52008DC0758

Communication de la Commission - Messages clés du rapport «L'emploi en Europe» de 2008 /* COM/2008/0758 final */


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Bruxelles, le 18.11.2008

COM(2008) 758 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Messages clés du rapport «L'emploi en Europe» de 2008

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Messages clés du rapport «L'emploi en Europe» de 2008

1. Introduction et principaux résultats du rapport

La présente communication expose les principaux résultats du rapport «L'emploi en Europe» de 2008. Il s'agit de la vingtième édition de ce rapport, qui est devenu l'un des instruments essentiels utilisés par la Commission européenne pour aider les États membres à analyser, à formuler et à appliquer leurs politiques de l'emploi.

Le rapport sur l'emploi en Europe dresse habituellement le bilan de la situation de l’emploi dans l’Union et se concentre sur un certain nombre de thèmes prioritaires de la politique communautaire en matière d'emploi.

Parmi les principales conclusions du rapport 2008, on peut citer les points suivants:

- L'Union a enregistré des résultats généralement bons en matière d'emploi, avec la création nette de 3,5 millions d'emplois en 2007, une tendance qui s'est poursuivie au premier semestre de 2008, à un rythme toutefois moins soutenu. Cela étant, les risques de retournement à court terme sont considérables en raison des turbulences qui continuent d'agiter les marchés financiers, des corrections toujours plus importantes du marché de l'immobilier et de l'affaiblissement de la croissance du commerce mondial.

- Même s'il est probable qu'un arbitrage devra être opéré à court ou moyen terme entre la croissance de l'emploi et celle de la productivité, un dosage adéquat des politiques peut potentiellement en atténuer les effets.

- Les immigrants récents[1] ont joué un rôle important dans la croissance globale de l'économie et de l'emploi dans l'Union depuis 2000 en contribuant à faire face aux pénuries de main-d'œuvre et de compétences et à accroître la flexibilité du marché du travail. Les États membres septentrionaux et méridionaux se distinguent sur le plan de l'intégration des migrants sur le marché du travail, de la façon dont leurs compétences sont utilisées et de la qualité des emplois qu'ils occupent.

- Les données collectées depuis l'élargissement de 2004 témoignent d'une incidence économique généralement positive de la récente mobilité intracommunautaire et n'indiquent aucune perturbation grave du marché du travail.

- L'examen des données et des études disponibles montre que le concept de qualité de l'emploi, tel qu'il est actuellement préconisé par l'Union, peut encore être amélioré par la prise en compte du salaire et de l'intensité du travail. Les performances globales du marché du travail, la productivité du travail et la qualité de l'emploi ne sont pas des impératifs contraires, mais des facteurs entre lesquels il existe des synergies. Les États membres qui enregistrent les meilleurs résultats en matière de qualité des emplois sont aussi ceux qui se distinguent par leurs taux d'emploi et de productivité.

- Différentes modalités d'acquisition de compétences (éducation formelle, formation professionnelle et expérience pratique) se combinent avec différentes voies d'accès à l'emploi. Afin d'améliorer la qualité de l'adéquation professionnelle, de faciliter les transitions et d'anticiper le processus de changement, il convient d'améliorer à la fois l'étendue et la précision des informations disponibles sur la demande présente et future en matière d'emploi et sur la demande de compétences correspondante.

2. Ralentissement du marché de l'emploi de l'Union après une année 2007 dynamique

Entraînée par les remous des places financières mondiales et la flambée des prix des matières premières et de l'énergie, la croissance économique a marqué le pas vers la fin de 2007. Malgré le tassement progressif de la croissance du PIB de l'Union de quelque 3 % en 2006 et 2007 à un taux estimé de 1,4 % en 2008, l'incidence de ce ralentissement sur le marché du travail a été, au vu des chiffres disponibles au début de l'automne 2008, assez modeste pendant le premier semestre 2008. Cela étant, les perspectives pour l'emploi devraient s'assombrir dans les mois à venir.

La croissance de l'emploi dans l'Union, vigoureuse en 2006 et 2007 où elle s'était établie à 1,6 %, est tombée à 1,3 % en glissement annuel au deuxième trimestre de 2008. Les bons résultats de 2007 sont, à eux seuls, à l'origine de 3,5 millions d'emplois supplémentaires. Toutefois, des différences sensibles commencent à apparaître entre les États membres . Mesurée en glissement annuel, la croissance de l'emploi, qui avait été positive en 2007 dans tous les États membres à l'exception de la Hongrie, a accusé un net recul à la fin du premier semestre 2008 dans plusieurs pays, notamment le Danemark, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Lituanie, l'Espagne, la Suède et le Royaume-Uni.

Malgré les premiers signes de ralentissement de l'économie européenne au second semestre 2007, le taux de chômage est resté stable par rapport à 2007 pendant la première moitié de 2008, témoignant de la résistance du marché de l'emploi aux chocs économiques. En 2007, le taux de chômage est resté en deçà des 10 % dans tous les États membres, à l'exception de la Slovaquie. Le meilleur résultat a été enregistré par les Pays-Bas, où il s'est établi à 3,2 %, tandis qu'il atteignait 11,1 % en Slovaquie. Cependant, un renversement de cette tendance favorable a été observé dans plusieurs États membres, dont l'Espagne, l'Italie, l'Irlande et le Royaume-Uni.

Grâce aux bons chiffres de croissance de 2007, le taux d'emploi global dans l'Union a progressé de près d'un point pour s'établir à 65,4 % en 2007, une performance qui reste toutefois inférieure à l'objectif de Lisbonne de 4,6 points. Le taux d'emploi n'a pas dépassé 58,3 % pour les femmes et 44,7 % pour les travailleurs âgés, alors que la stratégie de Lisbonne prévoit pour ces deux catégories un taux de 60 % et 50 % respectivement d'ici 2010. Eu égard au fléchissement de la croissance de l'emploi, il est donc peu probable que les objectifs de Lisbonne en matière d'emploi soient atteints d'ici 2010, si l'on excepte celui fixé pour les femmes.

Le taux d'emploi global a passé la barre des 70 % dans sept États membres, tandis que six autres n'ont manqué cet objectif que de trois points. Cela étant, en Roumanie, en Italie, en Hongrie, en Pologne et à Malte, il s'est encore établi plus de 10 points au-dessous de l'objectif de 70 %. L'objectif de 60 % fixé pour les femmes a été atteint dans 15 États membres; deux autres États membres s'en sont approchés à moins de trois points. La Grèce, l'Italie et Malte restent en deçà de cet objectif de plus de dix points. Pour ce qui est des travailleurs âgés , l'objectif de 50 % a été atteint par 12 États membres, mais dix autres, dont de grands pays comme la France, l'Italie et la Pologne, ont enregistré pour cette catégorie un taux d'emploi inférieur à 40 %.

La croissance de la productivité du travail (mesurée en PIB réel par personne) reste préoccupante, et elle pourrait encore se dégrader si le ralentissement constaté au premier semestre de 2008 devait persister ou s'amplifier.

En 2007, la croissance de la productivité du travail n'a pas dépassé 0,5 % au Danemark, en Italie, au Luxembourg et en Suède, tandis que la plupart des nouveaux États membres se distinguaient par leur dynamisme à cet égard, les plus fort taux de croissance (plus de 6,5 %) ayant été enregistrés par l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et, en particulier, la Slovaquie. Parmi les plus grands des anciens États membres, la croissance de la productivité du travail a connu un net recul en Allemagne et en France; elle est restée faible en Espagne et en Italie.

L'Union doit se concentrer simultanément sur la création d'emplois et l'accroissement de la productivité du travail si elle veut atteindre ses objectifs en matière économique et sociale.

Bien qu'il n'y ait pas lieu de s'attendre à ce que l'emploi évolue, à long terme, de façon inversement proportionnelle à la productivité du travail, divers facteurs (dont les variations de la productivité globale des facteurs, l'intensité capitalistique de la production, le stock de capital humain et la demande globale) pourraient imposer à court ou à moyen terme un arbitrage entre emploi et croissance de la productivité, dont les effets pourraient toutefois être atténués par des mesures appropriées. De telles mesures requièrent des réformes structurelles, non seulement sur le marché de l'emploi, mais également sur le marché des biens et services et les marchés financiers, ainsi qu'un environnement macroéconomique stable.

3. Immigration en provenance de pays tiers et mobilité intracommunautaire

Les immigrés de pays tiers sur le marché du travail de l'Union européenne: une contribution majeure à la croissance et un enjeu stratégique important

Dans un contexte de vieillissement de la société européenne et d'accroissement des besoins du marché du travail, l'immigration est appelée à s'amplifier dans les décennies à venir. S'il est vrai que l'immigration apporte des solutions, notamment pour ce qui est d'atténuer les effets du vieillissement de la population, de faire face aux pénuries de main-d'œuvre et de compétences et, plus généralement, d'alimenter la croissance économique, elle est aussi source de difficultés.

Les États membres se distinguent par leur histoire en matière d'immigration et par les caractéristiques de l'immigration récente, qui se compose de populations variées du point de vue de la provenance géographique, de l'origine culturelle, du niveau de compétences, des spécificités socioéconomiques et des voies d'entrée sur le territoire de l'Union. Cette diversité, conjuguée à l'hétérogénéité des États membres sur le plan des cadres institutionnels et des réglementations en matière d'immigration, a une incidence variable selon le pays sur l'intégration des immigrants dans le marché du travail .

L'immigration en provenance de pays tiers, dont l'ampleur dépasse largement celle de la mobilité intracommunautaire de citoyens de l'Union, a nettement augmenté ces dernières années, triplant entre le milieu des années 90 et le début des années 2000. Les ressortissants de pays tiers arrivés au cours des sept dernières années représentent en effet près d'un tiers de tous les immigrants de pays tiers en âge de travailler. Dans le même temps, l'immigration s'est diversifiée: les immigrants originaires d'Amérique centrale et d'Amérique du sud sont plus nombreux et les mouvements migratoires vers les pays d'Europe méridionale sont nettement plus importants qu'avant.

Les immigrants récemment arrivés ont largement contribué à la croissance globale de l'économie et de l'emploi (près d'un quart) dans l'Union depuis 2000, sans qu'il y ait eu de répercussions majeures sur les salaires et les emplois nationaux. Ils ont clairement permis de résorber les pénuries de main-d'œuvre et de compétences en étant généralement recrutés dans les secteurs où la demande étaient la plus forte, notamment dans les emplois peu qualifiés. Les données indiquent qu'ils sont généralement, avec les salariés originaires de l'Union, dans un rapport de complémentarité plutôt que de substitution, et qu'ils contribuent à la flexibilité du marché du travail.

Cela étant, l'Union tend encore à attirer principalement des immigrants faiblement qualifiés. Parmi les immigrants récents en âge de travailler, 48 % sont faiblement qualifiés et seulement 20 % sont hautement qualifiés.

L'accès à l'emploi est un élément déterminant de la bonne intégration dans la société d'accueil; or, dans de nombreux États membres, la situation sur le marché du travail est autrement plus difficile pour les immigrants que pour les ressortissants de l'Union: leur taux d'emploi est moins élevé, ils sont souvent plus susceptibles d'être au chômage, ils occupent des emplois de qualité moindre ou pour lesquels ils sont surqualifiés.

Dans les nouveaux pays d'immigration du sud de l'Europe qui ont connu une importante vague d'immigration ces dernières années, les immigrants s'en sortent mieux sur le marché de l'emploi que les ressortissants de l'Union. Dans les autres anciens États membres, où d'autres voies d'immigration ont été comparativement plus importantes, les immigrants connaissent une situation généralement plus difficile sur le marché du travail (du point de vue du taux d'emploi) que les ressortissants de l'Union.

Dans la plupart des États membres, les immigrants récents, particulièrement les femmes et les personnes originaires de certaines régions, mettent beaucoup plus longtemps à prendre pied sur le marché du travail, ce qui peut avoir des répercussions à plus long terme sur leur évolution sur le marché du travail.

En général, les pays d'Europe méridionale semblent mieux réussir à insérer les immigrants dans l'emploi, mais le risque que ces derniers soient surqualifiés ou y occupent des emplois de qualité moindre ou précaires est plus important. Dans les États membres du nord de l'Europe, en revanche, la surqualification des immigrants est moins fréquente, mais les écarts entre immigrants et ressortissants de l'Union y sont plus importants pour ce qui est du taux d'emploi et du taux de participation au marché du travail, et le taux de chômage des immigrants est plus élevé.

Les principaux facteurs qui déterminent les différences entre les États membres en ce qui concerne l'intégration professionnelle des immigrants sont: la voie d'entrée dans le pays d'accueil, le pays d'origine, la maîtrise de la langue du pays d'accueil, l'existence de mesures d'aide et d'intégration à l'arrivée, les rigidités du marché du travail et les restrictions d'accès au marché du travail dans le pays d'accueil, la reconnaissance incomplète des qualifications acquises en dehors de l'Union, le manque d'informations sur le marché du travail et la discrimination. Ces facteurs mettent en lumière les aspects sur lesquels les mesures stratégiques doivent se concentrer pour améliorer l'insertion et l'évolution professionnelles des immigrants.

La mobilité de la main-d'œuvre depuis les récents élargissements: une expérience généralement positive[2]

Quatre ans après l'élargissement de 2004 et plus d'un an après l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, la quasi-totalité des données disponibles indiquent que l'incidence économique de la mobilité intracommunautaire récente a été positive dans l'ensemble, et que cette dernière n'a pas entraîné de perturbations majeures sur le marché de l'emploi, même dans les États membres qui ont connu un afflux relativement important d'immigrants en provenance des nouveaux États membres.

Selon les données, la population des ressortissants de l'UE-10 résidant dans les pays de l'UE-15 pourrait avoir augmenté de plus d'un million, et celle des Roumains et des Bulgares de plus de 850 000 depuis 2003. Ces chiffres sont importants, en particulier si l'on tient compte de la période relativement courte concernée.

Du point de vue de la mobilité récente depuis les pays de l'UE-10, l'Irlande et le Royaume-Uni ont été les principaux pays d'accueil, ainsi que, dans une moindre mesure, l'Autriche et l'Allemagne.

Les flux en provenance de la Bulgarie et de la Roumanie se sont essentiellement dirigés vers l'Espagne et l'Italie, et étaient majoritairement formés de ressortissants roumains, un processus qui avait commencé bien avant l'adhésion de ces deux pays en 2007.

Par rapport à la taille de leur population, la Roumanie et la Bulgarie ont également été les principaux pays d'émigration, avec la Lituanie, Chypre, la Pologne, la Lettonie, la Slovaquie, l'Estonie et le Portugal, tandis que le phénomène a été beaucoup moins marqué dans les autres nouveaux États membres.

En dépit de leur notable ampleur, les flux migratoires intracommunautaires n'ont jamais pris les dimensions du «raz-de-marée» que craignaient à l'origine certains observateurs. Entre 2003 et 2007, la part moyenne de la population des ressortissants de l'UE-10 résidant dans l'UE-15 est passée d'environ 0,2 % à 0,5 %.

Sur la même période, la population des ressortissants roumains et bulgares résidant sur le territoire de l'UE-15 est passée de 0,1 % à 0,4 %, une évolution qui avait commencé bien avant 2007. Comparativement, la part des nationaux de l'UE-15 établis dans un autre pays de l'UE-15 a progressé de 1,5 % à 1,7 %, tandis que celle des ressortissants de pays tiers passait de 3,6 % à 4,3 %.

Par ailleurs, rien n'indique les récents flux migratoires intracommunautaires aient excédé la capacité d'absorption du marché du travail. Tant dans les pays d'émigration que dans les pays d'immigration, les salaires ont continué de progresser et le chômage a reculé depuis l'élargissement.

Même si l'on analyse les effets isolés de la migration et de la mobilité sur les salaires et le chômage, il ressort systématiquement des études empiriques que celles-ci n'ont que de très faibles répercussions sur la rémunération et l'emploi des travailleurs locaux.

Une nouvelle vague de mobilité professionnelle depuis les nouveaux États membres semble peu probable. Des données concrètes indiquent que la convergence croissante entre les anciens et les nouveaux États membres du point de vue des salaires et de l'emploi atténue déjà l'incitation économique à l'émigration et qu'elle pourrait contribuer à faire baisser encore l'offre de main-d'œuvre des nouveaux États membres. En outre, du fait du tassement sensible des cohortes jeunes, le réservoir de main-d'œuvre potentiellement mobile des pays d'Europe centrale et orientale se vide, ce qui devrait entraîner une décrue des flux migratoires intracommunautaires à l'avenir.

En fait, les flux de mobilité vers le Royaume-Uni et l'Irlande, qui semblent avoir culminé en 2006, ont connu un net fléchissement en 2007 et au premier trimestre de 2008. On observe même que les retours vers le pays d'origine deviennent plus fréquents, notamment depuis le Royaume-Uni. De plus, l'ouverture du marché de l'emploi aux travailleurs de l'UE-8 dans la plupart des autres pays de l'UE-15 depuis 2006 pourrait avoir dévié les flux migratoires, dans une mesure limitée, vers d'autres États membres. Nombreux sont les ressortissants bulgares et roumains qui sont déjà repartis et ont travaillé ailleurs dans l'Union au cours des dernières années. On peut en déduire qu'une grande partie de ceux qui souhaitaient émigrer l'ont déjà fait et que le potentiel migratoire supplémentaire de la Bulgarie et de la Roumanie est limité.

Du point de vue des nouveaux États membres, en particulier de ceux qui connaissent une forte mobilité, l'émigration massive est souvent perçue comme un phénomène à double tranchant. D'un côté, l'émigration a contribué à réduire le chômage. De l'autre, le départ de travailleurs essentiellement jeunes et hautement qualifiés ont fait craindre une «fuite des cerveaux» et des pénuries de main-d'œuvre dans les pays concernés. Mais plusieurs facteurs peuvent atténuer ces problèmes, comme le récent essor du nombre d'inscriptions à l'université dans la plupart des nouveaux États membres, la nature provisoire d'une grande partie de la mobilité, et le fait que nombre de ceux qui reviennent ont renforcé leurs compétences professionnelles et établi des contacts à l'étranger dont le pays d'origine peut tirer parti.

4. Mesurer la qualité des emplois dans l'Union

La qualité de l'emploi est solidement ancrée dans la stratégie européenne pour l'emploi, comme en témoigne l'action en faveur d'emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité. Cela étant, la vigoureuse croissance de l'emploi dans l'Union au cours des dix dernières années s'est accompagnée d'inquiétudes largement répandues quant à la qualité des emplois en Europe, lesquelles sont à mettre sur le compte de la précarisation de l'emploi, de l'accroissement de la pression concurrentielle, ainsi que de la dégradation des conditions de travail et de l'intensification du travail perçues par les salariés. Cette évolution appelle à réexaminer la situation et les tendances dans l'Union en matière de qualité de l'emploi.

Les salaires ne suffisent pas à rendre pleinement compte de la qualité de l'emploi du fait d'imperfections du marché comme le manque de données concernant, par exemple, le niveau de capital humain. En outre, la satisfaction dans l'emploi ne dépend pas que des retombées de celui-ci, comme le salaire, mais également des conditions et des processus en amont, tels que l'organisation du travail, l'autonomie, l'intensité du travail, ou encore la santé et la sécurité au travail.

À l'échelle d'une vie, la possibilité de concilier la vie professionnelle avec la vie privée et des responsabilités familiales, ainsi que la probabilité de réussite des transitions professionnelles et de l'évolution de carrière, sont également des aspects déterminant de la qualité d'un emploi.

Les récentes avancées théoriques et les travaux en cours dans diverses institutions internationales sur des cadres pour la qualité de l'emploi sont l'occasion de revoir le concept de qualité de l'emploi tel que le préconise actuellement l'Union. Bien que ce concept tienne compte du caractère protéiforme de la qualité de l'emploi en y incorporant des variables objectives autant que subjectives (comme la satisfaction), il peut néanmoins être amélioré. À l'heure actuelle, il omet des variables importantes comme le salaire et l'intensité du travail et ne couvre qu'en partie des aspects comme l'éducation et la formation. En revanche, il englobe des variables économiques globales qui ne sont pas directement liées aux spécificités de l'emploi ou du salarié.

Une série de données concernant l'UE-27 et couvrant la période 2005-2006 a été analysée à la lumière des considérations ci-dessus en vue de déterminer les aspects qui rendent compte de l'essence de la qualité de l'emploi à travers l'Union. Les quatre aspects suivants ont été déterminés:

i) la sécurité socio-économique (y compris le niveau et la distribution des salaires);

ii) l'éducation et la formation;

iii) les conditions de travail (y compris l'intensité du travail);

iv) la conciliation vie professionnelle/vie privée et l'équilibre entre les sexes.

L'analyse des résultats obtenus par les États membres à l'égard des ces quatre dimensions fait ressortir des enjeux différents pour les États membres du nord et du sud de l'Europe, ceux du continent, et les nouveaux États membres. Cette typologie correspond globalement aux quatre catégories déterminées au regard de la situation des États membres et des enjeux concernant la flexicurité (voir les rapports 2006 et 2007 sur l'emploi en Europe).

Par rapport à la définition initiale du concept de qualité de l'emploi, l'inclusion des salaires et de l'intensité du travail et l'exclusion d'indicateurs de performance macroéconomique (n'ayant pas directement trait à la qualité de l'emploi) sont indispensables pour mieux caractériser la situation des différents pays concernant la qualité de l'emploi .

Une analyse dynamique de la qualité de l'emploi fondée sur un indicateur synthétique composé d'une série limitée de variables montre que la typologie des pays eu égard à leur situation en matière de qualité de l'emploi est relativement stable sur la durée.

La caractérisation de la qualité de l'emploi à l'aide d'indicateurs relatifs à l'ensemble de l'économie met en lumière des synergies, plutôt que des arbitrages, entre la performance globale du marché du travail, la productivité du travail et la qualité de l'emploi. De fait, les États membres qui enregistrent les meilleurs résultats en matière de qualité des emplois sont aussi ceux qui se distinguent par leurs taux d'emploi et de productivité.

5. Éducation et emploi: DIFFÉRENTES VOIES D'ACCÈS SELON LES EMPLOIS

UNE PRÉOCCUPATION RÉCURRENTE DES LÉGISLATEURS DANS LES DOMAINES DE L'ÉDUCATION ET DE L'EMPLOI EST L'INADÉQUATION PERÇUE ENTRE LE NIVEAU D'ÉDUCATION ET DE COMPÉTENCE DES TRAVAILLEURS PAR RAPPORT AUX EXIGENCES PROFESSIONNELLES RÉELLES SUR LE MARCHÉ DE L'EMPLOI. LA MONDIALISATION, LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES, LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION ET, PLUS GÉNÉRALEMENT, LES CHANGEMENTS SOCIÉTAUX, ONT CONTRIBUÉ À ACCROÎTRE L'INCERTITUDE QUANT À L'AVENIR ET À FAIRE ÉMERGER UN SENTIMENT D'INSÉCURITÉ. LES TRAVAILLEURS SONT DE PLUS EN PLUS SUSCEPTIBLES DE TRAVERSER DE NOMBREUSES TRANSITIONS ET DE RÉALISER DES TÂCHES DIVERSES AU COURS DE LEUR VIE PROFESSIONNELLE. ILS DOIVENT DONC ÊTRE SOUTENUS LORS DE CES FRÉQUENTES TRANSITIONS AU MOYEN DE MESURES TELLES QUE LES INDEMNITÉS DE CHÔMAGE, LES BOURSES DE FORMATION, LE CONSEIL ET L'ORIENTATION DE CARRIÈRE.

Les responsables politiques ont répondu à ce besoin par une variété d'initiatives destinées à mieux anticiper les besoins du marché du travail et gérer le processus de changement. Ces questions appellent une stratégie intégrée capable de relever le niveau de compétence, y compris des compétences transversales, de faciliter les transitions et de moderniser les institutions du marché du travail. Une évaluation régulière des besoins futurs en compétences sera déterminante pour l'élaboration de stratégies adéquates d'éducation et de formation tout au long de la vie ainsi que de politiques de l'emploi efficaces, et contribuera ainsi à mettre les mesures de flexicurité en application.

Le projet «Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux» vise en premier lieu à améliorer la disponibilité et la qualité des informations sur la demande présente et future en matière d'emplois et sur les compétences correspondantes requises, en vue de renforcer l'adéquation professionnelle. Malgré les réserves habituellement émises concernant les projections en matière d'emploi, une telle démarche est indispensable pour mieux informer les responsables politiques et faire coïncider l'offre et la demande de compétences.

Outre la projection de l'offre d'emplois et de la demande de compétences, il y a lieu d'envisager un travail plus qualitatif, comme des analyses prospectives, des enquêtes auprès des employeurs, des études de cas ou la modélisation de compétences professionnelles. De telles mesures sont essentielles pour déterminer les nouvelles tendances de la demande de compétences et l'évolution du contenu des emplois. La combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives, couvrant différentes périodes et actualisées régulièrement, permettrait de tenir les législateurs informés et les aiderait à améliorer l'adéquation professionnelle dans l'Union et à adapter les systèmes d'éducation et de formation aux nouveaux besoins.

L'adéquation professionnelle est particulièrement sensible aux imperfections du marché résultant d'un manque d'informations ou d'attentes erronées. En fait, les travailleurs sont souvent mal renseignés sur les meilleurs débouchés professionnels. Un moyen envisageable pour collecter et diffuser ces informations est l'élaboration d'un «outil d'exploration de carrière» harmonisé au niveau de l'Union et fondé sur les meilleures pratiques à l'échelle internationale. Un tel outil pourrait être utilisé par de nombreux individus et organisations à des fins diverses (le conseil et les projections en matière d'emploi, par exemple).

Le rapport présente une analyse empirique de la relation, au niveau de l'Union, entre l'éducation et la formation, d'une part, et l'emploi, d'autre part; cette analyse permet une caractérisation plus précise, qui dépend en partie de la politique de ressources humaines des entreprises. Par exemple, les employeurs se distinguent par l'importance qu'ils accordent à l'éducation et à la formation par opposition à l'expérience professionnelle; l'accès à certains emplois est limité à certains niveaux et domaines d'études; nombre d'emplois sont ouverts à des travailleurs qui ont un profil particulier; certains emplois offrent davantage de possibilités de formation continue du fait de la complémentarité avec le niveau de formation initial. L'analyse préliminaire définit huit moyens qui permettent aux travailleurs d'accumuler des compétences sur un cycle de vie (l'éducation formelle, la formation professionnelle et l'expérience pratique, par exemple), lesquels se combinent avec différentes modalités d'accès à l'emploi. Ces résultats, conjugués à l'information sur les institutions et les politiques, pourraient contribuer à améliorer le recensement des emplois et des possibilités de formation et, en dernière analyse, l'adéquation de l'offre et de la demande de compétences.

6. Conclusions

Malgré les signes toujours plus patents de ralentissement de la croissance économique, la vigueur du marché de l'emploi de l'Union a perduré en 2007 et a débouché sur la création nette de 3,5 millions d'emplois.

La dégradation de l'environnement économique, due notamment à la crise des systèmes financiers, exacerbe les risques qui pèsent sur l'emploi à court terme. Ces dernières années, la plupart des États membres ont engagé d'importantes réformes structurelles dans le domaine de l'emploi, et l'actuel retournement de la conjoncture mettra à l'épreuve la robustesse de ces réformes.

Une incertitude accrue et des conditions en rapide évolution sont désormais caractéristiques du marché de l'emploi de l'Union et imprègnent l'élaboration des politiques y afférentes. Le nombre croissant d'immigrants de pays tiers et l'augmentation des flux migratoires intracommunautaires après les deux derniers élargissements ont été d'importants moteurs de la croissance et de l'emploi ces dernières années, mais ces facteurs ont aussi, plus généralement, modelé la situation économique et sociale de l'Union. Le rapport de cette année examine ces phénomènes, en souligne les retombées globalement positives et détermine plusieurs enjeux stratégiques majeurs résultant de cette nouvelle situation.

La flexicurité tient une place importante dans les mesures préconisées par l'Union face à l'érosion des vieilles certitudes sur les marchés de l'emploi européens. Des rapports antérieurs sur l'emploi en Europe ont contribué à analyser les mérites des mesures de flexicurité. En réexaminant la question de la qualité de l'emploi, le rapport de cette année replace la flexicurité dans un contexte plus large et constate non seulement la complémentarité de ces deux concepts, mais également d'importantes synergies entre la qualité de l'emploi et les performances globales sur le plan de l'économie et de l'emploi.

Enfin, l'amélioration de l'adéquation professionnelle et des transitions sur le marché du travail est l'un des principaux objectifs de l'approche en faveur de la flexicurité. C'est pourquoi ce rapport insiste sur l'importance que revêt la compréhension des liens entre l'éducation et l'emploi à cet égard. Il met en avant le rôle des pouvoirs publics dans la détermination des débouchés professionnels présents et futurs, ainsi que de la demande de compétences correspondante, comme le prévoit l'initiative «Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux», et la nécessité d'investir davantage dans le développement des compétences des jeunes et des adultes.

Le rapport «L'emploi en Europe 2008» est publié sur le site suivant:

http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=119&langId=fr

[1] L'analyse présentée dans le rapport se concentre sur les immigrants récents, c'est-à-dire arrivés après 2000.

[2] Les principales conclusions sur ce sujet sont exposées plus en détail dans le «Rapport sur les incidences de la libre circulation des travailleurs après l’élargissement de l’Union européenne» de la Commission, adopté conjointement avec la présente communication (COM(2008) 765 final)