Affaire C-396/09

Interedil Srl, en liquidation

contre

Fallimento Interedil Srl
et
Intesa Gestione Crediti SpA

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Bari)

«Renvoi préjudiciel — Pouvoir d’une juridiction inférieure de poser une question préjudicielle à la Cour — Règlement (CE) nº 1346/2000 — Procédures d’insolvabilité — Compétence internationale — Centre des intérêts principaux du débiteur — Transfert du siège statutaire dans un autre État membre — Notion d’‘établissement’.»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Acte pris sur le fondement du titre IV de la troisième partie du traité CE

(Art. 267 TFUE)

2.        Droit de l'Union — Primauté — Droit national contraire — Inapplicabilité de plein droit des normes existantes — Obligation de respecter les instructions d'une juridiction supérieure non conformes au droit de l'Union — Inadmissibilité

(Art. 267 TFUE)

3.        Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000 — Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité — Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 1)

4.        Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000 — Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité — Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur — Critères de détermination

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 1, 2e phrase)

5.        Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000 — Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité — Procédure secondaire

(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 2)

1.        En application de l’article 267 TFUE, les juridictions dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne disposent depuis le 1er décembre 2009 du droit de saisir la Cour à titre préjudiciel lorsque sont en cause des actes adoptés sur le fondement du titre IV du traité.

Eu égard à l’objectif de coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales que poursuit l’article 267 TFUE et au principe de l’économie de la procédure, la Cour a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.

(cf. points 19-20)

2.        Le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale s’imposent à elle, lorsqu’il apparaît que les appréciations portées par la juridiction supérieure ne sont pas conformes au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour.

En effet, premièrement, l’existence d’une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les juridictions ne statuant pas en dernière instance sont liées par des appréciations portées par la juridiction supérieure, ne saurait remettre en cause la faculté qu’ont les juridictions nationales ne statuant pas en dernière instance de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle lorsqu’elles ont des doutes sur l’interprétation du droit de l’Union.

Deuxièmement, un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation ou à la validité des actes des institutions de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal.

En outre, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces dispositions en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette disposition nationale par la voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.

(cf. points 35-36, 38-39, disp. 1)

3.        La notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

En effet, il s'agit d'une notion propre au règlement qui doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

(cf. points 43-44, disp. 2)

4.        Aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre.

Dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

(cf. point 59, disp. 3)

5.        La notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

(cf. point 64, disp. 4)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

20 octobre 2011 (*)

«Renvoi préjudiciel – Pouvoir d’une juridiction inférieure de poser une question préjudicielle à la Cour – Règlement (CE) n° 1346/2000 – Procédures d’insolvabilité – Compétence internationale – Centre des intérêts principaux du débiteur – Transfert du siège statutaire dans un autre État membre – Notion d’‘établissement’»

Dans l’affaire C‑396/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale di Bari (Italie), par décision du 6 juillet 2009, parvenue à la Cour le 13 octobre 2009, dans la procédure

Interedil Srl, en liquidation,

contre

Fallimento Interedil Srl,

Intesa Gestione Crediti SpA,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan, A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Interedil Srl, en liquidation, par Me P. Troianiello, avvocato,

–        pour Fallimento Interedil Srl, par Me G. Labanca, avvocato,

–        pour Intesa Gestione Crediti SpA, par Me G. Costantino, avvocato,

–        pour la Commission européenne, par M. N. Bambara et Mme S. Petrova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Interedil Srl, en liquidation (ci-après «Interedil»), à Fallimento Interedil Srl et à Intesa Gestione Crediti SpA (ci-après «Intesa»), aux droits de laquelle a succédé Italfondario SpA, au sujet d’une action en déclaration de faillite engagée par Intesa à l’encontre d’Interedil.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le règlement a été arrêté sur le fondement, notamment, des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE.

4        L’article 2 du règlement, consacré aux définitions, dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a)      ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

         [...]

h)      ‘établissement’: tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.»

5        La liste figurant à l’annexe A du règlement mentionne notamment, en ce qui concerne l’Italie, la procédure de «fallimento».

6        L’article 3 du règlement, qui traite de la compétence internationale, prévoit:

«1.      Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2.      Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[...]»

7        Le treizième considérant du règlement indique que «le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

 Le droit national

8        L’article 382 du code de procédure civile italien (codice di procedura civile), relatif à la résolution par la Corte suprema di cassazione des questions de compétence, dispose:

«La Corte, quand elle se prononce sur une question de compétence, statue sur celle-ci en déterminant, le cas échéant, la juridiction compétente [...]»

9        Il ressort de la décision de renvoi que, selon une jurisprudence établie, la décision rendue par la Corte suprema di cassazione sur le fondement de cette disposition est définitive et contraignante pour la juridiction qui est saisie de l’affaire au fond.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Interedil a été constituée sous la forme juridique d’une «società a responsabilità limitata» de droit italien, dont le siège statutaire était établi à Monopoli (Italie). Le 18 juillet 2001, son siège statutaire a été transféré à Londres (Royaume-Uni). À cette même date, elle a été rayée du registre des entreprises de l’État italien. À la suite du transfert de son siège, Interedil a été inscrite au registre des sociétés du Royaume-Uni avec la mention «FC» («Foreign Company», société étrangère).

11      Selon les déclarations d’Interedil, telles que reprises dans la décision de renvoi, cette société a procédé, en même temps qu’au transfert de son siège, à des opérations consistant en son acquisition par le groupe britannique Canopus ainsi qu’en la négociation et en la conclusion de contrats de cession d’entreprises. D’après Interedil, quelques mois après le transfert de son siège statutaire, la propriété des immeubles qu’elle détenait à Tarente (Italie) a été transférée à Windowmist Limited, en tant qu’éléments faisant partie de l’entreprise transférée. Interedil a également indiqué qu’elle a été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni le 22 juillet 2002.

12      Le 28 octobre 2003, Intesa a demandé au Tribunale di Bari d’ouvrir une procédure de faillite («fallimento») à l’encontre d’Interedil.

13      Interedil a contesté la compétence de cette juridiction au motif que, en raison du transfert de son siège statutaire au Royaume-Uni, seules les juridictions de ce dernier État membre étaient compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité. Le 13 décembre 2003, Interedil a demandé que la Corte suprema di cassazione statue à titre préalable sur la question de la compétence.

14      Le 24 mai 2004, sans attendre la décision de la Corte suprema di cassazione, le Tribunale di Bari, estimant que l’exception d’incompétence des juridictions italiennes était manifestement non fondée et que l’insolvabilité de l’entreprise en cause était établie, a déclaré la faillite d’Interedil.

15      Le 18 juin 2004, Interedil a introduit un recours contre ce jugement déclaratif de faillite devant la juridiction de renvoi.

16      Le 20 mai 2005, la Corte suprema di cassazione a statué par voie d’ordonnance sur la question préalable de compétence qui lui avait été déférée et a jugé que les juridictions italiennes étaient compétentes. Elle a considéré que la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux correspond au lieu du siège statutaire, pouvait être renversée en raison de diverses circonstances, à savoir la présence, en Italie, de biens immobiliers appartenant à Interedil, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers et d’un contrat conclu avec une institution bancaire ainsi que l’absence de communication du transfert du siège statutaire au registre des entreprises de Bari.

17      Doutant du bien-fondé de cette appréciation de la Corte suprema di cassazione au regard des critères dégagés par la Cour dans son arrêt du 2 mai 2006, Eurofood IFSC (C‑341/04, Rec. p. I‑3813), le Tribunale di Bari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La notion de ‘centre des intérêts principaux du débiteur’ visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...] doit-elle être interprétée conformément au droit communautaire ou au droit national et, en cas de réponse affirmative à la première branche de l’alternative, en quoi cette notion consiste-t-elle et quels sont les facteurs ou éléments déterminants pour identifier le ‘centre des intérêts principaux’?

2)      La présomption instaurée par l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...], aux termes de laquelle ‘pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire’ peut-elle être renversée par la constatation d’une activité effective de l’entreprise dans l’État qui n’est pas celui où se trouve le siège statutaire de la société ou, pour que la présomption puisse être renversée, est-il nécessaire de constater que la société n’a exercé aucune activité entrepreneuriale dans l’État dans lequel elle a son siège statutaire?

3)      L’existence, dans un État membre autre que celui où se trouve le siège statutaire de la société, de biens immobiliers appartenant à la société, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers, conclu par la société débitrice avec une autre société, ainsi que celle d’un contrat conclu par la société avec une institution bancaire sont-elles des éléments ou des facteurs permettant de considérer comme renversée la présomption prévue à l’article 3 du règlement [...] en faveur du ‘siège statutaire’ de la société et ces circonstances sont-elles suffisantes pour considérer que la société possède un ‘établissement’ dans cet État, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement [...]?

4)      Dans le cas où la position adoptée par la Corte [suprema] di cassazione sur la compétence dans l’ordonnance [...] précitée se baserait sur une interprétation de l’article 3 du règlement [...] différente de celle de la Cour, l’article 382 du code de procédure civile italien, aux termes duquel la Corte [suprema] di cassazione se prononce sur la compétence par un arrêt définitif et contraignant, fait-il obstacle à l’application de cette disposition communautaire, telle qu’interprétée par la Cour?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la compétence de la Cour

18      La Commission européenne émet des doutes sur la compétence de la Cour pour répondre à la demande de décision préjudicielle. Elle relève que ladite demande a été présentée sous la forme d’une ordonnance du 6 juillet 2009, parvenue à la Cour le 13 octobre 2009. En vertu de l’article 68, paragraphe 1, CE, en vigueur à cette dernière date, seules les juridictions nationales dont les décisions n’étaient pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne pouvaient saisir la Cour à titre préjudiciel aux fins d’obtenir une interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté sur le fondement du titre IV du traité CE. Or, tandis que le règlement a été adopté sur le fondement des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE qui relèvent du titre IV du traité, les décisions de la juridiction de renvoi peuvent, selon la Commission, faire l’objet d’un recours juridictionnel de droit interne.

19      À cet égard, il suffit de relever que l’article 68 CE est devenu caduc depuis l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne et que la limitation du droit de saisir la Cour à titre préjudiciel qu’il prévoyait a disparu. En application de l’article 267 TFUE, les juridictions dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne disposent depuis cette date du droit de saisir la Cour à titre préjudiciel lorsque sont en cause des actes adoptés sur le fondement du titre IV du traité (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, Weryński, C‑283/09, non encore publié au Recueil, points 28 et 29).

20      Aux points 30 et 31 de l’arrêt Weryński, précité, la Cour a jugé que, eu égard à l’objectif de coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales que poursuit l’article 267 TFUE et au principe de l’économie de la procédure, il y a lieu de considérer qu’elle a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.

21      La Cour est donc en tout état de cause compétente pour connaître de la présente demande de décision préjudicielle.

 Sur la recevabilité des questions préjudicielles

 Sur le lien des questions préjudicielles avec le litige au principal

22      Reprenant une question soulevée par la Commission dans ses observations écrites, Interedil a fait valoir lors de l’audience que, ayant été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni au mois de juillet 2002, elle a cessé d’exister à cette date. Par conséquent, la demande d’ouverture d’une procédure de faillite introduite à son encontre au mois d’octobre 2003 devant le Tribunale di Bari serait sans objet et les questions préjudicielles irrecevables.

23      Selon une jurisprudence constante, il n’est possible pour la Cour de refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale que lorsque, notamment, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union demandée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt du 7 décembre 2010, VEBIC, C‑439/08, non encore publié au Recueil, point 42 et jurisprudence citée).

24      À cet égard, il convient de relever que le règlement se borne à uniformiser les règles relatives à la compétence internationale, à la reconnaissance des décisions et au droit applicable dans le domaine des procédures d’insolvabilité ayant des effets transfrontaliers. La question de la recevabilité d’une demande de déclaration de faillite à l’égard d’un débiteur demeure régie par le droit national applicable.

25      Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que celle-ci a été informée par Interedil du fait que cette société a été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni au mois de juillet 2002. En revanche, il ne ressort nullement de la décision de renvoi que cette circonstance soit, selon le droit national, de nature à empêcher l’ouverture d’une procédure de faillite. En effet, il ne saurait être exclu que le droit national prévoie la possibilité d’ouvrir une telle procédure aux fins d’organiser le paiement des créanciers d’une société dissoute.

26      Dès lors, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union demandée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, ou que le problème est de nature hypothétique.

27      L’exception d’irrecevabilité soulevée par Interedil doit donc être rejetée.

 Sur l’objet des questions préjudicielles

28      Les défenderesses au principal font valoir que les questions sont irrecevables en raison de leur objet. Selon elles, les première et quatrième questions ne font pas apparaître de divergence entre les dispositions du droit de l’Union et leur application par les juridictions nationales, tandis que les deuxième et troisième questions invitent la Cour à appliquer les règles du droit de l’Union au cas concret dont est saisie la juridiction de renvoi.

29      Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour est habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’une règle de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction de renvoi, à laquelle il revient d’appliquer ladite règle au cas concret dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2006, Price, C‑149/05, Rec. p. I‑7691, point 52 et jurisprudence citée).

30      Or, les trois premières questions portent, en substance, sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement. Eu égard à leur objet, ces questions sont donc recevables.

31      La quatrième question porte sur la possibilité pour la juridiction de renvoi d’écarter les appréciations portées par une juridiction supérieure dans l’hypothèse où elle estimerait, eu égard à l’interprétation donnée par la Cour, que ces appréciations ne sont pas conformes au droit de l’Union. Cette question, qui a pour objet le mécanisme du renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, est donc également recevable.

 Sur la prétendue absence de litige

32      Les défenderesses au principal font valoir que la question de la compétence des juridictions italiennes pour ouvrir une procédure de faillite a été tranchée par la Corte suprema di cassazione par une décision qui, selon elles, a acquis force de chose jugée. Elles en déduisent qu’il n’existe donc pas de «litige pendant» devant la juridiction de renvoi, au sens de l’article 267 TFUE, et que la demande de décision préjudicielle est, pour cette raison, irrecevable.

33      Il convient d’examiner cette argumentation avec la quatrième question, par laquelle la juridiction de renvoi cherche à savoir dans quelle mesure elle est liée par l’interprétation du droit de l’Union donnée par la Corte suprema di cassazione.

 Sur la quatrième question

34      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale s’imposent à elle, lorsqu’il apparaît que les appréciations portées par cette juridiction supérieure ne sont pas conformes au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour.

35      La Cour a déjà jugé que l’existence d’une règle de procédure nationale ne saurait remettre en cause la faculté qu’ont les juridictions nationales ne statuant pas en dernière instance de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle lorsqu’elles ont des doutes, comme dans l’affaire au principal, sur l’interprétation du droit de l’Union (arrêt du 5 octobre 2010, Elchinov, C‑173/09, non encore publié au Recueil, point 25).

36      Selon une jurisprudence constante, un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation ou à la validité des actes des institutions de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal (voir, notamment, arrêt Elchinov, précité, point 29).

37      Il s’ensuit que le juge national, ayant exercé la faculté que lui confère l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, est lié, pour la solution du litige au principal, par l’interprétation des dispositions en cause donnée par la Cour et doit, le cas échéant, écarter les appréciations de la juridiction supérieure s’il estime, eu égard à cette interprétation, que celles-ci ne sont pas conformes au droit de l’Union (voir, notamment, arrêt Elchinov, précité, point 30).

38      À cet égard, il convient de souligner que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces dispositions en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire, à savoir, en l’occurrence, la règle de procédure nationale en cause au principal, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette disposition nationale par la voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (voir, notamment, arrêt Elchinov, précité, point 31).

39      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale s’imposent à elle, lorsqu’il apparaît que les appréciations portées par la juridiction supérieure ne sont pas conformes au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour.

40      Pour les mêmes motifs, il y a lieu d’écarter l’exception d’irrecevabilité tirée par les défenderesses au principal d’une prétendue absence de litige.

 Sur la première partie de la première question

41      Par la première partie de la première question, la juridiction de renvoi demande si la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union ou au droit national.

42      Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt du 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark, C‑174/08, Rec. p. I‑10567, point 24 et jurisprudence citée).

43      En ce qui concerne plus précisément la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, la Cour a jugé, au point 31 de son arrêt Eurofood IFSC, précité, qu’il s’agit d’une notion propre au règlement qui, partant, revêt une signification autonome et doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

44      Il convient donc de répondre à la première partie de la première question que la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

 Sur la seconde partie de la première question, sur la deuxième question et sur la première partie de la troisième question

45      Par la seconde partie de la première question, la deuxième question et la première partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprété l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice.

46      Compte tenu de la circonstance qu’Interedil, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, a transféré son siège statutaire de l’Italie vers le Royaume-Uni au cours de l’année 2001, puis a été radiée du registre des sociétés de ce dernier État membre au cours de l’année 2002, il conviendra également, afin de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, de préciser la date pertinente pour déterminer le centre des intérêts principaux du débiteur en vue d’identifier la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.

 Les critères pertinents pour la détermination du centre des intérêts principaux du débiteur

47      Si le règlement ne fournit pas de définition de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur, la portée de cette dernière est toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé au point 32 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, éclairée par le treizième considérant du règlement, aux termes duquel «[l]e centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

48      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, la présomption prévue en faveur du siège statutaire à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement et la référence faite dans le libellé du treizième considérant de ce dernier au lieu de gestion des intérêts traduisent la volonté du législateur de l’Union de privilégier le lieu de l’administration centrale de la société en tant que critère de compétence.

49      En référence au même considérant, la Cour a par ailleurs précisé, au point 33 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, que le centre des intérêts principaux du débiteur doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. Il y a lieu de considérer que cette exigence d’objectivité et cette possibilité de vérification sont satisfaites lorsque les éléments matériels pris en considération pour établir le lieu où la société débitrice gère habituellement ses intérêts ont fait l’objet d’une publicité ou, à tout le moins, ont été entourés d’une transparence suffisante pour que les tiers, c’est-à-dire notamment les créanciers de cette société, aient pu en avoir connaissance.

50      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de la société se situe en ce lieu, trouve pleinement à s’appliquer. Dans une telle hypothèse, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, une autre localisation des intérêts principaux de la société débitrice est exclue.

51      Un renversement de la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement est toutefois possible lorsque, du point de vue des tiers, le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire. Ainsi que la Cour l’a jugé au point 34 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, la présomption simple prévue par le législateur de l’Union au bénéfice du siège statutaire de cette société peut être écartée si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.

52      Parmi les éléments à prendre en considération figurent, notamment, l’ensemble des lieux où la société débitrice exerce une activité économique et de ceux où elle détient des biens, pour autant que ces lieux soient visibles pour les tiers. Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, l’appréciation qu’appellent ces éléments doit être portée de manière globale, en ayant égard aux circonstances propres à chaque situation.

53      Dans ce contexte, la localisation, dans un État membre autre que celui du siège statutaire, de biens immobiliers appartenant à la société débitrice, pour lesquels celle-ci a conclu des contrats de bail, ainsi que l’existence, dans ce même État membre, d’un contrat conclu avec un établissement financier, circonstances évoquées par la juridiction de renvoi, peuvent être considérées comme des éléments objectifs et, eu égard à la publicité que ceux-ci sont susceptibles de revêtir, comme des éléments vérifiables par les tiers. Il n’en demeure pas moins que la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne sauraient être considérées comme des éléments suffisants pour renverser la présomption posée par le législateur de l’Union qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre.

 La date pertinente pour la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur

54      À titre liminaire, il convient de relever que le règlement ne comporte pas de dispositions explicites en ce qui concerne le cas particulier d’un transfert du centre des intérêts du débiteur. Eu égard aux termes généraux dans lesquels est rédigé l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il y a donc lieu de considérer que c’est le dernier lieu où se trouve ce centre qui doit être considéré comme pertinent aux fins de déterminer la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale.

55      Cette interprétation est corroborée par la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a en effet jugé que, dans l’hypothèse d’un transfert du centre des intérêts principaux du débiteur après l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, mais avant l’intervention de l’ouverture de ladite procédure, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel était situé le centre des intérêts principaux au moment de l’introduction de la demande demeurent compétentes pour statuer sur celle-ci (arrêt du 17 janvier 2006, Staubitz-Schreiber, C‑1/04, Rec. p. I‑701, point 29). Il convient d’en déduire que c’est, en principe, la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur à la date de l’introduction de la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité qui est pertinente pour déterminer la juridiction compétente.

56      Dans le cas, comme dans l’affaire au principal, d’un transfert du siège statutaire avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, c’est donc au nouveau siège statutaire que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, est présumé se trouver le centre des intérêts principaux du débiteur et ce sont, en conséquence, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve ce nouveau siège qui, en principe, deviennent compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale, à moins que la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement ne soit renversée par la preuve que le centre des intérêts principaux n’a pas suivi le changement de siège statutaire.

57      Les mêmes règles doivent trouver à s’appliquer dans l’hypothèse où, à la date de l’introduction de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, la société débitrice était radiée du registre des sociétés et où, comme le soutient Interedil dans ses observations, elle avait cessé toute activité.

58      En effet, ainsi qu’il ressort des points 47 à 51 du présent arrêt, la notion de centre des intérêts principaux répond au souci d’établir un rattachement au lieu avec lequel la société a, objectivement et de manière visible pour les tiers, les rapports les plus étroits. Il est donc logique de privilégier, dans une telle hypothèse, le lieu du dernier centre des intérêts principaux au moment de la radiation de la société débitrice et de la cessation de toute activité de sa part.

59      Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la première question, à la deuxième question et à la première partie de la troisième question que, aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement doit être interprété de la façon suivante:

–        le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

–        dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

 Sur la seconde partie de la troisième question

60      Par la seconde partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprétée la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

61      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, sous h), du règlement définit la notion d’établissement comme visant tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.

62      Le fait que cette définition lie l’exercice d’une activité économique à la présence de ressources humaines démontre qu’un minimum d’organisation et une certaine stabilité sont nécessaires. Il s’ensuit que, a contrario, la seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, aux exigences requises pour la qualification d’«établissement».

63      Dans la mesure où, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement, la présence d’un établissement sur le territoire d’un État membre confère aux juridictions de cet État membre compétence pour ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité à l’égard du débiteur, il y a lieu de considérer que, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination des juridictions compétentes, l’existence d’un établissement doit être appréciée, à l’instar de la localisation du centre des intérêts principaux, sur le fondement d’éléments objectifs et vérifiables par les tiers.

64      Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la troisième question que la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

 Sur les dépens

65      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale soit liée par une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale s’imposent à elle, lorsqu’il apparaît que les appréciations portées par la juridiction supérieure ne sont pas conformes au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour.

2)      La notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

3)      Aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété de la façon suivante:

–        le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

–        dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

4)      La notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.