ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

3 octobre 2012 ( *1 )

«Accès aux documents — Règlement (CE) no 1049/2001 — Demande d’accès aux rapports des observateurs de l’Union européenne présents en Croatie du 1er au 31 août 1995 — Refus d’accès — Risque d’atteinte à la protection des relations internationales — Divulgation antérieure»

Dans l’affaire T‑465/09,

Ivan Jurašinović, demeurant à Angers (France), représenté par Mes M. Jarry et N. Amara-Lebret, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes C. Fekete et K. Zieleśkiewicz, puis par Mme Fekete et M. J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, principalement, une demande d’annulation de la décision du Conseil du 21 septembre 2009 accordant un accès à certains des rapports établis par les observateurs de l’Union européenne présents en Croatie, dans la région de Knin, entre le 1er et le 31 août 1995,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse, M. Prek, J. Schwarcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Par courrier du 4 mai 2009, le requérant, M. I. Jurašinović, a demandé, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), au secrétaire général du Conseil de l’Union européenne l’accès aux rapports des observateurs de la Communauté européenne présents en Croatie, dans la zone de Knin, du 1er au 31 août 1995 (ci-après les «rapports») et à des documents référencés «ECMM RC Knin Log reports».

2

Par courrier du 27 mai 2009, le secrétaire général du Conseil a informé le requérant que, en raison du très grand nombre de documents potentiellement couverts par sa demande et de leur nature particulièrement délicate, le délai pour répondre à la demande d’accès devait être prolongé, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

3

Par décision du 17 juin 2009, le secrétaire général du Conseil a rejeté la demande d’accès du requérant, en lui opposant l’exception, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, protégeant l’intérêt public concernant les relations internationales, en se fondant sur les circonstances que, d’une part, les documents demandés étaient de nature à créer de nouvelles difficultés, en cas de divulgation, dans les relations de l’Union avec les différentes parties aux conflits qui s’étaient déroulés dans l’ex-Yougoslavie et avec d’autres pays concernés et, d’autre part, ces documents faisaient partie des fonds d’archives que l’Union avait mis à la disposition tant du ministère public que de la défense dans le cadre de la procédure dirigée contre M. A. Gotovina devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, créé par l’Organisation des Nations unies (ci-après le «TPIY»).

4

Par courrier du 27 juin 2009, le requérant a présenté une demande confirmative d’accès aux documents (ci-après la «demande confirmative»).

5

Par courrier du 2 juillet 2009, le secrétaire général du Conseil a informé le requérant que la demande confirmative serait traitée avant le 1er octobre 2009, délai que le requérant a contesté.

6

Par décision du 21 septembre 2009, le Conseil a accordé l’accès partiel à huit rapports et a rejeté le surplus de la demande d’accès (ci-après la «décision attaquée»).

7

Dans la décision attaquée, premièrement, le Conseil a rappelé l’objet et l’étendue de la demande d’accès du requérant, ainsi que l’objectif de la mission de surveillance de la Communauté européenne (ci-après l’«ECMM») lors du déroulement des conflits dans l’ex-Yougoslavie et les conditions dans lesquelles elle avait accompli sa tâche. Deuxièmement, il a indiqué n’avoir pu recenser en sa possession aucun document référencé «ECMM RC Knin Log reports». Troisièmement, le Conseil a considéré que la publication des rapports porterait atteinte aux intérêts de l’Union, en mettant en danger ses relations internationales et celles de ses États membres avec cette région d’Europe, ainsi que la sécurité publique, notamment la sécurité et l’intégrité physique des observateurs, des témoins et d’autres sources d’information, dont l’identité et les appréciations seraient révélées par la divulgation des rapports. Quatrièmement, le Conseil a estimé que les rapports conservaient un niveau élevé de sensibilité, malgré l’écoulement d’une période de quatorze années depuis le déroulement des faits qui y étaient relatés. Cinquièmement, le Conseil a écarté l’intérêt particulier, invoqué par le requérant dans sa demande confirmative, tenant à l’établissement de la vérité historique par l’engagement de procédures judiciaires contre les criminels de guerre pour obtenir réparation pour leurs victimes. Sixièmement, il a indiqué au requérant qu’il avait accordé au TPIY l’accès aux rapports, dans le cadre du procès de M. Gotovina, en vertu du principe de coopération internationale avec un tribunal international, instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies. Septièmement, il a renoncé à évoquer l’argument tenant au bon déroulement des procédures pénales en cours. En conclusion, le Conseil a accordé un accès partiel à huit rapports et a refusé de communiquer tout autre rapport, en se fondant sur les exceptions tirées de la protection de la sécurité publique et des relations internationales, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001.

8

En annexe à la décision attaquée, le Conseil a listé les 205 rapports établis par l’ECMM du 1er au 31 août 1995, qui faisaient l’objet de la demande d’accès.

Procédure et conclusions des parties

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2009, le requérant a introduit le présent recours.

10

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner le Conseil à lui verser une somme de 2000 euros hors taxes, soit 2392 euros toutes taxes comprises au titre des dépens d’instance, avec intérêts au taux de la Banque centrale européenne à compter du jour d’enregistrement de la requête.

11

Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

12

Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 21 janvier 2010, le requérant a demandé au Tribunal de solliciter, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la production, d’une part, des décisions du Conseil ou de l’organe compétent de l’Union relatives à la transmission au TPIY des documents dont ce dernier sollicitait la communication dans le cadre du procès de M. Gotovina et, d’autre part, des lettres du Conseil ou de l’organe compétent de l’Union accompagnant l’envoi desdits documents.

13

Le requérant n’ayant pas déposé de réplique dans le délai imparti, la procédure écrite a été close le 19 avril 2010.

14

Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé au Conseil de lui faire connaître quels étaient, parmi les 205 rapports recensés en annexe à la décision attaquée, ceux qui avaient été communiqués à la défense de M. Gotovina, dans le cadre de la procédure ouverte contre celui-ci devant le TPIY.

15

Par courriers du 28 octobre, du 28 novembre et du 19 décembre 2011, le Conseil a demandé la prorogation du délai de réponse à la question posée par le Tribunal au 6 janvier, puis au 16 février 2012. Le Tribunal ayant fait droit à ces demandes, le Conseil a répondu à ladite question le 16 février 2012.

16

Par courrier du 2 décembre 2011, le requérant a présenté ses observations sur la décision du Tribunal de proroger, jusqu’au 6 janvier 2012, le délai accordé au Conseil pour répondre à la question susmentionnée et a produit une décision de la première chambre de première instance du TPIY du 14 avril 2011, Le Procureur c/ Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač. Il a également demandé l’exclusion des agents du Conseil de la procédure, en application de l’article 41, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal. Ce courrier ayant été versé au dossier, le Conseil a présenté ses observations en date du 13 janvier 2012.

17

Alors qu’elle avait été fixée au 16 novembre 2011, l’audience a été reportée à trois reprises à la demande du Conseil, au 18 décembre 2011, au 18 janvier, puis au 21 mars 2012 et, à une reprise, à la demande du requérant, au 25 avril 2012.

En droit

Sur le bien-fondé des conclusions à fin d’annulation de la décision attaquée

18

Pour contester la décision attaquée, le requérant soulève trois moyens, tirés, premièrement, de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, deuxièmement, de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, dudit règlement et, troisièmement, de l’existence d’une divulgation antérieure.

19

Au préalable, il convient de constater que, pour refuser de communiquer au requérant l’intégralité des 205 rapports auxquels celui-ci souhaitait accéder, le Conseil a, dans la décision attaquée, opposé concurremment les exceptions tirées, d’une part, de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales et, d’autre part, de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

20

Ainsi, pour que la décision attaquée soit fondée en droit, il suffit que l’une des deux exceptions que le Conseil a opposées pour refuser l’accès aux rapports l’ait été à juste titre.

21

Dès lors, il convient d’examiner, d’abord, le premier moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001

– Considérations liminaires

22

Tout d’abord, il convient de rappeler que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C-39/05 P et C-52/05 P, Rec. p. I-4723, point 33).

23

Cependant, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt de la Cour du 1er février 2007, Sison/Conseil, C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 62).

24

Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt de la Cour du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, Rec. p. I-8533, point 71).

25

Ensuite, lorsque la divulgation d’un document est demandée à une institution, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 22 supra, point 35). Compte tenu des objectifs poursuivis par ce règlement, ces exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt Suède et Turco/Conseil, point 22 supra, point 36).

26

Néanmoins, la Cour a admis que la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte à ces intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier. Une telle décision requiert, dès lors, une marge d’appréciation (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 35).

27

Enfin, il convient de relever que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 sont très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait «atteinte» à la protection de l’«intérêt public» en ce qui concerne, notamment, les «relations internationales» (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 36).

28

En conséquence, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions des institutions refusant l’accès à des documents en raison des exceptions relatives à l’intérêt public prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 34).

– Appréciation du Tribunal

29

Dans le cadre de son premier moyen, en premier lieu, le requérant soutient que la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales n’est pas applicable aux rapports, puisque ceux-ci revêtiraient un caractère de neutralité que les évaluations et les appréciations qu’ils contiendraient ne sauraient remettre en cause. Par ailleurs, la communication des rapports quatorze ans après les faits qu’ils décrivent serait de nature à établir la vérité historique et les droits des victimes à obtenir réparation des dommages subis. En deuxième lieu, eu égard aux quatorze années écoulées depuis leur établissement, la communication des rapports ne serait pas de nature à porter atteinte à la protection de cet intérêt public, alors qu’elle assurerait la possibilité de poursuivre d’éventuels crimes de guerre. En troisième lieu, le requérant estime que les rapports ne sont pas des documents sensibles, puisqu’ils n’ont pas fait l’objet d’une classification en ce sens, comme cela serait prévu par l’article 9 du règlement no 1049/2001.

30

Le Conseil conteste les arguments du requérant.

31

En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, premièrement, le Conseil a souligné les objectifs en vue desquels la mission de l’ECMM avait été conduite et les conditions dans lesquelles elle avait été accomplie. Ainsi, au point 7 de la décision attaquée, il est mentionné que «[l]’objectif premier de [l’ECMM] était de contribuer à suivre l’évolution de la situation politique et en matière de sécurité dans les Balkans occidentaux, de contribuer à la surveillance des frontières et au suivi des questions interethniques et du retour des réfugiés». Le Conseil précisait, à cet égard, que les rapports comprenaient des rapports quotidiens, des rapports spéciaux, des rapports d’actualité et des bilans hebdomadaires établis par les observateurs de l’ECMM dans la région de Knin du 1er au 31 août 1995.

32

Au même point 7 de la décision attaquée, le Conseil précisait également la nature des informations contenues dans ces différents rapports, lesquels portaient notamment sur «le suivi et l’analyse des déplacements et de l’action des troupes et des forces de police, y compris les bombardements, les violations de cessez-le-feu, les fusillades [et] d’autres aspects militaires, [dont] les discussions des observateurs avec les officiers de liaison ainsi que les informations fournies par les sources». Selon le Conseil, les rapports comprenaient en outre «des observations relatives à la liberté et aux restrictions de déplacement, [au] suivi politique, [notamment] les déclarations des hauts fonctionnaires en visite dans [la] zone [de Knin], d’agents municipaux, les entretiens avec [des membres] des forces armées et [d]es forces de police, ainsi [que] de la société civile, [au] suivi en matière de droits de l’homme, [à savoir des informations sur] les exactions contre les populations civiles et leurs biens, les évacuations, les pertes humaines, les flux [et] le transport de réfugiés, [au] suivi de la construction ou de la démolition d’infrastructures civiles et aux répercussions des bombardements».

33

S’agissant des conditions dans lesquelles l’ECMM avait accompli son action, le Conseil a noté, au point 8 de la décision attaquée, que celle-ci s’était déroulée «dans un climat particulièrement tendu sur le[s] plan[s] politique, militaire et des droits de l’homme» et que nombre de rapports avaient été élaborés «sur la base d’entretiens tenus avec des acteurs et des témoins locaux sous couvert de confidentialité», le contenu des rapports n’ayant été communiqué qu’aux états-majors et aux acteurs locaux de l’ECMM.

34

Deuxièmement, le Conseil a exposé, aux points 9 à 12 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les informations contenues dans les rapports ne pouvaient, en règle générale, être divulguées au requérant. Les points 9 et 11 concernent, plus particulièrement, la mise en œuvre par le Conseil de l’exception tenant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, le point 10 étant consacré à l’exception tenant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

35

Au point 9 de la décision attaquée, le Conseil a souligné que la publication des rapports «mettrait en danger les relations internationales de l’[Union] et de ses États membres avec la région, qui continuent d’être délicates, dans la mesure où seraient divulguées des informations révélant de manière détaillée les observations, appréciations et analyses échangées entre les différents acteurs de [l’ECMM] concernant la situation dans la région sur le plan politique, militaire et de la sécurité». Selon le Conseil, la révélation du contenu des rapports aurait été à «l’encontre de l’objectif visant à fournir à l’[Union] les informations les plus précises possibles pour lui permettre de définir une politique à l’égard des Balkans occidentaux». Il considérait que «la confidentialité des rapports préservée [jusque-là était] un facteur clé du renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays de la région».

36

Aux points 11 et 12 de la décision attaquée, le Conseil a répondu aux arguments du requérant, présentés pendant la procédure administrative, tenant à la période de quatorze années qui s’était écoulée depuis les faits et à la circonstance que la publication des rapports, lesquels auraient un caractère objectif, aurait permis d’établir la vérité historique et d’ouvrir la voie, pour les victimes, à la réparation des pertes et des dommages subis. À cet égard, le Conseil considérait que, d’une part, «quatorze ans après [leur] élaboration […], les rapports conserv[ai]ent un niveau élevé de sensibilité dans la mesure où ils cont[enai]ent des informations sensibles sur une région dans laquelle le renforcement de la stabilité rest[ait] encore une préoccupation majeure» et, d’autre part, il ne pouvait «prendre en considération l’intérêt particulier [porté par le requérant] à l’obtention des [rapports]», puisqu’il aurait été tenu, en vertu des textes applicables, «de se prononcer sur la divulgation au public des [rapports] sur une base erga omnes».

37

En second lieu, ainsi que le Conseil le relève dans le mémoire en défense, il y a lieu de souligner qu’il ressort du contexte dans lequel se sont déroulées les missions de l’ECMM ainsi que du contenu des rapports tel qu’il est présenté dans la décision attaquée, que ceux-ci revêtent un caractère particulièrement sensible. En effet, les rapports comportent des observations, des appréciations et des analyses de la situation politique, militaire et de sécurité dans la zone de Knin en août 1995, pendant et après le déroulement de l’offensive des forces croates, dénommée «Opération Tempête», engagée en vue de soustraire la région de la Krajina aux forces serbes, qui en avaient fait, depuis 1991, une composante de la République serbe de Krajina.

38

Il convient de considérer, comme y invite le Conseil, que de telles observations et appréciations, ainsi que les analyses qu’elles fondaient, étaient destinées à aider le Conseil à définir la politique de l’Union à l’égard des différentes parties au conflit à l’époque à laquelle les rapports ont été rédigés. Par ailleurs, c’est à juste titre que, eu égard au contexte général dans lequel les rapports ont été établis et aux informations qu’ils contiennent, le Conseil a considéré que les différentes observations et appréciations y figurant conservaient encore, à la date de la décision attaquée, un caractère sensible, quand bien même les faits qui avaient donné lieu aux rapports s’étaient déroulés quatorze ans auparavant.

39

Sur ce point, il convient de rappeler, tout comme le Conseil dans la décision attaquée et dans le mémoire en défense, que les politiques de l’Union dans la région des Balkans occidentaux ont pour but de contribuer à la paix, à la stabilité et à une réconciliation régionale durable, en vue, notamment, de renforcer, à l’égard de l’Union, l’intégration des pays de cette région d’Europe, finalités dont le requérant ne conteste aucunement la réalité ou la pertinence. La divulgation d’informations ou d’appréciations contenues dans les rapports pouvait, à la date de la décision attaquée, porter atteinte à la poursuite de ces objectifs par la révélation d’éléments susceptibles de faire naître ou d’accroître le ressentiment ou les tensions entre les différentes communautés des pays qui avaient été parties aux conflits dans l’ex-Yougoslavie ou entre les pays issus de la Yougoslavie, affaiblissant ainsi la confiance portée par les États des Balkans occidentaux dans ce processus d’intégration.

40

C’est donc à juste titre que le Conseil a considéré, dans la décision attaquée, que la divulgation des rapports aurait été de nature à porter atteinte aux objectifs poursuivis par l’Union dans cette région d’Europe et, partant, de nature à porter atteinte aux relations internationales, puisque auraient ainsi été révélées les observations effectuées ou les appréciations portées par l’ECMM sur la situation politique, militaire et de sécurité, lors d’une phase décisive du conflit entre les forces croates et les forces fédérales yougoslaves.

41

Aucun des arguments présentés à l’appui du premier moyen n’est de nature à remettre en cause cette conclusion, le requérant n’ayant, par ailleurs, pas soutenu que le Conseil n’avait pas procédé à un examen concret et individuel des rapports.

42

Premièrement, s’agissant du caractère de neutralité allégué des rapports, l’ECMM n’étant pas une partie au conflit, il convient de constater qu’une telle circonstance n’a aucune incidence sur le point de savoir si la divulgation des rapports était ou non susceptible de porter atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

43

Comme le Conseil l’a indiqué dans la décision attaquée, les rapports contiennent des observations, des appréciations et des analyses de la situation politique, militaire et de sécurité dans la zone de Knin au cours du mois d’août 1995. Si ces différents éléments avaient été divulgués, alors qu’ils conservaient, à la date de la décision attaquée, un caractère sensible (voir points 37 et 38 ci-dessus), ils auraient été susceptibles de porter atteinte à la poursuite des objectifs de l’Union, rappelés au point 39 ci-dessus, et de créer une situation qui eût affaibli la confiance des États des Balkans occidentaux dans le processus d’intégration engagé à l’égard de l’Union. En outre, de tels éléments auraient pu être perçus comme des jugements de valeur à l’encontre des différentes parties aux conflits ayant eu lieu dans l’ex-Yougoslavie. Dès lors, les effets qu’une éventuelle divulgation des rapports pourrait entraîner sont sans relation avec la neutralité de l’ECMM et desdits rapports.

44

Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument tiré de l’écoulement d’une période de quatorze ans entre les faits retranscrits dans les rapports et la décision attaquée, il n’est pas, en lui-même, de nature à démontrer que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de divulguer l’intégralité desdits rapports. Le fait qu’une telle durée est presque égale à la moitié de la période maximale de trente ans, protégeant les documents auxquels une exception est appliquée, prévue par l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, ne permet pas de démontrer que l’exception tirée de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales n’aurait pas été régulièrement appliquée.

45

En effet, le seul évènement invoqué par le requérant pour considérer que la situation se serait normalisée et qu’il serait ainsi justifié de divulguer l’intégralité des rapports est l’adhésion de la République de Croatie à l’Union, qui est prévue pour le 1er juillet 2013. Or, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que la divulgation des rapports n’aurait pas été susceptible, à la date d’adoption de la décision attaquée, de porter atteinte à l’intérêt public mis en avant, en l’espèce, par le Conseil, au regard du contenu desdits rapports et des conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, tels qu’exposés aux points 31 à 33 ci-dessus, alors que, à la date de la décision attaquée, l’Union n’avait pris aucune décision quant à l’adhésion de cet État. Enfin, cette circonstance ne remet pas en cause la constatation faite par le Conseil, dans la décision attaquée, selon laquelle la confidentialité des rapports préservée jusqu’alors avait été un facteur clé du renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays de cette région d’Europe.

46

Par ailleurs, comme le fait valoir le Conseil en défense, la circonstance que les rapports ont été considérés comme nécessaires aux fins des enquêtes et des poursuites diligentées par le procureur du TPIY dans le cadre du procès de M. Gotovina va dans le sens d’une reconnaissance de la persistance du caractère sensible des rapports, en dépit du temps écoulé depuis leur élaboration.

47

Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel les rapports seraient de nature à contribuer à l’établissement de la vérité historique et des droits des victimes à obtenir réparation, le requérant peut être regardé comme invoquant un intérêt public supérieur au vu duquel les rapports auraient dû être divulgués. Or, il convient de rappeler qu’il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 que, s’agissant des exceptions au droit d’accès visées par cette disposition, le refus de l’institution est obligatoire, dès lors que la divulgation au public d’un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu’il y ait lieu, en pareil cas et à la différence de ce que prévoit notamment le paragraphe 2 du même article, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d’autres intérêts (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 46). Dès lors, l’argument soulevé ne peut qu’être écarté.

48

Dans la mesure où le requérant invoquerait un intérêt à la divulgation des rapports, au motif, exprimé dans la requête, que les rapports présentaient un intérêt de «premier plan» dans le cadre de son activité d’avocat «engagé publiquement et notoirement dans la poursuite des criminels de guerre», il convient d’écarter un tel argument, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 47 ci-dessus.

49

En ce qui concerne l’argument invoqué lors de l’audience, tiré de l’intérêt public tenant à accorder l’accès à des documents utiles et contrebalançant l’intérêt public fondant l’exception appliquée en l’espèce, il y a lieu de rappeler que le règlement no 1049/2001 prévoit que l’application des exceptions consacrées par son article 4 est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur, mais uniquement s’agissant des exceptions prévues par ses paragraphes 2 et 3 (voir point 47 ci-dessus).

50

Quatrièmement, le requérant se fonde sur l’absence de classification des rapports au sens de l’article 9 du règlement no 1049/2001 pour considérer que le Conseil ne pouvait lui opposer l’exception tirée de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales. Il ne serait plus possible au Conseil de mettre en avant le caractère sensible des rapports pour s’opposer à leur divulgation, alors qu’il ne les aurait jamais classifiés comme sensibles.

51

L’article 9 du règlement no 1049/2001 établit un régime spécifique pour l’accès aux documents classifiés, notamment quant aux personnes chargées de traiter les demandes d’accès et à la nécessité d’obtenir l’accord préalable de l’autorité d’origine. Par ailleurs, l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 prévoit que toute décision refusant l’accès à un document classifié est fondée sur des motifs ne portant pas atteinte aux intérêts dont la protection est prévue à l’article 4 dudit règlement. Ainsi que le fait valoir le Conseil, il ne résulte aucunement de ces dispositions que l’absence de classification d’un document interdise à l’institution d’en refuser l’accès en raison du risque d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, au motif que le document contiendrait des éléments sensibles. Dès lors, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en opposant l’exception relative aux relations internationales à une demande d’accès à des documents non classifiés.

52

Enfin, cinquièmement, la possibilité d’accorder un accès partiel aux rapports a été évoquée lors de l’audience, en distinguant entre les éléments des rapports qui seraient couverts par la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales et les éléments, notamment de nature purement factuelle, qui auraient pu présenter un intérêt pour le requérant.

53

Toutefois, force est de constater, comme le Conseil l’a indiqué, que les informations précises contenues dans cinq des huit rapports auxquels un accès partiel a été accordé au requérant sont présentées sous le titre «Press reports» (rapports de presse) et qu’il s’agit, toujours selon le Conseil, d’informations qui avaient été divulguées au public. Quant aux trois autres rapports, il y a lieu de constater qu’ils ne contiennent ni rapports de presse ni comptes rendus de faits et qu’ils se bornent à fournir des informations générales sur la situation observée localement. Dès lors, la prémisse sur laquelle l’argument présenté au point précédent s’appuie ne lui permet pas de prospérer, les éléments factuels divulgués au requérant étant des informations qui avaient été rendues publiques au moment de la rédaction de chacun des rapports en cause.

54

Par suite, il convient d’écarter ce dernier argument et, avec lui, le premier moyen dans son ensemble. Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner le deuxième moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique, puisque l’exception tendant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales a été légalement appliquée par le Conseil en l’espèce et qu’elle suffit à fonder le refus d’accès intégral aux rapports.

Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’une divulgation antérieure

55

Le requérant soutient que ce n’est pas en vertu d’un prétendu principe de coopération internationale avec un tribunal international instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies que le Conseil a divulgué les rapports au TPIY, un tel principe n’existant pas, mais sur le fondement du règlement no 1049/2001. En effet, les rapports auraient été communiqués à M. Gotovina, citoyen de l’Union de nationalité française, par l’intermédiaire de ses avocats. Ainsi, en raison du caractère erga omnes de la divulgation déjà opérée, le Conseil ne pourrait s’opposer à la divulgation des rapports au requérant, sauf à commettre une discrimination qui ne pourrait être fondée que sur l’origine ethnique ou sur l’appartenance religieuse réelle ou supposée du requérant.

56

Le Conseil conteste les arguments du requérant.

57

En premier lieu, si le requérant considère que les rapports ne peuvent avoir été transmis à M. Gotovina sur le fondement d’un principe de coopération internationale avec le TPIY, puisqu’un tel principe n’existerait pas, force est de constater que cet argument n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’il consiste uniquement à critiquer le fondement juridique en vertu duquel les rapports ont été communiqués à M. Gotovina, au cours de son procès devant le TPIY. Or, le présent recours ne porte pas sur la légalité de la décision par laquelle le Conseil a décidé d’une telle communication.

58

En deuxième lieu, il ressort de la réponse du Conseil, du 16 février 2012, à la question qui lui avait été posée par le Tribunal, que seuls 48 des 205 rapports visés par la demande d’accès aux documents ont été communiqués à la défense de M. Gotovina dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du TPIY, du 15 avril 2011, Gotovina et consorts. Alors que le requérant n’a présenté aucune observation ou remarque sur ce point, ni par écrit ni lors de l’audience, il y a lieu de considérer que le moyen tiré de la divulgation antérieure n’est apte, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation de la décision attaquée que dans la mesure où l’accès a été refusé à ces 48 rapports.

59

En troisième lieu, il ressort des explications fournies par le Conseil, tant dans le mémoire en défense que lors de l’audience, premièrement, que l’ensemble des archives de l’ECMM a été transmis au TPIY dans les années 90 pour permettre au procureur du TPIY d’engager des poursuites contre les personnes supposées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991.

60

Deuxièmement, le Conseil a fait valoir que, lors du déroulement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du TPIY, du 15 avril 2011, Gotovina et consorts, le procureur du TPIY lui avait demandé, en s’adressant à son secrétaire général, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, de lui communiquer les documents nécessaires aux fins de la procédure, dont, notamment, les 48 rapports (voir point 58 ci-dessus), afin de pouvoir les utiliser comme moyens de preuve de la culpabilité des accusés ou comme éléments à décharge et de pouvoir les communiquer à la défense. En effet, il résulte de l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY que les informations que le procureur souhaite utiliser dans le but de recueillir des éléments de preuve nouveaux ne peuvent être en aucun cas utilisées dans ce but avant d’avoir été communiquées à l’accusé.

61

Troisièmement, il ressort également des explications du Conseil que les documents relevant de l’ECMM communiqués au bureau du procureur du TPIY aux fins de la procédure devant ce tribunal (voir point 60 ci-dessus) l’ont été à titre confidentiel, en application des dispositions de l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY, lesquelles prévoient que, «[s]i le [p]rocureur possède des informations qui ont été communiquées à titre confidentiel et dans la mesure où ces informations n’ont été utilisées que dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux, [il] ne peut divulguer ces informations initiales et leur source qu’avec le consentement de la personne ou de l’entité les ayant fournies».

62

Or, le Conseil a fait valoir que, dans le cadre des demandes qui lui avaient été faites par le procureur du TPIY et qui visaient à ce que celui-ci soit autorisé à utiliser les rapports comme éléments de preuve et à les communiquer à la défense, il avait examiné l’objet de ces demandes et avait établi les conditions dans lesquelles les rapports pouvaient être communiqués à la défense de M. Gotovina, ce qui l’a conduit à transmettre au procureur des versions expurgées des rapports qui étaient destinées à être communiquées à la défense et, conformément à l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY, à être utilisées comme moyens de preuve (voir point 61 ci-dessus).

63

Dès lors, si le requérant soutient que les rapports ont été communiqués à M. Gotovina en application du règlement no 1049/2001, il convient de constater, tout d’abord, qu’il n’a pas contesté la réalité de la procédure de communication des informations utilisées dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux par le procureur du TPIY dans le cadre d’une affaire jugée par ce tribunal, telle qu’elle a été décrite aux points 59 à 62 ci-dessus. Ensuite, à la lumière des explications fournies par le Conseil quant à la procédure de communication des rapports à la défense de M. Gotovina, dans le cadre du procès devant le TPIY, force est également de constater qu’aucun élément du dossier ne laisse supposer que le Conseil aurait communiqué les 48 rapports à M. Gotovina à la suite d’une demande d’accès aux documents présentée par lui sur le fondement du règlement no 1049/2001. À cet égard, si le requérant a fait référence, pour la première fois lors de l’audience, à une demande, datée du 30 mai 2007, par laquelle M. Gotovina ou ses avocats auraient, selon lui, sollicité du Conseil l’accès à des rapports, il suffit de constater que ce document, à supposer qu’il existe, n’a pas été produit dans la présente affaire.

64

Par conséquent, le troisième moyen du recours doit être écarté et, par suite, le recours rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de faire droit à la mesure d’organisation de la procédure demandée par le requérant, dans son courrier du 21 janvier 2010.

65

Quant à la demande d’exclusion des représentants du Conseil de la procédure, en application de l’article 41, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure, il convient de constater que le comportement reproché auxdits agents, à savoir de ne pas avoir informé le Tribunal de l’existence de la décision Le Procureur c/ Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač (point 16 ci-dessus), ne saurait constituer, en l’espèce, un motif d’exclusion de la procédure.

Sur les dépens

66

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

M. Ivan Jurašinović supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

 

Forwood

Dehousse

Prek

Schwarcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 octobre 2012.

[Signatures]


( *1 ) Langue de procédure : le français.


Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T-465/09,

Ivan Jurašinović, demeurant à Angers (France), représenté par M es  M. Jarry et N. Amara-Lebret, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M mes  C. Fekete et K. Zieleśkiewicz, puis par M me  Fekete et M. J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, principalement, une demande d’annulation de la décision du Conseil du 21 septembre 2009 accordant un accès à certains des rapports établis par les observateurs de l’Union européenne présents en Croatie, dans la région de Knin, entre le 1 er et le 31 août 1995,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse, M. Prek, J. Schwarcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : M me  C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. Par courrier du 4 mai 2009, le requérant, M. I. Jurašinović, a demandé, sur le fondement du règlement (CE) n o  1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), au secrétaire général du Conseil de l’Union européenne l’accès aux rapports des observateurs de la Communauté européenne présents en Croatie, dans la zone de Knin, du 1 er au 31 août 1995 (ci-après les « rapports ») et à des documents référencés « ECMM RC Knin Log reports ».

2. Par courrier du 27 mai 2009, le secrétaire général du Conseil a informé le requérant que, en raison du très grand nombre de documents potentiellement couverts par sa demande et de leur nature particulièrement délicate, le délai pour répondre à la demande d’accès devait être prolongé, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n o  1049/2001.

3. Par décision du 17 juin 2009, le secrétaire général du Conseil a rejeté la demande d’accès du requérant, en lui opposant l’exception, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n o  1049/2001, protégeant l’intérêt public concernant les relations internationales, en se fondant sur les circonstances que, d’une part, les documents demandés étaient de nature à créer de nouvelles difficultés, en cas de divulgation, dans les relations de l’Union avec les différentes parties aux conflits qui s’étaient déroulés dans l’ex-Yougoslavie et avec d’autres pays concernés et, d’autre part, ces documents faisaient partie des fonds d’archives que l’Union avait mis à la disposition tant du ministère public que de la défense dans le cadre de la procédure dirigée contre M. A. Gotovina devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, créé par l’Organisation des Nations unies (ci-après le « TPIY »).

4. Par courrier du 27 juin 2009, le requérant a présenté une demande confirmative d’accès aux documents (ci-après la « demande confirmative »).

5. Par courrier du 2 juillet 2009, le secrétaire général du Conseil a informé le requérant que la demande confirmative serait traitée avant le 1 er  octobre 2009, délai que le requérant a contesté.

6. Par décision du 21 septembre 2009, le Conseil a accordé l’accès partiel à huit rapports et a rejeté le surplus de la demande d’accès (ci-après la « décision attaquée »).

7. Dans la décision attaquée, premièrement, le Conseil a rappelé l’objet et l’étendue de la demande d’accès du requérant, ainsi que l’objectif de la mission de surveillance de la Communauté européenne (ci-après l’« ECMM ») lors du déroulement des conflits dans l’ex-Yougoslavie et les conditions dans lesquelles elle avait accompli sa tâche. Deuxièmement, il a indiqué n’avoir pu recenser en sa possession aucun document référencé « ECMM RC Knin Log reports ». Troisièmement, le Conseil a considéré que la publication des rapports porterait atteinte aux intérêts de l’Union, en mettant en danger ses relations internationales et celles de ses États membres avec cette région d’Europe, ainsi que la sécurité publique, notamment la sécurité et l’intégrité physique des observateurs, des témoins et d’autres sources d’information, dont l’identité et les appréciations seraient révélées par la divulgation des rapports. Quatrièmement, le Conseil a estimé que les rapports conservaient un niveau élevé de sensibilité, malgré l’écoulement d’une période de quatorze années depuis le déroulement des faits qui y étaient relatés. Cinquièmement, le Conseil a écarté l’intérêt particulier, invoqué par le requérant dans sa demande confirmative, tenant à l’établissement de la vérité historique par l’engagement de procédures judiciaires contre les criminels de guerre pour obtenir réparation pour leurs victimes. Sixièmement, il a indiqué au requérant qu’il avait accordé au TPIY l’accès aux rapports, dans le cadre du procès de M. Gotovina, en vertu du principe de coopération internationale avec un tribunal international, instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies. Septièmement, il a renoncé à évoquer l’argument tenant au bon déroulement des procédures pénales en cours. En conclusion, le Conseil a accordé un accès partiel à huit rapports et a refusé de communiquer tout autre rapport, en se fondant sur les exceptions tirées de la protection de la sécurité publique et des relations internationales, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, du règlement n o  1049/2001.

8. En annexe à la décision attaquée, le Conseil a listé les 205 rapports établis par l’ECMM du 1 er au 31 août 1995, qui faisaient l’objet de la demande d’accès.

Procédure et conclusions des parties

9. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2009, le requérant a introduit le présent recours.

10. Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner le Conseil à lui verser une somme de 2 000 euros hors taxes, soit 2 392 euros toutes taxes comprises au titre des dépens d’instance, avec intérêts au taux de la Banque centrale européenne à compter du jour d’enregistrement de la requête.

11. Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner le requérant aux dépens.

12. Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 21 janvier 2010, le requérant a demandé au Tribunal de solliciter, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la production, d’une part, des décisions du Conseil ou de l’organe compétent de l’Union relatives à la transmission au TPIY des documents dont ce dernier sollicitait la communication dans le cadre du procès de M. Gotovina et, d’autre part, des lettres du Conseil ou de l’organe compétent de l’Union accompagnant l’envoi desdits documents.

13. Le requérant n’ayant pas déposé de réplique dans le délai imparti, la procédure écrite a été close le 19 avril 2010.

14. Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé au Conseil de lui faire connaître quels étaient, parmi les 205 rapports recensés en annexe à la décision attaquée, ceux qui avaient été communiqués à la défense de M. Gotovina, dans le cadre de la procédure ouverte contre celui-ci devant le TPIY.

15. Par courriers du 28 octobre, du 28 novembre et du 19 décembre 2011, le Conseil a demandé la prorogation du délai de réponse à la question posée par le Tribunal au 6 janvier, puis au 16 février 2012. Le Tribunal ayant fait droit à ces demandes, le Conseil a répondu à ladite question le 16 février 2012.

16. Par courrier du 2 décembre 2011, le requérant a présenté ses observations sur la décision du Tribunal de proroger, jusqu’au 6 janvier 2012, le délai accordé au Conseil pour répondre à la question susmentionnée et a produit une décision de la première chambre de première instance du TPIY du 14 avril 2011, Le Procureur c/ Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač. Il a également demandé l’exclusion des agents du Conseil de la procédure, en application de l’article 41, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal. Ce courrier ayant été versé au dossier, le Conseil a présenté ses observations en date du 13 janvier 2012.

17. Alors qu’elle avait été fixée au 16 novembre 2011, l’audience a été reportée à trois reprises à la demande du Conseil, au 18 décembre 2011, au 18 janvier, puis au 21 mars 2012 et, à une reprise, à la demande du requérant, au 25 avril 2012.

En droit

Sur le bien-fondé des conclusions à fin d’annulation de la décision attaquée

18. Pour contester la décision attaquée, le requérant soulève trois moyens, tirés, premièrement, de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n o  1049/2001, deuxièmement, de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, dudit règlement et, troisièmement, de l’existence d’une divulgation antérieure.

19. Au préalable, il convient de constater que, pour refuser de communiquer au requérant l’intégralité des 205 rapports auxquels celui-ci souhaitait accéder, le Conseil a, dans la décision attaquée, opposé concurremment les exceptions tirées, d’une part, de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales et, d’autre part, de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

20. Ainsi, pour que la décision attaquée soit fondée en droit, il suffit que l’une des deux exceptions que le Conseil a opposées pour refuser l’accès aux rapports l’ait été à juste titre.

21. Dès lors, il convient d’examiner, d’abord, le premier moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n o  1049/2001.

Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n o  1049/2001

– Considérations liminaires

22. Tout d’abord, il convient de rappeler que le règlement n o  1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1 er , à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt de la Cour du 1 er  juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C-39/05 P et C-52/05 P, Rec. p. I-4723, point 33).

23. Cependant, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt de la Cour du 1 er  février 2007, Sison/Conseil, C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 62).

24. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement n o  1049/2001 prévoit, à son article 4, que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt de la Cour du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, Rec. p. I-8533, point 71).

25. Ensuite, lorsque la divulgation d’un document est demandée à une institution, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement n o  1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 22 supra, point 35). Compte tenu des objectifs poursuivis par ce règlement, ces exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt Suède et Turco/Conseil, point 22 supra, point 36).

26. Néanmoins, la Cour a admis que la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n o  1049/2001, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte à ces intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier. Une telle décision requiert, dès lors, une marge d’appréciation (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 35).

27. Enfin, il convient de relever que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n o  1049/2001 sont très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait « atteinte » à la protection de l’« intérêt public » en ce qui concerne, notamment, les « relations internationales » (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 36).

28. En conséquence, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions des institutions refusant l’accès à des documents en raison des exceptions relatives à l’intérêt public prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n o  1049/2001 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 34).

– Appréciation du Tribunal

29. Dans le cadre de son premier moyen, en p remier lieu, le requérant soutient que la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales n’est pas applicable aux rapports, puisque ceux-ci revêtiraient un caractère de neutralité que les évaluations et les appréciations qu’ils contiendraient ne sauraient remettre en cause. Par ailleurs, la communication des rapports quatorze ans après les faits qu’ils décrivent serait de nature à établir la vérité historique et les droits des victimes à obtenir réparation des dommages subis. En deuxième lieu, eu égard aux quatorze années écoulées depuis leur établissement, la communication des rapports ne serait pas de nature à porter atteinte à la protection de cet intérêt public, alors qu’elle assurerait la possibilité de poursuivre d’éventuels crimes de guerre. En troisième lieu, le requérant estime que les rapports ne sont pas des documents sensibles, puisqu’ils n’ont pas fait l’objet d’une classification en ce sens, comme cela serait prévu par l’article 9 du règlement n o  1049/2001.

30. Le Conseil conteste les arguments du requérant.

31. En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, premièrement, le Conseil a souligné les objectifs en vue desquels la mission de l’ECMM avait été conduite et les conditions dans lesquelles elle avait été accomplie. Ainsi, au point 7 de la décision attaquée, il est mentionné que « [l]’objectif premier de [l’ECMM] était de contribuer à suivre l’évolution de la situation politique et en matière de sécurité dans les Balkans occidentaux, de contribuer à la surveillance des frontières et au suivi des questions interethniques et du retour des réfugiés ». Le Conseil précisait, à cet égard, que les rapports comprenaient des rapports quotidiens, des rapports spéciaux, des rapports d’actualité et des bilans hebdomadaires établis par les observateurs de l’ECMM dans la région de Knin du 1 er au 31 août 1995.

32. Au même point 7 de la décision attaquée, le Conseil précisait également la nature des informations contenues dans ces différents rapports, lesquels portaient notamment sur « le suivi et l’analyse des déplacements et de l’action des troupes et des forces de police, y compris les bombardements, les violations de cessez-le-feu, les fusillades [et] d’autres aspects militaires, [dont] les discussions des observateurs avec les officiers de liaison ainsi que les informations fournies par les sources ». Selon le Conseil, les rapports comprenaient en outre « des observations relatives à la liberté et aux restrictions de déplacement, [au] suivi politique, [notamment] les déclarations des hauts fonctionnaires en visite dans [la] zone [de Knin], d’agents municipaux, les entretiens avec [des membres] des forces armées et [d]es forces de police, ainsi [que] de la société civile, [au] suivi en matière de droits de l’homme, [à savoir des informations sur] les exactions contre les populations civiles et leurs biens, les évacuations, les pertes humaines, les flux [et] le transport de réfugiés, [au] suivi de la construction ou de la démolition d’infrastructures civiles et aux répercussions des bombardements ».

33. S’agissant des conditions dans lesquelles l’ECMM avait accompli son action, le Conseil a noté, au point 8 de la décision attaquée, que celle-ci s’était déroulée « dans un climat particulièrement tendu sur le[s] plan[s] politique, militaire et des droits de l’homme » et que nombre de rapports avaient été élaborés « sur la base d’entretiens tenus avec des acteurs et des témoins locaux sous couvert de confidentialité », le contenu des rapports n’ayant été communiqué qu’aux états-majors et aux acteurs locaux de l’ECMM.

34. Deuxièmement, le Conseil a exposé, aux points 9 à 12 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les informations contenues dans les rapports ne pouvaient, en règle générale, être divulguées au requérant. Les points 9 et 11 concernent, plus particulièrement, la mise en œuvre par le Conseil de l’exception tenant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, le point 10 étant consacré à l’exception tenant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique.

35. Au point 9 de la décision attaquée, le Conseil a souligné que la publication des rapports « mettrait en danger les relations internationales de l’[Union] et de ses États membres avec la région, qui continuent d’être délicates, dans la mesure où seraient divulguées des informations révélant de manière détaillée les observations, appréciations et analyses échangées entre les différents acteurs de [l’ECMM] concernant la situation dans la région sur le plan politique, militaire et de la sécurité ». Selon le Conseil, la révélation du contenu des rapports aurait été à « l’encontre de l’objectif visant à fournir à l’[Union] les informations les plus précises possibles pour lui permettre de définir une politique à l’égard des Balkans occidentaux ». Il considérait que « la confidentialité des rapports préservée [jusque-là était] un facteur clé du renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays de la région ».

36. Aux points 11 et 12 de la décision attaquée, le Conseil a répondu aux arguments du requérant, présentés pendant la procédure administrative, tenant à la période de quatorze années qui s’était écoulée depuis les faits et à la circonstance que la publication des rapports, lesquels auraient un caractère objectif, aurait permis d’établir la vérité historique et d’ouvrir la voie, pour les victimes, à la réparation des pertes et des dommages subis. À cet égard, le Conseil considérait que, d’une part, « quatorze ans après [leur] élaboration […], les rapports conserv[ai]ent un niveau élevé de sensibilité dans la mesure où ils cont[enai]ent des informations sensibles sur une région dans laquelle le renforcement de la stabilité rest[ait] encore une préoccupation majeure » et, d’autre part, il ne pouvait « prendre en considération l’intérêt particulier [porté par le requérant] à l’obtention des [rapports] », puisqu’il aurait été tenu, en vertu des textes applicables, « de se prononcer sur la divulgation au public des [rapports] sur une base erga omnes ».

37. En second lieu, ainsi que le Conseil le relève dans le mémoire en défense, il y a lieu de souligner qu’il ressort du contexte dans lequel se sont déroulées les missions de l’ECMM ainsi que du contenu des rapports tel qu’il est présenté dans la décision attaquée, que ceux-ci revêtent un caractère particulièrement sensible. En effet, les rapports comportent des observations, des appréciations et des analyses de la situation politique, militaire et de sécurité dans la zone de Knin en août 1995, pendant et après le déroulement de l’offensive des forces croates, dénommée « Opération Tempête », engagée en vue de soustraire la région de la Krajina aux forces serbes, qui en avaient fait, depuis 1991, une composante de la République serbe de Krajina.

38. Il convient de considérer, comme y invite le Conseil, que de telles observations et appréciations, ainsi que les analyses qu’elles fondaient, étaient destinées à aider le Conseil à définir la politique de l’Union à l’égard des différentes parties au conflit à l’époque à laquelle les rapports ont été rédigés. Par ailleurs, c’est à juste titre que, eu égard au contexte général dans lequel les rapports ont été établis et aux informations qu’ils contiennent, le Conseil a considéré que les différentes observations et appréciations y figurant conservaient encore, à la date de la décision attaquée, un caractère sensible, quand bien même les faits qui avaient donné lieu aux rapports s’étaient déroulés quatorze ans auparavant.

39. Sur ce point, il convient de rappeler, tout comme le Conseil dans la décision attaquée et dans le mémoire en défense, que les politiques de l’Union dans la région des Balkans occidentaux ont pour but de contribuer à la paix, à la stabilité et à une réconciliation régionale durable, en vue, notamment, de renforcer, à l’égard de l’Union, l’intégration des pays de cette région d’Europe, finalités dont le requérant ne conteste aucunement la réalité ou la pertinence. La divulgation d’informations ou d’appréciations contenues dans les rapports pouvait, à la date de la décision attaquée, porter atteinte à la poursuite de ces objectifs par la révélation d’éléments susceptibles de faire naître ou d’accroître le ressentiment ou les tensions entre les différentes communautés des pays qui avaient été parties aux conflits dans l’ex-Yougoslavie ou entre les pays issus de la Yougoslavie, affaiblissant ainsi la confiance portée par les États des Balkans occidentaux dans ce processus d’intégration.

40. C’est donc à juste titre que le Conseil a considéré, dans la décision attaquée, que la divulgation des rapports aurait été de nature à porter atteinte aux objectifs poursuivis par l’Union dans cette région d’Europe et, partant, de nature à porter atteinte aux relations internationales, puisque auraient ainsi été révélées les observations effectuées ou les appréciations portées par l’ECMM sur la situation politique, militaire et de sécurité, lors d’une phase décisive du conflit entre les forces croates et les forces fédérales yougoslaves.

41. Aucun des arguments présentés à l’appui du premier moyen n’est de nature à remettre en cause cette conclusion, le requérant n’ayant, par ailleurs, pas soutenu que le Conseil n’avait pas procédé à un examen concret et individuel des rapports.

42. Premièrement, s’agissant du caractère de neutralité allégué des rapports, l’ECMM n’étant pas une partie au conflit, il convient de constater qu’une telle circonstance n’a aucune incidence sur le point de savoir si la divulgation des rapports était ou non susceptible de porter atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

43. Comme le Conseil l’a indiqué dans la décision attaquée, les rapports contiennent des observations, des appréciations et des analyses de la situation politique, militaire et de sécurité dans la zone de Knin au cours du mois d’août 1995. Si ces différents éléments avaient été divulgués, alors qu’ils conservaient, à la date de la décision attaquée, un caractère sensible (voir points 37 et 38 ci-dessus), ils auraient été susceptibles de porter atteinte à la poursuite des objectifs de l’Union, rappelés au point 39 ci-dessus, et de créer une situation qui eût affaibli la confiance des États des Balkans occidentaux dans le processus d’intégration engagé à l’égard de l’Union. En outre, de tels éléments auraient pu être perçus comme des jugements de valeur à l’encontre des différentes parties aux conflits ayant eu lieu dans l’ex-Yougoslavie. Dès lors, les effets qu’une éventuelle divulgation des rapports pourrait entraîner sont sans relation avec la neutralité de l’ECMM et desdits rapports.

44. Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument tiré de l’écoulement d’une période de quatorze ans entre les faits retranscrits dans les rapports et la décision attaquée, il n’est pas, en lui-même, de nature à démontrer que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de divulguer l’intégralité desdits rapports. Le fait qu’une telle durée est presque égale à la moitié de la période maximale de trente ans, protégeant les documents auxquels une exception est appliquée, prévue par l’article 4, paragraphe 7, du règlement n o  1049/2001, ne permet pas de démontrer que l’exception tirée de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales n’aurait pas été régulièrement appliquée.

45. En effet, le seul évènement invoqué par le requérant pour considérer que la situation se serait normalisée et qu’il serait ainsi justifié de divulguer l’intégralité des rapports est l’adhésion de la République de Croatie à l’Union, qui est prévue pour le 1 er  juillet 2013. Or, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que la divulgation des rapports n’aurait pas été susceptible, à la date d’adoption de la décision attaquée, de porter atteinte à l’intérêt public mis en avant, en l’espèce, par le Conseil, au regard du contenu desdits rapports et des conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, tels qu’exposés aux points 31 à 33 ci-dessus, alors que, à la date de la décision attaquée, l’Union n’avait pris aucune décision quant à l’adhésion de cet État. Enfin, cette circonstance ne remet pas en cause la constatation faite par le Conseil, dans la décision attaquée, selon laquelle la confidentialité des rapports préservée jusqu’alors avait été un facteur clé du renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays de cette région d’Europe.

46. Par ailleurs, comme le fait valoir le Conseil en défense, la circonstance que les rapports ont été considérés comme nécessaires aux fins des enquêtes et des poursuites diligentées par le procureur du TPIY dans le cadre du procès de M. Gotovina va dans le sens d’une reconnaissance de la persistance du caractère sensible des rapports, en dépit du temps écoulé depuis leur élaboration.

47. Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel les rapports seraient de nature à contribuer à l’établissement de la vérité historique et des droits des victimes à obtenir réparation, le requérant peut être regardé comme invoquant un intérêt public supérieur au vu duquel les rapports auraient dû être divulgués. Or, il convient de rappeler qu’il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n o  1049/2001 que, s’agissant des exceptions au droit d’accès visées par cette disposition, le refus de l’institution est obligatoire, dès lors que la divulgation au public d’un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu’il y ait lieu, en pareil cas et à la différence de ce que prévoit notamment le paragraphe 2 du même article, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d’autres intérêts (arrêt Sison/Conseil, point 23 supra, point 46). Dès lors, l’argument soulevé ne peut qu’être écarté.

48. Dans la mesure où le requérant invoquerait un intérêt à la divulgation des rapports, au motif, exprimé dans la requête, que les rapports présentaient un intérêt de « premier plan » dans le cadre de son activité d’avocat « engagé publiquement et notoirement dans la poursuite des criminels de guerre », il convient d’écarter un tel argument, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 47 ci-dessus.

49. En ce qui concerne l’argument invoqué lors de l’audience, tiré de l’intérêt public tenant à accorder l’accès à des documents utiles et contrebalançant l’intérêt public fondant l’exception appliquée en l’espèce, il y a lieu de rappeler que le règlement n o  1049/2001 prévoit que l’application des exceptions consacrées par son article 4 est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur, mais uniquement s’agissant des exceptions prévues par ses paragraphes 2 et 3 (voir point 47 ci-dessus).

50. Quatrièmement, le requérant se fonde sur l’absence de classification des rapports au sens de l’article 9 du règlement n o  1049/2001 pour considérer que le Conseil ne pouvait lui opposer l’exception tirée de la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales. Il ne serait plus possible au Conseil de mettre en avant le caractère sensible des rapports pour s’opposer à leur divulgation, alors qu’il ne les aurait jamais classifiés comme sensibles.

51. L’article 9 du règlement n o  1049/2001 établit un régime spécifique pour l’accès aux documents classifiés, notamment quant aux personnes chargées de traiter les demandes d’accès et à la nécessité d’obtenir l’accord préalable de l’autorité d’origine. Par ailleurs, l’article 9, paragraphe 4, du règlement n o  1049/2001 prévoit que toute décision refusant l’accès à un document classifié est fondée sur des motifs ne portant pas atteinte aux intérêts dont la protection est prévue à l’article 4 dudit règlement. Ainsi que le fait valoir le Conseil, il ne résulte aucunement de ces dispositions que l’absence de classification d’un document interdise à l’institution d’en refuser l’accès en raison du risque d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, au motif que le document contiendrait des éléments sensibles. Dès lors, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en opposant l’exception relative aux relations internationales à une demande d’accès à des documents non classifiés.

52. Enfin, cinquièmement, la possibilité d’accorder un accès partiel aux rapports a été évoquée lors de l’audience, en distinguant entre les éléments des rapports qui seraient couverts par la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales et les éléments, notamment de nature purement factuelle, qui auraient pu présenter un intérêt pour le requérant.

53. Toutefois, force est de constater, comme le Conseil l’a indiqué, que les informations précises contenues dans cinq des huit rapports auxquels un accès partiel a été accordé au requérant sont présentées sous le titre « Press reports » (rapports de presse) et qu’il s’agit, toujours selon le Conseil, d’informations qui avaient été divulguées au public. Quant aux trois autres rapports, il y a lieu de constater qu’ils ne contiennent ni rapports de presse ni comptes rendus de faits et qu’ils se bornent à fournir des informations générales sur la situation observée localement. Dès lors, la prémisse sur laquelle l’argument présenté au point précédent s’appuie ne lui permet pas de prospérer, les éléments factuels divulgués au requérant étant des informations qui avaient été rendues publiques au moment de la rédaction de chacun des rapports en cause.

54. Par suite, il convient d’écarter ce dernier argument et, avec lui, le premier moyen dans son ensemble. Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner le deuxième moyen, tiré de l’absence d’atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique, puisque l’exception tendant à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales a été légalement appliquée par le Conseil en l’espèce et qu’elle suffit à fonder le refus d’accès intégral aux rapports.

Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’une divulgation antérieure

55. Le requérant soutient que ce n’est pas en vertu d’un prétendu principe de coopération internationale avec un tribunal international instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies que le Conseil a divulgué les rapports au TPIY, un tel principe n’existant pas, mais sur le fondement du règlement n o  1049/2001. En effet, les rapports auraient été communiqués à M. Gotovina, citoyen de l’Union de nationalité française, par l’intermédiaire de ses avocats. Ainsi, en raison du caractère erga omnes de la divulgation déjà opérée, le Conseil ne pourrait s’opposer à la divulgation des rapports au requérant, sauf à commettre une discrimination qui ne pourrait être fondée que sur l’origine ethnique ou sur l’appartenance religieuse réelle ou supposée du requérant.

56. Le Conseil conteste les arguments du requérant.

57. En premier lieu, si le requérant considère que les rapports ne peuvent avoir été transmis à M. Gotovina sur le fondement d’un principe de coopération internationale avec le TPIY, puisqu’un tel principe n’existerait pas, force est de constater que cet argument n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’il consiste uniquement à critiquer le fondement juridique en vertu duquel les rapports ont été communiqués à M. Gotovina, au cours de son procès devant le TPIY. Or, le présent recours ne porte pas sur la légalité de la décision par laquelle le Conseil a décidé d’une telle communication.

58. En deuxième lieu, il ressort de la réponse du Conseil, du 16 février 2012, à la question qui lui avait été posée par le Tribunal, que seuls 48 des 205 rapports visés par la demande d’accès aux documents ont été communiqués à la défense de M. Gotovina dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du TPIY, du 15 avril 2011, Gotovina et consorts. Alors que le requérant n’a présenté aucune observation ou remarque sur ce point, ni par écrit ni lors de l’audience, il y a lieu de considérer que le moyen tiré de la divulgation antérieure n’est apte, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation de la décision attaquée que dans la mesure où l’accès a été refusé à ces 48 rapports.

59. En troisième lieu, il ressort des explications fournies par le Conseil, tant dans le mémoire en défense que lors de l’audience, premièrement, que l’ensemble des archives de l’ECMM a été transmis au TPIY dans les années 90 pour permettre au procureur du TPIY d’engager des poursuites contre les personnes supposées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991.

60. Deuxièmement, le Conseil a fait valoir que, lors du déroulement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du TPIY, du 15 avril 2011, Gotovina et consorts, le procureur d u TPIY lui avait demandé, en s’adressant à son secrétaire général, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, de lui communiquer les documents nécessaires aux fins de la procédure, dont, notamment, les 48 rapports (voir point 58 ci-dessus), afin de pouvoir les utiliser comme moyens de preuve de la culpabilité des accusés ou comme éléments à décharge et de pouvoir les communiquer à la défense. En effet, il résulte de l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY que les informations que le procureur souhaite utiliser dans le but de recueillir des éléments de preuve nouveaux ne peuvent être en aucun cas utilisées dans ce but avant d’avoir été communiquées à l’accusé.

61. Troisièmement, il ressort également des explications du Conseil que les documents relevant de l’ECMM communiqués au bureau du procureur du TPIY aux fins de la procédure devant ce tribunal (voir point 60 ci-dessus) l’ont été à titre confidentiel, en application des dispositions de l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY, lesquelles prévoient que, « [s]i le [p]rocureur possède des informations qui ont été communiquées à titre confidentiel et dans la mesure où ces informations n’ont été utilisées que dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux, [il] ne peut divulguer ces informations initiales et leur source qu’avec le consentement de la personne ou de l’entité les ayant fournies ».

62. Or, le Conseil a fait valoir que, dans le cadre des demandes qui lui avaient été faites par le procureur du TPIY et qui visaient à ce que celui-ci soit autorisé à utiliser les rapports comme éléments de preuve et à les communiquer à la défense, il avait examiné l’objet de ces demandes et avait établi les conditions dans lesquelles les rapports pouvaient être communiqués à la défense de M. Gotovina, ce qui l’a conduit à transmettre au procureur des versions expurgées des rapports qui étaient destinées à être communiquées à la défense et, conformément à l’article 70 B du règlement de procédure et de preuve du TPIY, à être utilisées comme moyens de preuve (voir point 61 ci-dessus).

63. Dès lors, si le requérant soutient que les rapports ont été communiqués à M. Gotovina en application du règlement n o  1049/2001, il convient de constater, tout d’abord, qu’il n’a pas contesté la réalité de la procédure de communication des informations utilisées dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux par le procureur du TPIY dans le cadre d’une affaire jugée par ce tribunal, telle qu’elle a été décrite aux points 59 à 62 ci-dessus. Ensuite, à la lumière des explications fournies par le Conseil quant à la procédure de communication des rapports à la défense de M. Gotovina, dans le cadre du procès devant le TPIY, force est également de constater qu’aucun élément du dossier ne laisse supposer que le Conseil aurait communiqué les 48 rapports à M. Gotovina à la suite d’une demande d’accès aux documents présentée par lui sur le fondement du règlement n o  1049/2001. À cet égard, si le requérant a fait référence, pour la première fois lors de l’audience, à une demande, datée du 30 mai 2007, par laquelle M. Gotovina ou ses avocats auraient, selon lui, sollicité du Conseil l’accès à des rapports, il suffit de constater que ce document, à supposer qu’il existe, n’a pas été produit dans la présente affaire.

64. Par conséquent, le troisième moyen du recours doit être écarté et, par suite, le recours rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de faire droit à la mesure d’organisation de la procédure demandée par le requérant, dans son courrier du 21 janvier 2010.

65. Quant à la demande d’exclusion des représentants du Conseil de la procédure, en application de l’article 41, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure, il convient de constater que le comportement reproché auxdits agents, à savoir de ne pas avoir informé le Tribunal de l’existence de la décision Le Procureur c/ Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač (point 16 ci-dessus), ne saurait constituer, en l’espèce, un motif d’exclusion de la procédure.

Sur les dépens

66. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) M. Ivan Jurašinović supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.