CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 29 novembre 2011 ( 1 )

Affaire C-606/10

Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers

(ANAFE)

contre

Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

[demande de décision préjudicielleformée par le Conseil d’État (France)]

«Règlement (CE) no 562/2006 — Code frontières Schengen — Article 13 — Refus d’entrée — Article 5 — Conditions d’entrée dans l’espace Schengen des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa — Circulaire ministérielle — Retour des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa et titulaires d’un titre temporaire de séjour — Visa de retour — Transit pour les ressortissants des pays tiers — Sécurité juridique — Protection de la confiance légitime»

1. 

La présente demande de décision préjudicielle du Conseil d’État (France) porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ( 2 ). La juridiction de renvoi demande en substance de clarifier le contenu et le champ d’application des dispositions dudit code en ce qui concerne, d’une part, le refus d’entrée des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa et, d’autre part, l’octroi du visa de retour aux ressortissants de pays tiers.

I – Droit applicable

A – Droit de l’Union

1. Code frontières Schengen ( 3 )

2.

L’article 2 du code frontières Schengen (ci-après le «CFS») est libellé comme suit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

15)

‘titre de séjour’:

a)

tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers;

b)

tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour ou le retour sur son territoire, à l’exception des titres temporaires délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) ou au cours de l’examen d’une demande d’asile;

[…]»

3.

L’article 3 du CFS, intitulé «Champ d’application», énonce:

«Le présent règlement s’applique à toute personne franchissant la frontière intérieure ou extérieure d’un État membre, sans préjudice:

a)

des droits des personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation;

b)

des droits des réfugiés et des personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concerne le non-refoulement.»

4.

L’article 5, intitulé «Conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers», énonce:

«1.   Pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes:

a)

être en possession d’un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière;

b)

être en possession d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, sauf s’ils sont titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa de long séjour en cours de validité;

[…]

[…]

4.   Par dérogation au paragraphe 1,

a) les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions visées au paragraphe 1, mais qui sont titulaires d’un titre de séjour, d’un visa de long séjour ou d’un visa de retour délivré par l’un des États membres ou, lorsque cela est requis, de ces deux documents, se voient autorisés à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres États membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour, sauf s’ils figurent sur la liste nationale de signalements de l’État membre aux frontières extérieures duquel ils se présentent et si ce signalement est assorti d’instructions quant à l’interdiction d’entrée ou de transit;

b) les ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions d’entrée énoncées au paragraphe 1, à l’exception du point b), et qui se présentent à la frontière peuvent être autorisés à entrer sur le territoire des États membres si un visa est délivré à la frontière conformément au règlement (CE) no 415/2003 du Conseil du 27 février 2003 relatif à la délivrance de visas à la frontière, y compris aux marins en transit.

[…]

c) les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs conditions énoncées au paragraphe 1 peuvent être autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. Lorsque le ressortissant de pays tiers concerné fait l’objet d’un signalement visé au paragraphe 1, point d), l’État membre qui autorise son entrée sur son territoire en informe les autres États membres. […]»

5.

L’article 13 du même règlement, intitulé «Refus d’entrée», dispose:

«1.   L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.»

B – Droit national

6.

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en son article L. 311-4:

«La détention d’un récépissé d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, d’un récépissé d’une demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l’étranger en France, sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour [...]»

II – Les faits, la procédure devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles

7.

L’objet de la procédure au principal est une circulaire ministérielle du 21 septembre 2009 fixant les conditions pour l’entrée dans l’espace Schengen de ressortissants des pays tiers qui disposent d’une autorisation de séjour provisoire ou d’un récépissé d’une demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour établi par les autorités françaises. À cet égard, la circulaire prévoit notamment que les ressortissants des pays tiers soumis à l’obligation de visa n’ayant quitté le territoire français qu’avec un récépissé de première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile et/ou avec uniquement une autorisation de séjour provisoire délivrée dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile ne peuvent revenir dans l’espace Schengen qu’en disposant d’un visa émis par les autorités consulaires ou, dans des cas exceptionnels, par les autorités préfectorales. Selon cette circulaire, le visa de retour émis par les services préfectoraux ne permet de franchir les frontières extérieures de l’espace Schengen qu’aux seuls points situés sur le territoire français.

8.

L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a formé un recours tendant à l’annulation de cette circulaire en tant qu’elle prescrivait de refuser le retour sur le territoire français des titulaires de récépissés de première demande de titre de séjour et de demande d’asile. Elle considère que la circulaire ne se limite pas à tirer des conséquences du code frontières Schengen, mais étendrait plutôt les dispositions de celui-ci. Par ailleurs, ce code violerait le principe de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce sens qu’il serait directement applicable, bien que les ressortissants des pays tiers qui auraient quitté le territoire avec un titre temporaire de séjour avant l’adoption de cette circulaire ministérielle étaient en droit de s’attendre à être autorisés à revenir sur le territoire français en raison de l’interprétation de l’article L. 311-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui était en vigueur à cette date.

9.

La juridiction de renvoi a conclu que l’appréciation de ce recours soulevait des questions relatives à l’interprétation et à l’application du code frontières Schengen n’ayant pas encore eu de réponses à ce jour. Dans ce contexte, elle a suspendu la procédure et a soumis à la Cour les présentes questions préjudicielles:

«1)

L’article 13 du règlement [no 562/2006] s’applique-t-il au retour d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire d’un État membre qui a délivré à ce dernier un titre temporaire de séjour lorsque le retour sur son territoire ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres?

2)

Dans quelles conditions un État membre peut-il délivrer à des ressortissants de pays tiers un ‘visa de retour’ au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du même règlement? En particulier, un tel visa peut-il limiter l’entrée aux seuls points du territoire national?

3)

Dans la mesure où le règlement [no 562/2006] exclurait toute possibilité d’entrée sur le territoire des États membres aux ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, contrairement à ce que permettaient les stipulations de la [convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990], dans sa rédaction antérieure à sa modification par le règlement, les principes de sécurité juridique et de confiance légitime imposaient-ils que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté leur territoire alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile et souhaitant y revenir après l’entrée en vigueur du règlement [no 562/2006]?»

III – Procédure devant la Cour

10.

La décision de renvoi du 15 décembre 2010 a été notifiée au greffe de la Cour le 22 décembre de la même année. Dans le cadre de la procédure écrite, la requérante, les gouvernements français et belge ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Les représentants de la requérante, du gouvernement français et de la Commission ont pris part à l’audience du 20 octobre 2011.

IV – Arguments des parties

11.

Selon les gouvernements français et belge et selon la Commission, il convient de répondre à la première question en ce sens que l’article 13 du CFS s’applique également aux ressortissants de pays tiers dont le retour sur le territoire de l’État membre qui leur a délivré un titre temporaire de séjour ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres.

12.

En revanche, la requérante répond à la première question qu’il convient d’interpréter les dispositions combinées de l’article 5 et de l’article 13 du CFS en ce sens que l’entrée sur le territoire fondée sur un titre de séjour qui ne remplirait pas les conditions de l’article 2, point 15, ne peut être refusée que si l’intéressé sollicite l’entrée en vue d’un court séjour et que cette entrée est sollicitée à la frontière d’un État membre autre que celui qui a délivré le document de séjour dont l’intéressé est porteur.

13.

Selon la Commission, il convient de répondre à la deuxième question en ce sens que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS ne peut limiter le retour dans l’espace Schengen aux seuls points d’entrée du territoire national. La requérante défend en fin de compte la même thèse.

14.

À ce sujet, le gouvernement français expose dans ses observations écrites que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS peut être soit un visa national de long séjour, soit un visa de court séjour au sens du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) ( 4 ). Si l’État concerné doit exceptionnellement recourir dans un cas donné à la délivrance d’un visa à validité territoriale limitée délivré en application de l’article 25 du code des visas, ce dernier ne permettra en principe que l’entrée sur le territoire de l’État membre qui l’a délivré. Toutefois, lors de l’audience, le gouvernement français s’est joint à la thèse de la Commission.

15.

Dans ce contexte, le gouvernement belge fait observer qu’il appartient aux États membres de déterminer les conditions de délivrance d’un visa de retour. Toutefois, un tel visa ne donnerait droit à l’entrée que sur son propre territoire national.

16.

Dans leur réponse à la troisième question, le gouvernement belge et la Commission soulignent que le code frontières Schengen n’a pas modifié en substance les dispositions du droit de l’Union relatives à l’entrée de ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile. Selon la Commission, il en résulte que les problèmes qui seraient liés à l’interprétation du droit de l’Union avant l’adoption de la circulaire du 21 septembre 2009 et/ou à l’application de cette dernière doivent être résolus au regard du droit national.

17.

Le gouvernement français propose de répondre à la troisième question que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime n’imposaient pas que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d’un État membre alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre de séjour délivré et souhaitant y revenir après l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006.

V – Analyse

A – La première question

18.

Par sa première question, la juridiction de renvoi aimerait savoir si la réglementation relative au refus d’entrée des ressortissants de pays tiers prévue à l’article 13 du CFS est également applicable aux ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui souhaitent revenir par les frontières extérieures de l’espace Schengen dans l’État membre qu’ils ont quitté après l’obtention d’un titre temporaire de séjour, sans entrer à cet effet sur le territoire d’un autre État membre.

19.

Nous considérons que cette question doit recevoir une réponse positive. Nous arrivons à cette conclusion à partir d’une analyse systématique du texte et des finalités du CFS.

20.

La finalité du code frontières Schengen ( 5 ) est la fixation d’un ensemble de règles relatives au franchissement des frontières intérieures et extérieures des États membres de l’Union ( 6 ). À cet égard, les personnes, quelle que soit leur nationalité, franchissant les frontières intérieures — telles que définies à l’article 2, point 1, du CFS — entre les États membres ne devaient en principe pas être contrôlées ( 7 ), en sorte que les vérifications sur les personnes et la surveillance efficace du franchissement des frontières soient assurés aux frontières extérieures de l’espace Schengen définies à l’article 2, point 2, du CFS.

21.

Les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen et le refus d’entrer à ces frontières extérieures sont régis par les articles 6 à 13 du CFS. S’agissant du refus d’entrée, l’article 13, paragraphe 1, première phrase, contient la règle générale que l’entrée dans l’espace Schengen est refusée aux ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartiennent pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. La deuxième phrase de cette disposition ajoute que cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour. L’article 13, paragraphes 2 à 6, du CFS régit les autres modalités du refus d’entrée. Ainsi, selon le paragraphe 4, les garde-frontières veillent à ce que les ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ne pénètrent pas sur le territoire de l’État membre concerné.

22.

Selon l’article 3 du CFS, le code frontières Schengen s’applique à toute personne franchissant les frontières intérieures ou extérieures de l’espace Schengen.

23.

Il en résulte qu’une interprétation du libellé des dispositions combinées de l’article 13 et de l’article 3 du CFS a pour résultat que le refus d’entrée régi par l’article 13 s’applique à tous les ressortissants des pays tiers souhaitant entrer dans un État membre par une frontière extérieure Schengen, qu’il s’agisse d’une tentative de revenir avec un titre temporaire de séjour de cet État membre ou non.

24.

De même, le fait qu’un ressortissant de pays tiers qui, sur la base d’un titre de séjour temporaire d’un État membre, tente de revenir dans cet État membre par une frontière extérieure de l’espace Schengen n’a pas l’intention d’obtenir l’accès à l’ensemble de l’espace Schengen ne fait pas obstacle à l’application de l’article 13 du CFS.

25.

Dans ce contexte, il est déterminant que le code frontières Schengen ait supprimé les vérifications des personnes aux frontières intérieures et ait déplacé les contrôles frontaliers aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Il en résulte que les dispositions du code frontières Schengen relatives au refus d’entrer aux frontières extérieures sont en principe applicables à l’ensemble des mouvements transfrontaliers des personnes, même si l’entrée par les frontières extérieures Schengen d’un État membre ne s’effectue qu’en vue du séjour dans cet État membre.

26.

Cette interprétation s’appuie sur l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, du CFS, qui fait référence à la possibilité d’entrer dans un État membre en vertu des dispositions relatives au droit d’asile ou à la délivrance de visas nationaux de long séjour. Le fait que l’article 13 du CFS mentionne expressément ces formes d’entrée par les frontières extérieures Schengen d’un État membre en vue d’un séjour — principal ( 8 ) et de longue durée — dans cet État membre confirme que cette disposition s’applique à l’ensemble des mouvements transfrontaliers des personnes franchissant les frontières extérieures de l’espace Schengen.

27.

De même, le renvoi que fait l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du CFS à l’article 5 du CFS plaide pour l’interprétation qui précède. Il s’ensuit que l’entrée dans le territoire des États membres est refusée aux ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartiennent pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. Dans la mesure où les conditions d’entrée de l’article 5 du CFS concernent à la fois l’entrée dans l’espace Schengen (paragraphe 1) et l’entrée en vue d’un séjour principal dans un État membre (paragraphe 4), il apparaît également clairement de ce renvoi que l’article 13 vise également l’entrée de ressortissants de pays tiers par les frontières extérieures Schengen d’un État membre dans des cas dans lesquels l’entrée s’effectue en premier lieu en vue du séjour dans cet État membre.

28.

Dès lors, il y a lieu de répondre à la première question en ce sens que l’article 13 du CFS s’applique également au retour d’un ressortissant de pays tiers par les frontières extérieures de l’espace Schengen sur le territoire d’un État membre qui a délivré à ce dernier un titre temporaire de séjour, même si le retour sur son territoire ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres.

29.

Cependant, vu le contenu de la circulaire ministérielle du 21 septembre 2009, nous aimerions souligner que l’interdiction générale du retour qu’elle contient pourrait soulever en pratique des questions relatives à la compatibilité de cette interdiction avec les dispositions du droit de l’Union en matière de droit d’asile.

30.

En effet, il résulte de la décision de renvoi que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation du visa qui n’ont quitté le territoire français qu’avec un titre de séjour temporaire délivré dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile ou avec un récépissé d’une demande d’asile ou d’une première demande de titre de séjour ne peuvent revenir dans l’espace Schengen qu’en disposant d’un visa de retour émis par les autorités consulaires ou, dans des cas exceptionnels, par les autorités préfectorales. Ainsi, cette circulaire ministérielle ne semble pas reprendre les dispositions particulières de l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, du CFS selon lesquelles cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale. S’agissant du droit d’asile, cette clause d’ouverture pourrait, par exemple, être pertinente dans des cas dans lesquels un refus du retour violerait ce qu’il est convenu d’appeler le principe de non-refoulement et, dès lors, l’article 18 de la charte des droits fondamentaux ( 9 ). Si l’absence d’une telle clause d’ouverture dans la circulaire ministérielle avait en pratique pour effet que les réfugiés étaient refoulés directement ou indirectement dans un État hostile, il conviendrait dès lors d’examiner la conformité de la circulaire avec le droit de l’Union sous cet angle. Toutefois, dans la mesure où cette question ne fait pas l’objet de la présente procédure de renvoi préjudiciel, nous ne l’examinerons pas plus avant.

B – La deuxième question

31.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande des informations relatives aux conditions dans lesquelles un État membre peut délivrer un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS. Elle aimerait savoir notamment si un tel visa de retour peut limiter l’entrée dans l’espace Schengen aux seuls points du territoire national.

32.

L’arrière-plan de cette question est le fait que la circulaire litigieuse ne permette le retour dans l’espace Schengen des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation du visa, qui ont obtenu en France un titre temporaire de séjour délivré dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile ou un récépissé d’une demande d’asile ou une première demande de titre de séjour et n’ont quitté le territoire qu’avec ce titre ou ce récépissé, que si ces ressortissants sont titulaires d’un visa de retour émis par les autorités consulaires ou, dans des cas exceptionnels, par les autorités préfectorales. Par ailleurs, il est précisé dans cette circulaire qu’un visa de retour émis par les autorités préfectorales ne permet en principe de franchir les frontières extérieures de l’espace Schengen qu’aux seuls points situés sur le territoire français.

33.

Il en résulte que, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi fait référence à la disposition de la circulaire ministérielle selon laquelle le visa de retour préfectoral ne permet en principe qu’un retour par les frontières extérieures Schengen de la France. Dans ce contexte, elle se demande si un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS peut prévoir l’obligation que le retour dans l’État membre de délivrance ne s’effectue que par les frontières extérieures Schengen de cet État membre.

34.

Sur le plan terminologique, il convient tout d’abord de souligner que la notion de visa de retour n’est pas définie dans le code frontières Schengen ( 10 ). Toutefois, l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS fournit des éléments importants permettant de contribuer à la définition de cette notion. D’après son libellé, cette disposition garantit aux ressortissants des pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions de retour dans l’espace Schengen, mais qui sont titulaires d’un titre de séjour délivré par un État membre, d’un visa national de long séjour ou d’un visa de retour, un droit d’entrée dans les autres États membres aux fins de transit pour atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré le titre de séjour, le visa national ou le visa de retour. Il résulte de cette différence terminologique entre le titre de séjour, le visa national et le visa de retour que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS n’est ni un titre de séjour d’un État membre ni un visa national pour long séjour.

35.

Ensuite, il est possible de déduire des définitions contenues à l’article 2 du code des visas que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS n’est pas un «visa» au sens du code des visas ( 11 ). En effet, selon l’article 2, point 2, du code des visas, un visa est l’autorisation accordée par un État membre en vue du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres ou du passage par la zone internationale de transit des aéroports des États membres. Toutefois, l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS vise précisément de tels cas dans lesquels le ressortissant d’un pays tiers ne dispose précisément pas d’un visa au sens de l’article 2, point 2, du code des visas.

36.

Selon nous, le «visa à validité territoriale limitée» défini à l’article 2, point 4, du code des visas ne peut pas non plus être équivalent à un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CSF. Si le législateur européen avait eu cette intention, il aurait été évident d’utiliser expressément la notion de visa à validité territoriale limitée dans l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS. En effet, ce type de visa était déjà régi ( 12 ) à l’article 16 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 (ci-après la «convention d’application») ( 13 ). De même, les instructions consulaires communes adoptées dans le cadre de la coopération Schengen ( 14 ) (ci-après les «instructions») ont fait référence explicitement, en leur partie I, section 2, intitulée «Définition et types de visas», à la catégorie des visas à validité territoriale limitée. Si par le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS on avait visé un «visa à validité territoriale limitée», alors le législateur européen aurait pu tout simplement utiliser cette dernière notion.

37.

Il résulte des considérations qui précèdent que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS constitue un titre pouvant être délivré à un ressortissant d’un pays tiers qui ne dispose ni d’un titre de séjour, ni d’un visa de long séjour, ni d’un visa ou d’un visa à validité territoriale limitée au sens du code des visas, mais qui souhaite néanmoins voyager en dehors de l’État membre dans lequel il se trouve, pour lui permettre un retour ultérieur dans cet État membre. Ainsi, il apparaît que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS constitue une autorisation d’un État membre qui permet à un ressortissant d’un pays tiers ne disposant ni d’un titre de séjour, ni d’un visa de long séjour, ni d’un visa ou d’un visa à validité territoriale limitée au sens du code des visas de quitter cet État membre dans un but donné pour ensuite revenir dans ce même État membre.

38.

Les conditions de délivrance d’une telle autorisation nationale de retour n’ont pas été définies concrètement dans le code frontières Schengen. Par conséquent, nous considérons que le code frontières Schengen n’interdit en principe pas aux États membres d’aménager le visa de retour en ce sens que le retour dans l’État membre par les seules frontières extérieures Schengen de cet État est permis.

39.

La Commission ne partage pas cette thèse. Sur la base du constat que les titulaires d’un visa de retour au titre de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS bénéficient d’un droit de transit dans les autres États membres de l’espace Schengen, elle conclut que le visa de retour doit toujours permettre un retour par les frontières intérieures Schengen de l’État membre de délivrance.

40.

Cette analyse n’est pas convaincante. Nous pensons que le droit de transit régi à l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS signifie qu’un visa de retour permet au titulaire du visa — qui n’est pas inscrit sur les listes nationales de signalement — de transiter par les autres États membres de l’espace Schengen, dans la mesure où ce visa de retour permet un retour par les frontières intérieures Schengen de l’État membre de délivrance. La question de savoir si le visa de retour doit toujours permettre le retour par les frontières intérieures Schengen de l’État membre de délivrance ne fait en revanche pas l’objet de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS. Par conséquent, l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS ne fait pas naître l’obligation aux États membres de permettre le retour tant par leurs propres frontières extérieures qu’intérieures Schengen en cas de délivrance d’un visa de retour.

41.

Dans ce contexte, il convient de souligner notamment que le code frontières Schengen a été adopté sur la base de l’article 62, points 1 et 2, sous a), CE. Selon l’article 62, point 1, CE, le Conseil de l’Union européenne arrête des mesures visant à assurer l’absence de tout contrôle des personnes, qu’il s’agisse de citoyens de l’Union ou de ressortissants des pays tiers, lorsqu’elles franchissent les frontières intérieures. Selon l’article 62, point 2, sous a), CE, le Conseil arrête des mesures relatives au franchissement des frontières extérieures des États membres qui fixent les normes et les modalités auxquelles doivent se conformer les États membres pour effectuer les contrôles des personnes aux frontières extérieures. Ce fondement de droit primaire ne permet pas au législateur européen d’adopter une réglementation qui définit les conditions de délivrance par un État membre d’un visa national de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS. Il en résulte directement que l’on ne saurait se prévaloir des dispositions individuelles du code frontières Schengen pour trancher les compétences restant aux États membres de lier les visas nationaux de retour à des obligations de retour relatives au lieu du franchissement de la frontière.

42.

Si la Cour devait partager la thèse de la Commission et non la nôtre, cela aurait également des conséquences importantes pour la délivrance de visas nationaux de long séjour. Dans la mesure où, en vertu de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS, non seulement les titulaires de visa de retour, mais également les titulaires de visas nationaux de long séjour bénéficient d’un droit de transit par les autres États membres de l’espace Schengen, il serait logique d’appliquer par analogie une obligation de délivrance d’un visa de retour sans restriction locale d’entrée fondée sur ce droit de transit au visa national de long séjour. Ainsi, les États membres perdraient ensuite la possibilité de délivrer des visas nationaux pour le long séjour avec des restrictions locales d’entrée.

43.

Ces considérations nous font conclure que le droit de transit des titulaires de visa de retour au titre de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS est conditionné par les modalités d’entrée définies par l’État membre de destination et non l’inverse. Par conséquent, si un État membre décide de délivrer un visa de retour sans restrictions d’entrée locales, cela permet au titulaire de ce visa de transiter par les autres États membres de l’espace Schengen en vertu de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS si le titulaire du visa décidait d’entrer par une frontière intérieure Schengen de l’État membre de délivrance. En revanche, si un État membre décide de délivrer un visa de retour avec obligation de retour par ses propres frontières extérieures Schengen, il est alors uniquement permis au titulaire de ce visa d’entrer par les frontières extérieures Schengen de cet État membre, en sorte qu’aucun droit de transit par les autres États membres au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS ne peut lui être reconnu.

44.

En résumé, il ressort des considérations qui précèdent que le code frontières Schengen n’interdit pas aux États membres de délivrer un visa de retour avec des restrictions locales à l’entrée.

45.

Nous ne voyons pas d’autres objections de droit primaire ou dérivé à l’encontre des restrictions aux visas de retour par un État membre à l’entrée par les frontières extérieures Schengen de cet État membre. Une preuve importante de la légalité en droit de l’Union d’une telle restriction se trouve par ailleurs dans la réglementation relative au visa Schengen à validité territoriale limitée.

46.

Avant l’adoption du code des visas, les obligations en droit de l’Union relatives au visa à validité territoriale limitée se trouvaient dans différents articles provenant de différents instruments de réglementation, et notamment la convention d’application, ainsi que dans les instructions. Dans la partie I, section 2, point 2.3, des instructions, il a été précisé expressément au sujet des modalités d’entrée sur la base d’un visa à validité territoriale limitée que l’accès et la sortie de l’État membre devaient s’effectuer par le territoire où la validité du visa était limitée.

47.

Quand bien même le code des visas ne contiendrait pas de règles claires au sujet des modalités d’entrée sur la base d’un visa à validité territoriale limitée au sens de l’article 25 du code des visas, les arguments de la Commission relatifs au projet de règlement sur le code des visas indiquent qu’à cet égard la situation juridique existante devrait être maintenue d’après la volonté du législateur ( 15 ). Cela constitue une nouvelle fois un indice important de conformité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale sur le retour qui limite l’entrée dans l’espace Schengen à certaines de ses frontières extérieures.

48.

Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question en ce sens qu’un État membre qui délivre à un ressortissant de pays tiers un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS peut limiter le retour fondé sur ce visa de retour à ses frontières extérieures Schengen.

49.

Enfin, il faut préciser que, dans sa réponse à la deuxième question, le gouvernement français a exposé que le retour de ressortissants de pays tiers dont le titre temporaire de séjour ne permettait pas le retour pouvait, en cas de besoin, être favorisé par la délivrance d’un visa national de long séjour. Le gouvernement belge fait observer que le retour de tels ressortissants de pays tiers est rendu possible en pratique par la délivrance d’un visa à validité territoriale limitée au sens de l’article 25 du code des visas.

50.

Lorsqu’un État membre décide, comme l’indique le gouvernement français, de permettre le retour de ressortissants de pays tiers dont le titre temporaire de séjour ne permet pas le retour, de préférence par la délivrance d’un visa national de long séjour, le droit de l’Union ne s’oppose pas à une limitation de ce visa à un retour dans l’espace Schengen par des points du territoire national. En effet, selon l’article 18 de la convention d’application, les visas de long séjour sont des visas nationaux en sorte que, au regard du droit de l’Union, il appartient en principe aux États membres de limiter l’entrée dans l’espace Schengen sur la base de ce visa à des points du territoire national ( 16 ).

51.

Par ailleurs, il ressort également des réflexions que je viens d’exposer que, lorsqu’un État membre, comme l’expose le gouvernement belge, décide de permettre le retour de ressortissants de pays tiers par la délivrance d’un visa à validité territoriale limitée au sens de l’article 25 du code des visas, le retour doit s’effectuer en principe par les frontières extérieures Schengen de l’État membre sur le territoire duquel la validité du visa est limitée ( 17 ).

C – La troisième question

52.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi fait référence à l’interdiction de retour prévue dans le code frontières Schengen pour les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui ne disposent que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile. Elle demande ainsi en substance si les principes de sécurité juridique et de confiance légitime s’opposent à l’application de ces dispositions relatives à l’interdiction d’entrée dans la mesure où, de ce fait, les ressortissants de pays tiers qui ont quitté l’espace Schengen avant l’entrée en vigueur du code frontières Schengen en considérant qu’ils pouvaient revenir avec leur titre temporaire de séjour ne sont plus en mesure de le faire après l’entrée en vigueur de ce code.

53.

La juridiction de renvoi pose cette question parce que, avant la circulaire ministérielle du 21 septembre 2009, une pratique administrative s’était manifestement développée en France selon laquelle les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui ne disposent que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile pouvaient quitter et ensuite entrer sur le territoire national par les frontières extérieures Schengen, tant que ce titre n’était pas arrivé à échéance. Cette circulaire ministérielle avait pour objectif de mettre fin sans période de transition à cette pratique en sorte que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui avaient quitté le territoire français avec un tel titre temporaire de séjour avant l’adoption de la circulaire ne pouvaient plus revenir dans l’espace Schengen sans visa ou autre titre donnant droit à l’entrée.

54.

Pour répondre à la troisième question, il convient tout d’abord de souligner que l’interdiction de retour fixée dans la circulaire ministérielle du 21 septembre 2009 est conforme aux obligations du code frontières Schengen. En effet, il ressort des dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 1, du CFS et de l’article 2, point 15, sous b), et de l’article 5, paragraphe 4, du CFS que des titres temporaires de séjour délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile ne peuvent être utilisés pour entrer dans l’espace Schengen. Dans ce contexte, c’est à juste titre que la circulaire ministérielle du 21 septembre 2009 clarifie que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation du visa qui ont quitté le territoire français avec seulement un tel titre temporaire de séjour ne peuvent se voir garantir aucun libre retour par les frontières extérieures Schengen.

55.

Dans la mesure où, selon l’article 40 du CFS, le code frontières Schengen est déjà entré en vigueur le 13 octobre 2006, la circulaire ministérielle 21 septembre 2009 ne fait que clarifier la situation juridique telle qu’elle était en vigueur à partir du 13 octobre 2006 également en France — à tout le moins dans ses territoires européens ( 18 ). Dans ce contexte, il apparaît clairement que le fait que des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa ont quitté le territoire français par une frontière extérieure Schengen peu avant l’adoption de la circulaire ministérielle du 21 septembre 2009, en ayant confiance en une pratique administrative contraire au droit de l’Union, ne peut être invoqué pour mettre en doute les dispositions pertinentes du code frontières Schengen à la lumière des principes de droit de l’Union de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

56.

S’agissant du principe de protection de la confiance légitime, il suffit d’établir dans ce contexte que l’invocation de ce principe à l’encontre d’une réglementation de l’Union n’est possible que si une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime est créée au niveau de l’Union et donc par une institution de l’Union ( 19 ). Il n’existait en l’espèce pas un tel comportement des institutions de l’Union permettant d’instaurer la confiance. En effet, dans la mesure où la confiance dans le retour sur le territoire français devait apparaître auprès des ressortissants des pays tiers soumis à l’obligation de visa et disposant de titres temporaires de séjour ne permettant pas le retour dans l’espace Schengen, cela s’expliquait par une pratique administrative française contraire au droit de l’Union. Une telle pratique administrative nationale contraire au droit de l’Union ne peut fonder une confiance légitime des ressortissants des pays tiers de pouvoir continuer à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union ( 20 ).

57.

Il est de jurisprudence constante que le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables ( 21 ). Selon nous, les dispositions du code frontières Schengen en matière de retour sur la base de titres temporaires de séjour délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile remplissaient les conditions de certitude et de prévisibilité. Comme nous l’avons déjà exposé ci-dessus, il ressort des dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 1, du CFS et de l’article 2, point 15, sous b), et de l’article 5, paragraphe 4, du CFS qu’un tel titre temporaire de séjour ne donne pas droit au retour dans l’espace Schengen ( 22 ). Par ailleurs, il convient de souligner que le code frontières Schengen a été publié dans le Journal officiel le 13 avril 2006, et donc six mois avant son entrée en vigueur, en sorte que la prévisibilité des règles entrées en vigueur le 13 octobre 2006 était garantie.

58.

Il résulte des considérations qui précèdent que l’examen de la troisième question préjudicielle n’a pas donné d’éléments permettant de conclure à une violation des principes du droit de l’Union de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dans le contexte de l’entrée en vigueur du code frontières Schengen.

VI – Conclusion

59.

Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions posées:

«1)

L’article 13 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), s’applique également au retour d’un ressortissant de pays tiers par les frontières extérieures de l’espace Schengen sur le territoire d’un État membre qui a délivré à ce dernier un titre temporaire de séjour, même si le retour sur son territoire ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres.

2)

Un État membre qui délivre à un ressortissant de pays tiers un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du code frontières Schengen peut limiter le retour fondé sur ce visa de retour à ses frontières extérieures Schengen.

3)

L’examen de la troisième question préjudicielle n’a pas donné d’éléments permettant de conclure à une violation des principes généraux du droit de l’Union comme les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dans le contexte de l’entrée en vigueur du code frontières Schengen.»


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) JO L 105, p. 1.

( 3 ) Tel que modifié par le règlement (UE) no 265/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mars 2010 (JO L 85, p. 1).

( 4 ) JO L 243, p. 1.

( 5 ) Sur le contexte de l’adoption du code frontières Schengen, il suffit de voir Peers, S., «Key Legislative Developments on Migration in the European Union», European Journal of Migration and Law, p. 321 et suiv.

( 6 ) Voir article 1er du CFS. Toutefois, sur le champ d’application géographique du code frontières Schengen, voir ses vingt-deuxième à vingt-huitième considérants. Compte tenu des dérogations qui s’appliquent à l’égard du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Royaume de Danemark, l’espace Schengen ne couvre que certains aspects du Royaume-Uni et de l’Irlande. La République de Bulgarie, la République de Chypre et la Roumanie ne sont pas encore membres à part entière de l’espace Schengen. Par contre, certains États non-membres — le Royaume de Norvège, la République d’Islande et la Confédération suisse — se sont associés à la transposition, à la mise en œuvre et au développement de l’acquis de Schengen. Voir Röben, dans Das Recht der Europäischen Union (édité par Grabitz, Hilf et Nettesheim), article 67 TFUE, points 149 et suiv. (44e supplément d’édition, mai 2011). Dans ce contexte, voir également Genson, R., et Van de Rijt, W., «Décembre 2007 — Un élargissement de l’espace Schengen sans précédent», Revue du Marché commun et de l’Union européenne 2007, p. 652 et suiv. Par ailleurs, il convient de souligner que le code frontières Schengen ne s’applique qu’aux territoires européens de la France.

( 7 ) Article 20 du CFS.

( 8 ) Par le règlement no 265/2010, l’article 21 de la convention d’application de l’accord de Schengen a été modifié en ce sens que les ressortissants de pays tiers titulaires d’un visa de long séjour délivrés par un État membre peuvent se rendre dans d’autres États membres pour une durée de trois mois sur toute période de six mois, et ce dans les mêmes conditions que les titulaires d’un titre de séjour. Voir à ce sujet Dienelt, K., dans Ausländerrecht (édité par Bergmann, J., Dienelt, K., et Röseler, S.), 9e édition, 2011, AufenthG article 6, point 37.

( 9 ) Sur le principe du non-refoulement et sur le droit d’asile au titre de l’article 18 de la charte des droits fondamentaux, voir point 114 de nos conclusions du 22 septembre 2011 dans l’affaire N. S. e.a. (C-411/10, pendante devant la Cour).

( 10 ) Dans sa proposition pour un règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement no562/2006 et la convention d’application de l’accord de Schengen [COM(2011) 118 final], la Commission a en outre proposé de supprimer le terme «visa de retour» à l’article 5, paragraphe 4, sous a), du CFS, car ce concept est dépassé et trompeur.

( 11 ) JO L 243, p. 1.

( 12 ) L’article 16 de la convention d’application a été abrogé par le code du visa.

( 13 ) Convention entre le gouvernement des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19).

( 14 ) Instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques et consulaires de carrière (JO 2005, C 326, p. 1).

( 15 ) En effet, il ressort des explications détaillées au sujet du projet que les dispositions relatives aux visas à validité territoriale limitée réparties dans la convention d’application et dans les instructions devraient être rassemblées en un seul article principalement pour des raisons de clarté et afin d’assurer une application uniforme. Voir projet de proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à un code communautaire des visas [COM(2006) 403 final, p. 12].

( 16 ) Sur la conformité en droit de l’Union d’une telle limitation, voir points 38 et suiv. des présentes conclusions.

( 17 ) Voir, à ce sujet, points 45 et suiv. des présentes conclusions.

( 18 ) Le code de frontières Schengen ne s’applique que sur les territoires européens de la France; voir, à cet égard, vingt et unième considérant du code frontières Schengen.

( 19 ) Arrêts du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a. (C-22/94, Rec. p. I-1809, point 19); du 13 avril 2000, Karlsson e.a. (C-292/97, Rec. p. I-2737, point 63), et du 6 mars 2003, Niemann (C-14/01, Rec. p. I-2279, point 56). Voir par ailleurs Bungenberg, M., dans Handbuch der Europäischen Grundrechte (éditeurs Heselhaus et Nowak), Munich, 2006, article 33, points 11 et suiv., ainsi que Jarass, D., Charta der Grundrechte der Europäischen Union, Munich, introduction, point 37.

( 20 ) Voir, également, dans ce contexte arrêts du 26 avril 1988, Krücken (316/86, Rec. p. 2213, point 24); du 1er avril 1993, Lageder e.a. (C-31/91 à C-44/91, Rec. p. I-1761, point 35); du 16 mars 2006, Emsland-Stärke (C-94/05, Rec. p. I-2619, point 31), et du 7 avril 2011, Sony Supply Chain Solutions (Europe) (C-153/10, Rec. p. I-2775, point 47).

( 21 ) Voir simplement arrêts du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission (C-67/09 P, Rec. p. I-9811, point 77), et du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C-194/09 P, Rec. p. I-6311, point 71).

( 22 ) Voir, à ce sujet, point 54 des présentes conclusions.