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Document 31993Y0213(01)

Communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE

OJ C 39, 13.2.1993, p. 6–12 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT)

31993Y0213(01)

Communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE

Journal officiel n° C 039 du 13/02/1993 p. 0006 - 0011


Communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE

(93/C 39/05)

I. Introduction

1. La suppression des frontières intérieures permet aux entreprises de la Communauté d'entreprendre des activités nouvelles et aux consommateurs communautaires de bénéficier d'une concurrence accrue. La Commission estime que ces avantages ne doivent pas être compromis par des pratiques restrictives ou abusives des entreprises et que la réalisation du marché intérieur réaffirme ainsi l'importance de la politique et du droit communautaire de la concurrence.

2. Plusieurs institutions, tant nationales que communautaires, ont contribué à l'élaboration de ce droit et se chargent de son application quotidienne. À cette fin, les autorités nationales de concurrence, les juridictions nationales et communautaires, ainsi que la Commission assument chacune leurs propres tâches et responsabilités, conformément aux principes développés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

3. Le bon fonctionnement du jeu de la concurrence sur le marché intérieur exige que l'efficacité de la coopération entre ces institutions soit assurée. La présente communication poursuit cet objectif pour ce qui concerne les relations entre les juridictions nationales et la Commission. Elle vise à préciser comment la Commission compte contribuer à une coopération plus étroite avec ces juridictions pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE dans ces cas individuels.

II. Compétences

4. La Commission est l'autorité administrative responsable de la mise en oeuvre et de l'orientation de la politique de la concurrence dans la Communauté et doit agir à cette fin dans l'intérêt public.

Les juridictions nationales, en revanche, ont la vocation de sauvegarder les droits subjectifs des personnes privées dans leurs relations réciproques (1).

5. Pour l'exercice de ces tâches différentes, les juridictions nationales et la Commission disposent de compétences concurrentes pour l'application de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 du traité CEE. Cette compétence est attribuée à la Commission par l'article 89 et par les dispositions adoptées en vertu de l'article 87. Pour les juridictions nationales, cette compétence découle de l'effet direct des règles communautaires en cause. Dans l'arrêt BRT II, la Cour de justice a considéré à cet égard que «les interdictions des articles 85 paragraphe 1 et 86 se prêtant, par leur nature même, à produire des effets directs dans les relations entre particuliers, ces articles engendrent directement des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder» (2).

6. De cette façon, les juridictions nationales sont en mesure de garantir, sur demande des parties au litige ou d'office, le respect des règles de concurrence au profit des personnes privées. En outre, l'article 85 paragraphe 2 du traité CEE leur permet de déterminer, conformément au droit national de procédure applicable, les conséquences de droit civil que comporte l'interdiction de l'article 85 paragraphe 3 (3).

7. En revanche, la Commission dispose, en vertu de l'article 9 du règlement n° 17 (4), d'une compétence exclusive pour déclarer que cette interdiction est inapplicable à certains types d'accords, de décisions ou de pratiques concertées. La Commission peut exercer cette compétence de deux façons. Elle peut prendre une décision d'exemption dans un cas individuel concernant une entente déterminée. Elle peut également adopter des règlements d'exemption visant certaines catégories d'accords, de décisions ou de pratiques concertées, lorsqu'elle y est habilitée par le Conseil, conformément à l'article 87 du traité CEE.

8. Si les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour appliquer l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, elles peuvent cependant appliquer les décisions et les règlements adoptés par la Commission en vertu de cette disposition. En effet, la Cour a confirmé à plusieurs reprises que les dispositions d'un règlement sont directement applicables (5). La Commission considère qu'il en va de même pour le dispositif d'une décision d'exemption individuelle.

9. Les compétences de la Commission et celles des juridictions nationales diffèrent non seulement quant à leur finalité et à leur contenu, mais aussi quant à leur mode d'exercice. La Commission exerce ses compétences selon les règles de procédure prévues par le règlement n° 17, tandis que l'exercice des compétentes par les juridictions nationales s'effectue dans le cadre du droit national de procédure.

10. À cet égard, la Cour de justice a défini les principes qui régissent les procédures et les voies de droit applicables pour faire valoir le droit communautaire directement applicable:

«Si le traité CEE a créé un certain nombre d'actions directes qui peuvent être exercées le cas échéant par des personnes privées devant la Cour de justice, il n'a pas entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit communautaire, des voies de droit autres que celles établies par le droit national. Par contre, [. . .] tout type d'action prévu par le droit national doit pouvoir être utilisé pour assurer le respect des règles communautaires d'effet direct dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure que s'il s'agissait d'assurer le respect du droit national.» (6).

11. La Commission estime que les principes ainsi définis s'appliquent en cas d'infraction au droit communautaire de la concurrence; les particuliers et les entreprises ont accès à toutes les voies de droit de procédure prévues par la législation nationale dans les mêmes conditions que s'il s'agissait d'une infraction au droit national comparable. Cette égalité de traitement ne concerne pas seulement la constatation définitive de l'infraction aux règles de concurrence, mais vise tous les moyens juridiques susceptibles de promouvoir une protection judiciaire efficace. Par conséquent, le justiciable communautaire a droit à ce que les juridictions nationales lui accordent le bénéfice de mesures provisoires, à ce qu'il soit effectivement mis fin, par le biais d'injonctions, à l'infraction au droit communautaire de la concurrence dont il est victime et à ce que le dommage subi du fait de cette infraction soit réparé, losrque ces mêmes voies de droit sont applicables dans des procédures relatives au droit national analogue.

12. À cet égard, la Commission tient à préciser que l'application simultanée du droit national de la concurrence est compatible avec l'application du droit communautaire, pour autant qu'elle ne porte pas atteinte à l'efficacité et à l'uniformité des règles communautaires de la concurrence et de leurs mesures d'exécution. Les conflits, qui peuvent éventuellement surgir à l'occasion de l'application simultanée des droits national et communautaire, doivent être résolus sur la base du principe de la primauté du droit communautaire (7). Ce principe vise à écarter toute mesure nationale de nature à compromettre l'effet utile des dispositions de droit communautaire.

III. Exercice des compétences par la Commission

13. La Commission doit, en tant qu'autorité administrative responsable de la politique de concurrence de la Communauté, servir l'intérêt général de celle-ci. Pour l'exercice de sa mission, la Commission dispose de moyens administratifs nécessairement limités qu'elle ne peut affecter à toutes les affaires qui sont portées à sa connaissance. La Commission est donc tenue de prendre, en général, toutes les mesures d'organisation nécessaires à l'accomplissement de sa mission et, en particulier, de définir des priorités (8).

14. La Commission entend donner la priorité, dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de décision, aux notifications, plaintes ou procédures d'office présentant un intérêt politique, économique ou juridique particulier pour la Communauté. S'agissant des affaires qui ne présentent pas un tel caractère, les notifications peuvent être normalement réglées par lettre administrative, alors que les plaintes devraient en principe trouver leur solution devant les autorités ou juridictions nationales.

15. En effet, la Commission estime que, normalement, il n'y a pas un intérêt communautaire suffisant à poursuivre l'examen d'une affaire lorsque le plaignant est en mesure d'obtenir une protection adéquate de ses droits devant les juridictions nationales (9). Dans ces circonstances, la plainte fera normalement l'objet d'un classement.

16. À cet égard, la Commission tient à préciser que l'application du droit communautaire par les juridictions nationales comporte des avantages considérables pour les particuliers et les entreprises:

- la Commission ne peut accorder d'indemnisation pour les pertes subies du fait d'une infraction aux articles 85 et 86 du traité CEE. Seules les juridictions nationales sont compétentes en la matière; il est probable, en outre, que les entreprises seront plus attentives à ne pas commettre d'infraction au droit communautaire de la concurrence si le risque existe de devoir payer des dommages et intérêts aux victimes de ces infractions,

- les juridictions nationales peuvent, en règle générale, arrêter des mesures provisoires et ordonner de mettre fin aux infractions plus rapidement que la Commission n'est en mesure de le faire,

- devant les juridictions nationales, il est possible de combiner une revendication au titre du droit communautaire et une revendication au titre du droit national, ce qui n'est pas le cas dans une procédure engagée devant la Commission,

- dans certains États membres, les juridictions peuvent ordonner que les honoraires de l'(des) avocat(s) soient remboursés au demandeur ayant obtenu gain de cause, ce qui n'est jamais possible dans une procédure administrative engagée devant la Commission.

IV. Application des articles 85 et 86 du traité CEE par les juridictions nationales

17. Le juge national peut être appelé à se prononcer sur l'application des articles 85 et 86 du traité CEE dans plusieurs situations procédurales. Lorsqu'il s'agit de procédures de droit civil, deux types d'action sont particulièrement fréquents: l'action contractuelle et l'action en dommages et intérêts. Dans la première, la partie défenderesse se prévaut normalement de l'article 85 paragraphe 2 pour contester les obligations contractuelles invoquées par la partie demanderesse. Dans la seconde, les interdictions des articles 85 et 86 sont en général pertinentes pour déterminer si le comportement qui a donné lieu au dommage allégué est illégal.

18. Dans ce genre de circonstances, l'effet direct de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 du traité CEE confère aux juridictions nationales suffisamment de compétences pour satisfaire à leur obligation de statuer. Toutefois, lorsqu'elles exercent ces compétences, elles doivent tenir compte des compétences de la Commission afin d'éviter des décisions qui pourraient aller à l'encontre de celles prises ou envisagées par celle-ci pour l'application de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 et également de l'article 85 paragraphe 3 (10).

19. La Cour de justice a développé dans sa jurisprudence plusieurs principes qui permettent d'éviter de telles décisions contradictoires (11). La Commission estime que les juridictions nationales pourraient tenir compte de ces principes de la façon suivante.

1. Application de l'article 85 paragraphes 1 et 2 ainsi que de l'article 86 du traité CEE

20. La première question qui se pose aux juridictions nationales est celle de savoir si les ententes ou pratiques litigieuses sont contraires aux interdictions prévues à l'article 85 paragraphe 1 et à l'article 86 du traité CEE. Avant de répondre à cette question, les juridictions nationales devraient rechercher si ces ententes ou pratiques ont déjà fait l'objet d'une décision, d'un avis ou d'une autre prise de position émanant d'une autorité administrative et notamment de la Commission. Ces actes offrent aux juridictions nationales des éléments importants pour leur jugement, même s'ils ne les lient pas formellement. À cet égard, il convient de signaler que les procédures devant la Commission n'aboutissent pas toujours à des décisions officielles, mais que les affaires peuvent également être classées par des lettres administratives. S'il est vrai que la Cour de justice a jugé que ce genre de lettres ne lie pas les juridictions nationales, elle a néanmoins précisé que l'opinion exprimée par les services de la Commision constitue un élément de fait qu'elles peuvent prendre en compte dans leur examen de la conformité des accords ou des comportements en cause avec les dispositions de l'article 85 (12).

21. Si la Commission n'a pas pris position sur la même entente ou pratique, les juridictions nationales peuvent toujours se référer, pour l'interprétation du droit communautaire en cause, à la jurisprudence de la Cour de justice et à la pratique décisionnelle de la Commission. C'est dans cette perpective que la Commission a publié plusieurs communications générales définissant certaines catégories d'accords qui ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE (13).

22. Sur ces bases, les juridictions nationales devraient en général être en mesure de se prononcer sur la compatibilité des comportements litigieux avec l'article 85 paragraphe 1 et l'article 86 du traité CEE. Toutefois, lorsque la Commission a engagé une procédure dans une affaire relative aux mêmes comportements, elles peuvent surseoir à statuer en attendant l'issue de l'action de la Commission, si elles l'estiment nécessaire pour des motifs de sécurité juridique (14). Un tel sursis peut également être envisagé lorsque les juridictions nationales désirent interroger la Commission conformément aux modalités exposées dans la présente communication (15). Finalement, lorsque les juridictions nationales éprouvent des doutes persistants sur les questions de compatibilité, elles peuvent surseoir à statuer afin de saisir la Cour de justice, conformément à l'article 177 du traité.

23. En revanche, si les juridictions nationales décident de se prononcer et arrivent à la conclusion que les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 ne sont pas remplies, il leur appartient de poursuivre la procédure sur cette base, même si l'entente ou la pratique litigieuse a été notifiée à la Commission. Lorsque l'examen des faits révèle que les conditions d'application sont réunies, les juridictions nationales constatent que le comportement litigieux viole le droit communautaire de la concurrence et prennent les mesures appropriées, y compris celles relatives aux conséquences que le droit civil applicable attache à la violation d'une interdiction légale.

2. Application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE

24. Lorsqu'une juridiction nationale constate qu'une entente tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, elle examine si l'entente fait ou fera l'objet d'une exemption accordée par la Commission au titre de l'article 85 paragraphe 3. À cet égard, plusieurs cas de figure peuvent se présenter.

25. a) La juridiction nationale est tenue de respecter les décisions d'exemption prises par la Commission. Par conséquent, elle doit considérer l'entente concernée comme compatible avec le droit communautaire et en reconnaître les effets de droit civil. Dans ce contexte, il convient de signaler l'existence de lettres administratives par lesquelles les services de la Commission ont déclaré que les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE étaient réunies. La Commission estime que les juridictions nationales peuvent tenir compte de ces lettres comme un élément de fait.

26. b) Les ententes qui tombent dans le champ d'application d'un règlement d'exemption par catégorie sont exemptées de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sans que la Commission ait à intervenir par une décision ou une lettre administrative (16).

27. c) Les ententes qui ne sont pas visées par un règlement d'exemption par catégorie et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision d'exemption individuelle ou d'une lettre administrative doivent, selon la Commission, être examinées de la façon suivante.

28. Tout d'abord, il appartient à la juridiction nationale d'examiner s'il est satisfait aux conditions de procédure nécessaires pour l'obtention d'une exemption, notamment si l'entente a été régulièrement notifiée, conformément à l'article 4 paragraphe 1 du règlement n° 17. En l'absence d'une telle notification et sous réserve de l'article 4 paragraphe 2 dudit règlement, l'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE est exclue, de sorte que le juge national peut se prononcer, en vertu de l'article 85 paragraphe 2, sur la nullité de l'entente.

29. Si l'entente a été dûment notifiée à la Commission, la juridiction nationale appréciera la probabilité qu'une exemption puisse être accordée dans le cas d'espèce, compte tenu des critères développés à cet égard par la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance ainsi que par la pratique réglementaire et décisionnelle de la Commission.

30. Lorsque la juridiction nationale aura acquis de cette façon la certitude que l'entente litigieuse ne peut faire l'objet d'une exemption individuelle, elle prendra les mesures nécessaires pour satisfaire aux exigences de l'article 85 paragraphes 1 et 2 du traité CEE. En revanche, lorsqu'elle considérera qu'une telle exemption est possible, la juridiction nationale suspendra la procédure en attendant que la Commission se prononce. Dans cette hypothèse, elle peut néanmoins adopter, selon les modalités du droit national applicable, les mesures provisoires qu'elle estime nécessaires.

31. À cet égard, il convient de préciser que ces principes ne s'appliquent pas aux ententes qui existaient avant l'entrée en vigueur du règlement n° 17 ou avant que ce règlement ne devienne applicable du fait de l'adhésion d'un nouvel État membre et qui ont été dûment notifiées à la Commission. Les juridictions nationales doivent considérer ces ententes comme valides aussi longtemps que la Commission ou les autorités des États membres n'ont pas pris de décision d'interdiction ou envoyé aux parties une lettre administrative les informant du classement du dossier (17).

32. La Commission reconnaît que les principes développés ci-dessus pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE par les juridictions nationales sont complexes et, parfois, insuffisants pour qu'elles puissent exercer correctement leur fonction judiciaire. Il en va ainsi notamment lorsque l'application concrète de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 soulève des difficultés juridiques ou économiques, lorsque la Commission a engagé une procédure dans la même affaire ou lorsqu'il s'agit d'une entente susceptible de faire l'objet d'une exemption individuelle au sens de l'article 85 paragraphe 3. Dans ces cas, les juridictions nationales peuvent saisir la Cour de justice à titre préjudiciel, conformément à l'article 177. Elles peuvent également faire appel à l'assistance de la Commission, selon les modalités élaborées ci-dessous.

V. Coopération entre les juridictions nationales et la Commission

33. L'article 5 du traité CEE pose le principe d'une coopération permanente et loyale entre la Communauté et les États membres en vue d'atteindre les objectifs du traité, y compris l'article 3 point f) qui vise l'instauration d'un système assurant que la concurrence ne soit pas faussée dans le marché commun. Ce principe comporte des obligations et des devoirs d'assistance mutuelle, tant pour les États membres que pour les institutions de la Communauté. C'est ainsi que la Cour de justice a jugé que la Commission est tenue, en vertu de l'article 5 du traité, à une obligation de coopération loyale avec les autorités judiciaires des États membres chargées de veiller à l'application et au respect du droit communautaire dans l'ordre juridique national (18).

34. La Commission estime que cette coopération est essentielle pour garantir une application à la fois rigoureuse, efficace et cohérente du droit communautaire de la concurrence. En outre, une participation plus efficace des juridictions nationales à l'application quotidienne de ce droit permet à la Commission de se consacrer davantage à sa tâche administrative, à savoir l'orientation de la politique de concurrence dans la Communauté.

35. À la lumière de ces considérations, la Commission compte contribuer au renforcement de la coopération avec les juridictions nationales de la façon suivante.

36. La Commission mène sa politique de manière à donner aux milieux intéressés des indications utiles pour l'application des règles de concurrence. À cette fin, elle poursuivra sa politique en matière de règlements d'exemption et de communications générales. Ces textes généraux fournissent, de même que la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, la pratique décisionnelle de la Commission et les rapports annuels sur la politique de concurrence, autant d'éléments de droit dérivé ou d'explications qui peuvent aider les juridictions nationales dans l'examen des affaires individuelles.

37. Si ces indications générales ne suffisent pas, les juridictions nationales ont la possibilité, dans les limites de leur droit national de procédure, de s'adresser à la Commission, et notamment à sa direction générale de la concurrence, afin de demander les informations suivantes. Il s'agit en premier lieu de renseignements d'ordre procédural qui permettent de savoir si une certaine affaire est pendante devant la Commission, si une affaire a fait l'objet d'une notification, si la Commission a officiellement engagé la procédure ou si elle s'est déjà prononcée par une décision officielle ou par le biais d'une lettre administrative de ses services. En cas de besoin, les juridictions nationales peuvent également demander à la Commission un avis sur les délais probables de l'octroi ou du refus d'une exemption individuelle pour les accords ou les pratiques notifiés, en vue de déterminer les conditions d'une éventuelle décision de sursis à statuer ou la nécessité d'adopter des mesures provisoires (19). La Commission s'efforcera, pour sa part, de traiter de façon prioritaire les affaires qui font l'objet de procédures nationales ainsi suspendues, notamment lorsque l'issue d'un litige civil en dépend.

38. Ensuite, les juridictions nationales peuvent consulter la Commission sur des questions juridiques. Lorsque l'application de l'article 85 paragraphe 1 et de l'article 86 du traité CEE leur cause des difficultés particulières, elles ont la possibilité de consulter la Commission sur sa pratique établie concernant le droit communautaire en cause. Pour ce qui concerne les articles 85 et 86, il s'agit notamment des conditions d'application de ces articles relatives à l'affectation du commerce entre États membres et au caractère sensible de la restriction de la concurrence résultant des pratiques énumérées dans ces dispositions. Dans ses réponses, la Commission n'aborde pas le fond de l'affaire. En outre, lorsqu'elles éprouvent des doutes sur la possibilité qu'une entente litigieuse puisse bénéficier d'une exemption individuelle, elles peuvent demander à la Commission de leur communiquer un avis provisoire. Si la Commission répond qu'une exemption est improbable dans le cas d'espèce, les juridictions nationales pourront renoncer au sursis à statuer et se prononcer sur la validité de l'entente.

39. Les réponses données par la Commission ne lient pas les juridictions qui les ont demandées. Dans ces réponses, la Commission précise que sa position n'est pas définitive et que le droit de la juridiction nationale de saisir la Cour de justice, conformément à l'article 177 du traité CEE, n'est aucunement affecté. Cependant, la Commission estime que ces réponses peuvent fournir une aide utile pour la résolution des litiges.

40. Enfin, les juridictions nationales peuvent se renseigner auprès de la Commission pour ce qui concerne les données factuelles: statistiques, études de marché et analyses économiques. La Commission s'efforcera de communiquer ces données, dans les limites précisées au paragraphe 41, ou indiquera la source où ces données peuvent être obtenues.

41. Il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que la Commission réponde aux demandes d'informations juridiques et factuelles dans les meilleurs délais. Toutefois, la Commission ne peut donner une suite favorable à ces demandes que lorsqu'il est satisfait à plusieurs conditions. D'abord, il faut que les données requises se trouvent effectivement à sa disposition. Ensuite, la Commission ne peut les communiquer que dans la mesure où le principe général de diligence administrative le lui permet.

42. Ainsi, l'article 214 du traité CEE, tel que précisé à l'article 20 du règlement n° 17 pour les règles de concurrence, oblige la Commission à ne pas divulguer des informations de caractère confidentiel. En outre, l'obligation de coopération loyale découlant de l'article 5 du traité CEE vise la relation entre les juridictions nationales et la Commission et ne saurait concerner la position des parties au litige pendant devant ces juridictions. La Commission se doit, en tant qu'amicus curiae, de respecter la neutralité et l'objectivité judiciaires. Par conséquent, elle ne donnera une suite favorable aux demandes d'informations que lorsqu'elles émanent d'une juridiction nationale, soit directement, soit indirectement, par le truchement des parties qui ont été chargées par la juridiction concernée de fournir certaines informations. Dans la dernière hypothèse, la Commission fera en sorte que sa réponse parvienne à toutes les parties au litige.

43. Au-delà de ces échanges d'informations nécessaires, mais ponctuels, la Commission est soucieuse de développer, dans toute la mesure du possible, une politique d'information plus générale. Dans cette perspective, la Commission entend publier une brochure explicative relative à l'application des règles de concurrence au plan national.

44. Enfin, la Commission désire également renforcer l'effet des jugements nationaux rendus en matière de concurrence. À cette fin, elle étudiera la possibilité d'étendre le champ d'application de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale aux affaires de concurrence attribuées aux juridictions administratives (20). Il est à noter que, selon la Commission, les jugements en matière de concurrence relèvent déjà de cette convention lorsqu'ils sont rendus dans des affaires de nature civile et commerciale.

VI. Remarques finales

45. La présente communication ne s'applique pas aux règles de concurrence visant le secteur des transports (21). Elle ne s'applique pas non plus aux règles de concurrence du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

46. La présente communication est publiée à titre indicatif et ne limite en aucune manière les droits conférés aux particuliers et aux entreprises par le droit communautaire.

47. La présente communication ne porte pas atteinte aux interprétations des règles communautaires de concurrence données par la Cour de justice des Communautés européennes.

48. Un résumé des réponses données par la Commission conformément à cette communication sera publié annuellement dans le rapport sur la politique de la concurrence.

(1) Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil 1991, I p. 935, point 44 des motifs); AUTOMEC contre Commission, affaire T-24/90 (arrêt du 17 septembre 1992, non encore publié, points 73 et 85 des motifs)

(2) BRT contre SABAM, affaire 127/73 (Recueil 1974, p. 51, point 16 des motifs).

(3) Voir à cet égard LTM contre MBU, affaire 56/65 (Recueil 1966, p. 337); Brasserie De Haecht contre Wilkin-Janssen, affaire 48/72 (Recueil 1973, p. 77); Ciments et Bétons contre Kerpen et Kerpen, affaire 319/82 (Recueil 1983, p. 4173).

(4) Règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62).

(5) Fonderies de Roubaix contre Fonderies Roux, affaire 63/75 (Recueil 1976, p. 111); Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil 1991, I, p. 935).

(6) Rewe contre Hauptzollamt Kiel, affaire 158/80 (Recueil 1981, p. 1805 et p. 1838); voir également Rewe contre Landwirtschaftskammer Saarland, affaire 33/76 (Recueil 1976, p. 1989); Harz contre Deutsche Tradax, affaire 79/83 (Recueil 1984, p. 1921); Administration des finances de l'État italien contre San Giorgio, affaire 199/82 (Recueil 1983, p. 3595).

(7) Voir Walt Wilhelm contre Bundeskartellamt, affaire 14/68 (Recueil 1969, p. 1); Procureur de la République contre Giry et Guerlain, affaires 253/78 et 1 à 3/79 (Recueil 1980, p. 2327).

(8) AUTOMEC contre Commission, affaire T-24/90 (arrêt du 17 septembre 1992, non encore publié, point 77 des motifs).

(9) AUTOMEC contre Commission, affaire T-24/90 (arrêt du 17 septembre 1992, non encore publié, points 91 à 94 des motifs).

(10) Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil I, p. 935, point 47 des motifs).

(11) Brasserie de Haecht contre Wilkin-Janssen, affaire 48/72 (Recueil 1973, p. 77); BRT contre SABAM, affaire 127/73 (Recueil 1974, p. 51); Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil 1991, I, p. 935).

(12) Lancôme contre Etos, affaire 99/79 (Recueil 1980, p. 2511, point 11 des motifs).

(13) Voir les communications sur:

- les contrats de représentation exclusive avec des agents commerciaux (JO n° 139 du 24. 12. 1962, p. 2921/62),

- les accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises (JO n° C 75 du 29. 7. 1968, p. 3, rectifiée au JO n° C 84 du 28. 8. 1968, p. 14),

- l'évaluation de certains contrats d'approvisionnement (JO n° C 1 du 3. 1. 1979, p. 2),

- les accords d'importance mineure (JO n° C 231 du 12. 9. 1986, p. 2).

(14) BRT contre SABAM, affaire 127/73 (Recueil 1974, p. 51, point 21 des motifs). La procédure devant la Commission est engagée par un acte d'autorité. Un simple accusé de réception ne peut être qualifié d'un tel acte.

Brasserie de Haecht contre Wilkin-Janssen, affaire 48/72 (Recueil 1973, p. 77, points 16 et 17 des motifs).

(15) Voir Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil 1991, I, p. 935, point 53 des motifs; voir le paragraphe 5 de la présente communication).

(16) La liste des règlements pertinents ainsi que des communications officielles y afférentes figure à l'annexe.

(17) Brasserie de Haecht contre Wilkin-Janssen, affaire 48/72 (Recueil 1973, p. 77); De Bloos contre Boyer, affaire 59/77 (Recueil 1977, p. 2359); Lancôme contre Etos, affaire 99/79 (Recueil 1980, p. 2511).

(18) Zwartveld, affaire C-2/88 Imm (Recueil 1990, I, p. 3365, point 8 des motifs); Delimitis contre Henninger Bräu, affaire C-234/89 (Recueil 1991, I, p. 935, point 53 des motifs).

(19) Voir les paragraphes 22 et 30 de la présente communication.

(20) Convention du 27 septembre 1968 (JO n° L 304 du 30. 10. 1978, p. 77).

(21) Règlement n° 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports (JO n° 124 du 28. 11. 1962, p. 2751/62), modifié par les règlements n° 165/65/CEE (JO n° 210 du 11. 12. 1965, p. 314/65) et n° 1002/67/CEE (JO n° 306 du 16. 12. 1967, p. 1); règlement (CEE) n° 1017/68 du Conseil, du 19 juillet 1968, sur l'application des règles de concurrence au domaine du transport ferroviaire, routier et fluvial (JO n° L 175 du 23. 7. 1968, p. 1); règlement (CEE) n° 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, sur les détails de l'application des articles 85 et 86 du traité au transport maritime (JO n° L 378 du 31. 12. 1986, p. 4); règlement (CEE) n° 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, sur les détails de l'application des règles de concurrence aux entreprises de transport aérien (JO n° L 374 du 31. 12. 1987, p. 1).

ANNEXE

EXEMPTIONS PAR CATÉGORIE

A. RÈGLEMENTS D'HABILITATION DU CONSEIL

I. Accords verticaux (voir les points B.I et B.II ci-dessous)

Règlement n° 19/65/CEE du Conseil, du 2 mars 1965, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées (JO n° 36 du 6. 3. 1965, p. 533/65).

II. Accords horizontaux (voir le point B.III ci-dessous)

Règlement (CEE) n° 2821/71 du Conseil, du 20 décembre 1971, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées, modifié par le règlement (CEE) n° 2743/72 du 19 décembre 1972 (JO n° L 285 du 29. 12. 1971, p. 46; JO n° L 291 du 28. 12. 1972, p. 144).

B. RÈGLEMENTS D'EXEMPTION PAR CATÉGORIES ET COMMUNICATIONS DE LA COMMISSION

I. Accords de distribution

1. Règlement (CEE) n° 1983/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant les accords de distribution exclusive (JO n° L 173 du 30. 6. 1983, p. 1).

2. Règlement (CEE) n° 1984/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant les accords d'achat exclusif (JO n° L 173 du 30. 6. 1983, p. 5).

3. Communication relative aux règlements (CEE) n° 1983/83 et (CEE) n° 1984/83 de la Commission (JO n° C 101 du 13. 4. 1983, p. 2).

4. Règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant les accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO n° L 15 du 18. 1. 1985, p. 16).

5. Communication de la Commission concernant son règlement (CEE) n° 123/85 (JO n° C 17 du 18. 1. 1985, p. 4).

6. Communication de la Commission sur la clarification de l'activité des intermédiaires en automobile (JO n° C 329 du 18. 12. 1991, p. 20).

II. Accords de licence et de franchise

1. Règlement (CEE) n° 2349/84 de la Commission, du 23 juillet 1984, concernant les accords de licence de brevets (JO n° L 219 du 16. 8. 1984, p. 15, rectifié au JO n° L 280 du 22. 10. 1985, p. 32).

2. Règlement (CEE) n° 4087/88 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant les accords de franchise (JO n° L 359 du 28. 12. 1988, p. 46).

3. Règlement (CEE) n° 556/89 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant les accords de licence de savoir-faire (JO n° L 61 du 4. 3. 1989, p. 1).

III. Accords de coopération

1. Règlement (CEE) n° 417/85 de la Commission, du 19 décembre 1984, concernant les accords de spécialisation (JO n° L 53 du 22. 2. 1985, p. 1).

2. Règlement (CEE) n° 418/85 de la Commission, du 19 décembre 1984, concernant les accords de recherche et de développement (JO n° L 53 du 22. 2. 1985, p. 5).

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