités publiques ne sont pas, à ce propos, seules responsables. Si les acteurs privés n'assument pas pleinement leur rôle essentiel en cette matière et ne font pas en sorte que les perspectives et les rémunérations soient suffisamment attrayantes, il ne peut y avoir de résultats tangibles.

Science et objectifs européens pour l'éducation et la formation

Il existe une complémentarité naturelle entre la création de l'Espace européen de la recherche et celle de l'Espace européen de l'enseignement supérieur. Afin de favoriser les synergies, la Commission veillera à assurer la cohérence et la convergence des actions entreprises dans l'un et l'autre cadre.

Suite au mandat du sommet de Lisbonne, la Commission a entrepris, en coopération avec les Etats-membres, de cerner les futurs objectifs des systèmes éducatifs européens [17] pour les années à venir. Sur cette base, un « Rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation et de formation » [18] a été adopté le 12 février 2001 par le Conseil Education et entériné par le Conseil européen de Stockholm, et la Commission et le Conseil présenteront au Conseil européen de Barcelone en 2002 un rapport conjoint comprenant un programme de travail détaillé.

[17] "Les objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation" COM(2001)59 final du 31 janvier 2001

[18] Rapport du Conseil sur les objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation et de formation, 5980/01 EDUC 18.

Mettant en oeuvre la méthode ouverte de coordination préconisée au Conseil européen de Lisbonne, des groupes de travail sont déjà actifs sur trois objectifs prioritaires visant : au développement des compétences pour la société de la connaissance, à l'accès aux technologies de l'information et des communications pour tous, et à l'accroissement du recrutement dans les filières scientifiques et technologiques.

Des réflexions démarreront en 2002 sur deux autres objectifs étroitement liés à la science et à la société: favoriser la citoyenneté active, l'égalité des chances et la dimension du genre et la cohésion sociale ; et renforcer les liens entre la vie active, la recherche et la société dans son ensemble.

La thématique Science et Société dans l'Espace Européen de l'Enseignement Supérieur

Les établissements d'enseignement supérieur et notamment les universités, habitats naturels de la science, de l'éducation et de la transmission des connaissances, sont confrontés depuis plusieurs années à de profondes évolutions qui affectent aussi leur ouverture et leur interaction avec la société, depuis le niveau local jusqu'au niveau mondial. Au niveau européen, plusieurs initiatives récentes ont encouragé ce phénomène, qui combine une dimension transnationale croissante (réseaux, mobilité, partenariats) et une intensification du dialogue entre les universités et la société qui les environne.

La Commission explorera avec ses partenaires académiques et le Conseil Universitaire de l'Action Jean Monnet [19] la possibilité d'inclure la thématique "Science, société et intégration européenne" au nombre des sujets traités par les chaires Jean Monnet aux côtés des disciplines plus classiques telles que le droit, l'économie, les sciences politiques ou l'histoire.

[19] Le Conseil universitaire est l'organe académique qui assiste la Commission dans le suivi académique et scientifique des projets Jean Monnet. Le Conseil universitaire a été créé par la décision de la Commission qu'instaure l'Action Jean Monnet. Il est à l'heure actuelle présidé par M. José María Gil-Robles.

Le processus de Bologne, entamé le 19 juin 1999 par les Ministres de l'Education de 29 pays européens, fixe des priorités d'action en vue de la création d'un Espace Européen de l'Enseignement Supérieur. Ce processus facilite, d'une part, la comparabilité, la transparence et la lisibilité des qualifications et des parcours universitaires; et d'autre part, il encourage les universités à s'investir davantage dans les nouveaux défis de la société de la connaissance: l'apprentissage tout au long de la vie, le renforcement de la dimension européenne et internationale, la qualité de l'enseignement et des services, et la prise en compte des spécificités locales pour la conception des programmes d'études.

En ce qui concerne la formation des scientifiques, il faudra veiller notamment à intégrer les besoins de compétences dans des matières telles que la gestion de la recherche (en particulier à l'échelle européenne), le droit (propriété intellectuelle, éthique, etc.) et la communication (notamment vers le public) qui peuvent se révéler essentiels dans l'exercice de leur profession.

Dans le cadre du Processus de Bologne, le développement de cursus européens sur la science, la technologie et leurs environnements historique, culturel et économique sera stimulé par la création de réseaux de collaboration.

Le programme communautaire SOCRATES - et en particulier son action Erasmus - contribue au processus de Bologne par l'ouverture européenne des établissements d'enseignement supérieur comme de leurs étudiants et professeurs. Les réseaux thématiques Erasmus, en particulier, sont des partenariats européens qui fournissent des forums ou les institutions d'enseignement supérieur et d'autres organismes dans ce domaine (associations européennes, organisations professionnelles, ONG, OIG, etc.) réfléchissent de façon prospective sur des questions spécifiques.

Le réseau thématique Erasmus STEDE (Science Teacher Education Development in Europe, fait l'inventaire des acquisitions les plus intéressantes et les plus récentes dans le domaine de la recherche scientifique et pédagogique pour les traduire en actions concrètes au niveau de l'enseignement et de l'apprentissage. STEDE examinera également les aspects relatifs à l'évaluation de l'enseignement et de l'apprentissage et du niveau des connaissances scientifiques. En outre, il examinera les besoins spécifiques des enseignants de sciences, en tenant compte des spécificités de leurs disciplines et des différences culturelles dans l'Union européenne et dans les pays associés au programme SOCRATES.

Développement et dissémination de nouveaux outils pédagogiques

Les méthodes d'enseignement en général et dans les matières scientifiques en particulier ont un impact significatif sur l'attitude des jeunes envers les sciences. Il s'agit de favoriser au niveau européen le développement et l'expérimentation de méthodes pédagogiques visant à stimuler l'intérêt des jeunes pour la science, telles que la mise en place de programmes interdisciplinaires innovants dans les écoles et les lycées, qui présentent un caractère plus attractif pour les jeunes en particulier.

Des projets de recherche et de développement pédagogiques spécifiques à la science et à la technologie seront soutenus par la Commission en coopération avec les Etats-membres. La dissémination des résultats sera promue par des échanges d'expériences entre enseignants, des conférences et des débats publics sur l'enseignement des sciences et des technologies. Des sites Internet assureront la mise à disposition des informations utiles.

Exploiter les actions et les opérations liées à SOCRATES

Des initiatives telles que le programme SOCRATES (notamment l'action Minerva) et des opérations médiatiques comme les Netd@ys [20] (semaine du Net) ou eSchola (semaine centrée sur les usages innovants du Net dans les écoles) pourront également contribuer à cette dissémination. De telles opérations se concentrent sur le développement de projets qui démontrent une bonne qualité pédagogique et des ressources éducatives adéquates.Un de leurs principaux objectifs est de comprendre les possibilités d'utiliser les nouveaux médias (Internet, vidéoconférences, nouveaux équipements audiovisuels, etc.) comme support pour l'apprentissage et l'enseignement.

[20] http://europa.eu.int/comm/education/netdays/. En 2000, il y avait environ 300 projets Netd@ys, avec la participation de 150,000 organisations provenant de 85 pays, et le site Internet européen de Netd@ys a été consulté plus de 8 millions de fois.

Il importe d'encourager des partenariats transversaux pour développer de bons supports éducatifs pour les sciences, et pour inciter les élèves à jouer le rôle de "jeunes chercheurs". Il y aurait dans ces partenariats des organisations éducatives, des organisations de jeunesse et culturelles et d'autres encore dans le domaine de la science.

En 2002, l'éducation scientifique dans les écoles bénéficiera d'une attention particulière, en vue de lancer des projets en coopération qui engloberaient des acteurs dans le domaine de la recherche et de l'éducation. Des efforts spécifiques doivent être déployés pour mieux faire connaître les projets éducatifs ou de recherche existants par des opérations telles que eSchola [21], WEEST (Women Education and Employment in Science and Technology), Netd@ys ou la semaine Comenius [22].

[21] http://www.eun.org/cn/eschola/index.cfm; http://www.cittadellascienza.it

[22] http://www.eun.org/eun.org2/eun/index_comenius.cfm

Mobilité des étudiants et des chercheurs

L'émergence progressive d'une culture de la mobilité pour les chercheurs en Europe, grâce à la mise en oeuvre d'une « chaîne d'opportunités » allant des bourses pour les étudiants aux incitants financiers tout au long de la vie des chercheurs, peut indirectement contribuer à une meilleure perception de la science [23] et à la valorisation des carrières scientifiques auprès des citoyens. Un soutien supplémentaire sera apporté par la promotion d'un espace européen de l'apprentissage tout au long de la vie, avec ses propositions d'actions spécifiques en vue d'encourager la mobilité pour que les citoyens puissent poursuivre des études et les utiliser dans toute l'Europe.

[23] Voir notamment en ce sens les actions proposées par la Communication Une stratégie de mobilité pour l'Espace européen de la Recherche, COM(2001)331 final, du 20 juin 2001.

Un réseau européen de centres de mobilité sera créé. Il sera chargé de fournir une assistance de proximité aux chercheurs et à leurs familles, ainsi qu'une information exhaustive sur les programmes, les financements et les vacances de postes au niveau européen.

Les centres européens de mobilité veilleront à intégrer, dans la mesure de leurs possibilités, des actions d'information et de sensibilisation auprès du public en général et des jeunes en particulier.

Information sur les études et les carrières scientifiques

Il existe un manque d'information comparative sur le contenu scientifique et technique des études ainsi que sur les carrières scientifiques et technologiques proposées dans les pays de l'Union. Ce manque est préjudiciable à la prise de décision aux niveaux communautaire et national, allant dans le sens d'une plus grande intégration des systèmes éducatifs, de recherche et d'innovation européens.

La Commission examinera avec les Etats-membres le meilleur moyen de lancer une évaluation comparative européenne dans le domaine des études et des carrières scientifiques et technologiques, et de mettre en réseau des institutions nationales collectant les données nécessaires.

La diffusion de ces informations devra notamment permettre d'aider les jeunes dans leurs choix d'études et de carrières et pourra être utile aux politiques d'éducation et aux établissements scolaires dans l'adaptation de leurs programmes. Pour soutenir les apprenants jeunes et adultes dans leurs études et leur choix de carrière, la communication de la Commission sur la réalisation d'un espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie propose plusieurs initiatives concrètes. Sous l'angle de l'information, cela inclut la mise sur pied d'un portail Internet européen sur les possibilités d'apprentissage dans toute l'Europe.

1.3 Dialoguer avec les citoyens

L'acquisition d'une culture scientifique et technologique de base chez les citoyens européens et une information régulière du public par les experts ne sont pas, en soi, suffisantes pour permettre de se forger une opinion. Un vrai dialogue doit donc s'instaurer entre science et société. Ces dernières années ont vu se multiplier des initiatives dans ce sens : conférences de consensus [24], jurys de citoyens [25], consultations nationales et régionales, forums électroniques, programmes de prospective participatifs, etc. sont apparus pour satisfaire ce besoin de compréhension mutuelle. Les États Membres et la Commission devront favoriser ce type de dialogue à tous les niveaux, européen, national, régional et local.

[24] Les conférences de consensus, contrairement à leur appellation, provoque habituellement des débats entre les experts et les citoyens sur des nouveaux sujets pour lesquels la réglementation n'existe pas encore.

[25] Les jurys de citoyen cherchent habituellement à guider les processus de décision pour lesquels les grandes lignes de la solution finale ont déjà été retenues (e.g. localisation d'un site de dépôt pour des déchets)

Vers l'établissement d'un dialogue au niveau européen

L'établissement d'un dialogue au niveau européen exige une coopération étroite entre un large éventail de parties intéressées provenant d'organisations de recherche, de pouvoirs publics, des médias, des citoyens, de la société civile, des entreprises, etc. La communauté scientifique et technologique jouera un rôle essentiel en présentant des questions intéressant le grand public et en contribuant au débat.

La Commission examinera, avec des représentants de la communauté scientifique européenne intéressés à la promotion de la science, la faisabilité d'organiser régulièrement des événements très visibles et de haute qualité ("Une convention européenne pour la science"). La Commission apporterait son soutien à l'organisation d'un événement inaugural important en 2004 auquel participerait un éventail le plus large possible de parties intéressées dans le domaine de la science et de la technologie [26] au niveau européen.

[26] Cette convention pourrait s'inspirer des événements annuels organisés depuis longtemps, et dont la réputation n'est plus à faire, de l'American Association for the Advancement of Science.

Dialogues locaux et régionaux « Science et Société »

Les niveaux locaux et régionaux se prêtent bien au dialogue «science et société» lorsque les sujets traités sont d'intérêt direct pour les citoyens (environnement, développement durable, santé, sécurité, transports urbains, etc.). Il serait souhaitable de favoriser la participation de scientifiques à des forums et auditions initiés au niveau local, régional et inter-régional (notamment transfrontalier), lorsque ces thèmes sont aussi d'intérêt pan-européens.

La tenue de forums locaux et régionaux «science et société» sera favorisée, entre autres, par le développement d'une base de données recensant des scientifiques sensibilisés aux métiers de la communication.

Développement du réseau européen des «Science Shops [27]»

[27] C'est la forme anglaise qui est généralement utilisée.

Il existe par ailleurs en Europe divers types de «Science Shops» proches des citoyens où la science est mise à disposition des communautés locales et des associations à but non lucratif [28] . Hébergées par des universités ou indépendantes, elles ont en commun de répondre à des demandes de citoyens, d'associations de citoyens ou d'ONG sur les sujets scientifiques les plus divers. Les «Science Shops» ont vu le jour aux Pays Bas dans les années 70 et le concept a été repris dans une dizaine de pays à travers le monde. Plus d'une soixantaine d'entre elles sont aujourd'hui actives en Europe, principalement aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, au Royaume Uni et en France.

[28] Le projet SCIPAS, financé par le cinquième programme-cadre, a permis de mettre en place un réseau européen ouvert des «Science shops»: http://www.bio.uu.nl/living-knowledge

La diversité et l'étendue des questions abordées est devenue telle que les centres les plus performants éprouvent des difficultés à satisfaire la demande. Les «Science Shops» gagneraient à se regrouper, avec le concours de la Commission, pour mettre en commun leurs ressources, leurs travaux et leurs expériences.

La mise en réseau des «Science Shops» dans les régions de l'Union et des pays candidats sera encouragée notamment par la création d'un inventaire permanent et d'une structure de diffusion des travaux effectués pour le compte des citoyens et des associations (par exemple, base de données,...), ainsi que par le développement d'outils promotionnels.

2 Une politique scientifique plus proche du citoyen

2.1 Participation de la société civile

La Commission s'est engagée à améliorer la transparence et la consultation entre les administrations et la société civile, comme le souligne le Livre blanc sur la gouvernance européenne. À cette fin, elle adoptera un ensemble de normes minimales que devront suivre ses services dans toutes les politiques, notamment la recherche. De façon générale, pour que les citoyens et la société civile [29] deviennent des partenaires à part entière dans les débats sur la science, la technologie et l'innovation en général et sur la création de l'Espace Européen de la Recherche en particulier, ils ne doivent pas seulement être informés mais également avoir la possibilité de s'exprimer dans des enceintes appropriées.

[29] On entend par "organisations de la société civile" les organisations dont les membres ont des objectifs et des responsabilités d'intérêt général, et qui jouent également le rôle de médiateurs entre les pouvoirs publics et la population. Il peut s'agir de syndicats et d'organisations patronales (les "partenaires sociaux"), d'organisations non gouvernementales, d'associations professionnelles, d'associations de bienfaisance, d'organisations bénévoles, d'organisations faisant participer les citoyens aux activités locales et municipales, d'Eglises et de communautés religieuses.

La Commission a déjà invité les Etats-membres à encourager un débat sur l'innovation entre les parties intéressées (scientifiques, industriels, consommateurs et pouvoirs publics) et a souligné l'intérêt d'établir des liens entre les mesures des Etats-membres dans cette direction.

Procédures pour la participation de la société civile

Certains Etats membres ont une longue tradition en matière d'organisation de procédures de participation, telles que les conférences de consensus et les jurys de citoyens évoqués au premier chapitre. Ils visent à fournir un espace pour un examen et un débat informé sur des questions importantes d'intérêt général et rassemblant le public, des groupes d'intérêt et des décideurs. Des scientifiques interviennent lorsque la matière en cause exige une forme quelconque d'évaluation scientifique. Plus récemment, des discussions ont été lancées sur l'Internet sur différentes matières tant au niveau national qu'au niveau européen.

Toute une série de mécanismes de participation ont été utilisés pour définir la politique en matière de recherche. Au niveau communautaire, les parties intéressées, les utilisateurs et la communauté scientifique ont participé dans une mesure croissante au développement et à la mise en oeuvre de la politique de RDT. Une participation systématique et structurée a dernièrement été centrée autour de groupes consultatifs d'experts (EAG) [30] et d'organismes consultatifs, tels que le conseil consultatif de la recherche européen (EURAB) [31]. Des arrangements ad hoc, tels que des plates-formes, des ateliers et d'autres mécanismes de dialogue ont également été utilisés pour permettre aux parties intéressées d'exprimer leurs avis. Cependant, il importe désormais d'élargir et d'approfondir ces expériences de façon à inclure systématiquement d'autres secteurs de la société civile à toutes les étapes.

[30] Vingt EAG ont été mis sur pied pour des actions clés en vue du cinquième programme cadre de RDT.

[31] C (2001)531/CE, EURATOM du 27 juin.2001.

La Commission organisera, par des ateliers et des réseaux, un échange d'information et de meilleures pratiques entre les Etats-membres et les régions sur l'utilisation des procédures de participation pour les politiques nationales et régionales.

Ces échanges peuvent conduire à des mesures supplémentaires pour traiter les questions paneuropéennes concernant la science et la technologie. Cela pourrait comporter des interactions entre participant à des événements nationaux et la possibilité d'organiser des procédures de participation au niveau européen. [32]

[32] Par exemple, le 22 juin 2001, la Commission a adopté une proposition en vue d'un nouveau programme d'action pour assurer le soutien financier entre 2002 et 2006 des organisations non gouvernementales (ONG) ayant pour but principal la défense de l'environnement (COM(2001) 337). Cette proposition prévoit également de promouvoir systématiquement la participation des ONG à tous les stades de la définition des politiques.

Evénements spécifiques pour l'Espace européen de la recherche

La Commission elle-même organise des consultations publiques pour préparer des initiatives politiques. Un exemple récent, qui intéresse des applications dans le domaine de la recherche et des applications technologiques, est la préparation d'une vision stratégique pour les sciences du vivant et la biotechnologie. Cette consultation a été facilitée par la publication d'un document de consultation détaillé, la création d'une plate-forme de dialogue sur l'Internet, et une conférence des parties intéressées qui a eu lieu en septembre 2001. Peu après, le commissaire responsable de la recherche a établi une Table ronde sur les OGM dans

le cadre de l'espace européen de la recherche, qui a réuni des chercheurs européens dans le domaine de la biosécurité et d'autres parties intéressées, telles que des organisations de consommateurs, des administrations et des entreprises nationales, pour assurer que des connaissances à jour accompagnent l'utilisation sans danger d'organismes génétiquement modifiés.

La Commission organisera régulièrement des événements permettant la participation de la société civile (sous forme d'auditions publiques, de conférences de consensus ou de forum électronique interactif [33]) sur des thèmes spécifiques (biotechnologie, environnement, technologies de l'information, santé, innovation, etc.), en coopération avec le Comité économique et social et le Comité des régions.

[33] Par exemple sur CORDIS, service d'information de la Communauté sur la recherche et le développement: http://www.cordis.lu/home.html.

2.2 Produire de l'égalité entre hommes et femmes dans les sciences

Les programmes de recherche tiennent rarement compte des besoins spécifiques des femmes. Celles-ci représentent plus de la moitié de la population estudiantine, mais ne détiennent que 10 % des postes de haut niveau dans les universités, et encore moins dans les entreprises.

Si la société dans son ensemble veut mieux comprendre les progrès de la science et de la technologie et s'identifier à eux, il importe de prendre des mesures spécifiques pour traiter le problème de la sous-représentation des femmes dans la science et le manque d'attention accordé à la différence des sexes dans la recherche.

En 1999, la Commission a lancé un plan d'action sur « femmes et sciences », qui présente une stratégie pour promouvoir la recherche par les femmes pour les femmes et sur les femmes, en coopération avec les Etats-membres et d'autres acteurs-clés. Cette approche s'est révélée féconde : elle sera maintenue et développée au cours de la phase suivante.

De nouvelles actions seront soutenues par le renforcement des mesures déjà en place. Le groupe de Helsinki « femmes et sciences [34] » continuera de fournir le cadre pour rassembler les expériences acquises au niveau national et pour échanger les bonnes pratiques ;il établira une stratégie globale pour une coopération à long terme. Le système de veille "femmes et sciences" sera renforcé pour améliorer l'intégration de la dimension du genre dans le programme-cadre et dans la politique de recherche d'une manière générale.

[34] Le groupe de Helsinki a été créé en novembre 1999. Il se compose de fonctionnaires travaillant dans le domaine de la promotion des femmes dans la recherche scientifique au niveau national dans les États membres et les Etats associés.

Cette approche sera complétée par des recherches spécifiques en vue d'améliorer la compréhension de la problématique "genre et sciences" en Europe et de mettre au point les outils nécessaires pour soutenir le processus politique.

Sur cette base, qui continuera d'évoluer, la Commission lancera quatre nouvelles initiatives, comme elle l'a annoncé lors de la conférence "Genre et recherche" de novembre 2001.

Création d'une plate-forme européenne pour les femmes scientifiques

Il faut un cadre pour pouvoir échanger expérience acquise et bonnes pratiques tout en facilitant la coopération et les consultations entre toutes les sciences. Celui-ci créerait le mécanisme nécessaire pour faire participer plus activement les femmes scientifiques au processus politique européen, en assurant la diffusion de l'information et en soutenant des activités de lobbying et de promotion. Il donnerait aux femmes scientifiques un pouvoir sur leurs carrières; il mettrait à leur disposition des actions de formation et des activités de mise en réseau ; une base de données incluant des modèles de référence et des tutrices ; des campagnes et des initiatives de sensibilisation.

Une plate-forme européenne sera créée pour réunir les réseaux de femmes scientifiques et les organisations ayant pour but d'assurer l'égalité des sexes dans la recherche scientifique.

Surveillance des progrès vers l'égalité des sexes dans les sciences

La surveillance des progrès dans le domaine de l'égalité des sexes est impossible sans indicateurs adéquats. Le groupe de Helsinki « femmes et sciences » a identifié un besoin spécifique d'indicateurs pour poursuivre les objectifs politiques suivants: augmenter le nombre de femmes dans les sciences, réduire à la fois la ségrégation horizontale (concentration des femmes dans certains secteurs ou disciplines) et la ségrégation verticale (tendance des femmes à occuper les échelons les plus bas de la hiérarchie), suppression des différences de salaires, promotion de la justice et de l'équité.

Un ensemble d'indicateurs sexués sera produit en coopération avec les correspondantes statistiques du groupe de Helsinki "femmes et sciences" pour mesurer les progrès vers l'égalité des sexes dans la recherche européenne.

Mobiliser les femmes scientifiques dans le secteur privé

Le secteur privé représente 60 % de la recherche européenne. Il constitue une ressource pour l'innovation et couvre un large spectre d'activité scientifique. Jusqu'à présent, les activités se sont concentrées sur la recherche entreprise dans les universités et les centres de recherche. Il est absolument essentiel de veiller à ce que la situation des femmes dans la recherche assurée par les entreprises soit prise en compte dans l'analyse.

Un groupe d'experts examinera le rôle et la place des femmes dans la recherche effectuée dans le secteur privé. Il identifiera les types de carrières et les exemples de meilleures pratiques, et formulera des recommandations pour renforcer l'égalité entre hommes et femmes.

Promouvoir l'égalité des sexes dans les sciences dans une Europe élargie

La situation des femmes scientifiques en Europe centrale et orientale n'a pas encore été examinée en profondeur. Les développements politiques, sociaux et économiques dans cette région ont cependant créé le besoin d'analyser les situations spécifiques que connaissent les scientifiques féminins dans ces pays, pour leur fournir les outils qui leur permettront d'approcher les décideurs et de promouvoir l'égalité des sexes dans le contexte plus vaste de l'élargissement. Cette analyse tiendra pleinement compte du fait que les Etats-membres de l'Union Européenne peuvent également tirer des enseignements de cet exercice.

Un groupe d'experts examinera la situation des femmes scientifiques en Europe centrale et orientale, et dans les Etats baltes. Il formulera des recommandations pour des activités futures, en particulier au sein du groupe de Helsinki "femmes et sciences", et pour établir des liens avec les autres politiques concernées.

2.3 La recherche et la prospective pour la société

Etant donné la complexité des relations entre la science et la société, il existe un véritable besoin de recherche multidisciplinaire et d'études prospectives permettant non seulement une meilleure compréhension des interactions entre science et société mais également une meilleure aptitude à réagir aux crises et questions émergentes. Eu égard à l'échelle et à la nature des thèmes à couvrir, il y a un intérêt évident à agir au niveau communautaire, au sein du programme cadre de RDT, y compris à travers les études prospectives du CCR, ou de façon coordonnée entre les Etats-membres.

La Commission abordera de façon approfondie l'évolution des relations entre science et société sous ses aspects historiques, sociologiques et philosophiques, utilisant les apports des sciences humaines, économiques et sociales. Des recherches multidisciplinaires seront entreprises au niveau européen, et au-delà au niveau international, portant par exemple sur les risques naturels et technologiques, les effets du principe de développement durable [35], sur les impacts des processus de mondialisation ou encore sur des sujets d'actualité tels que les utilisations de la science et de la technologie à des fins terroristes.

[35] Notamment dans les priorités retenues dans la stratégie européenne sur le développement durable : changement climatique, menaces sur la santé publique, pauvreté et exclusion sociale, pression sur les ressources naturelles, vieillissement de la population, embouteillages et pollution due aux transports, ainsi que dans des domaines d'une importance capitale pour l'économie, les aspects sociaux et les impacts environnementaux, comme le secteur industriel et les services associés."

Coordination ouverte entre les niveaux européen, national et régional

Au-delà des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration mise en oeuvre par le Programme Cadre de RDT (y inclus le Centre Commun de Recherche), la coordination des activités de recherche européennes, nationales ou régionales constitue un puissant instrument de réalisation de l'Espace Européen de la Recherche dans le domaine « Science et société » [36].

[36] Deux groupes d'experts ont récemment été mis en place par la Commission pour explorer les questions relatives au renforcement de la coopération européenne en prospective et la mise en réseau des initiatives et capacités régionales dans ce domaine dans le contexte de l'Espace Européen de la Recherche.

La Commission facilitera la coordination des recherches et des exercices de prospective aux différents niveaux européen, national et régional sur les thèmes liés au présent plan d'action. Cette coordination prendra la forme de forums, de séminaires réunissant les représentants des ministères nationaux sur les questions clés de « Science et société » ou encore de réseaux de centres d'excellence.

3. Une science responsable au coeur de la définition des politiques

3.1 La dimension éthique dans les sciences et les nouvelles technologies

Le rythme rapide du progrès scientifique et technologique peut soulever de graves questions éthiques qui préoccupent tous les Européens. Ces questions peuvent également avoir des implications potentielles pour les futures générations.

La société européenne est un riche tissu culturel reposant sur des passés éthiques, religieux, historiques et philosophiques très différents. Tout en respectant ces différences culturelles, il est essentiel que la recherche soit efficace et que les populations des Etats membres et des pays candidats lui apportent un soutien clair. Le Parlement européen s'efforce actuellement de préciser des positions communes sur des questions éthiques sensibles.

Le groupe européen sur l'éthique [37] a guidé les politiques communes en Europe en ce qui concerne les questions éthiques culturellement sensibles dans les sciences. Les règles européennes, telles que celles sur la liberté de la science et les considérations éthiques dans la recherche énoncées dans la charte des droits fondamentaux doivent être respectées et appliquées, dans la mesure du possible également dans d'autres parties du monde. Il faut, par exemple, soutenir l'initiative franco-allemande en vue d'une convention mondiale sur l'interdiction du clonage reproductif humain (article 3 de la charte), qui a été soumise aux Nations Unies.

[37] Le groupe européen sur l'éthique dans les sciences et les nouvelles technologies est un organe indépendant, pluraliste et multidisciplinaire qui a été créé par la Commission européenne pour émettre des avis sur les aspects éthiques de la science et des nouvelles technologies en liaison avec la préparation et la mise en oeuvre de mesures législatives ou de politiques communautaires (communication à la Commission du 11 décembre 1997 sur la mise en place du groupe européen sur l'éthique dans les sciences et les nouvelles technologies (SEC(97)2404)).

Plusieurs organisations internationales et ONG (Conseil de l'Europe, Fondation européenne de la science, UNESCO, OMS, Association médicale mondiale, etc.) promeuvent activement l'éthique dans les sciences et la recherche. Les Etats-membres sont représentés dans ces organisations. Il importe d'utiliser au mieux ces structures. Une coopération étroite devrait être développée avec ces organisations afin de ne pas dupliquer les efforts, mais plutôt créer des synergies et permettre la mise en place d'un système scientifique international responsable.

Rendre l'information plus accessible

L'Europe dans son ensemble a besoin d'un système d'information plus systématique en ce qui concerne les questions éthiques dans les sciences, avec un accès à des informations sur la législation, les codes de conduite, les meilleures pratiques et des débats dans différents pays européens, dans des langues différentes. Les bases d'un tel système d'information et de documentation sont en cours de réalisation grâce à un projet communautaire qui a relié les centres de documentation les plus importants sur la bioéthique en Europe. Le réseau doit être étendu à d'autres domaines de l'éthique et raccordé à d'autres bases de données dans le monde. Il pourrait devenir un futur réseau d'excellence.

Un observatoire de l'information et de la documentation sera mis en place pour détecter et analyser le développement des questions éthiques dans les sciences au niveau national et au niveau international.

Un dialogue public européen sur l'éthique dans les sciences

Comme l'a recommandé le Parlement européen [38], les chercheurs, les milieux économiques, les organismes de normalisation et les acteurs sociaux doivent être encouragés à ouvrir un

[38] Rapport sur les implications juridiques, éthiques, économiques et sociale de la génétique humaine établi par la commission temporaire sur la génétique humaine et les autres technologies nouvelles en médecine moderne - final A5-0391/2001.

dialogue public dans les Etats-membres et les pays candidats sur les nouvelles technologies de pointe dès qu'elles apparaissent. Cela permettra de faire des choix responsables soutenus par les politiques nécessaires et mis en oeuvre en temps utile.

Un dialogue ouvert sera établi entre les ONG, l'industrie, la communauté scientifique, les religions, les groupes culturels, les écoles philosophiques et d'autres groupes intéressés, pour stimuler un échange de vues et d'idées sur toute une série de questions-clés, telles que l'impact éthique des nouvelles technologies sur les futures générations, la dignité humaine et l'intégrité, l'"info-éthique" et la durabilité. Toute une série de mécanismes seront utilisés (groupes spécialisés, enquêtes, débats "en ligne", ateliers ou forums institutionnalisés).

Sensibiliser les chercheurs et promouvoir leur intégrité

La sensibilité des chercheurs à l'égard de la dimension éthique de leurs activités est très variable en Europe. Il importe d'encourager les actions en vue de sensibiliser davantage aux bonnes pratiques scientifiques, notamment la dimension éthique, l'intégrité de la recherche et les éléments principaux du droit européen, les conventions et les codes de conduite. Il faut prendre et diffuser des initiatives dans le domaine de la formation fondamentale, et préparer en même temps des modules de formation européens sur l'éthique dans les sciences. L'élaboration et la mise en oeuvre de codes de conduite seront encouragées dans différents domaines. Ces actions doivent tenir compte pleinement des différences culturelles.

Des cours types et des modules de formation seront préparés dans le but de sensibiliser davantage les chercheurs aux questions éthiques.

Faciliter les échanges entre les comités d'éthiques à tous les niveaux

Il se peut que les comités d'éthiques nationaux souhaitent partager résultats et expérience au niveau communautaire, outre les activités du Conseil de l'Europe. Un forum des comités d'éthiques nationaux de l'Union européenne et des pays associés pourrait permettre des échanges sur des aspects particuliers intéressant l'Union Européenne, qui amélioreraient la coordination des politiques.

Des réseaux de comité d'éthiques locaux permettront un échange de vues sur les normes minimales et promouvront les meilleures pratiques dans l'évaluation des projets de recherche qui possèdent une dimension éthique. Cette mise en réseau aidera les entreprises à mieux fonctionner dans toute l'Europe, tout en créant des conditions plus équitables pour protéger la planète contre les conséquences potentiellement nuisibles de la science.

Des réseaux de comités d'éthiques seront promus au niveau national et au niveau local. Le but sera de renforcer la coopération et d'améliorer l'échange d'expérience et de meilleures pratiques.

Un dialogue sur l'éthique avec les autres régions du monde

L'Espace européen de la recherche est ouvert au monde. Il est donc important d'explorer et de comprendre les différences culturelles et religieuses du cadre éthique de la science dans différentes régions du monde. Les programmes de recherche publics en Europe (par exemple l'initiative financée par l'Union Européenne contre la malaria et la tuberculose, la recherche sur le sida) et les entreprises soutiennent dans les pays en voie de développement des essais cliniques qui doivent appliquer des normes convenues, telles que la déclaration de Helsinki de l'Association médicale mondiale. L'Europe soutiendra des structures qui promeuvent les principes éthiques dans les sciences dans le monde entier.

Un dialogue international sur les principes éthiques sera organisé par le truchement d'une série de conférences et d'ateliers. Un objectif important sera de développer des structures et des compétences pour l'évaluation éthique dans les pays en voie de développement.

Protéger les animaux dans la recherche

L'utilisation d'animaux à des fins de recherche est couverte directement par le protocole sur la protection et le bien-être des animaux contenu dans le traité d'Amsterdam. Des efforts seront entrepris pour sensibiliser davantage les chercheurs au principe des « 3R » (remplacement, réduction et optimisation (« refinement » en anglais) de l'expérimentation animale), notamment en ce qui concerne les espèces proches de l'homme.

La constitution de réseaux de comités pour le bien-être des animaux sera promue, de même que la formation de jeunes scientifiques en matière de bien-être des animaux, pour soutenir la mise en oeuvre du droit communautaire sur la protection des animaux utilisés à des fins de recherche.

3.2 La gouvernance des risques

L'innovation améliore la qualité de la vie et elle est essentielle pour la croissance économique. Elle peut également donner lieu à des incertitudes et à des préoccupations, et elle peut aussi poser de nouveaux risques pour la santé et l'environnement. Il faut alors des travaux scientifiques pour traiter ces questions et contribuer à la détection et à l'évaluation des risques, et réduire les incertitudes.

Il est rarement facile de donner une réponse simple à la question de savoir si quelque chose est dangereux ou non. Nous savons que dans notre vie quotidienne nous sommes confrontés à toutes sortes de risques. Nous prenons certains de ces risques volontairement, tandis que d'autres sont inévitables. Lorsque nous considérons que quelque chose est « sûr », nous prenons en compte non seulement la probabilité d'effets dangereux, mais aussi des facteurs tels que les avantages éventuels et l'existence d'alternatives.

La gouvernance des risques - qui englobe la détection, l'évaluation, la gestion et la communication des risques - est devenue une composante cruciale, mais souvent très controversée, des politiques publiques.

Au cours des dernières années, l'Union européenne a profondément remanié ses procédures d'évaluation des risques et de gestion des risques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sécurité alimentaire. Les mesures réglementaires dans ces domaines reposent sur des avis scientifiques émis par des comités sur la base des principes d'excellence, d'indépendance et de transparence [39] . L'Union européenne est sur le point de créer une autorité alimentaire européenne qui serait chargée d'une évaluation des risques indépendante [40]. La Commission a également défini son approche en ce qui concerne l'application du principe de précaution [41], proposant des orientations pour l'évaluation des risques quand il y a incertitude scientifique, et posant des principes généraux à appliquer dans la gestion des risques [42].

[39] Communication "Santé des consommateurs et sûreté alimentaire" (COM(1997)183 du 30 avril 1997).

[40] Proposition modifiée du règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'autorité alimentaire européenne et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, COM(2001) 475 final du 7 août 2001.

[41] Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution COM(2000)1 du 2 février 2000.

[42] Proportionnalité, non-discrimination, cohérence, examen des avantages et des inconvénients d'une action ou d'une absence -d'action, examen des développements scientifiques.

Beaucoup a donc déjà été fait pour améliorer la transparence, la responsabilité et l'adaptation au progrès de la connaissance scientifique.

Améliorer les pratiques par la mise en réseau au niveau européen

D'autres mesures peuvent néanmoins être prises. En premier lieu, l'expérience acquise dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sécurité alimentaire peut être exploitée dans d'autres secteurs. Ensuite, dans tous les domaines, il faut examiner les manières d'assurer une interface plus dynamique et une meilleure communication entre les gestionnaires dans le domaine des risques, les évaluateurs des risques et ceux qui effectuent les recherches scientifiques nécessaires. Enfin, il faut s'employer à ouvrir encore davantage la gouvernance des risques au débat et aux enquêtes (par exemple quel est le rapport coût-avantage, et comment peut-on le mesurer - À quel niveau de sécurité correspond la notion de sécurité suffisante -). Dans la poursuite de ces objectifs, nous devons mettre à profit les informations et les bonnes pratiques dans tout le continent et ailleurs.

La Commission examinera les moyens d'améliorer cette interface. Il pourrait s'agit de mécanismes de dialogue, d'une définition commune des problèmes et d'un échange permanent d'informations et de points de vue. Elle examinera également de près la communication sur la question des risques.

La Commission mettra sur pied un échange d'expérience et de bonnes pratiques entre les chercheurs et les organismes réglementaires concernés par les risques, dans différents secteurs et à différents niveaux dans toute l'Europe. Sur cette base, elle produira ensuite des orientations relatives à l'amélioration de la gouvernance des risques, incluant les meilleures façons de communiquer sur l'incertitude scientifique et sur les questions de risque. Ces propositions, seraient construites sur le cadre politique existant.

3.3 L'utilisation de l'expertise

Nous avons besoin d'experts pour nous rassurer, nous avertir et éclairer des problèmes actuels complexes et souvent controversés. Les experts contribuent à la détection des problèmes, influencent les politiques et stimulent le débat public sur des questions très diverses, telles que le changement climatique et les organismes génétiquement modifiés.

Il existe de nombreux canaux pour faire passer les avis d'experts dans le développement de politiques basées sur la science. Le système bien structuré de comité scientifique désormais établi au niveau communautaire pour l'évaluation des risques en ce qui concerne la santé des consommateurs et la sécurité alimentaire a été cité au chapitre 3.2. Il existe toute une série de mécanismes internationaux et européens dans d'autres domaines tels que la qualité de l'air [43], le changement climatique et la pêche. Ils sont complétés par des arrangements ad hoc selon la nature, le degré d'urgence ou l'état des connaissances dans le domaine des questions à traiter. D'autres niveaux et formes de structures consultatives existent au niveau national.

[43] La Commission a récemment lancé le programme "Air pur pour l'Europe" (CAFE), visant à mettre au point une stratégie intégrée à long terme pour protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets de la pollution atmosphérique. Le programme a en particulier pour objet de coordonner la production, la collecte ainsi que la validation des informations scientifiques et techniques nécessaires à l'élaboration d'une politique en la matière.

Dans ce cadre, on peut faire une distinction entre des avis collectifs, officiels, fournis par des comités ou des groupes consultatifs mandatés et établis par les décideurs, et des avis ou des constatations sollicités ou non, tels que des informations scientifiques, fournis par des individus ou des organisations en dehors de toute procédure officielle (ces avis peuvent néanmoins aider les groupes consultatifs à arriver à leurs conclusions). Cela étant, il existe néanmoins une tendance à la contestation et à la méfiance vis-à-vis du recours à des experts.

Premièrement, la science est souvent perçue comme traitant de certitudes et de faits avérés. En réalité, c'est rarement le cas, notamment aux frontières avancées de la recherche. Les scientifique étant prudents par nature, leurs avis sont souvent assortis de toutes sortes de mises en garde. Il peut également y avoir plus d'une école de pensée, ou il peut y avoir des voix discordantes. On peut éprouver un sentiment de frustration et de désespoir lorsque les experts n'arrivent pas à donner de réponses simples à des questions apparemment simples. D'aucuns en tirent la conclusion que même les experts ne savent rien ! Il faut une interface plus cohérente entre ceux qui fournissent des avis et ceux qui les reçoivent, ainsi qu'une compréhension mutuelle et une communication claire entre eux.

Deuxièmement, les décideurs à tous les niveaux éprouvent parfois des difficultés à exploiter les ressources en connaissances fournies par la diversité des cultures scientifiques et les nombreux centres d'excellence spécialisés en Europe. Dans le pire des cas, ils s'exposent à se voir soupçonner de ne choisir que des experts "inoffensifs" dont on sait qu'ils sont favorables à des décisions prédéterminées. Il faut une approche plus systématique et ouverte, tant au niveau national qu'au niveau européen, pour identifier les meilleurs expertises en temps utile.

Troisièmement, la consultation scientifique peut sembler coupée du monde si le public et les parties intéressés sont exclus de la définition des problèmes, des conseils des experts, et s'ils sont incapables de contribuer au débat et de contrôler les experts et les avis qu'ils donnent, ou sont mal équipés à cette fin. Il faut ouvrir le processus en permettant à des avis différents de se faire entendre (un "concours d'idées") et en permettant un contrôle et un débat constructif. L'expérience montre que lorsque des réseaux scientifiques se relient à des pouvoirs réglementaires nationaux, des représentants associés des différentes parties intéressées, notamment de la société civile le cas échéant, et qu'ils fonctionnent avec des procédures transparentes, le potentiel conflictuel de certaines questions est largement atténué, et l'acceptabilité des réglementations qui en découlent augmente [44].

[44] Certains des réseaux que le CCR a établis en réponse à la demande des Etats membres, tels que le réseau des laboratoires OGM ou le réseau sur la prévention et le contrôle intégré de la pollution constituent de bons exemples de ce type d'interaction.

Le but est non seulement d'accroître la confiance, mais également d'en arriver à des politiques mieux fondées.

Comme indiqué précédemment, la Commission a répondu à ces défis par une restructuration de ses comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sécurité alimentaire, et l'établissement prochain de l'autorité alimentaire européenne.

La Commission a désormais l'intention de diffuser les bonnes pratiques et de capitaliser sur les enseignements tirés de ces différentes politiques. Par exemple, on peut faire beaucoup pour fournir au public des informations plus systématiques et plus facilement accessibles sur les mandats, l'affiliation, les délibérations ou les recommandations de ces différentes structures dans tous les domaines des politiques [45]. Un "guichet unique" rassemblant toutes ces modalités serait également utile pour le public.

[45] Étude sur la transparence et l'ouverture dans les comités consultatifs scientifiques: STOA, Parlement européen, octobre 1998, PE 167 327/Fin. St.

Dans la définition et la mise en oeuvre des actions énoncées ci-dessous, la Commission maintiendra et renforcera un dialogue avec les administrations des Etats-membres, les organismes consultatifs et d'autres acteurs.

Fixation de lignes directrices pour l'utilisation de l'expertise au niveau communautaire

Le Livre blanc sur la gouvernance européenne a identifié le besoin de lignes directrices sur l'utilisation de l'expertise [46]. Ces lignes directrices qui doivent être élaborées par un groupe de travail interdépartemental, seront publiées à partir de juin 2002. Elles compléteront d'autres actions prévues dans le Livre blanc, telles que des normes minimales pour la consultation de la société civile. Sur la base des pratiques en vigueur et de l'expérience acquise, les lignes directrices doivent énoncer des principaux fondamentaux, notamment en matière d'ouverture et de responsabilité plus grandes dans l'utilisation de l'expertise pour le développement de politiques reposant sur la science. L'objectif essentiel est d'acquérir et de conserver la confiance de quiconque participe au processus ou en dépend. Les lignes directrices doivent porter, par exemple, sur la participation du public aux réunions d'experts, la publication et l'examen des avis, et sur la manière dont la Commission explique comment les propositions ultérieures tiennent compte des avis qui ont été émis. Elles doivent également assurer un élargissement de la base d'experts en encourageant le recours à un savoir-faire

[46] Cela découle des travaux préparatoires sur l'expertise: démocratiser l'expertise et mettre en place des références scientifiques européennes (groupe 1b), Commission européenne, juillet 2001 (http://europa.eu.int/comm/governance/areas/group2/report_en.pdf).

multidisciplinaire et multi-sectoriel, et en proposant des mécanismes pour la participation du public, des parties intéressées et de la société civile organisée.

La Commission établira des lignes directrices pour ses propres pratiques en matière de choix et d'utilisation de l'expertise pour ces politiques. Elles pourraient constituer la base d'une proposition ultérieure d'approche commune par d'autres institutions et les Etats-membres et, à terme, les pays en voie d'adhésion. Une coopération avec les Etats-membres par un réseau, des ateliers et d'autres modes de dialogue, permettra d'échanger l'expérience acquise et de diffuser les meilleures pratiques.

Assurer aux décideurs un meilleur soutien scientifique

La Commission continuera de mettre au point des mécanismes améliorés pour fournir un soutien scientifique aux décideurs.

Ces mécanismes doivent exploiter tout l'éventail et toute la diversité de l'expertise disponible en Europe. Ils visent à renforcer le soutien scientifique aux décideurs au-delà de la mise en oeuvre des procédures réglementaires officielles. Le cas échéant, elles peuvent reposer sur des réseaux de chercheurs, tels que ceux créés par les programmes-cadres de RTD, y compris le CCR. Ces réseaux devraient faciliter les communications entre les scientifiques eux-mêmes et entre ces derniers et les décideurs. Même si elles vont fonctionner conformément aux lignes directrices précitées, notamment en ce qui concerne le besoin d'indépendance, la transparence et l'éventail des savoir-faire, il faudra une variété de modèles pour rencontrer les demandes de différents secteurs et tenir compte de calendriers différents. Deux modèles peuvent être désormais identifiés:

Le premier modèle combine un réseau de sources d'information scientifique avec une base de données regroupant des conclusions scientifiques préparées antérieurement sur des questions qui préoccupent le public. La Commission pourrait exploiter cette ressource lorsqu'elle a besoin des informations sur des questions spécifiques concernant ses politiques. À plus long terme, ce modèle pourrait être mis à la disposition d'autres pouvoirs de décision et aux citoyens et à la société civile.

Une étude pilote sera menée sur la création d'un réseau ouvert de scientifiques et d'organisations concernés par des questions scientifiques basé sur l'Internet: SIPSE (Scientific Information for Policy Support in Europe).

Le second modèle consisterait en organisations ou réseaux capables de fournir des données validées, des informations harmonisées ou un soutien pour la définition des politiques. De tels systèmes de références scientifiques communs européens (SRSCE) pourraient jouer un rôle de soutien dans l'identification des problèmes, la définition des politiques ou la mise en oeuvre à long terme de réglementations. Dans ses domaines de compétence centraux, le Centre commun de recherche jouera le rôle de catalyseur dans la mise en place de ces SRSCE.

La Commission publiera une esquisse du concept de système de références scientifiques commun européen (SRSCE), qui exposera leur portée et leur fonction, ainsi que des propositions de mise en oeuvre prenant en compte des aspects tels que l'assurance de qualité et des liens avec des systèmes internationaux. En exploitant les sources d'expertise utilisées actuellement, des SRSCE prototypes spécialisés dans des domaines prioritaires seront identifiés. La poursuite de la mise en oeuvre sera soutenue par le prochain programme cadre (2002-2006).

En outre, les deux modèles fourniront un canal par lequel les scientifiques individuels pourront signaler rapidement les nouveaux développements et questions émergentes. Cette forme de tour d'horizon peut donner lieu à des activités de recherche supplémentaires pour confirmer ou infirmer les premiers résultats, et donner un préavis pour des mécanismes d'évaluation et de gestion des risques formels, s'il en existe déjà dans le secteur concerné. Les réseaux pourraient également faciliter la mobilisation rapide d'expertise (par exemple un "help-desk" scientifique) pour faire face à des besoins soudains ou inattendus, liés, par exemple, au bioterrorisme.

Maintenir l'élan

Le plan d'action proposé marque le début d'un processus long dont l'objectif est de modifier les rapports entre science et société. De nombreux acteurs sont invités à y participer: Etats-membres, régions et villes, entreprises, citoyens, société civile dans son ensemble, notamment les Organisations Non Gouvernementales, etc. Certaines actions envisagées s'inscrivent dans la durée, par exemple dans le domaine de l'éducation, d'autres, telles que les conférences, sont plus ponctuelles. Dans tous les cas, cependant, la résolution des problèmes abordés au niveau communautaire requiert tant une connaissance détaillée de la situation européenne dans toute sa diversité, qu'une capacité à évaluer les impacts, et notamment la valeur ajoutée, des actions mises en oeuvre.

Le plan d'action est basé sur un recueil d'expériences, de faits et de données statistiques qu'il est essentiel de maintenir et de développer. Dans cet esprit, et en vue d'une mise à jour ultérieure du plan, la Commission établira un panorama « Science et société dans l'Espace Européen de la Recherche ». Cet état des lieux des relations entre la science, la technologie, les activités de recherche et de développement et la société européenne, sera établi sur la base de nombreuses sources d'informations (rapports de suivi, Système Statistique Européen et instituts nationaux de statistique, études émanant des instituts de sondage nationaux et européens, indications fournies par les observatoires scientifiques et technologiques nationaux et régionaux, d'études comparatives aux niveaux européen et mondial, recherches et exercices de prospective communautaires...).

Ce panorama sera aussi l'occasion d'évaluer les impacts du plan d'action, au niveau de chacune de ses actions comme à un niveau plus global. Cette activité d'évaluation nécessitera des enquêtes régulières et le suivi d'indicateurs existants, mais aussi une réflexion portant à plus long terme entre autres sur l'adaptation des méthodologies d'évaluation aux besoins.

Le panorama et l'évaluation du plan d'action seront présentés conjointement en 2004 lors de la «convention européenne pour la science».

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