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Document 62011CJ0517

Judgment of the Court (Fourth Chamber) of 7 February 2013.
European Commission v Hellenic Republic.
Failure of a Member State to fulfil obligations — Directive 92/43/EEC — Conservation of natural habitats — Article 6(2) — Deterioration and pollution of Lake Koroneia — Protection — Inadequacy of the measures taken — Directive 91/271/EEC — Urban waste-water treatment — Articles 3 and 4(1) and (3) — Agglomeration of Langada — System for the collection and treatment of urban waste-water — ‘Absence’.
Case C‑517/11.

European Court Reports 2013 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:66

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

7 février 2013 (*)

«Manquement d’État – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels – Article 6, paragraphe 2 – Détérioration et pollution du lac Koroneia – Protection – Insuffisance des mesures prises – Directive 91/271/CEE – Traitement des eaux urbaines résiduaires –Articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3 – Agglomération de Langadas – Système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires –‘Absence’»

Dans l’affaire C‑517/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 7 octobre 2011,

Commission européenne, représentée par Mmes M. Patakia et S. Petrova, ainsi que par MM. B. D. Simon et L. Banciella, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Me E. Skandalou, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 novembre 2012,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’‘espèces pour lesquels la zone de protection spéciale (ci-après la «ZPS») GR 1220009 a été classée et en n’ayant pas mis en place un système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires pour l’agglomération de Langadas, la République hellénique a manqué, respectivement, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, ainsi qu’aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40).

 Le cadre juridique

 La directive 92/43

2        L’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 dispose:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive».

3        L’article 7 de cette directive prévoit:

«Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1)] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive [...].»

 La directive 2009/147/CE)

4        La directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7) a abrogé et codifié la directive 79/409.

5        L’article 4 de la directive 2009/147 dispose:

«1.      Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte:

a)      des espèces menacées de disparition;

b)      des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats;

c)      des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte;

d)      d’autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat.

[...]

2.      Les États membres prennent des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. À cette fin, les États membres attachent une importance particulière à la protection des zones humides et tout particulièrement de celles d’importance internationale.

[...]

4.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. En dehors de ces zones de protection, les États membres s’efforcent également d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats.»

6        En vertu de l’article 18, second alinéa, de la directive 2009/147, la référence faite à l’article 4 de la directive 79/409 abrogée s’entend comme faite à l’article 4 de la directive 2009/147.

7        L’article 19 de la directive 2009/147 prévoit:

«La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne

 La directive 91/271

8        L’article 3 de la directive 91/271 est libellé comme suit:

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

et

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2 000 et 15 000.

Pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des ‘zones sensibles’, telles que définies à l’article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10 000.

Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.

2.      Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I point A. Ces prescriptions peuvent être modifiées selon la procédure prévue à l’article 18.»

9        Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de cette directive:

«1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2 000 et 10 000.

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B. Ces prescriptions peuvent être modifiées selon la procédure prévue à l’article 18.»

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

10      Le lac Koroneia (ou Langadas) est situé dans le département (nome) de Thessalonique, près de la commune de Langadas. En 1988, il a été inclus, notamment, dans la ZPS GR 1220009, «lacs Volvi et Langadas et Gorges de Rendina», conformément à la directive 79/409. Le lac Koroneia constitue également une zone humide d’importance internationale en vertu de la Convention internationale de Ramsar du 2 février 1971, liée à la conservation et à l’exploitation durable des zones humides. Cette zone abrite de nombreuses espèces d’oiseaux protégés au sens, successivement, de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 79/409 et de la directive 2009/147.

11      À la suite d’une procédure précontentieuse engagée par la Commission en 2003, ayant pour objet, notamment, la détérioration et l’absence de mesures de protection du lac Koroneia, les autorités grecques ont instauré, au cours de l’année 2004, un régime de protection de ladite ZPS et ont arrêté par la suite 21 actions considérées comme nécessaires à la réhabilitation du lac Koroneia dans le cadre d’un plan directeur élaboré par la préfecture de Thessalonique.

12      Au nombre de ces actions figurent, notamment, les actions suivantes:

«(6)      Financement des investissements privés pour les déchets salins.

[...]

(8)      Élaboration d’une étude sur les projets de réseaux collectifs d’irrigation et d’enrichissement de l’aquifère non confiné du lac Koroneia.

[...]

(11)      Projets de construction de réservoirs de maturation.

[...]

(17)      Élaboration d’un plan de gestion et d’un programme de surveillance intégré du parc national des lacs Koroneia – Volvi et Makedonikon Tempon.

(18)      Réexamen des conditions environnementales des industries polluantes de la région de Langadas.

[...]

(20)      Fermeture définitive des forages ‘illégaux’, dont le nombre est estimé à 2 200, et nouveau contrôle des autorisations de forage.

(21)      Limitation de l’irrigation à un niveau satisfaisant par la promotion et l’application de mesures dissuasives, de nouvelles technologies et par le changement de pratiques d’irrigations.»

13      Estimant que les mesures effectivement prises par les autorités grecques étaient insuffisantes, la Commission a, par lettre du 21 décembre 2007, demandé à la République hellénique des informations à cet égard.

14      N’étant pas satisfaite de la réponse obtenue, la Commission a, le 26 juin 2009, engagé une seconde procédure précontentieuse portant sur la détérioration ainsi que sur l’absence de mesures de protection du lac Koroneia et mis la République hellénique en demeure de présenter ses observations.

15      Après examen des observations reçues en réponse à la lettre de mise en demeure, la Commission a, le 7 mai 2010, transmis un avis motivé à cet État membre l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

16      Ce dernier a répondu à l’avis motivé, le 2 juillet 2010, en communiquant des informations et des données sur l’ensemble des mesures prises par les services compétents pour la réhabilitation du lac Koroneia.

17      Considérant que la République hellénique n’avait pas suffisamment progressé dans la mise en œuvre des mesures nécessaires, la Commission a, le 7 octobre 2011, introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Sur la violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci

 Argumentation des parties

18      La Commission soutient que la République hellénique n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’ensemble des 21 actions prévues dans le plan directeur visé au point 11 du présent arrêt pour assurer la réhabilitation du lac Koroneia, et plus précisément les actions liées à la fermeture des forages illégaux, à l’irrigation, au rejet des déchets industriels et au plan de gestion ainsi qu’au programme de surveillance intégré du parc national des lacs Koroneia-Volvi et Makedonikon Tempon. Dès lors, l’État membre défendeur n’aurait pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration et la pollution du lac Koroneia ainsi que leurs effets sur les espèces prioritaires pour lesquelles la ZPS a été classée.

19      Les actions 6, 8, 11, 17, 18, 20 et 21, évoquées à titre d’exemples par la Commission afin d’illustrer les lacunes dans la mise en œuvre du système de protection de la ZPS, n’auraient pas encore été menées à bien. Ainsi:

–        il n’aurait pas encore été mis fin à l’exploitation de l’ensemble des forages illégaux (action 20), ce qui continuerait à affecter considérablement de nombreuses espèces d’oiseaux présentes dans la ZPS;

–        les mesures prises pour limiter l’irrigation à un niveau satisfaisant demeureraient insuffisantes (action 21);

–        l’étude sur les projets de réseaux collectifs d’irrigation et d’enrichissement de l’aquifère non confiné du lac Koroneia (action 8) n’aurait pas été adoptée;

–        aucune mesure n’aurait été prise pour mettre en œuvre le financement des investissements privés pour les déchets salins (action 6), les autorités grecques invoquant le manque d’intérêt des entreprises concernées;

–        le projet de construction de réservoirs de maturation n’aurait pas encore démarré (action 11);

–        le réexamen des conditions environnementales des industries polluantes de la région de Langadas n’aurait pas été mené à bien (action 18). En effet, quatre industries, dont les conditions environnementales n’auraient pas été réexaminées, continueraient à fonctionner illégalement malgré la décision de fermeture dont elles font l’objet;

–        le plan de gestion et le programme de surveillance intégré du parc national des lacs Koroneia-Volvi et Makedonikon Tempon n’auraient pas encore été adoptés par les autorités compétentes (action 17).

20      Par ailleurs, certains agriculteurs de la région, profitant de l’assèchement du lac, auraient occupé environ 10 km2 des terres qui en faisaient jadis partie.

21      La République hellénique soutient que, en se fondant sur les actions du plan directeur qui n’ont pas été achevées, la Commission méconnaît le fait que les mesures adoptées à ce jour ont permis de renverser le cours de la dégradation du lac Koroneia.

22      Cet État membre fait observer, premièrement, que, sur les 1 440 forages, 44 ont été fermés et environ 400 doivent être arrêtés après le lancement des projets relevant de l’action 8. Cependant, la date exacte d’arrêt ne pourrait être déterminée, du fait de la suspension du financement de ces projets (action 20).

23      Deuxièmement, afin d’améliorer l’équilibre aquatique, la République hellénique entend établir un cadre contraignant pour une gestion raisonnable de l’eau. En ce qui concerne la limitation de l’irrigation (action 21), des mesures auraient déjà été prises en ce sens. Une fois achevée la procédure d’autorisation des forages existants, et une fois mis en place le suivi de l’eau prélevée, tant avec l’installation des hydromètres qu’avec le suivi du fonctionnement du réseau d’irrigation, ainsi qu’avec l’application du code des bonnes pratiques agricoles, il serait possible d’envisager d’autres mesures éventuelles tendant à diminuer davantage les prélèvements d’eau.

24      Troisièmement, les projets de réseaux collectifs d’irrigation et d’enrichissement de l’aquifère non confiné du lac Koroneia (action 8), qui ont donné lieu à l’adoption, le 16 février 2011, de la décision d’approbation des conditions environnementales, permettraient aux agriculteurs de bénéficier de réseaux collectifs qui amélioreraient la situation actuelle. Le fonctionnement de ces projets satisferait désormais les besoins d’irrigation de la zone tout en contribuant à la cessation définitive d’un grand nombre de forages.

25      Quatrièmement, l’action 18 serait achevée du fait de la cessation d’activités de 19 entreprises sur 28 nécessitant beaucoup d’eau, les 9 autres opérant légalement sur la base des nouvelles conditions environnementales.

26      Cinquièmement, s’agissant de l’action 6, aucune entreprise n’aurait manifesté d’intérêt pour se soumettre à la législation sur les investissements. Cependant, l’action aurait été prise en charge par les organes compétents dans le cadre du réexamen des conditions environnementales des entreprises de la zone, de sorte que, aujourd’hui, les neuf entreprises qui y opèrent seraient soumises à des conditions environnementales agréées. Par conséquent, ce grief serait dépourvu d’objet.

27      Sixièmement, les réservoirs de maturation (action 11) n’auraient pas été construits en raison de l’échec des appels d’offres qui ont été lancés.

28      Septièmement, le plan quinquennal de gestion du parc national des lacs Koroneia-Volvi ainsi que (action 17) le règlement d’administration et de fonctionnement de la zone protégée auraient été établis par l’organisme de gestion des lacs et soumis à l’autorité compétente pour contrôle et approbation. En ce qui concerne le programme de surveillance intégré du parc national des lacs Koroneia-Volvi et de la vallée de Makedonika Tempi, il se déroulerait normalement. Le programme de suivi de la faune aviaire aurait abouti à la conclusion que, à partir de la fin de l’année 2009 et jusqu’à ce jour, la situation hydrologique du lac aurait connu une amélioration significative grâce aux projets d’amélioration des caractéristiques hydromorphologiques des lacs et du fonctionnement interactif d’un fossé de jonction. La présence d’eau dans le lac, parfois profonde et très étendue, aurait facilité l’établissement d’espèces permanentes et migratrices. En comparaison avec les années précédentes, il aurait été constaté, au cours des années 2010 et 2011, un plus grand nombre d’espèces de référence.

29      La République hellénique considère que les mesures déjà prises fournissent ou visent en tout cas à fournir une protection suffisante des habitats et des habitats d’espèces. Les principaux éléments établissant l’absence de violation des obligations découlant des dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 et de l’article 7 de la même directive seraient les suivants:

–        l’amélioration des indicateurs physico-chimiques de la qualité des eaux du lac, grâce essentiellement à la limitation des polluants biomécaniques;

–        l’amélioration des caractéristiques hydromorphologiques du lac;

–        l’apparition d’une tendance positive dans le développement démographique de la population des espèces qui y sont protégées.

30      La République hellénique soutient, au demeurant, que la majeure partie des mesures nécessaires à la réhabilitation environnementale du lac Koroneia a déjà été prise. Le fait que le «plan directeur» de réhabilitation environnementale du lac de Koroneia est encore en cours d’exécution indiquerait que, malgré l’inversion de la tendance dominante, jusqu’il y a peu encore, à la dégradation du lac Koroneia, la République hellénique continuerait de prendre toutes les autres mesures prévues pour optimiser les conditions de préservation et d’amélioration des habitats naturels et des habitats d’espèces.

31      En ce qui concerne l’allégation selon laquelle certains agriculteurs auraient profité de l’assèchement du lac pour occuper les terres qui en faisaient auparavant partie, l’État membre défendeur souligne que les superficies occupées en cause ne couvrent qu’environ 13 ha et non pas 10 km2, comme le prétend la Commission.

 Appréciation de la Cour

32      Il importe de relever que, en ce qui concerne les zones classées en ZPS, l’article 7 de la directive 92/43 prévoit que les obligations découlant de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 79/409 sont remplacées, notamment, par les obligations découlant de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, à partir de la date de mise en application de cette dernière directive ou de la date de classement en vertu de la directive 79/409 si cette dernière date est postérieure (voir arrêts du 13 juin 2002, Commission/Irlande, C‑117/00, Rec. p. I‑5335, point 25; du 20 septembre 2007, Commission/Italie, C‑388/05, Rec. p. I‑7555, point 24, ainsi que du 18 décembre 2007, Commission/Espagne, C‑186/06, Rec. p. I‑12093, point 28).

33      La zone GR 1220009 «lacs Volvi et Langadas et Gorges de Rendina» a été classée en ZPS en 1988. Il s’ensuit que, en l’espèce, l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 trouve à s’appliquer à ladite zone depuis la mise en application de la directive 92/43.

34      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, tout comme l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive 79/409, impose aux États membres de prendre des mesures appropriées pour éviter, dans les ZPS classées conformément au paragraphe 1 de ce dernier article, la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant de manière significative les espèces pour lesquelles les ZPS ont été classées (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 26).

35      Or, il est constant, d’une part, que la ZPS GR 1220009 «lacs Volvi et Langadas et Gorges de Rendina» constitue une zone très importante pour l’alimentation, la nidification, la reproduction, l’hivernage ainsi que le repos de nombreuses espèces mentionnées à l’annexe I de la directive 2009/147 et de nombreuses espèces migratrices. Cette ZPS accueille régulièrement, au nombre desdites espèces, des milliers d’oiseaux aquatiques, notamment des spécimens appartenant aux espèces Pelecanus crispus, Phalacrocorax pygmeus, Podiceps cristatus, Aythya ferina et Aythya fuligula.

36      D’autre part, au cours des 40 dernières années, le niveau de l’eau et de la surface du lac Koroneia a diminué considérablement. En 1970, la surface de ce lac était d’environ 52 km2 et, en 1995, elle était de 44 km2. Au cours de la même période, le volume d’eau dudit lac a diminué de 40 %. Parallèlement, l’écosystème de ce lac a été fortement compromis.

37      Aussi, les autorités grecques ont-elles considéré comme nécessaires à la réhabilitation du lac Koroneia, notamment, les actions rappelées au point 12 du présent arrêt, sans remettre en question, par la suite, une telle nécessité.

38      En l’occurrence, il n’est pas contesté que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, au regard duquel doit être apprécié le prétendu manquement d’État (voir, notamment, arrêt du 14 octobre 2010, Commission/Autriche, C‑535/07, Rec. p. I‑9483, point 22), les actions 8, 11 et 21 n’avaient pas été menées à bien. S’agissant de l’action 17, il découle de la réponse de la République hellénique que le plan de gestion du parc national des lacs Koroneia-Volvi, bien qu’ayant été établi par l’organisme de gestion de ces lacs, n’a pas encore été approuvé par l’autorité compétente. En ce qui concerne l’action 18, à supposer même que, ainsi que le soutient la République hellénique, elle ait été achevée, cet État membre ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle cette action n’a pas été menée à terme dans le délai fixé dans l’avis motivé. Quant à l’action 20, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le nombre de forages devant être fermés, il n’est pas contesté que tous les forages devant, selon ledit État, être fermés ne l’avaient pas été dans le délai imparti. Par ailleurs, la République hellénique reconnaît que des agriculteurs, profitant de l’assèchement du lac, ont occupé 13 ha des terres qui en faisaient jadis partie.

39      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la République hellénique n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces pour lesquels la ZPS en cause a été classée, manquant ainsi aux obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de celle‑ci.

40      La circonstance invoquée par la République hellénique selon laquelle les mesures déjà prises auraient, à partir de l’année 2008 et au plus tard à compter de la réponse à l’avis motivé, favorisé une augmentation de la population des espèces protégées du lac de Koroneia et, à partir de l’année de 2009, entraîné une amélioration significative de la situation hyrologique de ce lac, ainsi qu’une augmentation du nombre d’espèces de référence dans la ZPS concernée, ne saurait remettre en cause le constat établi au point précédent du présent arrêt.

41      En effet, il convient de relever à cet égard que, en tout état de cause, il ressort du rapport sur la mise en œuvre du projet «Réhabilitation du lac Koroneia, sud Thessalonique», élaboré par les autorités grecques compétentes, au mois d’août 2010, que les années 2010 et 2011 seraient les années les plus importantes et les plus déterminantes pour la réalisation des projets concernant la réhabilitation nécessaire de ce lac.

42      Ainsi, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, la République hellénique estimait elle-même que toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations découlant de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de celle‑ci, n’avaient pas encore été prises. Par ailleurs, selon les données fournies par cet État membre, durant la période 2008‑2011, 11 espèces sur les 98 espèces protégées présentes dans la ZPS en cause ont vu leur population diminuer, 32 espèces ont connu une augmentation de leur population, tandis que la population des 55 autres espèces a fluctué d’année en année. Or, de telles données ne sont pas, en tout état de cause, de nature à révéler une tendance clairement positive de l’évolution démographique des populations des espèces concernées.

43      Quant à l’allégation selon laquelle, à partir de l’année 2009, la situation hydrologique du lac Koroneia s’est améliorée de manière significative et le nombre d’espèces de référence y a augmenté, même à la supposer fondée, elle ne saurait suffire, dans le présent contexte, eu égard notamment aux constats figurant aux points 41et 42 du présent arrêt, à démontrer que l’état de conservation de la ZPS en cause était, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, conforme aux exigences posées par l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

44      Par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de celle‑ci, doit être accueilli.

 Sur la violation des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271

 Argumentation des parties

45      La Commission considère que, en n’ayant pas mis en place un système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires pour l’agglomération de Langadas, qui a un EH de 7 215, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4 de la directive 91/271. Le système de collecte des eaux urbaines résiduaires n’aurait été que partiellement achevé, tandis que le système de traitement secondaire de ces eaux n’aurait pas encore été mis en place.

46      La République hellénique soutient que l’installation de traitement des eaux résiduaires de Langadas a été achevée et mise en service le 11 octobre 2011, couvrant 58 % des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Langadas et de Chrysavgi. L’ensemble de la population de la ville de Langadas et de l’unité municipale de Chrysavgi devrait être desservie sous peu, grâce à l’achèvement du réseau d’évacuation séparé.

47      Dans sa réplique, la Commission relève que, en tout état de cause, 42 % des eaux résiduaires ne sont pas collectées et elles sont donc directement rejetées dans le lac, provoquant ainsi une dégradation importante de l’environnement d’un lac déjà soumis à de nombreuses pressions et dont la réhabilitation est nécessaire.

48      Dans sa duplique, la République hellénique soutient que le retard dans l’achèvement du réseau d’évacuation séparé ne constitue pas une violation des articles 3 et 4 de la directive 91/271 depuis que fonctionne l’installation de traitement des eaux urbaines résiduaires, car les 42 % restants des eaux urbaines résiduaires ne sont pas rejetés sans traitement dans le lac, mais sont collectés initialement dans des fosses septiques, d’où ils sont recueillis et transférés pour être traités à l’installation de traitement des eaux urbaines résiduaires de Langadas.

 Appréciation de la Cour

49      Il convient de relever que la République hellénique ne conteste pas qu’un système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires devait être réalisé pour se conformer aux obligations découlant des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 92/271.

50      Or, cet État membre reconnaît que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, le système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires de Langadas n’avait pas encore été achevé.

51      Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les mesures adoptées par la République hellénique à la suite de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, force est de constater que le grief tiré de la violation des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271, est fondé.

52      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit au recours de la Commission.

53      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces pour lesquels la ZPS GR 1220009 a été classée et en n’ayant pas mis en place un système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires pour l’agglomération de Langadas, la République hellénique a manqué, respectivement, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, ainsi qu’aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces pour lesquels la zone de protection spéciale GR 1220009 a été classée et en n’ayant pas mis en place un système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires pour l’agglomération de Langadas, la République hellénique a manqué, respectivement, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, ainsi qu’aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.

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