Affaire T-141/08

E.ON Energie AG

contre

Commission européenne

« Concurrence — Procédure administrative — Décision constatant un bris de scellé — Article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) nº 1/2003 — Charge de la preuve — Présomption d’innocence — Proportionnalité — Obligation de motivation »

Sommaire de l'arrêt

1.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Éléments de preuve devant être réunis — Degré de force probante nécessaire

(Art. 81, § 1, CE)

2.      Droit de l'Union — Principes — Droits fondamentaux — Présomption d'innocence — Procédure en matière de concurrence — Applicabilité

(Art. 6, § 2, UE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47)

3.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d'un accord anticoncurrentiel — Décision s'appuyant sur des éléments de preuve directs — Obligations probatoires des entreprises contestant la réalité de l'infraction

(Art. 81 CE et 82 CE)

4.      Concurrence — Amendes — Conditions de l'imposition d'amendes par la Commission — Infraction commise de propos délibéré ou par négligence — Décision constatant un bris de scellé — Charge de la preuve incombant à la Commission — Limites

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 1, e))

1.      Dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l'existence d'une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et d'établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction. À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu.

(cf. point 48)

2.      Le principe de la présomption d'innocence, tel qu'il résulte notamment de l'article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l'Acte unique européen et par l'article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, sont protégés dans l'ordre juridique communautaire. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu'à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s'y rattachent, le principe de la présomption d'innocence s'applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d'aboutir à la prononciation d'amendes ou d'astreintes.

L'existence d'un doute dans l'esprit du juge doit profiter à l'entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l'existence de l'infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation d'une décision infligeant une amende.

(cf. points 51-52, 238)

3.      Si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur le comportement des entreprises concernées, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque celles-ci avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction.

Toutefois, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve directs qui sont en principe suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante desdits éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission.

(cf. points 54, 56, 199)

4.      Conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, la Commission peut imposer des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, des scellés apposés par les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés de la Commission ont été brisés. Ainsi, conformément à cette disposition, la Commission a la charge de prouver le bris de scellé. En revanche, il ne lui incombe pas de démontrer qu’il a effectivement été accédé au local qui avait été scellé ou que les documents qui y étaient entreposés ont été manipulés.

(cf. points 85, 256)







ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 décembre 2010 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Décision constatant un bris de scellé – Article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) n° 1/2003 – Charge de la preuve – Présomption d’innocence – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑141/08,

E.ON Energie AG, établie à Munich (Allemagne), représentée initialement par Mes A. Röhling, C. Krohs, F. Dietrich et R. Pfromm, puis par Mes  Röhling, Dietrich et Pfromm, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, V. Bottka et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 377 final de la Commission, du 30 janvier 2008, concernant la fixation d’une amende fondée sur l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil pour bris de scellé (Affaire COMP/B-1/39.326 – E.ON Energie AG),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Papasavvas et N. Wahl, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose que « [l]es agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis [du pouvoir d’]apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ».

2        En vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, « [l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes jusqu’à concurrence de 1 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent lorsque, de propos délibéré ou par négligence […] des scellés apposés en application de l’article 20, paragraphe 2, [sous] d), par les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés de la Commission, ont été brisés ».

 Antécédents du litige

3        Par décision du 24 mai 2006, la Commission des Communautés européennes a, conformément à l’article 20 du règlement n° 1/2003, ordonné une inspection dans les locaux d’E.ON AG et des entreprises que cette dernière contrôle, en vue de vérifier le bien-fondé de soupçons quant à leur participation à des accords anticoncurrentiels. L’inspection auprès de la requérante, E.ON Energie AG, une filiale à 100 % d’E.ON, a commencé dans l’après-midi du 29 mai 2006 dans ses locaux commerciaux situés à Munich. Après avoir pris connaissance de la décision d’inspection, la requérante a déclaré ne pas s’y opposer.

4        L’inspection a été effectuée par quatre représentants de la Commission et six représentants du Bundeskartellamt (autorité de la concurrence allemande). Les documents sélectionnés lors de l’inspection du 29 mai 2006 en vue d’un examen plus détaillé par lesdits représentants ont été entreposés dans le local G.505, mis à la disposition de la Commission par la requérante. L’inspection n’ayant pas pu être achevée le jour même, le responsable de l’équipe d’inspection a fermé à clé la porte dudit local, composée de panneaux insonorisants laqués et d’un encadrement en aluminium éloxydé, et y a apposé un scellé officiel d’une dimension de 90 sur 60 mm (ci-après le « scellé litigieux »). Celui-ci a été apposé à concurrence d’environ deux tiers de sa surface sur le panneau de la porte et, pour le reste, sur l’encadrement de cette dernière. Un procès-verbal d’apposition de scellé a été établi et a été signé par des représentants de la Commission, du Bundeskartellamt et de la requérante. Les inspecteurs ont ensuite quitté les locaux de la requérante, en emportant la clé de la porte du local G.505 qui leur avait été remise. En réponse à une demande de renseignements, la requérante a signalé que, outre cette clé remise à la Commission, 20 autres clés « passe-partout », permettant d’accéder au local G.505, étaient également en circulation (considérant 19 de la décision attaquée).

5        Le scellé litigieux était un autocollant de couleur bleue, présentant des lignes jaunes sur les bords supérieur et inférieur ainsi que les étoiles jaunes du drapeau européen. La zone jaune inférieure comportait une mention selon laquelle la Commission a la possibilité d’infliger une amende en cas de bris de scellé. Le film de sécurité utilisé pour la confection du scellé litigieux (ci-après le « film de sécurité ») avait été fabriqué par la société 3M Europe SA (ci-après « 3M ») en décembre 2002. Sur commande de la Commission, les éléments susmentionnés ont ensuite été imprimés sur le film de sécurité par une imprimerie au cours du premier trimestre de l’année 2004.

6        Lorsqu’un scellé est en plastique, tel le scellé litigieux, en cas de bris de scellé, la colle blanche, au moyen de laquelle le scellé est fixé au support, reste sur celui-ci sous la forme d’inscriptions « VOID », d’une taille d’environ 12 points Didot (approximativement 5 mm), réparties sur toute la surface de l’autocollant. Le scellé enlevé devient transparent dans ces zones, de sorte que les inscriptions « VOID » sont visibles sur le scellé également.

7        À son retour, le matin du 30 mai 2006 vers 8 h 45, l’équipe d’inspection a constaté que l’état du scellé litigieux, qui adhérait encore à la porte du local G.505, avait changé.

8        Vers 9 h 15, le responsable de l’équipe d’inspection a ouvert la porte du local G.505. L’ouverture de la porte a provoqué le détachement de la partie du scellé litigieux collée au panneau de la porte tandis que l’autre partie est restée collée à l’encadrement de celle-ci.

9        Un procès-verbal de bris de scellé a été établi, qui indique notamment ce qui suit :

« […]

–        La totalité du scellé était déplacée d’environ 2 mm en hauteur et en largeur, si bien que des traces de colle étaient visibles en bas et à droite du scellé.

–        L’inscription ‘VOID’ était clairement visible sur toute la surface du scellé, qui se trouvait pourtant toujours à cheval sur l’encadrement et la porte et n’avait pas été déchiré.

–        Après l’ouverture de la porte par [le fonctionnaire] de la Commission (M. K.), au cours de laquelle le scellé est demeuré intact, à savoir qu’il ne s’est pas déchiré, des traces blanches de l’inscription ‘VOID’ étaient visibles à l’arrière du scellé (surface de collage).

–        Lorsque le scellé est décollé, l’inscription blanche ‘VOID’ demeure normalement sur le support, ce qui a largement été le cas en l’occurrence, puisque l’inscription se trouvait effectivement sur la surface de la porte.

–        De nombreuses traces blanches se trouvaient toutefois également sur la surface de collage du scellé, non pas sur les zones transparentes correspondant aux inscriptions ‘VOID’ à l’arrière du scellé, mais bien à côté de ces zones. »

10      Le procès-verbal de bris de scellé a été signé par un représentant de la Commission et par un représentant du Bundeskartellamt. La requérante a refusé de le signer.

11      Dans l’après-midi du 30 mai 2006, des photographies numériques du scellé litigieux ont été prises avec un téléphone portable.

12      Le 31 mai 2006, la requérante a fait une « déclaration complémentaire […] au procès-verbal d’apposition de scellé du 30 mai 2006 », qui se lit comme suit :

« 1. Après ouverture de la porte, aucune modification n’a été constatée en ce qui concerne les documents entreposés dans le local.

2. Lorsque le scellé a été enlevé le soir du 30 mai pour être remplacé, l’inscription ‘VOID’ sur l’encadrement n’était pas effacée du tout.

3. M. K. était présent lors de l’apposition du scellé la veille et a eu l’impression que celle-ci avait été singulièrement longue. »

13      Le 9 août 2006, la Commission a adressé une demande de renseignements à la requérante, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003. Celle-ci y a répondu par lettre du 23 août 2006. D’autres demandes de renseignements ont été adressées, respectivement, le 29 août 2006 à 3M, le 31 août 2006 à la société de nettoyage opérant pour la requérante (ci-après la « société de nettoyage ») et le 1er septembre 2006 au service de sécurité de la requérante.

14      Les dix membres de l’équipe d’inspection ont complété des questionnaires relatifs à leurs observations sur l’apposition du scellé litigieux et sur son état le matin du 30 mai 2006.

15      Le 2 octobre 2006, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante. Sur la base des informations disponibles, elle a notamment conclu que le scellé litigieux avait été brisé et que, en raison du pouvoir d’organisation de la requérante dans le bâtiment en cause, il convenait d’imputer à cette dernière la responsabilité de ce bris de scellé.

16      Le 13 novembre 2006, la requérante a présenté ses observations sur la communication des griefs.

17      Le 6 décembre 2006, à la demande de la requérante, le conseiller-auditeur a procédé à une audition, à laquelle 3M a également participé.

18      Le 21 décembre 2006, à la demande de la Commission, 3M a confirmé par écrit certaines déclarations faites lors de l’audition.

19      Au cours de la procédure administrative, la requérante a communiqué à la Commission trois expertises d’un institut de sciences naturelles et de médecine (ci-après « l’institut »).

20      Le 21 mars 2007, l’institut a réalisé une première expertise (ci-après l’« expertise de l’institut I »), dans laquelle a été analysée la réaction du scellé litigieux face à des contraintes de cisaillement et de pelage.

21      Le 11 avril 2007, la Commission a chargé M. Kr., expert assermenté en matière de techniques de collage et de comportements des matières plastiques, de rédiger un rapport sur certains aspects de la fonctionnalité et du maniement du scellé litigieux. Son premier rapport (ci-après le « rapport Kr. I ») a été établi le 8 mai 2007.

22      Le 15 mai 2007, l’institut a réalisé une deuxième expertise (ci-après l’« expertise de l’institut II »), dans laquelle a été analysée la réaction du scellé litigieux face à des contraintes de cisaillement en traction et en compression ainsi qu’à des contraintes de pelage après action du produit d’entretien Synto (ci-après le « Synto »).

23      Par lettre du 6 juin 2007, la Commission a informé la requérante des faits nouveaux établis depuis la communication des griefs, en se fondant sur les déclarations de 3M et sur le rapport Kr. I, et lui a donné la possibilité de formuler des observations écrites à ce propos.

24      Le 6 juillet 2007, la requérante a fait parvenir des observations écrites à la Commission et sollicité une nouvelle audition. Cette dernière demande a été rejetée.

25      Le 1er octobre 2007, la requérante a fait parvenir à la Commission la troisième expertise de l’institut, du 27 septembre 2007 (ci-après l’« expertise de l’institut III »), dans laquelle a été analysée la réaction du scellé litigieux face à des contraintes de pelage sous l’effet du vieillissement, du Synto et de l’humidité atmosphérique.

26      La Commission a ensuite chargé M. Kr. de commenter les arguments et les remarques contenus dans la lettre de la requérante du 6 juillet 2007 et dans les expertises de l’institut II et III. M. Kr. a établi son second rapport le 20 novembre 2007 (ci-après le « rapport Kr. II »).

27      Par lettre du 23 novembre 2007, la Commission a communiqué à la requérante les faits supplémentaires établis depuis sa lettre du 6 juin 2007. Elle a simultanément accordé à la requérante l’accès aux documents correspondants, et notamment au rapport Kr. II.

28      Le 10 décembre 2007, la requérante a pris position sur les documents envoyés le 23 novembre 2007.

29      Le 15 janvier 2008, la Commission a reçu une autre lettre de la requérante, à laquelle étaient jointes des déclarations sous serment de 20 personnes qui, selon la requérante, étaient en possession d’une clé permettant d’accéder au local G.505 le soir du 29 mai 2006 (ci-après les « possesseurs de clés »). Ces personnes ont affirmé, dans ces déclarations, que, pendant la période concernée (entre le 29 mai 2006 à 19 heures et le 30 mai 2006 à 9 h 30), soit elles ne se trouvaient pas dans le bâtiment G, soit elles n’avaient pas ouvert la porte du local en question (considérant 42 de la décision attaquée).

30      Le 30 janvier 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 377 final concernant la fixation d’une amende fondée sur l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003 pour bris de scellé (Affaire COMP/B-1/39.326 – E.ON Energie AG) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 19 septembre 2008 (JO C 240, p. 6).

31      Le dispositif de la décision attaquée énonce :

« Article premier

E.ON Energie AG a brisé un scellé apposé par des agents de la Commission en application de l’article 20, paragraphe 2, [sous] d), du règlement n° 1/2003 et a, à tout le moins par négligence, enfreint l’article 23, paragraphe 1, [sous] e), du même règlement.

Article 2

Pour l’infraction mentionnée à l’article 1er, une amende d’un montant de 38 000 000 euros est infligée à E.ON Energie AG.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2008, la requérante a introduit le présent recours.

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende infligée à un montant approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

35      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 avril 2010.

 En droit

36      La requérante soulève neuf moyens au soutien du recours. Les sept premiers moyens concernent la constatation de bris de scellé, tandis que les deux derniers sont relatifs au montant de l’amende.

37      Le premier moyen est tiré de la méconnaissance de la charge de la preuve, le deuxième d’une violation du « principe de la procédure inquisitoire », le troisième de la supposition prétendument erronée d’une apposition de scellé régulière, le quatrième de la supposition prétendument erronée de l’« état évident » du scellé litigieux le jour suivant l’inspection, le cinquième de la supposition prétendument erronée du caractère adapté du film de sécurité à l’apposition officielle de scellés par la Commission, le sixième de la méconnaissance par la Commission des « scénarios alternatifs » ayant pu être à l’origine de l’état du scellé litigieux, le septième d’une violation du principe de la présomption d’innocence, le huitième d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 en ce qu’aucune faute de la requérante n’aurait été établie et, enfin, le neuvième d’une violation de l’article 253 CE et du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant de l’amende.

 Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de la charge de la preuve

 Arguments des parties

38      La requérante fait valoir que, conformément à l’adage in dubio pro reo, au principe de la présomption d’innocence, consacré par l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et à l’article 2, première phrase, du règlement n° 1/2003, la Commission supporte la charge de la preuve dans les procédures susceptibles d’aboutir à des amendes infligées au titre du droit des ententes. La Commission étant tenue de respecter les garanties fondamentales du droit pénal et de prouver à suffisance de droit l’existence d’une infraction, ses éventuels doutes devraient bénéficier à l’entreprise en cause. Selon la requérante, il ressort de la jurisprudence que, lorsque la Commission se fonde sur la supposition que des faits constatés ne peuvent pas être expliqués autrement que comme étant le résultat d’une infraction, il suffit d’établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction.

39      S’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle la modification du scellé litigieux apporterait en toute hypothèse une « preuve apparente » de l’élément matériel du bris de scellé, la requérante fait valoir qu’une telle preuve serait incompatible avec l’adage in dubio pro reo. Une « preuve apparente » ne constituerait pas, dans une procédure relevant de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, un élément de preuve recevable et ne suffirait en aucun cas pour prouver une infraction sanctionnée par une amende. Même si, en se référant à une « preuve apparente », la Commission visait en réalité une preuve par indices, elle n’aurait apporté aucune preuve dès lors qu’elle n’aurait établi aucun indice.

40      La charge de la preuve incombant à la Commission serait en outre alourdie en l’espèce du fait de son propre comportement.

41      Premièrement, lors de l’utilisation du scellé litigieux, la Commission n’aurait pas pris les mesures appropriées aux fins de limiter le risque de « fausses réactions positives » (à savoir l’apparition d’inscriptions « VOID » sur le scellé litigieux en l’absence de détachement de celui-ci), notamment en raison du non-respect du délai de conservation de son scellé. Ainsi, la Commission aurait dû prouver que, malgré le dépassement de la durée de conservation maximale du scellé litigieux, celui-ci aurait été approprié et fonctionnel durant la nuit du 29 au 30 mai 2006. Les indications du fabricant seraient insuffisantes à cet égard, dès lors que 3M mentionnerait seulement une durée de conservation maximale de deux ans dans la fiche d’information sur le film de sécurité (ci-après la « fiche technique ») et ne serait pas non plus parvenu à donner un avis définitif sur la durée de vie exacte du produit dans la réponse au questionnaire de la Commission. La Commission n’aurait pas non plus apporté une telle preuve par le biais des essais de M. Kr., lesquels n’auraient, du reste, pas été effectués sur le scellé litigieux lui‑même. Enfin, les expertises de l’institut feraient état d’une plus grande sensibilité des scellés autocollants selon les circonstances de leur apposition et le niveau de l’humidité de l’air.

42      Deuxièmement, la Commission aurait négligé de prendre, sur place, les mesures nécessaires à la conservation des preuves, en prenant des photographies du scellé litigieux avant l’ouverture de la porte, en particulier eu égard aux observations relatives à l’état du scellé litigieux formulées par les représentants de la requérante aux agents de la Commission le matin du 30 mai 2006. À cet égard, le procès-verbal de bris de scellé ne constituerait pas en lui-même une preuve suffisante de l’état du scellé litigieux, celui-ci ayant été rédigé postérieurement à l’inspection.

43      Eu égard à l’adage in dubio pro reo et à l’alourdissement de la charge de la preuve qui serait résulté du comportement de la Commission, il ne serait pas possible de constater l’existence d’un bris de scellé imputable à la requérante. La Commission n’aurait ainsi pas prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, l’élément matériel de l’infraction.

44      Contrairement à ce que soutient la Commission, le présent moyen ne serait pas abstrait, mais ferait concrètement valoir l’absence de preuve que des circonstances imputables à la requérante ont entraîné la modification de l’état du scellé litigieux. Ainsi, même sans les expertises présentées par la requérante, l’imposition d’une sanction sous la forme d’une amende ne serait pas justifiée. Dans une procédure aboutissant à une décision infligeant une amende, il n’appartiendrait pas à l’entreprise concernée d’établir la preuve d’éléments à décharge ou de « scénarios alternatifs ». Au contraire, la Commission devrait examiner globalement toutes les circonstances à charge et à décharge et apporter la preuve absolue et au-delà de tout doute raisonnable que des circonstances imputables à la requérante ont entraîné la modification de l’état du scellé litigieux. Une simple probabilité de réalisation de l’infraction ne suffirait pas pour imposer une amende, d’autant plus que la requérante aurait soulevé suffisamment de doutes quant à l’administration de la preuve.

45      Même s’il devait être admis que, dans un premier temps, la Commission a fourni des preuves apparemment convaincantes établissant les éléments constitutifs d’un bris de scellé, la requérante aurait, néanmoins, apporté, avec succès, des preuves contraires. Elle aurait, en tout cas, réussi à susciter des doutes quant au fait que les preuves de la Commission suffisaient à établir l’infraction. Contrairement à ce que la Commission suggérerait au considérant 44 de la décision attaquée, la requérante ne se serait pas limitée, s’agissant de l’existence du bris de scellé, à la « simple mention d’une éventuelle autre explication » ou à la « mention de la possibilité théorique d’un […] déroulement de faits atypique », mais elle se serait fondée sur plusieurs expertises de l’institut pour apporter la preuve que certaines circonstances, à savoir l’utilisation d’un scellé vétuste, l’humidité de l’air, les vibrations subies par la porte et l’encadrement de celle-ci et les tensions de cisaillement qui en seraient résultés ainsi que l’action du Synto, avaient pu provoquer un fluage du scellé litigieux provoquant l’« impression d’endommagement » constatée par l’équipe d’inspection. Dans une procédure aboutissant à une décision infligeant une amende, d’éventuelles particularités dans le choix du produit intermédiaire du scellé (en l’espèce, le film de sécurité), de son stockage et de son utilisation par la Commission ne pourraient être considérées comme étant purement et simplement dénuées de pertinence.

46      Dans le cadre du présent moyen, la requérante propose, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, que soient entendus comme témoins son avocat ainsi qu’un préposé d’E.ON, à propos des conditions dans lesquelles le scellé litigieux a été trouvé le matin du 30 mai 2006.

47      La Commission conclut au rejet du premier moyen dès lors qu’il serait formulé de manière abstraite sans examen des effets concrets sur l’appréciation des preuves et sur la décision attaquée. À titre subsidiaire, elle conteste également les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

48      Il ressort de l’article 2 du règlement n° 1/2003 ainsi que d’une jurisprudence constante, rendue dans le cadre de l’application des articles 81 CE et 82 CE, que dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62 ; arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 688). À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeytiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 127 ; arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 47).

49      Ensuite, il doit être rappelé que, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 230 CE, il n’appartient au juge de l’Union que de contrôler la légalité de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T–67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 174).

50      Ainsi, le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction dans le domaine du droit de la concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 175).

51      En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265). Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 177).

52      En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), sont protégés dans l’ordre juridique communautaire. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêts Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, et Lutz du 25 août 1987, série A n° 123‑A ; arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 149 et 150, et Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176 ; arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 178).

53      La requérante se fonde sur la jurisprudence concernant les pratiques concertées interdites par l’article 81 CE, selon laquelle un parallélisme de comportements des entreprises concernées ne peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation contraire à cette disposition que si la concertation en constitue la seule explication plausible (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, point 48 supra, point 16). S’agissant de pratiques concertées, il incombe ainsi à la Commission, à la lumière de l’argumentation développée par les entreprises concernées au cours de la procédure administrative, d’examiner toutes les explications possibles du comportement en cause et de ne retenir un caractère infractionnel que dans le cas où l’infraction ne constitue que la seule explication plausible.

54      Dès lors, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur le comportement des entreprises concernées, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque celles-ci avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 48 supra, point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 48 supra, points 126 et 127).

55      Toutefois, de la même manière que, lorsque la Commission se fonde, dans le cadre de l’établissement d’une infraction aux articles 81 CE et 82 CE, sur des éléments de preuve documentaires, il incombe aux entreprises concernées non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 725 à 728, et JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 187), il doit être considéré que, dans un cas comme celui de l’espèce, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve directs, il appartient aux entreprises concernées de démontrer que les éléments de preuve invoqués par la Commission sont insuffisants. Il a déjà été jugé qu’un tel renversement de la preuve ne viole pas le principe de la présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt Montecatini/Commission, point 52 supra, point 181).

56      Il importe en outre de souligner qu’une entreprise ne peut transférer la charge de la preuve à la Commission en se prévalant de circonstances qu’elle n’est pas en mesure d’établir (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 262, et JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 343). En d’autres termes, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont en principe suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante desdits éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante des éléments de preuve. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même (voir, en ce sens, arrêts Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, points 261 et 262, et JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, points 342 et 343), il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission.

57      Dans le cadre du présent moyen, la requérante estime que la Commission devait établir, dans la décision attaquée, au-delà de tout doute raisonnable, que la modification de l’état du scellé litigieux, constatée le 30 mai 2006, lui était imputable, après avoir démontré que les différentes circonstances qu’elle a alléguées n’avaient pas pu expliquer ledit état. Selon la requérante, il ne lui appartient pas d’établir la preuve d’éléments à décharge ou de « scénarios alternatifs ». Une simple probabilité de réalisation de l’infraction ne suffirait pas pour imposer une amende, d’autant plus que la requérante aurait soulevé suffisamment de doutes quant à l’administration de la preuve. Dans le cadre de son premier moyen, la requérante se réfère ainsi à la vétusté du scellé litigieux, à l’humidité de l’air, aux vibrations subies par la porte et l’encadrement de celle-ci et aux tensions de cisaillement qui en seraient résultés ainsi qu’à l’action du Synto, qui auraient pu provoquer un fluage du scellé litigieux, provoquant l’« impression d’endommagement » constatée par l’équipe d’inspection.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, le moyen soulevé par la requérante n’est pas abstrait, dès lors que, en substance, la requérante fait valoir que, eu égard à la méconnaissance par la Commission des principes régissant la charge de la preuve en droit communautaire de la concurrence, cette dernière n’a pas prouvé à suffisance de droit que des circonstances imputables à la requérante avaient entraîné la modification de l’état du scellé litigieux, en sorte que la décision attaquée devrait être annulée.

59      Toutefois, il ressort de la décision attaquée que la Commission n’a pas méconnu les principes régissant la charge de la preuve. En effet, d’une part, le considérant 44 de la décision attaquée indique expressément qu’« il revient à la Commission de présenter les faits nécessaires pour prouver le bris de scellé allégué ». D’autre part, la Commission a fondé sa constatation d’un bris de scellé sur l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006, lequel, selon elle, présentait les inscriptions « VOID » sur la totalité de sa surface ainsi que des résidus de colle sur sa face arrière, ainsi qu’il ressort notamment des déclarations des inspecteurs de la Commission et du Bundeskartellamt et des constatations figurant dans le procès-verbal de bris de scellé (considérants 75 et 76 de la décision attaquée).

60      Partant, en se référant notamment aux déclarations de six inspecteurs présents sur place et à la signature par la requérante du procès-verbal d’apposition de scellé, la Commission a d’abord constaté l’apposition régulière du scellé litigieux le soir du 29 mai 2006 (considérants 50 et 51 de la décision attaquée). La Commission a ensuite constaté, ainsi qu’il a été relevé au point 59 ci-dessus, une modification de l’état dudit scellé le matin du 30 mai 2006, qui, selon elle, prouve l’infraction de bris de scellé.

61      Indépendamment de la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée et qu’il conviendra d’apprécier dans le cadre de l’examen des troisième à cinquième moyens, c’est à bon droit que la Commission a considéré au considérant 44 de la décision attaquée que « la simple mention de la possibilité théorique d’un […] déroulement de faits atypique ne saurait suffire » pour réfuter l’existence d’une infraction. En effet, conformément aux principes exposés aux points 55 et 56 ci-dessus, il appartenait à la requérante d’établir non seulement la réalité des différentes circonstances qu’elle a alléguées aux fins d’expliquer l’état du scellé litigieux le 30 mai 2006, mais également que ces circonstances mettent en cause la valeur probante des éléments de preuve produits par la Commission.

62      Or, dans la décision attaquée, la Commission a examiné les explications alternatives concernant l’état du scellé litigieux le 30 mai 2006 avancées par la requérante au cours de la procédure administrative. La Commission a toutefois considéré que ces explications ne démontraient pas que ledit état résultait de circonstances autres qu’un bris de scellé (considérants 62 à 68 et 77 à 98 de la décision attaquée). Dans ces conditions, aucune violation des principes relatifs à la charge de la preuve ne saurait être constatée.

63      Enfin, la requérante ne saurait prétendre que deux circonstances, à savoir la prétendue vétusté du scellé litigieux et l’absence de photographies attestant de l’état du scellé litigieux avant l’ouverture de la porte, auraient alourdi la charge de la preuve incombant à la Commission. À supposer que l’existence de ces circonstances soit suffisamment établie, il y aura lieu d’examiner si, à la lumière de l’argumentation développée par la requérante relative à ces circonstances, les éléments de preuve avancés par la Commission étayent à suffisance de droit la constatation d’un bris de scellé au sens de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003. Cet examen sera effectué dans le cadre de l’analyse des troisième à cinquième moyens.

64      Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du « principe de la procédure inquisitoire »

 Arguments des parties

65      Se référant aux arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429), et du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, Rec. p. I‑5469), la requérante rappelle que, selon le « principe de la procédure inquisitoire », la Commission est tenue de procéder d’office à l’éclaircissement des faits et d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Or, ce « principe » aurait été violé en l’espèce.

66      Premièrement, la Commission aurait dû remédier aux « incertitudes manifestes » relatives à la composition du Synto. La Commission n’aurait pas dû se contenter d’affirmer qu’elle ne savait pas quel produit l’institut avait utilisé dans le cadre de ses expertises (considérant 85 de la décision attaquée). L’institut aurait, dans l’expertise de l’institut II, établi la présence du composant 2-(2-butoxyéthoxy)éthanol dans le Synto. Or, ce composant attaquerait un nombre important de substances organiques. À l’inverse, M. Kr. n’aurait pas procédé lui-même à une analyse de la composition du Synto, mais aurait considéré que le produit d’entretien consistait en « une solution aqueuse surfactante contenant des éléments de 2-butoxyéthanol et de 2-propanol (alcool isopropylique) ». Une telle substance ne produirait que des effets semblables à ceux d’un alcool alors que la substance analysée par l’institut produirait également les mêmes effets qu’un éther et, de ce fait, un effet supplémentaire de solvant vis-à-vis notamment de colles et de traces de feutres. Les résultats des expertises de l’institut auraient dû inciter la Commission à procéder à des analyses supplémentaires de la composition du Synto. La Commission ne pourrait pas y renoncer uniquement au motif que la seule variante du Synto qui soit en grande partie anhydre (ci-après le « Synto Forte ») ne serait pas, selon les indications du fabricant, vendue dans les bouteilles d’un litre qui ont été utilisées par la société de nettoyage (considérant 85 de la décision attaquée). Il serait impossible d’exclure que le fabricant ait fait des déclarations erronées et/ou que le conditionnement du Synto ait changé ultérieurement.

67      La Commission aurait également omis de tenir compte du fait que le produit d’entretien utilisé auparavant par la société de nettoyage (le Synto Forte) aurait été remplacé par le Synto peu avant l’inspection, ce qui aurait été signalé à la Commission dans la réponse de la requérante à la demande de renseignements du 19 octobre 2007. Il serait à cet égard impossible d’exclure que la société de nettoyage disposait encore de restes de Synto Forte. La Commission aurait facilement pu se livrer à une analyse du produit d’entretien utilisé étant donné que la requérante lui aurait proposé de lui envoyer une partie du contenu restant dans la bouteille.

68      Deuxièmement, la Commission aurait violé son obligation d’investigation en n’enquêtant pas sur la prétendue possibilité que les possesseurs de clés aient donné accès au local G.505 à des tiers ainsi que sur la prétendue possibilité que quelqu’un ait pénétré dans ce local d’une autre manière. La Commission aurait méconnu, aux considérants 98 et 100 de la décision attaquée, le fait que la porte du local en question avait été non seulement scellée, mais également verrouillée afin de prévenir toute intrusion. Les déclarations sous serment des possesseurs de clés révéleraient que, durant la nuit en question, la porte du local concerné n’aurait été ni déverrouillée ni ouverte. La requérante demande que la preuve en soit apportée par l’audition de ces personnes en tant que témoins, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure.

69      Dans la mesure où la Commission affirmerait que d’autres personnes auraient pu se procurer une clé du local G.505 auprès des possesseurs de clés (considérant 98 de la décision attaquée), la requérante soutient que, eu égard à son obligation d’éclaircir complètement les faits, la Commission aurait dû exiger que les déclarations sous serment soient complétées ou enquêter elle-même sur la localisation des clés.

70      De même, dans la mesure où la Commission affirmerait que les déclarations sous serment n’excluraient pas que « la porte ait été ouverte par d’autres moyens » (considérant 98 de la décision attaquée), elle aurait dû procéder à des investigations sur la serrure et la porte du local G.505, susceptibles d’établir une effraction ou une tentative de manipulation de quelque nature que ce soit. Une analyse de la surface de la porte aurait permis de constater que l’ouverture de la porte par d’autres moyens pouvait être exclue.

71      La requérante ajoute qu’il ne saurait être supposé qu’elle aurait sciemment incité l’un des possesseurs de clés à endommager le scellé litigieux et/ou à ouvrir la porte. Elle estime que, par une fausse déclaration sous serment, ce tiers éventuel s’exposerait, selon le droit allemand, à une sanction pénale et éventuellement au paiement de lourdes indemnités.

72      Troisièmement, la Commission aurait violé le « principe de la procédure inquisitoire » de par la configuration de la question n° 6 du questionnaire des inspecteurs, qui aurait fait obstacle à la reproduction des propres constatations des inspecteurs ou aurait influé sur celle‑ci.

73      La Commission fait observer que le présent moyen doit être rejeté dès lors que la requérante se limite à formuler des propos généraux sans établir comment les griefs soulevés seraient de nature à affecter la légalité de la décision attaquée. À titre subsidiaire, elle conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

74      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 48 et 49 ci-dessus, dans le domaine du droit de la concurrence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu.

75      Il convient en outre de relever que la Commission doit, aux fins de respecter le principe de bonne administration, concourir par ses propres moyens à l’établissement des faits et des circonstances pertinents (arrêt Consten et Grundig/Commission, point 65 supra, p. 501).

76      Parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire figure, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Technische Universität München, point 65 supra, point 14, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec. p. II‑2589, point 73).

77      À cet égard, il doit être constaté à titre liminaire que le moyen de la requérante vise à établir que la Commission n’aurait pas examiné les éléments pertinents du cas d’espèce, en particulier en ne remédiant pas aux incertitudes relatives à la composition du Synto et en n’enquêtant pas suffisamment sur l’éventuel accès au local G.505. Or, de telles insuffisances, à supposer qu’elles puissent, le cas échéant, diminuer la valeur probante des éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée, seraient susceptibles d’affecter la légalité de cette dernière.

78      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait laissé subsister des incertitudes concernant la composition du produit d’entretien utilisé le 30 mai 2006, premièrement, il y a lieu de relever que, au considérant 85 de la décision attaquée, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne s’est pas limitée à affirmer qu’elle ne savait pas quel produit l’institut avait utilisé pour ses essais. Audit considérant, d’une part, la Commission a affirmé qu’il ressortait du rapport Kr. I et du rapport Kr. II que l’effet du Synto sur la surface du scellé litigieux n’avait pu avoir aucune incidence sur son fonctionnement. D’autre part, elle a écarté l’affirmation de la requérante selon laquelle M. Kr. n’avait pas utilisé, pour ses tests, le produit de nettoyage original.

79      Tout d’abord, elle a en effet indiqué qu’elle s’était fait livrer par la société de nettoyage elle-même exactement le même détergent que celui qui avait été utilisé dans les locaux de la requérante au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que seul ce produit de nettoyage avait été utilisé lors des séries de tests. Ensuite, force est de constater que l’affirmation figurant au considérant 85 de la décision attaquée, selon laquelle la Commission ne savait pas quel produit l’institut avait utilisé pour ses tests, répond à l’argument de la requérante selon lequel l’institut a testé le produit qui lui avait été envoyé par celle-ci et a constaté qu’il s’agissait d’un solvant anhydre ayant comme composant principal le 2-(2-butoxyéthoxy)éthanol. Or, selon les indications du fabricant, le Synto Forte, la seule variante du Synto qui serait en grande partie anhydre, n’est pas vendu dans les bouteilles d’un litre qui auraient été utilisées pour nettoyer la porte du local G.505 et n’est pas employé comme produit de nettoyage, mais comme détachant.

80      Deuxièmement, la Commission n’avait pas l’obligation d’analyser la composition du Synto, dès lors que, pour effectuer ses tests, elle a utilisé le Synto employé par la société de nettoyage sur la porte du local G.505, qui lui a été envoyé directement par cette dernière, ce que la requérante, interrogée sur ce point lors de l’audience, n’a pas contesté. En outre, il ressort de la lettre du 5 septembre 2006, adressée par la société de nettoyage à la Commission, et en particulier de la réponse donnée par cette société à la deuxième question de la Commission, que le Synto a effectivement été utilisé pour nettoyer la porte dudit local. Enfin, la fiche de données de sécurité sur le Synto ne mentionne pas la présence, dans le Synto, du composant 2-(2-butoxyéthoxy)éthanol.

81      Troisièmement, la requérante ne conteste pas que, selon les indications figurant sur le site Internet du fabricant, le Synto Forte n’est pas vendu dans les bouteilles d’un litre qui ont été utilisées par la société de nettoyage. À cet égard, les arguments de la requérante selon lesquels il serait impossible d’exclure que le fabricant ait fait des déclarations erronées ou que le conditionnement ait changé ultérieurement n’emportent pas la conviction et ne sont, en tout état de cause, pas étayés.

82      Quatrièmement, les arguments de la requérante selon lesquels il ne saurait être exclu que la société de nettoyage aurait disposé de restes de la variante plus agressive du Synto, qui aurait prétendument été utilisée auparavant, doivent également être rejetés. En effet, d’une part, la requérante n’explique pas pourquoi cette variante, plus nocive pour les surfaces en bois, aurait été utilisée pour nettoyer les portes de ses locaux. D’autre part, il ressort du considérant 85 de la décision attaquée que la Commission s’est fait livrer par la société de nettoyage elle-même exactement le même détergent qui a été utilisé dans les locaux de la requérante le 30 mai 2006 et n’a utilisé que ce produit lors des nombreuses séries de tests. Or, cette affirmation n’est pas contestée par la requérante.

83      Le produit détergent sur lequel l’expert mandaté par la Commission a effectué ses essais étant précisément le détergent utilisé par la société de nettoyage au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006, la Commission n’avait aucune raison de procéder à l’analyse de la composition de celui-ci.

84      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait violé le « principe de la procédure inquisitoire » en n’enquêtant pas sur la possibilité que les possesseurs de clés aient donné accès au local G.505 à des tiers ainsi que sur la possibilité que quelqu’un ait pénétré dans ce local d’une autre manière.

85      Or, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, la Commission peut imposer des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, « des scellés apposés […] par les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés de la Commission […] ont été brisés ». Ainsi, conformément à cette disposition, la Commission a la charge de prouver le bris de scellé. En revanche, il ne lui incombe pas de démontrer qu’il a effectivement été accédé au local qui avait été scellé ou que les documents qui y étaient entreposés ont été manipulés. En l’espèce, il ressort des considérants 74 à 76 de la décision attaquée que la Commission a effectivement considéré que le scellé litigieux avait été brisé. À cet effet, la Commission a notamment indiqué (considérant 74 de la décision attaquée) que « l’état du scellé le matin du 30 mai 2006 am[enait] à conclure qu’il a[vait] été enlevé de la porte du bureau pendant la nuit et que cette porte a[vait] donc pu être ouverte dans l’intervalle ». Eu égard aux considérations qui précèdent, les affirmations de la requérante selon lesquelles la porte du local concerné n’aurait été ni déverrouillée ni ouverte durant la nuit en question, qui seraient étayées par les déclarations sous serment des possesseurs de clés, sont inopérantes.

86      En tout état de cause, ainsi que le relève la Commission, les déclarations sous serment des possesseurs de clés, effectuées entre le 2 septembre et le 22 décembre 2007, soit près d’un an et demi après les faits, ne sauraient modifier sa conclusion dans la décision attaquée quant à l’existence d’un bris de scellé, dès lors que, ainsi qu’il ressort des réponses de la requérante à sa demande de renseignements, d’autres personnes avaient potentiellement accès à une clé permettant d’ouvrir la porte du local G.505. La Commission n’avait donc pas l’obligation d’enquêter sur l’éventuelle possibilité que les possesseurs de clés aient donné accès au local à des tiers ou aient pénétré dans le local G.505. La Commission n’avait donc pas l’obligation d’enquêter sur l’éventuelle possibilité que les possesseurs de clés aient donné accès au local G.505 à des tiers ni sur la possibilité que quelqu’un ait pénétré dans ce local d’une autre manière.

87      En troisième lieu, la requérante prétend que la Commission a violé le « principe de la procédure inquisitoire » de par la configuration de la question n° 6 du questionnaire des inspecteurs, qui aurait fait obstacle à la reproduction des propres constatations des inspecteurs ou aurait influé sur celle-ci.

88      Une telle argumentation doit être rejetée. En effet, cette question visait à interroger les membres de l’équipe d’inspection sur les indices qui plaidaient en faveur d’une constatation de bris de scellé, notamment eu égard aux constatations consignées dans le procès-verbal de bris de scellé, à savoir la présence des inscriptions « VOID » sur toute la surface du scellé litigieux ainsi que la présence de colle autour et à l’arrière de celui-ci. La configuration du questionnaire ne faisait dès lors pas obstacle à la reproduction des propres constatations des inspecteurs.

89      Il ressort d’ailleurs des réponses données par les inspecteurs audit questionnaire que ceux-ci ont effectivement indiqué, sous la question n° 6, les éléments dont ils s’étaient individuellement souvenus à cet égard. Ainsi, par exemple, M. Kl. a déclaré qu’il avait immédiatement eu l’impression « que le scellé avait été altéré depuis son apposition [et qu’il avait] consigné par écrit les observations autorisant une telle conclusion et […] les [avait] jointes comme annexe au procès-verbal de bris de scellé ». M. Ko. a déclaré qu’il avait « remarqué que le scellé était ‘déplacé’ et que l’inscription ‘VOID’ était visible », mais qu’il n’avait « pas regardé la face arrière du scellé ». M. L. a quant à lui indiqué qu’il s’était « personnellement assuré de l’état du scellé le lendemain », en remarquant que celui-ci « était déplacé d’environ 2 mm », mais qu’il n’avait « pas spécialement fait attention à la présence d’une inscription ‘VOID’ sur le scellé ». M. N. a également indiqué se « rappel[er] parfaitement pour l’avoir observé personnellement que l’inscription ‘VOID’ était visible sur toute la surface du scellé » et que « [s]emblaient également attester d’un bris de scellé les restes de colle sur la porte, à proximité immédiate du bord du scellé ». Enfin, M. M. a relevé que « [l]a description figurant dans le procès-verbal [était] exacte » et qu’il en « rédigerai[t] le point b) plus concrètement comme suit : restes de colle sur deux bords du scellé ; il s’agissait de fragments de 1 à 2 mm de l’inscription ‘VOID’ ».

90      Il s’ensuit que deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la supposition prétendument inexacte d’une apposition de scellé régulière

 Arguments des parties

91      La requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort, au considérant 5 de la décision attaquée, qu’il était établi que le scellé litigieux était intact lors de son apposition sur le local G.505 le 29 mai 2006 et qu’il adhérait complètement à la porte et à l’encadrement de cette dernière lorsque l’équipe d’inspection a quitté les lieux vers 19 h 30.

92      Premièrement, l’apposition régulière du scellé litigieux à la porte ne serait pas incontestée. Dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante aurait déjà contesté l’adhérence parfaite du scellé litigieux à la surface du support en cause. Le contenu du dossier permettrait, tout au plus, de conclure que, conformément à l’impression superficielle des inspecteurs présents lors de l’apposition de scellé, le scellé litigieux collait à la surface du support en cause, ce qui ne suffirait pas pour justifier la constatation relative à une apposition régulière. La requérante fait observer que, dans la fiche technique, il est expliqué que ce type de scellé adhère à différentes surfaces déterminées à condition que celles-ci aient été préalablement nettoyées. Or, un tel nettoyage n’aurait pas été effectué. En outre, la porte concernée serait composée de panneaux insonorisants laqués et l’encadrement d’aluminium éloxydé, lesquels ne seraient pas repris dans la fiche technique.

93      Il ne serait pas non plus établi que le scellé litigieux ait été détaché de son film de protection conformément aux instructions du fabricant. Même 3M admettrait la possibilité d’un endommagement préalable en cas de mauvaise manipulation (considérant 60 de la décision attaquée). Il ressortirait de l’expertise de l’institut III qu’une apposition d’un scellé non conforme aux instructions du fabricant n’entraînerait pas nécessairement l’apparition immédiate d’inscriptions « VOID » sur le scellé. Dès lors, l’affirmation selon laquelle tout indice d’adhérence insuffisante du scellé litigieux aurait été remarqué immédiatement par les personnes présentes lors de l’apposition de scellé (considérant 54 de la décision attaquée) serait dénuée de pertinence. En outre, la requérante conteste le fait que le scellé litigieux ait été retiré régulièrement de son film de protection, qu’il ait pu être fixé sans problème, qu’il adhérait à la porte du local G.505 et à l’encadrement de celle-ci en étant intact et sans inscriptions « VOID » visibles et qu’il ait fait l’objet d’une observation attentive de la part de certains inspecteurs. La requérante n’aurait pas pu le vérifier et la Commission n’en aurait pas apporté la preuve. Elle ajoute que les déclarations des inspecteurs quant au déroulement de l’apposition du scellé litigieux sont contradictoires.

94      S’agissant des affirmations figurant au considérant 56 de la décision attaquée, la requérante soutient qu’il est invraisemblable que le fabricant donnerait des instructions aussi détaillées au sujet de la manipulation du produit si celles-ci étaient, de toute façon, superflues. En outre, en tant que fabricant, 3M n’aurait aucun intérêt à mettre en cause la fiabilité de son produit. Par conséquent, la Commission n’aurait pas pu, avec une certitude suffisante, constater que le scellé litigieux était « intact » et qu’il « adhérait à la porte et à l’encadrement du local G.505 » (considérant 5 de la décision attaquée).

95      Deuxièmement, le fait qu’un représentant de la requérante ait signé le procès-verbal d’apposition de scellé le 29 mai 2006 confirmerait uniquement l’apposition officielle d’un scellé, mais pas l’apposition correcte de celui-ci, la requérante n’ayant pas eu la possibilité de déceler immédiatement des endommagements préalables ou des défauts d’application du scellé litigieux.

96      Troisièmement, contrairement à ce que soutient la Commission, la prétendue expérience de celle-ci et les essais de M. Kr. seraient dépourvus de pertinence. La simple circonstance qu’il n’y ait prétendument pas eu de problèmes d’adhérence ni de « fausses réactions positives » avec d’autres scellés utilisés depuis 2004 et provenant du même lot (considérant 55 de la décision attaquée) ne permettrait pas de conclure qu’une telle réaction soit exclue ou improbable. M. Kr. aurait lui-même reconnu que ses analyses ne permettaient pas de déterminer dans quelle mesure ses observations pourraient être généralisées. Or, les résultats des analyses effectuées par M. Kr. auraient dû être « statistiquement confirmés ».

97      Quatrièmement, l’affirmation de la Commission selon laquelle, en cas d’utilisation sur des portes de bureau ordinaires en aluminium (laqué), un fonctionnement correct des scellés serait probable (considérant 56 de la décision attaquée) serait dénuée de pertinence, puisqu’il n’aurait jamais été constaté que la porte du local G.505 était fabriquée en aluminium. Même l’encadrement de la porte concernée ne serait pas composé d’aluminium laqué, mais d’aluminium éloxydé, c’est-à-dire revêtu d’une couche de protection oxydée à des fins de protection contre la corrosion.

98      La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

99      Il est constant que le 29 mai 2006, vers 19 h 15, le local G.505 a été scellé au moyen d’un scellé officiel de la Commission. Toutefois, selon la requérante, il n’est pas établi que l’apposition de ce scellé était régulière. Selon la requérante, il est uniquement permis de déduire de l’impression superficielle des inspecteurs présents lors de l’apposition de scellé que le scellé litigieux collait à la surface du support en cause. Il ne pourrait toutefois être considéré, avec une certitude suffisante, que le scellé litigieux adhérait fermement, en étant intact, à la porte du local G.505 et à son encadrement le soir du 29 mai 2006.

100    Il doit être relevé que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que « [l]’apposition du scellé s’[était…] déroulée correctement », que « [l]e scellé adhérait parfaitement au support, composé de la porte et de son encadrement, et [qu’]aucun signe ‘VOID’ n’était visible sur sa surface jaune et bleue après son apposition » (considérant 50 de la décision attaquée).

101    Elle s’est fondée, à cet effet, dans la décision attaquée (considérants 5, 50 et 51 de la décision attaquée), sur le procès-verbal d’apposition de scellé et sur les réponses de six inspecteurs, qui étaient présents lors de l’apposition du scellé litigieux, à la question n° 3 du questionnaire adressé aux inspecteurs.

102    En premier lieu, il y a donc lieu d’examiner si les éléments de preuve mentionnés dans la décision attaquée permettaient de conclure à la régularité de l’apposition du scellé litigieux.

103    Premièrement, il doit être constaté que le procès-verbal d’apposition de scellé fait état, d’une part, de ce que le 29 mai 2006, à 19 h 15, un scellé a été apposé sur le local G.505, conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003, et, d’autre part, de ce qu’un représentant de la requérante, M. P., a été informé des dispositions de l’article 20, paragraphe 2, sous d), et de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003 ainsi que de la possibilité de l’imposition d’une amende, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), dudit règlement, lorsque des scellés sont brisés de propos délibéré ou par négligence. Le procès-verbal a été signé par M. Kl., agent de la Commission et responsable de l’équipe d’inspection, M. J., agent du Bundeskartellamt, et M. P., représentant de la requérante.

104    Contrairement à ce que prétend la requérante, le procès-verbal d’apposition de scellé démontre à suffisance la régularité de l’apposition du scellé litigieux. Le procès-verbal en question atteste en effet d’une apposition de scellé « conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003 », laquelle a été reconnue par un représentant de la requérante en apposant sa signature, après avoir été informé des dispositions pertinentes. Or, seule une apposition de scellé régulière peut être considérée comme étant conforme à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003.

105    En tout état de cause, si le soir du 29 mai 2006 la requérante avait constaté une irrégularité dans l’apposition du scellé litigieux ou avait constaté l’apparition des signes « VOID » sur celui-ci, il est permis de considérer qu’elle aurait immédiatement formulé des observations à cet égard, étant donné qu’elle connaissait parfaitement l’importance de tels signes (voir également le considérant 51 de la décision attaquée). En outre, ainsi que l’a relevé la Commission, le service de sécurité de la requérante a affirmé que, après vérification du scellé litigieux, plusieurs heures après son apposition, aucune modification de celui-ci n’avait été observée lors de deux rondes dans le bâtiment G. Il y a dès lors lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les inscriptions « VOID » n’auraient pu apparaître qu’ultérieurement, en raison d’un endommagement préalable du scellé litigieux causé par une mauvaise manipulation de celui-ci.

106    Deuxièmement, il doit être constaté que les réponses de six inspecteurs de la Commission et du Bundeskartellamt présents lors de l’apposition de scellé, auxquelles la Commission a fait référence aux considérants 5 et 50 de la décision attaquée, confirment l’apposition régulière du scellé litigieux.

107    Ainsi, M. Kl., agent de la Commission et responsable de l’équipe d’inspection, a affirmé qu’il était « absolument certain que le scellé était intact [… et qu’il s’en était] assuré personnellement avec un soin particulier ». Il a ajouté que le scellé litigieux « adhérait fortement à la porte et au chambranle et [qu’] aucune inscription ‘VOID’ n’était visible ».

108    De même, M. L., agent de la Commission, a déclaré qu’il « [était] certain que le scellé était intact lorsque [les inspecteurs ont] quitté le bâtiment [et qu’ils avaient] encore bien regardé le scellé et vérifié qu’il était bien installé ».

109    Mme W., agent de la Commission, a confirmé pour sa part qu’« [i]l était certain [que le scellé] adhérait correctement à la porte[, que l]’apposition a[vait] été correctement effectuée [… et que] le scellé semblait ‘normal’ ». Elle a ajouté que le scellé litigieux « a[vait] été correctement placé sur la porte, [qu’il] avait les couleurs bleu foncé et jaune normales [et qu’a]ucune inscription ‘VOID’ n’était visible ».

110    M. N., agent du Bundeskartellamt, a expliqué qu’il avait « personnellement observé que le scellé était intact lorsque l’équipe d’inspection a quitté le bâtiment [… et qu’il avait] observé le scellé avec attention ».

111    M. M., agent du Bundeskartellamt, a déclaré que, « après que M. [Kl. avait] apposé le scellé, plusieurs fonctionnaires, dont [lui], s[’étaie]nt assurés de l’apposition correcte du scellé ». Il a ajouté que, « [l]orsque l’équipe d’inspection, y compris les fonctionnaires du Bundeskartellamt, [ont] quitté le couloir où se trouve le local placé sous scellé, le scellé était intact ». Il a affirmé l’avoir « constaté de visu ».

112    Enfin, M. B., agent du Bundeskartellamt, a confirmé que « M. [Kl.], et d’autres membres de l’équipe outre [lui]-même, [s’étaient] assurés que le scellé avait été correctement apposé [et qu’il avait] personnellement observé que le scellé était intact lorsque l’équipe d’inspection a quitté le bâtiment ».

113    Troisièmement, il doit être constaté que les réponses à la question n° 3 du questionnaire de la Commission des quatre autres inspecteurs, qui avaient participé aux inspections dans les locaux de la requérante, ne mettent pas en cause la valeur probante des éléments de preuve susmentionnés. En effet, un inspecteur a affirmé ne pas avoir participé à l’apposition de scellé alors que trois inspecteurs ont fourni d’autres indices de la régularité de l’apposition du scellé litigieux et donc confirmé la teneur des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée.

114    Ainsi, M. K. a déclaré que, « quand [il l’avait] vu pour la dernière fois, le scellé était intact ». M. Me. a confirmé pour sa part qu’ « [il s’était] assuré, à tout le moins machinalement, que le scellé était intact ». Enfin, M. J. a affirmé que, « [d]ans [s]on souvenir, le scellé était intact lorsque l’équipe d’inspection a quitté cette aile du bâtiment le 29 mai 2006 ».

115    Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée permettaient de constater que le scellé litigieux avait été apposé régulièrement le 29 mai 2006, que celui-ci adhérait donc à la porte du local G.505 et à l’encadrement de celle-ci et qu’il était intact, en ce sens qu’il ne faisait pas apparaître les inscriptions « VOID » au moment où l’équipe d’inspection a quitté les locaux de la requérante.

116    En second lieu, il doit être examiné si les circonstances invoquées par la requérante sont de nature à mettre en cause la valeur probante des éléments de preuve susmentionnés. La requérante se réfère à cet effet au fait que, premièrement, la porte du local G.505 et l’encadrement de celle-ci n’ont pas été nettoyés avant l’apposition du scellé litigieux, deuxièmement, les matériaux de ladite porte et de l’encadrement de celle-ci ne sont pas repris dans la fiche technique et, troisièmement, il n’est pas établi que le scellé litigieux a été détaché de son film de protection d’une manière conforme aux instructions du fabricant.

117    Premièrement, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que ses représentants et ceux du Bundeskartellamt s’étaient « assurés de la propreté du support, si bien qu’il n’était pas indispensable d’effectuer un nettoyage particulier de la porte et de l’encadrement en cause » (considérant 49 de la décision attaquée).

118    S’il est, certes, conseillé dans la fiche technique de nettoyer la surface du support visé avant l’apposition d’un scellé, il n’en reste pas moins que cette recommandation est liée au fait qu’une surface souillée pourrait affecter la force adhésive du scellé de sorte que les signes « VOID » pourraient ne pas apparaître en cas de bris de scellé. En effet, dans la fiche technique, il est explicitement mentionné que « tout élément contaminant la surface influe de manière négative sur l’adhérence [du scellé] et le message de destruction ». Le fabricant de scellés, 3M, a en outre expressément confirmé que la recommandation relative au nettoyage préalable de la surface des supports visés concernait principalement les cas dans lesquels une telle surface serait contaminée par de l’huile ou de la graisse. La poussière se trouvant habituellement dans un bureau n’a, selon le fabricant, aucune incidence sur la fonctionnalité des scellés.

119    Or, la requérante, à laquelle incombe la charge de la preuve des circonstances qu’elle invoque, n’a pas établi que, le soir du 29 mai 2006, la surface de la porte du local G.505 et de l’encadrement de celle-ci étaient couvertes de contaminants autres que de la poussière se trouvant habituellement dans un bureau. Elle n’a, en outre, pas établi que, le soir du 29 mai 2006, l’état de la surface de la porte et de l’encadrement en cause aurait été tel qu’il aurait normalement pu affecter la fonctionnalité du scellé litigieux. Au contraire, il est plutôt permis de considérer que la porte du local G.505 était régulièrement nettoyée par la société de nettoyage. Dans ces conditions, le premier argument de la requérante doit être rejeté.

120    Deuxièmement, s’agissant des arguments de la requérante relatifs aux matériaux dont sont composés la porte du local G.505 et l’encadrement de celle-ci, il doit être constaté que la Commission a relevé, au considérant 56 de la décision attaquée, que, « [e]n cas d’utilisation sur des portes de bureau ordinaires en aluminium (laqué), un fonctionnement correct des scellés [était…] probable ». La Commission a précisé que « [c]ela a[vait] été confirmé de manière claire par les analyses effectuées sur place et en laboratoire par l’expert mandaté par [elle], portant sur les scellés et leur adhérence sur leur support réel ».

121    La requérante affirme que l’encadrement de la porte concernée ne serait pas composé d’aluminium laqué, mais d’aluminium éloxydé. Toutefois, la requérante, sur laquelle pèse la charge de la preuve des éléments qu’elle invoque, n’avance aucun élément qui permette de considérer que le fait que l’encadrement de la porte soit composé d’aluminium éloxydé, et non laqué, ait pu avoir une quelconque incidence sur le fonctionnement du scellé litigieux.

122    En tout état de cause, 3M a indiqué, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, que la colle utilisée dans ce type de scellé était adaptée à pratiquement tous les supports, en sorte que l’énumération des supports possibles dans la fiche technique [acier inoxydable, acrylonitrile butadiène styrène (ABS), polypropylène, métal peint, polyester, polyéthylène haute densité (PEHD), nylon, verre, polycarbonate] n’était pas exhaustive, mais visait à fournir une indication approximative de la nature et de l’éventail des supports sur lesquels le produit pourrait être utilisé. 3M a également indiqué qu’un tel scellé fonctionnait correctement sur des portes en aluminium et en aluminium laqué, tout en précisant que, si un scellé n’adhérait pas suffisamment au support, les inscriptions « VOID » pourraient ne pas apparaître en cas de déplacement de celui-ci, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Les observations figurant dans le rapport Kr. I et celles de M. Kr., du 9 juillet 2008, confirment également ces affirmations. Dans ces conditions, le deuxième argument de la requérante doit être rejeté.

123    Troisièmement, s’agissant de la circonstance selon laquelle il ne serait pas établi que le scellé litigieux ait été détaché de son film de protection d’une manière conforme aux instructions du fabricant, il suffit de constater que la requérante n’a pas apporté un quelconque indice de la réalité de la circonstance alléguée, en sorte que cette argumentation doit être rejetée. En tout état de cause, selon 3M, un endommagement du produit lors du détachement de son film de protection aurait eu pour effet de faire apparaître les inscriptions « VOID » avant même l’apposition sur le support tandis qu’une « fausse réaction positive » survenant ultérieurement serait exclue. Dans le rapport Kr. I, ont également été écartés la pertinence de la vitesse de séparation entre le scellé litigieux et le film de protection en ce qui concerne l’apparition des inscriptions « VOID » ou encore le fait que lesdites inscriptions puissent n’apparaître qu’après un certain laps de temps. Dans ces conditions, le troisième argument de la requérante doit également être rejeté.

124    Il ressort de tout ce qui précède que le troisième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la supposition prétendument erronée de l’« état évident » du scellé litigieux le jour suivant l’inspection

 Arguments des parties

125    La requérante soutient que la Commission a considéré à tort, dans la décision attaquée (considérants 9, 24, 55, 61 et 75 de la décision attaquée), que, le 30 mai 2006, les inscriptions « VOID » étaient visibles sur toute la surface du scellé litigieux.

126    Premièrement, selon la perception des représentants de la requérante, les inscriptions « VOID » n’auraient été que très faiblement visibles et certainement pas sur toute la surface du scellé litigieux. Un fonctionnaire du Bundeskartellamt aurait également, dans sa réponse au questionnaire de la Commission, indiqué que, « à certains endroits, le signe ‘void’ apparaissait faiblement à travers le papier ». Les membres de l’équipe d’inspection et les représentants de la requérante auraient, dans un premier temps, eu des doutes quant à l’existence d’une modification du scellé litigieux. La requérante propose à cet effet, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure, d’entendre son avocat comme témoin.

127    Le fait que les inspecteurs aient voulu procéder à une comparaison de l’état du scellé litigieux avec celui des scellés apposés dans d’autres parties de l’immeuble (considérant 76 de la décision attaquée) confirmerait que les inscriptions « VOID » n’auraient, en aucun cas, été clairement visibles sur toute la surface du scellé litigieux. En tout état de cause, il ne saurait être à cet égard question d’une perception parfaitement concordante de tous les fonctionnaires présents. En outre, certaines déclarations d’inspecteurs seraient contradictoires avec le procès-verbal de bris de scellé.

128    Deuxièmement, la Commission se serait fondée à tort sur les photographies de la partie qui serait restée collée à l’encadrement de la porte du local G.505 et qui n’auraient été prises à l’aide d’un téléphone portable que dans l’après-midi du 30 mai 2006. À cet égard, l’affirmation de la Commission selon laquelle, le matin du 30 mai 2006, la porte du local G.505 aurait été ouverte par le responsable de l’équipe d’inspection sans endommager davantage le scellé litigieux (considérant 10 de la décision attaquée) serait erronée. Le fait de détacher le scellé litigieux de la porte aurait forcément dû endommager la surface collante de celui-ci. Comme l’inspection se serait poursuivie de manière intensive dès 9 h 30 et que la porte du local G.505 aurait, par conséquent, été régulièrement ouverte et refermée, le scellé litigieux se serait décollé et aurait été remis en place à plusieurs reprises. Il serait inévitable que les contraintes de tension et de cisaillement en résultant aient provoqué un certain déplacement du scellé litigieux qui aurait eu pour conséquence de faire apparaître les inscriptions « VOID ». De plus, après la poursuite de l’inspection, le scellé litigieux n’aurait plus fait l’objet d’une surveillance constante et il serait impossible d’exclure qu’il ait été touché ou manipulé de toute autre façon.

129    Dans ce contexte, il serait contradictoire que la Commission, d’une part, estime que la simple apparition d’inscriptions « VOID » suffirait pour considérer qu’il y a eu bris de scellé et, d’autre part, affirme qu’elle n’aurait pas pu conclure de manière définitive à l’existence d’un bris de scellé sans décollement supplémentaire du scellé litigieux. Il serait également contradictoire que, selon les déclarations de certains inspecteurs, des inscriptions « VOID » aient été visibles sur l’ensemble de la surface du scellé litigieux, mais seulement après décollement de celui-ci.

130    S’agissant de sa réponse à la question n° 15 de la demande de renseignements de la Commission, invoquée par cette dernière, la requérante souligne qu’elle concerne uniquement la visibilité des inscriptions « VOID » sur la porte du local G.505 et sur l’encadrement de celle-ci après l’ouverture de la porte par les inspecteurs et non la visibilité des inscriptions « VOID » sur le scellé litigieux dès la première observation le matin du 30 mai 2006. En indiquant que les inscriptions « VOID » seraient plus ou moins contrastées selon le support et apparaîtraient comme étant de la même couleur que le scellé litigieux, ce qui rendrait une observation attentive nécessaire, la Commission aurait confirmé que les inscriptions « VOID » n’auraient été que très faiblement visibles, par fragments et pas sur toute la surface du scellé litigieux.

131    La déclaration complémentaire au procès‑verbal du 30 mai 2006 n’aurait aucune force probante en ce qui concerne l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006. Elle ne contiendrait aucune déclaration à cet égard et compléterait uniquement des observations propres à la Commission quant à l’état du scellé litigieux après l’ouverture de la porte du local G.505.

132    Enfin, la Commission n’expliquerait pas comment des inscriptions « VOID » seraient apparues sur l’ensemble du scellé litigieux alors que, en tout état de cause, la partie du scellé litigieux collée à l’encadrement de la porte du local G.505 n’aurait pas été décollée. En effet, selon l’exposé de la Commission, les inscriptions « VOID » ne pourraient apparaître qu’après décollement du scellé (considérant 75 de la décision attaquée). En même temps, il serait pratiquement impossible de replacer le scellé exactement au même endroit, de sorte qu’un décollement entraînerait inéluctablement des restes de colle sur la face arrière du scellé (considérant 74 de la décision attaquée). De tels restes de colle ne se trouveraient toutefois pas sur la partie du scellé litigieux du côté de l’encadrement de la porte en cause. Au contraire, après le décollement définitif du scellé litigieux, les inscriptions « VOID » à cet endroit auraient été intactes et il n’y aurait pas de résidus de colle sur cette partie (considérant 13 de la décision attaquée). Si la partie du scellé litigieux collée à l’encadrement de la porte n’avait toutefois pas été décollée, il serait alors impossible d’expliquer comment des inscriptions « VOID » visibles seraient apparues sur celle-ci. L’exposé de la Commission selon lequel des inscriptions « VOID » auraient été visibles sur l’ensemble de la surface du scellé litigieux impliquerait donc nécessairement qu’il s’agirait d’une « fausse réaction positive ».

133    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

134    Il doit être relevé que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que « [l]’état du scellé le matin du 30 mai 2006 am[enait] clairement à conclure qu’il a[vait] été enlevé de la porte du bureau pendant la nuit et que cette porte a[vait] donc pu être ouverte dans l’intervalle » (considérant 74 de la décision attaquée).

135    Elle s’est fondée, à cet effet, dans la décision attaquée, sur le procès-verbal de bris de scellé et sur les réponses de huit inspecteurs, qui étaient présents lors de la constatation du bris de scellé (considérants 8, 12, 75 et 76 de la décision attaquée). Elle a également relevé, au considérant 13 de la décision attaquée, que les représentants internes et externes de la requérante présents lors de l’inspection ce jour-là n’avaient pas contesté la modification de l’état du scellé litigieux, mais avaient refusé de signer le procès-verbal de bris de scellé.

136    En premier lieu, il y a donc lieu d’examiner si les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée permettaient de conclure à la constatation d’un bris de scellé.

137    Premièrement, ainsi qu’il ressort du considérant 7 de la décision attaquée, à la différence d’un scellé en papier, lorsqu’un scellé est en plastique, tel le scellé litigieux, le bris de scellé ne se manifeste pas par une déchirure. Une fois collé, un scellé en plastique ne peut plus être enlevé de son support sans que son enlèvement reste visible. Il est impossible de l’apposer de nouveau sans laisser de traces. En effet, après l’enlèvement, la colle blanche reste sur le support sous la forme d’inscriptions « VOID », d’une taille d’environ 12 points Didot (approximativement 5 mm), réparties sur toute la surface de l’autocollant. Le scellé enlevé devient transparent dans ces zones, de sorte que les inscriptions « VOID » sont bien visibles sur le scellé également. Compte tenu surtout du grand nombre et de la taille des inscriptions « VOID », il est en définitive impossible d’apposer le scellé exactement au même endroit que celui où il se trouvait précédemment. Même dans un tel cas, les signes « VOID » restent bien visibles.

138    À cet égard, il doit être constaté que le procès-verbal de bris de scellé (voir point 9 ci-dessus) fait état, d’une part, de ce que la totalité du scellé litigieux a été déplacée d’environ 2 mm en hauteur et en largeur, si bien que des traces de colle étaient visibles en bas et à droite du scellé, et, d’autre part, de ce que l’inscription « VOID » était clairement visible sur toute la surface du scellé, qui se trouvait pourtant toujours à cheval sur la porte du local G.505 et l’encadrement de celle-ci et n’avait pas été déchiré. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les constatations figurant dans ce procès-verbal, signé par M. Kl., agent de la Commission et responsable de l’équipe d’inspection, et M. J., agent du Bundeskartellamt, démontrent à suffisance l’existence d’un bris de scellé.

139    Deuxièmement, il doit être constaté que les réponses des huit inspecteurs présents lors de la constatation du bris de scellé, auxquelles la Commission s’est référée au considérant 75 de la décision attaquée, confirment cette conclusion.

140    Ainsi, M. Kl., agent de la Commission et responsable de l’équipe d’inspection, a affirmé que « cela a[vait] immédiatement donné l’impression que le scellé avait été altéré depuis son apposition ». Il a indiqué avoir « consigné par écrit les observations autorisant une telle conclusion » et les avoir « jointes comme annexe au procès-verbal de bris de scellé ».

141    De même, M. Ko., agent de la Commission, a déclaré « [qu’il avait] remarqué que le scellé était ‘déplacé’ et que l’inscription ‘VOID’ était visible ».

142    Mme W., agent de la Commission, a également confirmé qu’elle avait remarqué que « le scellé n’avait pas le même aspect que la veille au soir », que l’inscription « VOID » était lisible sur toute la surface du scellé litigieux et qu’il y avait des restes de colle de 2 mm sur le pourtour et sur la face arrière du scellé litigieux à côté des inscriptions « VOID ». Elle a ajouté que « le scellé n’avait plus la même couleur bleu foncé qu’auparavant parce que les inscriptions ‘VOID’ étaient visibles ».

143    M. N., agent du Bundeskartellamt, a expliqué qu’il « [se] rappel[ait] parfaitement que l’inscription ‘VOID’ était visible sur toute la surface du scellé [et que] semblaient également attester d’un bris de scellé les restes de colle sur la porte, à proximité immédiate du bord du scellé ».

144    M. M., agent du Bundeskartellamt, a déclaré que « [l]a description figurant dans le procès-verbal [étai]t exacte [et qu’il] rédigerai[t] le point b) plus concrètement comme suit : restes de colle sur deux bords du scellé ; il s’agissait de fragments de 1 à 2 mm de l’inscription ‘VOID’ ».

145    Des constatations similaires ont été effectuées par MM. Me., J. et B., agents du Bundeskartellamt.

146    Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée (considérants 8, 9, 74 et 75) permettaient de conclure que le scellé litigieux avait été enlevé de la porte du local G.505 pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que cette porte avait donc pu être ouverte dans cet intervalle, compte tenu des inscriptions « VOID » sur la totalité de la surface du scellé litigieux et de la présence de traces de colle à proximité et à l’arrière de celui-ci le matin du 30 mai 2006. Il n’y a dès lors pas lieu de se prononcer sur l’affirmation de la requérante selon laquelle les inscriptions « VOID » sur l’encadrement de la porte n’auraient pas été effacées du tout et auraient été « intactes », ce qui impliquerait que la partie du scellé litigieux se trouvant sur l’encadrement de la porte, bien que n’ayant pas été décollée, présenterait les inscriptions « VOID » et attesterait d’une « fausse réaction positive ». En tout état de cause, ainsi que l’a relevé la Commission, cette dernière n’a jamais fait siens les propos formulés par la requérante au point 2 de sa déclaration complémentaire du 30 mai 2006 (voir point 12 ci-dessus). En outre, la simple affirmation de la requérante selon laquelle « l’inscription ‘VOID’ sur l’encadrement n’était pas effacée du tout » ne saurait, en elle-même, démontrer l’existence d’une « fausse réaction positive » du scellé litigieux.

147    En second lieu, il doit être examiné si les circonstances invoquées par la requérante sont de nature à mettre en cause la valeur probante des éléments de preuve susmentionnés. La requérante se réfère à cet effet au fait que les inscriptions « VOID » n’auraient été que très faiblement visibles, et certainement pas sur toute la surface du scellé litigieux, et au fait que la Commission se serait fondée à tort sur les photographies, prises dans l’après-midi du 30 mai 2006, de la partie du scellé litigieux qui serait restée collée à l’encadrement de la porte du local G.505.

148    Premièrement, pour soutenir que les inscriptions « VOID » n’étaient que très faiblement visibles, et seulement sur une partie du scellé litigieux, la requérante se fonde sur le fait qu’un fonctionnaire du Bundeskartellamt aurait indiqué que, à certains endroits, le signe « VOID » apparaissait faiblement à travers le papier et sur le fait que les membres de l’équipe d’inspection et les représentants de la requérante auraient initialement eu des doutes quant à l’existence d’une modification du scellé litigieux, ce qui serait attesté par une comparaison de visu qui aurait été effectuée entre l’état du scellé litigieux et l’état des scellés apposés dans d’autres parties de l’immeuble. Certaines déclarations d’inspecteurs seraient en outre contradictoires avec le procès-verbal de bris de scellé.

149    Tout d’abord, force est de constater que la requérante ne conteste pas que les inscriptions « VOID » étaient effectivement visibles sur le scellé litigieux ou, à tout le moins, sur une partie de celui-ci, au cours de la matinée du 30 mai 2006. La requérante ne conteste pas non plus qu’il y avait des traces de colle en bas et à droite de celui-ci. Or, ainsi que l’a confirmé 3M dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission du 5 septembre 2006, l’apparition des inscriptions « VOID » indique que l’autocollant a été déplacé. Il s’ensuit que la Commission a pu, à bon droit, dans le procès-verbal de bris de scellé, constater que le scellé litigieux avait été brisé. En outre, ainsi que la Commission l’a relevé, bien que les constatations relatives à l’apparition des inscriptions « VOID » aient été reprises dans le procès-verbal de bris de scellé, la requérante n’a, dans sa déclaration complémentaire au procès-verbal de bris de scellé, formulé aucune observation à cet égard (considérant 13 de la décision attaquée).

150    Ensuite, l’état du scellé litigieux a été confirmé par les déclarations des huit inspecteurs présents sur place (voir point 139 ci-dessus). À cet égard, l’affirmation de la requérante selon laquelle les déclarations de certains inspecteurs contrediraient les constatations du procès-verbal de bris de scellé ne saurait être retenue. Ainsi, ni la déclaration de Mme P., selon laquelle, « à certains endroits, le signe ‘VOID’ apparaissait faiblement à travers le papier », ni les affirmations de M. L., selon lesquelles il aurait vu des taches carrées sur la porte du côté gauche du scellé litigieux et n’aurait pas prêté une attention particulière au fait qu’un signe « VOID » apparaissait sur le scellé litigieux, ne mettent en cause la constatation de l’apparition des inscriptions « VOID » sur le scellé litigieux, ni ne sont de nature à infirmer les constatations figurant dans le procès-verbal de bris de scellé ou toutes les déclarations des autres inspecteurs auxquelles il est fait référence aux points 140 à 145 ci-dessus.

151    Enfin, s’agissant de la comparaison entre l’état du scellé litigieux et l’état des scellés apposés dans d’autres parties de l’immeuble, qui attesterait, selon la requérante, de l’existence de doutes quant à la modification du scellé litigieux, il convient de considérer que, ainsi que la Commission l’a expliqué au considérant 76 de la décision attaquée, puisque ce cas de bris de scellé était le premier et qu’il ne s’agissait pas d’un bris de scellé par déchirure, il apparaît justifié que les inspecteurs aient pris des garanties en procédant à une comparaison avec les autres scellés. En tout état de cause, le fait que l’équipe d’inspection ait procédé à une comparaison entre le scellé litigieux et les scellés apposés dans d’autres parties de l’immeuble ne saurait remettre en cause les constatations relatives à l’état physique du scellé litigieux, telles qu’elles ont été consignées dans le procès-verbal de bris de scellé, et, partant, l’allégation de la requérante est dépourvue de pertinence.

152    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission se serait fondée à tort, pour constater l’état du scellé litigieux, sur des photographies prises à l’aide d’un téléphone portable l’après-midi du 30 mai 2006, force est de constater qu’il est fondé sur une prémisse erronée.

153    En effet, il ressort des considérants 74 et 75 de la décision attaquée que, pour constater l’existence d’un bris de scellé, la Commission s’est appuyée sur l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006, qui présentait notamment des inscriptions « VOID » sur la totalité de sa surface. S’agissant de la preuve de cette constatation, la Commission a indiqué, au considérant 76 de la décision attaquée, que le responsable de l’équipe d’inspection ainsi qu’un représentant du Bundeskartellamt avaient rédigé le procès-verbal de bris de scellé en présence de représentants de la requérante. Elle a en outre ajouté que l’état du scellé litigieux qui y est décrit, notamment l’apparition des inscriptions « VOID » sur une grande partie de la surface de celui-ci, avait été confirmé unanimement par l’équipe d’inspection interrogée sur ce point. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 146 ci-dessus, ces éléments suffisent à établir l’infraction.

154    Dans ce contexte, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la valeur probante des photographies du scellé litigieux, les arguments de la requérante tirés du fait que lesdites photographies ont été prises par la Commission après l’ouverture de la porte du local G.505 ne sont pas de nature à mettre en cause la valeur probante des éléments mentionnés au point 153 ci-dessus et doivent être rejetés.

155    Il résulte de ce qui précède que la requérante, à laquelle incombe la charge de la preuve des circonstances qu’elle invoque, n’a pas établi l’irrégularité de la constatation du bris de scellé le matin du 30 mai 2006.

156    Dans ces conditions, le quatrième moyen de la requérante doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la supposition prétendument erronée du caractère adapté du film de sécurité à l’apposition officielle de scellés par la Commission

 Arguments des parties

157    La requérante fait observer que la Commission a commis une erreur en considérant que le film de sécurité était adapté à l’apposition officielle de scellés dans le cadre d’une procédure d’enquête.

158    Premièrement, le film de sécurité aurait été conçu pour prouver qu’un « conteneur ou produit sécurisé » n’a, en aucun cas, été ouvert. À cet égard, l’utilisateur d’un film de sécurité accepterait que, dans l’hypothèse d’une réaction positive du film de sécurité, il n’est pas possible de savoir, a posteriori, s’il s’agit d’une « fausse réaction positive » ou s’il y a réellement eu une manipulation du produit en cause.

159    En revanche, dans une procédure menée en vertu du règlement n° 1/2003, il ne serait pas approprié de faire supporter le risque d’une « fausse réaction positive » à l’entreprise concernée, notamment eu égard aux amendes encourues pour bris de scellé. La Commission devrait utiliser un film pour lequel l’apparition de « fausses réactions positives » serait, a priori, exclue.

160    La Commission ne pourrait pas se fonder sur l’affirmation de 3M selon laquelle, jusqu’à présent, elle n’aurait eu connaissance d’aucune plainte relative à la fonctionnalité déficiente des films du type du film de sécurité (considérant 55 de la décision attaquée), puisque les utilisateurs de tels films n’auraient de motif d’introduire une réclamation qu’en cas de « fausse réaction négative ».

161    Deuxièmement, la requérante soutient que la date de péremption du scellé litigieux a été dépassée. Or, les expertises de l’institut révéleraient que plus le film de sécurité vieillit, moins il est fiable et plus il devient sensible aux « influences extérieures ».

162    Même si, dans sa réponse à la demande de renseignements du 8 décembre 2006, 3M laisserait, pour la première fois, entendre que le film de sécurité est susceptible de fonctionner correctement après une période de stockage de plus de deux ans, 3M éviterait de se prononcer de manière définitive sur la durée de conservation du film de sécurité. En outre, en minimisant les effets du temps sur le film de sécurité, 3M méconnaîtrait l’état actuel de la science et de la technique dans le domaine des signes de vieillissement sur des adhésifs sensibles à la pression. En tout état de cause, des indications fournies par le fabricant ne pourraient apporter aucune preuve quant à l’efficacité du scellé litigieux au moment précis des faits et ne seraient pas de nature à remplacer une appréciation par un « expert neutre ». Les résultats des expertises de M. Kr. n’ôteraient pas les doutes quant à l’efficacité du scellé litigieux, ceux-ci omettant de prendre en compte l’influence du temps ou du Synto sur le scellé, mais également les conséquences d’une tension de celui-ci pendant une longue période dans le secteur de la fente de la porte, en cas de vibrations durables de la porte et de contraintes de cisaillement simultanées.

163    S’agissant des critiques de la Commission relatives à la simulation de vieillissement utilisée par l’institut, la requérante fait valoir que celle-ci satisfait aux exigences scientifiques. Un vieillissement accéléré par légère hausse de température aurait été nécessaire, sous peine de ne pouvoir mesurer le vieillissement.

164    Troisièmement, le refus de 3M d’admettre la possibilité de l’existence de « fausses réactions positives » (considérant 68 de la décision attaquée) serait dépourvu de pertinence et ne serait en tout état de cause pas étayé. L’éventuelle absence de plainte de clients concernant des « fausses réactions positives » ne suffirait pas à motiver l’impossibilité de telles réactions. En outre, les déclarations de 3M relatives à la durée de conservation illimitée du scellé ne seraient pas crédibles et contrediraient les indications figurant sur la fiche technique. Il ressortirait par ailleurs de ladite fiche que, en cas de risque de dommages économiques considérables, le film de sécurité ne constituerait pas, à lui seul, un moyen de sécurisation adapté. À cet égard, 3M recommanderait l’emploi de moyens de sécurité supplémentaires dans les cas dans lesquels des conséquences graves pourraient survenir et la Commission aurait donc pu utiliser plusieurs scellés par porte. Les conséquences de l’absence d’adoption de mesures supplémentaires par la Commission ainsi que les problèmes de preuve en découlant seraient à mettre à sa charge.

165    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

166    Par son moyen, la requérante entend démontrer que le film de sécurité a été conçu pour prouver qu’un « conteneur ou produit sécurisé » n’a, en aucun cas, été ouvert. Il ne serait toutefois pas adapté à l’apposition officielle de scellés dans le cadre d’une enquête de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence.

167    En premier lieu, il convient de relever qu’il ressort de la fiche technique que cette ligne de produits a été conçue pour indiquer une manipulation en se détruisant lorsqu’une tentative est faite pour enlever l’étiquette. Or, c’est précisément l’usage qui est fait de ce type de film de sécurité par la Commission dans le cadre de ses enquêtes. Certes, sous la rubrique « Idées d’utilisation », 3M suggère, pour un tel film de sécurité, les usages suivants : « étiquettes non transférables pour l’automobile, l’électroménager et l’électronique ; étiquettes et scellés inviolables pour médicaments en vente libre et autres formules d’emballage ». Toutefois, le fait que l’utilisation par la Commission du film de sécurité dans le cadre de ses enquêtes n’apparaisse pas expressément sur la fiche technique ne saurait être interprété comme excluant une telle utilisation du film de sécurité, la liste d’usages suggérés par le fabricant n’étant pas limitative. En tout état de cause, la requérante n’apporte pas la preuve que l’usage de ce type de films de sécurité dans le cadre de telles enquêtes serait inapproprié.

168    Si, certes, comme le souligne la requérante, le fabricant recommande l’emploi de moyens de sécurité supplémentaires pour l’utilisation de son produit dans des cas où « la manipulation pourrait avoir des conséquences très graves comme des pertes financières considérables », force est de constater que, ainsi qu’il ressort de la fiche technique, ce type de mesures est recommandé dans la mesure où 3M ne saurait exclure la possibilité d’une « fausse réaction négative ».

169    En deuxième lieu, ainsi qu’il a été exposé au point 103 ci-dessus, le procès-verbal d’apposition de scellé fait état de l’apposition du scellé litigieux, conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003, et de la possibilité de l’imposition d’une amende, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), dudit règlement, lorsque des scellés sont brisés de propos délibéré ou par négligence. En outre, l’apposition d’un scellé conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003 a été reconnue par un représentant de la requérante en apposant sa signature sur le procès-verbal d’apposition de scellé. Or, comme il a été relevé au point 104 ci-dessus, seule l’apposition d’un scellé adapté à un tel usage peut être considérée comme étant conforme à l’article 20, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1/2003. Ainsi, si la requérante avait eu des doutes quant au caractère approprié du film de sécurité utilisé par la Commission pour l’apposition de scellés conformément à la disposition susvisée, il est permis de considérer qu’elle aurait immédiatement formulé des objections à cet égard lors de l’apposition du scellé litigieux, dont elle connaissait parfaitement l’importance. Or, la requérante n’a formulé aucune observation de ce type.

170    En troisième lieu, pour ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs au dépassement de la date de péremption du scellé litigieux, qui aurait influé sur sa sensibilité aux « influences extérieures », aux vibrations durables de la porte et aux contraintes de cisaillement simultanées ainsi qu’à l’utilisation du Synto, force est de constater qu’ils ne concernent pas le caractère adapté du film de sécurité à l’apposition officielle de scellés, mais plutôt la prétendue méconnaissance par la Commission des « scénarios alternatifs » ayant pu être à l’origine de l’état du scellé litigieux constaté le 30 mai 2006, laquelle fait l’objet du sixième moyen de la requérante. Il est dès lors renvoyé aux développements relatifs à l’examen de celui-ci.

171    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de la méconnaissance par la Commission des « scénarios alternatifs » ayant pu être à l’origine de l’état du scellé litigieux

 Arguments des parties

172    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas apporté la preuve suffisante, au regard de l’adage in dubio pro reo, d’un bris de scellé.

173    En premier lieu, la requérante explique que, eu égard aux expertises de l’institut, elle a démontré que des « influences extérieures », autres que le détachement du scellé litigieux, avaient pu provoquer l’apparition des inscriptions « VOID » sur celui-ci.

174    Premièrement, la requérante fait valoir que le délai maximal de conservation du scellé litigieux a été dépassé. Les experts de la requérante auraient démontré que la fiabilité du film de sécurité diminue avec l’écoulement du temps et que sa sensibilité aux « influences extérieures » croît en conséquence. Il serait établi, en l’espèce, que le scellé litigieux a dépassé d’au moins un an et demi le délai maximal de conservation mentionné par le fabricant.

175    Deuxièmement, la requérante invoque l’influence déterminante du Synto. Dans sa réponse à la demande de renseignements du 9 août 2006, la requérante aurait déjà exposé que l’employée de la société de nettoyage n’aurait pas pu exclure qu’elle avait frotté le scellé litigieux avec un chiffon imbibé de Synto. Or, l’expertise de l’institut III permettrait de démontrer un fonctionnement restreint du film de sécurité et une tendance accrue de ce dernier à produire de « fausses réactions positives » lorsque ledit film a, auparavant, été frotté avec le Synto. En relation avec la mise en contact du film de sécurité avec le Synto, il serait également évoqué, dans l’expertise de l’institut II, la possibilité d’un phénomène de fluage du film de sécurité résultant des contraintes de cisaillement en tension et en compression.

176    La requérante souligne également que le chiffon en microfibres utilisé était, selon la déclaration de l’employée de la société de nettoyage, extrêmement mouillé lorsqu’il a été passé sur le scellé litigieux, de sorte que le contact de ce dernier avec une grande quantité de Synto ne pourrait pas être exclu. Contrairement à ce que suggère la Commission, les essais de l’institut auraient été réalisés avec le Synto et non avec le Synto Forte. Le nom du produit en cause ne donnerait à cet égard aucune indication sur sa composition effective. Si, certes, l’expertise de l’institut II contiendrait des références au Synto Forte, le détergent utilisé aurait été le Synto. La requérante conteste le résultat des rapports de M. Kr., selon lequel le Synto n’altérerait pas l’efficacité du scellé. M. Kr. n’aurait pas examiné comment une pénétration latérale de Synto sous le film agirait sur une période prolongée en cas de forces tangentielles, pouvant conduire à des restes de colle à côté du scellé. Il n’aurait pas exclu que l’action conjointe du Synto sur la colle acrylique du scellé sensible à l’humidité et d’une faible charge mécanique aurait pu conduire à la formation d’inscriptions « VOID » sur le scellé litigieux.

177    Troisièmement, la requérante se réfère à l’influence déterminante de l’humidité de l’air. Il résulterait en effet de l’expertise de l’institut III qu’une humidité de l’air supérieure à 60 % influerait considérablement sur le fonctionnement du film de sécurité et provoquerait une augmentation de la possibilité de « fausses réactions positives ». Or, pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006, il aurait régné, à Munich, une humidité de l’air supérieure à 80 %.

178    La climatisation installée dans le bâtiment G de la requérante ne serait, en principe, pas enclenchée en cas d’humidité de l’air extérieur importante, afin d’éviter la formation de condensation sur les plafonds réfrigérants. Au cours de la période en cause, la technique de réglage de l’installation de climatisation aurait, de surcroît, souvent posé des problèmes qui auraient abouti au dysfonctionnement de l’extinction automatique du dispositif d’humidification supplémentaire intégré à l’installation de climatisation à partir d’un certain degré d’humidité de l’air extérieur, ce qui n’aurait pas été contesté par la Commission.

179    Dans ce contexte, l’affirmation de la Commission selon laquelle la requérante n’aurait ni mentionné ni, a fortiori, établi pourquoi le scellé litigieux aurait été exposé à un degré élevé d’humidité serait dénuée de pertinence (considérant 94 de la décision attaquée). La Commission elle-même aurait, au cours de la procédure, accordé une importance décisive à l’humidité de l’air. Dans sa demande de renseignements du 19 octobre 2007, la Commission aurait demandé des informations détaillées sur l’humidité de l’air au cours de la nuit en cause.

180    Quatrièmement, la requérante invoque une influence déterminante des vibrations. Il ressortirait de l’expertise de l’institut I que l’état allégué du scellé litigieux pourrait également s’expliquer, avec une probabilité suffisante, par les vibrations subies par la porte et les murs du local G.505 du fait de l’utilisation des locaux voisins ainsi que par un jeu suffisamment important de la porte, même fermée à clé. Ces résultats seraient, en outre, illustrés par des films que la requérante aurait projetés au cours de l’audition du 6 décembre 2006 devant le conseiller-auditeur. Les locaux voisins du local G.505 auraient été réservés en vue d’une réunion le jour suivant. Il y aurait eu des allées et venues incessantes au cours desquelles la porte du local voisin aurait pu être claquée, ce qui aurait pu provoquer des vibrations. Il serait également impossible d’exclure que des personnes qui se seraient trompées de local ou qui n’auraient pas été informées du changement d’affectation du local G.505 auraient tiré sur la porte de ce dernier. La requérante ne pourrait pas se voir reprocher de ne pas avoir empêché ce genre d’incidents étant donné que l’hypersensibilité du film de sécurité et sa tendance à produire de « fausses réactions positives » n’auraient pas été prévisibles et qu’elle aurait pu, de ce fait, être sûre que le verrouillage de la porte aurait suffisamment protégé le scellé litigieux. La requérante propose à cet effet, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure, d’entendre un préposé d’E.ON Facility Management GmbH comme témoin.

181    Cinquièmement, la requérante souligne qu’une combinaison du dépassement du délai maximal de conservation du scellé litigieux, de l’action du Synto, de l’humidité de l’air ainsi que des vibrations a probablement provoqué une hypersensibilité du film de sécurité qui aurait été à l’origine de l’état du scellé litigieux.

182    Sixièmement, il résulterait des investigations concernant l’endroit où les clés de la porte du local G.505 ont été conservées ainsi que du comportement des possesseurs de clés que ladite porte n’a pas pu être ouverte durant la nuit du 29 au 30 mai 2006. La requérante demande que la preuve en soit apportée par l’audition des possesseurs de clés, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure.

183    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission fait erreur en considérant que les conditions dans lesquelles les experts de l’institut ont effectué leurs essais ne correspondaient pas, dans une large mesure, aux données techniques sur place (considérant 67 de la décision attaquée).

184    Premièrement, la requérante estime que l’argument de la Commission tiré de l’absence d’utilisation des scellés originaux pour les essais de l’institut est dépourvu de pertinence (considérants 27, 29 et 35 de la décision attaquée). L’expert de la requérante n’aurait jamais concédé que les conclusions relatives à un scellé de dimension donnée ne pourraient être pertinentes que pour un scellé de même dimension. Il aurait simplement fait remarquer que les valeurs de résistance ne pourraient pas être transposées à volonté de « petit à grand ». Elle insiste sur le fait que la preuve d’une tendance des scellés à manifester de « fausses réactions positives » ne dépend pas de la constatation ou du mesurage de certaines valeurs absolues. Étant donné que, dans le cadre des analyses effectuées, les échantillons utilisés par l’institut auraient toujours eu la même dimension, les conclusions de ce dernier seraient exactes même si les valeurs absolues pourraient diverger. Ce serait également pour cette raison qu’il ne serait pas nécessaire d’utiliser des échantillons d’une taille identique.

185    La requérante ajoute que, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que les propriétés du scellé original seraient déterminantes, la Commission a empêché une administration de la preuve respectant ses droits de la défense et qu’elle n’est, de ce fait, pas en droit d’invoquer l’absence d’utilisation de scellés originaux par les experts de l’institut. Par lettre du 10 octobre 2006, la requérante aurait sollicité l’envoi de scellés originaux (voir également le considérant 21 de la décision attaquée) que la Commission aurait facilement pu invalider en y perçant des trous, en y apposant des marques permanentes ou d’une autre manière. Le risque de falsification aurait été minime et la requérante et ses experts auraient de surcroît pu signer des déclarations de responsabilité. La Commission aurait uniquement consenti à ce que les experts de la requérante effectuent des analyses sur les scellés originaux en présence de fonctionnaires de la Commission, ce qui aurait été impossible en pratique, étant donné que la réalisation « statistiquement confirmée » de nombreux essais aurait nécessité un nombre important d’analyses individuelles s’étendant sur plusieurs semaines et devant être réalisées en laboratoire. Il serait peu probable que la Commission aurait été disposée à mettre un collaborateur à la disposition de la requérante pour la durée de ses essais.

186    Deuxièmement, la requérante aurait été contrainte, en raison du refus de mise à disposition des scellés originaux, de simuler le dépassement du délai maximal de conservation. À cet égard, du fait de la perméabilité du film de protection à la vapeur, la méthode de vieillissement choisie livrerait des résultats parfaitement fiables. De même, s’agissant de l’absence de « pointes de puissance » périodiques dans les diagrammes des expertises de l’institut II et III, lesquelles auraient pourtant été constatées dans les rapports de M. Kr. (considérant 67 de la décision attaquée), invoquée par la Commission, celle-ci s’expliquerait par le fait que l’institut aurait recouru à un appareil d’essai équipé d’un chariot à suspension à air qui aurait supprimé largement l’« effet slip-stick » (glissé‑collé) responsable de la formation desdites pointes de puissance. À cet égard, la requérante demande l’audition comme témoin d’un expert de l’institut, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure.

187    Troisièmement, l’absence de réaction des autres scellés apposés le 29 mai 2006 serait dénuée de pertinence. Lesdits scellés auraient été utilisés dans un autre bâtiment, qui aurait été construit d’une manière totalement différente. Indépendamment des différences existant entre les bâtiments au niveau des matériaux de construction utilisés et de la sensibilité aux vibrations des portes, les autres scellés n’auraient pas nécessairement été exposés à la même humidité de l’air (considérant 92 de la décision attaquée).

188    En troisième lieu, la requérante fait valoir que les rapports de M. Kr. ne sont convaincants ni d’un point de vue matériel ni d’un point de vue technico-scientifique.

189    Premièrement, les rapports de M. Kr. seraient fondés sur l’hypothèse inexacte selon laquelle les photographies prises dans l’après-midi du 30 mai 2006 reproduiraient le scellé litigieux dans l’état dans lequel il se serait trouvé le matin du 30 mai 2006. Toutefois, les photographies n’auraient été prises qu’après plusieurs ouvertures et fermetures de la porte du local G.505. À défaut de prémisse pertinente, l’exposé serait dénué de force probante.

190    Deuxièmement, M. Kr. se serait fondé sur un « jeu de la porte » trop réduit, de 0,53 mm, alors que l’institut aurait constaté que, entre le panneau de la porte du local G.505 et son encadrement, il aurait pu y avoir un jeu minimal de 2 mm. Dès lors, l’estimation effectuée par M. Kr. de l’étirement possible du scellé litigieux du fait des vibrations serait trop réduite. En outre, contrairement à ce que prétendrait la Commission (considérant 79 de la décision attaquée), un « jeu de la porte » de 2 mm et les autres circonstances ayant prévalu le jour en question expliqueraient que le scellé litigieux ait pu glisser sur le support.

191    Troisièmement, il ressortirait de la décision attaquée (considérant 91 de la décision attaquée) que la Commission elle-même aurait reconnu que le film de sécurité serait perméable à l’humidité de l’air. À cet égard, tout d’abord, les indications de 3M figurant dans la fiche technique ne seraient pas transposables à la présente affaire étant donné qu’elles ne constitueraient que de simples orientations concernant les propriétés du produit et qu’elles ne concerneraient qu’une surface test en acier inoxydable. Ensuite, le film de sécurité aurait été exposé à l’humidité de l’air non seulement après avoir été détaché de son support et collé à la porte, mais également lorsqu’il se trouvait encore sur son support, lequel est constitué de papier recouvert de silicone. Enfin, l’affirmation non étayée de la Commission selon laquelle, de tous les types de colle adhésive, le groupe des acrylates serait celui qui offrirait la résistance la plus élevée à l’humidité serait dénuée de pertinence, puisque l’institut aurait établi que la colle acrylate utilisée sur le scellé litigieux ne serait pas suffisamment résistante à l’humidité. Dans le cadre des expertises de M. Kr., n’aurait pas été examinée la question de savoir si l’action de l’humidité aurait pu induire de « fausses réactions positives » du film de sécurité, c’est-à-dire si des inscriptions « VOID » auraient pu apparaître même en l’absence d’« influences extérieures ».

192    Quatrièmement, la requérante indique que les tests effectués sur place ne pourraient pas bénéficier d’une « confirmation statistique » indispensable à une affirmation scientifiquement fondée. Les essais effectués dans le laboratoire de M. Kr. seraient également dénués de pertinence étant donné que la majeure partie des essais aurait été effectuée sur des tôles peintes. En l’état actuel de la science, il serait reconnu que les colles acrylates se comporteraient différemment sur une surface peinte et sur de l’aluminium éloxydé. Dès lors, toute conclusion concernant la porte du local G.505 serait, a priori, exclue.

193    Cinquièmement, la requérante considère que, dans le rapport Kr. II, l’expert a méconnu la possibilité que le scellé litigieux ait été apposé d’une manière telle qu’il aurait subi une tension au-dessus de la fente entre le panneau de la porte et l’encadrement de cette dernière. Lors de la visite sur les lieux, le 26 avril 2007, M. Kr. aurait évité toute tension sur le scellé litigieux dans le secteur de la fente de la porte et aurait apposé en outre plusieurs scellés autocollants sur la porte, avant de la secouer, ce qui aurait provoqué un affaiblissement de la force du mouvement de la porte. Or, selon l’expertise de l’institut I, un scellé autocollant serait sensible au fluage, en cas de forces exercées sur une longue période et à plusieurs reprises. Il ne serait, toutefois, pas exclu que le scellé litigieux ait été apposé le 29 mai 2006 de manière telle qu’il aurait subi une tension au-dessus de la fente entre le panneau de la porte et l’encadrement de cette dernière.

194    Sixièmement, la Commission n’aurait pas non plus tenu compte du fait que tous les films de sécurité apposés par son expert au cours de la visite sur place auraient révélé des coins cornés après leur détachement. Ainsi, la manipulation du scellé litigieux en vue de son détachement aurait nécessairement provoqué des signes évidents d’endommagement. Le scellé litigieux n’aurait cependant présenté aucun coin corné. Le scellé litigieux n’aurait donc pas pu être enlevé au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006. À cet égard, la requérante propose, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure, que soient entendus comme témoins son avocat ainsi qu’un préposé d’E.ON.

195    Septièmement, M. Kr. n’aurait pas non plus suffisamment tenu compte de l’existence éventuellement combinée de certains effets (comme le dépassement de la durée de conservation du scellé litigieux, les autres endommagements préalables, l’existence de vibrations, l’humidité de l’air importante ainsi que l’action d’un produit d’entretien). Le scellé litigieux aurait été apposé pendant environ 14 heures et il aurait, de ce fait, été exposé à des « influences extérieures » comme l’humidité de l’air et d’éventuelles vibrations. S’agissant de l’application du produit d’entretien, M. Kr. aurait également méconnu les « scénarios envisageables ». Il ne se serait, notamment, fondé que sur une durée d’action du produit de 30 minutes, alors que, dans le cadre de la présente affaire, il ne serait pas possible d’exclure que l’action dommageable du produit d’entretien sur le scellé litigieux ait pu durer plus longtemps. Il ne serait pas non plus possible d’exclure que le scellé litigieux qui serait resté sous tension durant une longue période se soit très légèrement déplacé.

196    En quatrième lieu, la requérante relève que de « fausses réactions positives » sont possibles conformément à l’exposé de la Commission elle-même dans la décision attaquée (considérants 7, 74 et 75 de la décision attaquée). Selon la Commission, l’apparition des inscriptions « VOID » ainsi que les résidus de colle à l’arrière du scellé ne pourraient s’expliquer que par un détachement et une remise en place du scellé. Il conviendrait, dès lors, de conclure, a contrario, que des inscriptions « VOID » intactes prouveraient qu’un détachement suivi d’une remise en place du scellé serait exclu. Or, dans sa déclaration complémentaire du 31 mai 2006, la requérante aurait indiqué, sans que la Commission le conteste, que les inscriptions « VOID » sur l’encadrement la porte du local G.505 (et non, comme le prétend la Commission, sur la porte et l’encadrement de cette dernière ; voir considérant 75 de la décision attaquée) n’auraient pas été effacées du tout et qu’elles auraient été, de ce fait, totalement intactes lorsque le scellé litigieux a été enlevé pour être remplacé le soir du 30 mai 2006 (considérant 13 de la décision attaquée). Dès lors, l’exposé de la Commission elle-même établirait que la partie du scellé litigieux adhérant à l’encadrement de la porte du local G.505 n’aurait pas été détachée de son support durant la période en cause, mais qu’elle aurait fait apparaître des signes « VOID ».

197    La requérante ajoute qu’il est naturel que les diverses tentatives d’explication spontanées qu’elle a avancées à propos de l’état du scellé litigieux le 30 mai 2006 n’aient pas été totalement concordantes. Ni les employés ni les prestataires de services de la requérante ne connaîtraient la raison concrète de la prétendue modification de l’état du scellé litigieux.

198    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

199    Ainsi qu’il a été rappelé aux points 55 et 56 ci-dessus, s’agissant de la charge de la preuve d’une infraction en droit de la concurrence, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve directs qui sont en principe suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante desdits éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission.

200    Ainsi qu’il a été constaté au point 146 ci-dessus, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée (considérants 8, 9, 74 et 75 de la décision attaquée) permettaient de conclure que le scellé litigieux avait été enlevé de la porte du local G.505 pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que cette porte avait donc pu être ouverte dans cet intervalle, compte tenu des inscriptions « VOID » sur la totalité de la surface du scellé litigieux et de la présence de traces de colle à proximité et à l’arrière de celui-ci le matin du 30 mai 2006. S’agissant des circonstances qui, selon la requérante, affecteraient la valeur probante desdits éléments de preuve, il y a dès lors lieu de vérifier si celle-ci a établi à suffisance de droit, d’une part, l’existence de ces circonstances et, d’autre part, que ces dernières mettent en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission.

201    En premier lieu, la requérante soutient qu’elle a apporté la preuve de l’existence d’« influences extérieures », qui auraient été à l’origine des inscriptions « VOID » sur le scellé litigieux, parmi lesquelles figurent le dépassement du délai maximal de conservation de celui-ci, l’influence du produit d’entretien Synto, l’humidité de l’air, les vibrations ou encore une combinaison de ces différents éléments.

202    Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les inscriptions « VOID » seraient apparues sur le scellé litigieux en raison du dépassement de la durée maximale de conservation de celui-ci, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’argument de la requérante selon lequel le scellé litigieux aurait dépassé d’au moins un an et demi la durée maximale de conservation recommandée par le fabricant, force est de constater que la requérante n’apporte pas la preuve d’un lien de causalité entre un tel éventuel dépassement et l’apparition des inscriptions « VOID » sur la surface du scellé litigieux.

203    À cet égard, il y a lieu de souligner que, d’une part, le scellé litigieux et les autres scellés, utilisés sur les autres portes dont l’accès était interdit, provenaient d’un même lot (considérant 69 de la décision attaquée). Or, seul le scellé litigieux portait les inscriptions « VOID », ce qui tend à exclure que le prétendu dépassement de la durée maximale de conservation du scellé litigieux soit à l’origine desdites inscriptions. D’autre part, l’expertise de l’institut III produite par la requérante n’établit en tout état de cause pas l’existence d’une « fausse réaction positive » en cas d’utilisation d’un film de sécurité artificiellement vieilli, mais fait référence « [à] une modification significative de la force d’adhésion du film de scellé vieilli dans un accélérateur et [à] une sensibilité accrue en ce qui concerne l’apparition des lettres VOID ». Il s’ensuit que le premier argument doit être rejeté.

204    Deuxièmement, s’agissant de la prétendue influence déterminante du Synto, il y a lieu de relever que la requérante n’apporte pas la preuve que l’utilisation de Synto entraîne un risque de « fausse réaction positive » du scellé.

205    Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle il ne saurait être exclu que l’employée de la société de nettoyage ait passé un chiffon imprégné d’une grande quantité de Synto sur le scellé litigieux semble être tempérée par les constatations de M. Kr., non contestées par la requérante, selon lesquelles l’application du Synto sur le scellé au moyen d’un chiffon provoque un effet d’abrasion, en sorte que la couleur bleu foncé du scellé se retrouve sur le chiffon. Or, l’employée de la société de nettoyage n’a jamais fait état d’une telle altération du scellé litigieux après le nettoyage de la porte du local G.505. Au contraire, la société de nettoyage a déclaré, le 6 septembre 2006, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que la femme de ménage n’avait pas constaté d’altération du scellé litigieux après le nettoyage de ladite porte. Il ne ressort pas non plus du procès-verbal de bris de scellé ni de la déclaration complémentaire de la requérante que les inspecteurs ont constaté une quelconque abrasion de la couleur bleu foncé du scellé litigieux lors de la constatation du bris de scellé.

206    Ensuite, les expertises produites par la requérante n’apportent pas la preuve que l’utilisation d’un produit d’entretien entraîne un risque de « fausse réaction positive » du scellé, dès lors que lesdites expertises ne démontrent qu’une « sensibilité accrue significative » du scellé. En outre, même à supposer que les expertises produites par la requérante démontreraient l’existence d’un tel risque, il y a lieu de relever qu’il n’est pas établi que les essais de l’institut ont été réalisés avec le Synto, les résultats de l’expertise de l’institut II indiquant, au moins à une reprise, que le Synto Forte a été utilisé pour lesdits essais. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 80 ci-dessus, il ressort de la lettre du 5 septembre 2006 adressée par la société de nettoyage à la Commission, et en particulier de la réponse donnée par cette société à la deuxième question de la Commission, que le Synto (et non le Synto Forte) a effectivement été utilisé pour nettoyer la porte du local G.505. Or, il ne saurait être exclu que l’utilisation du Synto Forte ait pu altérer les conclusions des expertises de l’institut.

207    Enfin, il ressort de la réponse de 3M à une demande de renseignements de la Commission que les détergents n’ont, en principe, aucun effet sur les scellés. Ainsi, 3M a indiqué que « [l]es produits de nettoyage n’[avaie]nt en principe aucune incidence sur l’étiquette », que « [l]e support du produit [était] un polyester qui résiste aux solvants » et que « [l]e produit devrait supporter une exposition aux produits de nettoyage d’usage courant ». Si 3M a admis ne « pas [avoir] effectué de tests spécifiques portant sur [le Synto] », elle a indiqué que, à son avis, « le risque principal en utilisant des produits de nettoyage serait d’affecter la face avant [du] film de support du produit transformé – en l’occurrence, les couleurs bleue et jaune figurant sur le scellé utilisé par la Commission » et que « [l]es produits de nettoyage ne devraient pas affecter l’adhérence de la couche adhésive à l’arrière du produit ». Or, il y a lieu de relever que ce n’est précisément qu’un tel effet d’abrasion qui a été constaté par l’expert de la Commission lors de ses essais, ainsi qu’il a été relevé au point 205 ci-dessus. En outre, il y a lieu de constater que l’expert de la Commission n’a pas constaté de « fausse réaction positive » du scellé en appliquant le Synto sur celui-ci.

208    En tout état de cause, comme il a été indiqué par la Commission au considérant 84 de la décision attaquée, il relevait de la responsabilité de la requérante d’informer la société de nettoyage de la signification et du maniement du scellé litigieux et de s’assurer que le scellé litigieux ne soit pas, le cas échéant, brisé par sa préposée, d’autant plus que, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de l’entretien avec l’employée de la société de nettoyage, ladite employée reçoit un plan précisant l’occupation des locaux de réunion avant de commencer le nettoyage de ceux-ci.

209    Troisièmement, s’agissant de la prétendue humidité de l’air, la requérante produit un document qui attesterait que, dans la nuit du 29 au 30 mai 2006, il aurait régné à Munich un taux d’humidité de 80 %. Or, selon l’expertise de l’institut III, une humidité de l’air supérieure à 60 % entraînerait une augmentation significative de la sensibilité du film de sécurité.

210    À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, la requérante n’apporte pas la preuve qu’il aurait régné, dans le bâtiment G, dans la nuit du 29 au 30 mai 2006, une humidité de l’air supérieure à 60 %. En effet, le document produit par la requérante attestant du taux d’humidité de l’air dans la nuit du 29 au 30 mai 2006 ne concerne que l’humidité de l’air à l’extérieur de ce bâtiment et n’est dès lors pas directement pertinent aux fins de démontrer le taux d’humidité qui aurait été présent dans le bâtiment en cause. S’agissant de celui-ci, la requérante a indiqué à la Commission qu’elle ne disposait plus des données relatives aux 29 et 30 mai 2006. En outre, le document du 14 juillet 2006, rédigé par la requérante à l’attention de ses collaborateurs, évoque une humidité de l’air atteignant 55 % à l’extérieur du bâtiment G et 50 % à l’intérieur de celui-ci, au cours des jours ayant précédé cette date. Les arguments de la requérante relatifs à la technique de réglage de l’installation de climatisation ou au dysfonctionnement de l’extinction automatique du dispositif d’humidification supplémentaire intégré à l’installation de climatisation à partir d’un certain degré d’humidité de l’air ne sont pas davantage concluants, la requérante n’apportant pas la preuve de ce que ces événements ont engendré un taux d’humidité supérieur à 60 % dans le bâtiment G pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006. D’autre part, la requérante n’apporte pas non plus la preuve qu’une humidité accrue de l’air entraîne la survenance de « fausses réactions positives », l’expertise de l’institut III faisant état uniquement d’une « sensibilité accrue » du film de sécurité à l’humidité de l’air.

211    En tout état de cause, les allégations de la requérante sont contredites par les informations figurant dans la fiche technique selon lesquelles ce produit résiste à une exposition à un taux d’humidité de 90 % pendant une période de 168 heures, à une température de 32 °C, confirmées par les constatations de l’expert de la Commission. Il s’ensuit que le troisième argument de la requérante doit être rejeté.

212    Quatrièmement, s’agissant de la prétendue influence déterminante des vibrations, qui pourraient expliquer l’état du scellé litigieux, il suffit de constater que la requérante n’apporte pas la preuve que la porte et les murs du local G.505 ont subi des vibrations. Ainsi que le relève la Commission, il est impossible de vérifier les conditions dans lesquelles ont été réalisés les enregistrements vidéo produits par la requérante tendant à démontrer que des vibrations sont susceptibles de provoquer l’apparition d’inscriptions « VOID » sur certaines parties d’un scellé apposé sur une porte fermée, ni si ces enregistrements montrent effectivement la porte du local G.505. En outre, ainsi que l’a relevé la Commission, ces enregistrements ne démontrent en tout état de cause pas l’apparition de « fausses réactions positives », mais seulement l’apparition, en cas de vibrations engendrées par la prétendue fermeture violente de la porte du local voisin, d’inscriptions « VOID » dans l’interstice entre la porte et son encadrement, ce qui ne correspond pas aux constatations figurant dans le procès-verbal de bris de scellé.

213    Par ailleurs, la circonstance, évoquée à titre d’hypothèse par la requérante, selon laquelle les locaux voisins du local G.505 auraient été réservés en vue d’une réunion pour le jour suivant et la porte dudit local aurait ainsi pu être claquée, ce qui aurait pu provoquer des vibrations, ou encore selon laquelle certaines personnes se trompant de local auraient pu tirer sur la porte du local G.505 ne permet pas d’expliquer l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006.

214    En effet, dès lors que le scellé litigieux était encore intact le soir du 29 mai 2006 vers 19 h 30 (considérant 5 de la décision attaquée) et que l’équipe d’inspection a constaté la modification du scellé litigieux le lendemain matin vers 8 h 45 (considérant 8 de la décision attaquée), l’hypothèse avancée par la requérante implique qu’il y aurait eu des « allées et venues incessantes » dans le local G.506, seul local de réunion adjacent au local G.505, dans la nuit du 29 au 30 mai 2006, ce qui n’est pas démontré. À cet égard, il ressort du programme d’occupation des bureaux que le local G.506 n’a été occupé le 30 mai 2006 qu’entre 10 et 16 heures, soit après la constatation du bris de scellé. Si, certes, la requérante a indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission du 9 août 2008 que la porte de ce local avait été ouverte vers 5 heures par le service de sécurité, la requérante n’allègue pas que le service de sécurité aurait procédé à la fermeture violente de celle-ci, laquelle aurait causé les vibrations alléguées. Par ailleurs, s’agissant des arguments de la requérante, réaffirmés lors de l’audience, selon lesquels une réunion dans le local G.506 aurait nécessité la mise place de matériel lourd dès 5 heures du matin, il suffit de constater que, eu égard au fait que le local en question n’a été nettoyé qu’à 7 heures du matin et que ladite réunion débutait à 10 heures, une telle affirmation n’est pas crédible.

215    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel des personnes auraient pu se tromper de local ou des personnes auraient pu ne pas être informées du changement d’affectation du local G.505 et auraient tiré sur la porte de celui-ci, endommageant ainsi le scellé litigieux, ne saurait prospérer, dès lors que la porte dudit local était fermée à clé et que la requérante n’apporte pas la preuve du lien de causalité entre d’éventuelles secousses de cette porte et l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006.

216    En tout état de cause, même à supposer que les circonstances décrites aux points 212 à 215 ci-dessus soient avérées, il relevait de la responsabilité de la requérante de prendre les précautions nécessaires aux fins d’informer les membres de son personnel ainsi que les éventuels visiteurs présents dans le bâtiment G dans la nuit du 29 au 30 mai 2006 de l’existence du scellé litigieux et de son maniement, afin d’éviter tout bris de scellé. Il s’ensuit que le quatrième argument de la requérante doit être rejeté.

217    Cinquièmement, s’agissant du fait qu’une combinaison du dépassement du délai maximal de conservation du scellé litigieux, de l’action du Synto, de l’humidité de l’air et des vibrations ait pu provoquer une hypersensibilité du scellé litigieux, force est de constater que l’existence même de ces circonstances, même prises individuellement, ou leur incidence sur le scellé litigieux n’ont pas été démontrées à suffisance de droit. Par ailleurs, la requérante ne soutient pas que la combinaison desdits facteurs entraînerait un risque de « fausse réaction positive », mais uniquement qu’ « un endommagement préalable du film de sécurité du fait du vieillissement, du produit Synto ou de la combinaison de ces deux facteurs aboutit, en cas d’humidité de l’air importante, à une nette augmentation de la sensibilité dudit film ». Cet argument doit donc également être rejeté.

218    Sixièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la porte du local G.505 n’aurait pas été ouverte au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 85 ci-dessus, la Commission a, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, la charge de prouver le bris de scellé. En revanche, il ne lui incombe pas de démontrer qu’il a effectivement été accédé au local qui a été scellé. Cet argument ne saurait dès lors prospérer.

219    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas démontré l’existence de circonstances susceptibles de mettre en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission pour conclure à l’existence d’un bris de scellé.

220    En deuxième lieu, dès lors que, ainsi qu’il ressort des développements qui précèdent, les expertises produites par la requérante n’apportent pas la preuve que les circonstances évoquées ci-dessus ont pu entraîner l’état du scellé litigieux constaté le matin du 30 mai 2006, leurs éventuelles insuffisances, alléguées par la Commission, sont dénuées de pertinence en l’espèce.

221    En tout état de cause, ainsi que le relève la Commission, ces expertises souffrent effectivement de plusieurs insuffisances. Ainsi, premièrement, les essais réalisés par l’institut n’ont pas été réalisés sur des scellés originaux de la Commission, mais ont été réalisés sur des échantillons de taille très réduite (4 cm² au lieu de 54 cm²). L’expert de la requérante a lui-même indiqué dans ce contexte que les valeurs de résistance des scellés ne pouvaient pas être transposées à volonté de « petit à grand ». En outre, ainsi que cela a été relevé par l’expert de la Commission, la dimension d’un scellé est de nature à influer sur les résultats des expertises s’agissant de l’éventuelle influence du Synto, des vibrations ou encore de l’humidité de l’air sur le fonctionnement du scellé. À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait empêché une administration de la preuve respectant ses droits de la défense, en refusant de lui communiquer des scellés originaux, ne saurait être retenu. En effet, la requérante ne conteste pas que la Commission a proposé de lui fournir des scellés originaux, à la condition de la participation d’agents de la Commission aux essais. La requérante a toutefois décliné cette proposition (considérant 65 de la décision attaquée). Dans ce contexte, l’affirmation de la requérante selon laquelle il était peu probable que la Commission soit disposée à mettre à disposition un collaborateur sur place à des fins d’observation pour la durée des essais ne saurait davantage être retenue, une telle charge ayant, le cas échéant, pesé sur la Commission et non sur la requérante, en sorte qu’elle ne saurait être invoquée par la requérante pour justifier l’absence de réalisation d’essais sur des scellés originaux.

222    Deuxièmement, la requérante ayant refusé d’effectuer ses essais sur des scellés originaux en présence d’un agent de la Commission, celle-ci a utilisé des scellés vieillis artificiellement. À cet égard, les scellés utilisés par la requérante ont été entreposés dans une armoire climatique dans laquelle les échantillons ont été exposés pendant plus de 40 jours à une humidité relative de 60 %, laquelle excède les recommandations de conservation figurant dans la fiche technique, à savoir 50 % d’humidité relative.

223    Troisièmement, il ressort des expertises de l’institut II et III que l’expert de la requérante a effectué ses tests, ou à tout le moins certains d’entre eux, en imbibant les bandes de film plastique de 100 mg de produit détergent, ce qui correspondrait à une quantité beaucoup plus importante que la quantité de détergent qui aurait, le cas échéant, été utilisée par la femme de ménage, celle-ci ayant indiqué que le chiffon « était extrêmement mouillé – mais [qu’]il n’était, toutefois, pas enduit d’une grande quantité de produit de nettoyage ». Ensuite, il ne saurait être exclu que le détergent utilisé par l’institut pour ses essais n’était pas le Synto, qui a été utilisé par la femme de ménage et a été envoyé à la Commission pour ses essais par la société de nettoyage elle-même, mais sa variante, le Synto Forte. Ainsi, il ressort expressément de l’expertise de l’institut II que certains essais ont été effectués avec la variante Synto Forte. En outre, il ressort des expertises de l’institut II et III que le produit utilisé pour les expériences contient le composant 2-(2-butoxyéthoxy)éthanol, qui n’est pas présent dans le Synto, mais uniquement dans sa variante, le Synto Forte. Or, il est constant que ce composant fait du Synto Forte un détergent beaucoup plus agressif.

224    En troisième lieu, eu égard au fait que, d’une part, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée (considérants 8, 9, 74 et 75 de la décision attaquée) permettaient de conclure que le scellé litigieux avait été enlevé de la porte du local G.505 pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que cette porte avait donc pu être ouverte dans cet intervalle (voir le point 146 ci-dessus) et, d’autre part, la requérante, à laquelle incombait la charge de prouver les faits qu’elle allègue, n’a pas apporté la preuve des circonstances qu’elle invoque qui seraient à l’origine de l’état du scellé litigieux ainsi constaté, les prétendues faiblesses des rapports de M. Kr. invoquées par la requérante ne sauraient remettre en cause la conclusion figurant au point 219 ci-dessus.

225    En tout état de cause, premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, les expertises de M. Kr. ne sont pas fondées sur l’hypothèse selon laquelle les photographies prises dans l’après-midi du 30 mai 2006 reproduiraient le scellé litigieux dans l’état dans lequel il aurait été dans la matinée du même jour, la référence auxdites photographies qui figure notamment dans le rapport Kr. II ne constituant qu’une indication supplémentaire de l’état du scellé litigieux, tel qu’il ressortait des photographies prises le 30 mai 2006.

226    Deuxièmement, s’agissant du prétendu « jeu de la porte », qui aurait été trop réduit lors des essais de M. Kr., il y a lieu de relever, tout d’abord, que, lors de la visite de M. Kr. sur place, en présence de la requérante, celui-ci a constaté, à l’aide d’une règle digitale, un « jeu de la porte » maximal de 0,53 mm, sans que cette constatation ait été remise en cause par la requérante dans ses observations sur l’exposé des faits ou dans les rapports des expertises de l’institut II et III. En tout état de cause, d’une part, ainsi qu’il ressort du considérant 79 de la décision attaquée, même à supposer que le « jeu de la porte » était de 2 mm, l’étirement du scellé litigieux serait demeuré très réduit. D’autre part, la requérante n’avance pas le moindre élément permettant de conclure qu’un « jeu de la porte » plus important aurait été de nature à entraîner un risque de « fausse réaction positive » du scellé litigieux.

227    Troisièmement, s’agissant de l’humidité de l’air, il y a lieu de relever que la requérante n’apporte pas la preuve que les indications de la fiche technique, sur lesquelles la Commission a fondé plusieurs de ses observations, ne seraient pas applicables en l’espèce, notamment eu égard au matériau composant la porte du local G.505 et son encadrement. Elle n’établit pas non plus la sensibilisation du film de sécurité en raison de la présence d’humidité dans l’air lors du détachement du film de sécurité. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du rapport Kr. II que même une humidité élevée n’aurait pas pu provoquer d’altération du scellé litigieux.

228    Quatrièmement, s’agissant de l’absence de « confirmation statistique » des essais de M. Kr., il y a lieu de relever que c’est à la requérante qu’il appartient de démontrer les circonstances qu’elle invoque, en sorte que l’absence de prétendue « confirmation statistique indispensable à une affirmation scientifiquement prouvée » est sans pertinence. En tout état de cause, la Commission a indiqué que le procédé expérimental utilisant des tôles laquées au vernis en poudre était particulièrement prudent par rapport à des expériences sur de l’aluminium anodisé.

229    Cinquièmement, il convient de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle M. Kr. aurait méconnu la possibilité que le scellé litigieux ait pu être apposé d’une manière telle qu’il aurait subi une tension au-dessus de la fente entre le panneau de la porte du local G.505 et l’encadrement de celle-ci, ce qui aurait entraîné comme répercussion des contraintes sur le scellé litigieux plus importantes que celles supposées dans le rapport Kr. II, cette affirmation n’étant nullement étayée. En tout état de cause, M. Kr. a constaté qu’une dilatation du scellé litigieux aurait supposé une force importante (considérant 89 de la décision attaquée), ce qui serait exclu lors de l’apposition d’un scellé à la main.

230    Sixièmement, la prétendue absence de coins cornés sur le scellé litigieux ne saurait démontrer que ce dernier n’a pas été enlevé au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006. Outre que les « coins cornés » ne constituent pas une caractéristique d’un bris de scellé, il convient de souligner qu’un décollement à la main ne provoque pas nécessairement l’apparition de coins cornés, un scellé pouvant être enlevé avec précaution ou pouvant également être décollé à partir de l’interstice se situant entre la porte et l’encadrement sur lesquels il est posé. Ce grief doit donc également être rejeté.

231    Septièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du rapport Kr. II que, dans le cadre de celui-ci, a effectivement été examinée l’influence combinée des circonstances alléguées par la requérante. Ce grief ne saurait dès lors non plus prospérer.

232    En quatrième lieu, compte tenu de la conclusion tirée au point 219 ci-dessus, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la prétendue « possibilité de fausses réactions positives », qui ressortirait de l’exposé de la Commission elle-même aux considérants 7, 74 et 75 de la décision attaquée.

233    En tout état de cause, ainsi qu’il a été indiqué au point 146 ci-dessus, cette argumentation doit être rejetée, dès lors que la Commission n’a jamais fait siens les propos formulés par la requérante au point 2 de sa déclaration complémentaire du 30 mai 2006 (voir point 12 ci-dessus) et que, en outre, la simple affirmation de la requérante selon laquelle « l’inscription ‘VOID’ sur l’encadrement n’était pas effacée du tout » ne saurait, en elle-même, démontrer l’existence d’une « fausse réaction positive » du scellé litigieux.

234    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence

 Arguments des parties

235    La requérante fait valoir que, au cours de la procédure administrative, la Commission n’a pas « suffisamment respecté » le principe de la présomption d’innocence. Elle rappelle que, le 16 octobre 2007, la Commission a chargé M. Kr. de présenter ses observations sur les expertises de l’institut II et III. Les questions que la Commission a adressées à M. Kr. aux fins de la préparation du rapport Kr. II auraient, pour la plupart, eu un « caractère suggestif », celle-ci ayant ainsi violé son obligation d’impartialité, la neutralité de l’enquête, le principe de la présomption d’innocence et le « droit à une procédure équitable ».

236    Dès lors que la Commission n’aurait pas respecté la neutralité de l’enquête telle qu’elle serait requise par le principe de la présomption d’innocence, il serait inutile de répondre à la question de savoir s’il existe des doutes sérieux quant à la crédibilité et à la neutralité de l’expert (considérant 37 de la décision attaquée), le grief de non-respect du principe de la présomption d’innocence n’étant pas dirigé contre l’expert de la Commission, mais contre la Commission elle-même. En effet, le seul fait qu’il existerait des doutes sérieux quant à la neutralité de la Commission suffirait pour établir une violation de l’obligation d’impartialité résultant du principe de la présomption d’innocence. Par ailleurs, le comportement de l’expert, consistant à reformuler les questions, ne parviendrait pas à contrebalancer le non-respect par la Commission du principe de la présomption d’innocence.

237    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

238    Il y a lieu de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sont reconnus dans l’ordre juridique communautaire. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 115, et la jurisprudence citée).

239    Le principe de la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, point 106).

240    En l’espèce, la requérante estime que la Commission a violé le principe de la présomption d’innocence, en adressant à M. Kr., par lettre du 16 octobre 2007, un questionnaire, dont les questions auraient eu un « caractère suggestif ».

241    À cet égard, il y a lieu de relever que les questions adressées à M. Kr. dans cette lettre étaient libellées de la façon suivante (voir également le considérant 36 de la décision attaquée) :

« 1. Veuillez donner votre avis sur les méthodes, les analyses et les conclusions des rapports de [l’institut], qui ont été adressés à la Commission par lettres du 6 juin 2007 et du 1er octobre 2007. Indiquez en particulier dans votre avis les raisons pour lesquelles les rapports en question de [l’institut] ne contredisent pas votre propre rapport du 8 mai 2007 sur la fonctionnalité des scellés de la Commission au niveau des méthodes, des analyses et des conclusions. Si vous estimez que de nouveaux essais sont nécessaires afin de confirmer/étayer vos précédents rapports, décrivez-les brièvement.

2. Veuillez répondre à la question précédente également par rapport aux arguments/facteurs que [la requérante] – au-delà des rapports de l’institut – a avancés dans son courrier du 6 juillet 2007 (par exemple, manque de pertinence statistique de votre essai).

3. Veuillez confirmer que la conjugaison des facteurs/arguments avancés par [la requérante] (ou [par l’institut]) (entre autres, manque de nettoyage préalable de la surface, utilisation du Synto sur le scellé, vibrations de la porte, humidité atmosphérique, prétendue durée excessive de stockage des scellés) ne peut pas avoir entraîné un[e] fau[sse réaction] positi[ve] sans que le scellé ait été enlevé de la surface. Veuillez également confirmer que la conjugaison des facteurs/arguments avancés ne saurait expliquer les autres circonstances constatées par la Commission le matin du 30 mai 2006 (traces de colle autour du bord du scellé et à l’arrière du scellé). Si vous estimez que de nouveaux essais sont nécessaires afin de confirmer/étayer vos précédents rapports, décrivez-les brièvement. »

242    Ainsi qu’il résulte de l’examen du quatrième moyen, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée (considérants 8, 9, 74 et 75 de la décision attaquée) permettaient de conclure que le scellé litigieux avait été enlevé pendant la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que la porte du local G.505 avait donc pu être ouverte dans cet intervalle, compte tenu des inscriptions « VOID » sur la totalité de la surface du scellé litigieux et de la présence de traces de colle à proximité et à l’arrière de celui-ci le matin du 30 mai 2006. Dans ce contexte, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, il appartenait à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence des circonstances qu’elle invoque et, d’autre part, que ces circonstances mettent en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission.

243    À cet égard, force est constater que, ainsi que le relève la Commission, l’établissement du rapport Kr. II visait à vérifier si les conclusions du rapport Kr. I étaient remises en question par les rapports des expertises de l’institut II et III. Dans le rapport Kr. I, l’expert de la Commission a effectivement indiqué qu’un « fluage » du scellé original, qui avait été évoqué dans l’expertise de l’institut I, ne saurait être à l’origine d’une « fausse réaction positive », indépendamment de l’âge, du mode d’apposition et de la vitesse de décollement du scellé, et ce même dans l’hypothèse où celui-ci avait été nettoyé au préalable au moyen de Synto et avait subi ensuite l’action de forces de cisaillement et de pelage.

244    Ainsi, le questionnaire de la Commission visait à déterminer, au vu de la conclusion figurant dans le rapport Kr. I, si une telle conclusion était remise en cause par les rapports des expertises de l’institut II et III. La Commission a en outre précisé, sans être contredite sur ce point par la requérante, que la formulation desdites questions résultait également du contexte dans lequel elles s’inséraient, à savoir que M. Kr. avait déjà formulé oralement quelques commentaires sur les constatations figurant dans les rapports des expertises de l’institut II et III et avait indiqué n’avoir pas de raison de douter des conclusions figurant dans le rapport Kr. I.

245    Enfin, comme la Commission l’a relevé au considérant 37 de la décision attaquée, il ressort de la formulation des questions par M. Kr. lui-même dans le rapport Kr. II que l’expert de la Commission considérait ces questions comme des questions ouvertes, celles-ci ayant été reformulées comme suit : « Les rapports d’évaluation de l’institut remettent-ils en question […] les conclusions du dernier rapport ? » ; « Les arguments présentés par [l’avocat de la requérante] remettent-ils en question les conclusions du dernier rapport ? » ; « Une conjugaison des facteurs/arguments avancés peut-elle entraîner une fausse réaction positive et expliquer les conditions dans lesquelles le scellé a été trouvé ? ».

246    Il résulte des développements qui précèdent que la Commission n’a pas violé le principe de la présomption d’innocence, de par la formulation des questions contenues dans sa lettre du 16 octobre 2007 à M. Kr.

247    Il y a donc lieu de rejeter le septième moyen.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003

 Arguments des parties

248    La requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission lui a reproché d’avoir commis un bris de scellé par négligence, sans toutefois préciser ce qu’elle considérait comme étant un comportement négligent.

249    Premièrement, l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 s’adresserait exclusivement à des entreprises ou associations d’entreprises qui agiraient par le biais de leurs employés ou de leurs représentants dont les comportements pourraient, par conséquent, leur être imputés. Se référant à l’arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97), la requérante considère que la Commission a estimé à tort, au considérant 101 de la décision attaquée, que des comportements de tiers lui étaient imputables. Aucun collaborateur ou mandataire habilité de la requérante n’aurait ouvert la porte du local G.505, ce qui ressortirait des déclarations sous serment produites par la requérante. Dans ce contexte, la prétendue ouverture de la porte ou tout autre fait à l’origine du détachement du scellé litigieux constituerait un « acte excédant les pouvoirs des personnes agissantes », ne pouvant être imputé à la requérante. Le fait que la société de nettoyage ait été avertie de l’existence du scellé litigieux serait sans pertinence, celle-ci ne disposant pas d’une clé du local G.505. À cet égard, la finalité du scellé litigieux, à savoir la préservation des éléments du dossier devant encore être examinés, n’aurait pu être menacée que par les possesseurs de clés, en sorte qu’il était inutile d’informer la société de nettoyage de l’existence du scellé litigieux.

250    Deuxièmement, le grief de négligence invoqué par la Commission ne serait pas pertinent. Il n’y aurait négligence que si la personne concernée était en mesure et devait savoir qu’elle réalisait l’élément infractionnel. Or, la Commission se serait fondée uniquement sur de prétendues modifications d’un scellé vétuste utilisé de manière incorrecte.

251    Contrairement à ce que prétend la Commission (considérant 102 de la décision attaquée), l’employée de la société de nettoyage n’aurait pas pu savoir que le simple fait de passer un chiffon imprégné d’un produit d’entretien courant sur le scellé litigieux aurait pu entraîner l’apparition de caractéristiques semblables à celles d’un bris de scellé. Il ne saurait pas non plus être reproché à la requérante de ne pas avoir anticipé une telle intervention (note de bas de page 176 de la décision attaquée). En effet, le scellé litigieux n’aurait porté aucune mention de son éventuelle sensibilité à un nettoyage superficiel et la requérante n’aurait été informée d’une sensibilité du scellé litigieux ni lors de l’apposition de celui‑ci ni dans le procès‑verbal d’apposition de scellé. La requérante ne pourrait être tenue pour responsable que de l’ouverture sans autorisation de la porte scellée. Même des membres de l’équipe d’inspection n’auraient manifestement pas connaissance du fonctionnement du scellé litigieux.

252    En outre, le fait que la Commission n’ait pas indiqué à la requérante le dépassement de la durée de conservation maximale du scellé litigieux ne saurait lui porter préjudice. En cas de dépassement de la durée de conservation maximale d’un scellé, des dysfonctionnements de celui-ci ne pourraient être exclus. En droit allemand, le simple dépassement de la date de conservation constituerait un vice de la chose. Eu égard au dépassement de la durée de conservation maximale du scellé litigieux et compte tenu de l’amende qui pouvait éventuellement être infligée en cas de bris de scellé, la Commission aurait en tout état de cause dû mentionner cette circonstance à la requérante.

253    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

254    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que, « [h]ors les cas de force majeure, il y a[vait] en principe lieu de considérer que le scellé n[’avait] p[u] être enlevé que par un acte délibéré, d’autant qu’après avoir été enlevé le scellé a[vait] apparemment été replacé d’une manière destinée à dissimuler le bris de scellé ». Elle a précisé qu’« [i]l conv[enait] à cet égard de prendre également en compte le fait que seules des personnes autorisées par [la requérante] se trouvaient dans le bâtiment (dont des employés de [la société de nettoyage], une filiale à 100 % de [la requérante]) » (considérant 101 de la décision attaquée). Elle a également estimé qu’il fallait « admettre qu’il s’agi[ssait] au minimum d’un bris de scellé par négligence », qu’« [i]l y a[vait] lieu à ce propos de prendre en considération que, lors de l’apposition du scellé, des représentants de [la requérante] [avaie]nt été informés par le responsable de l’équipe d’inspection de la signification du scellé et des conséquences d’un bris de scellé » et qu’« [i]l en [avait été] également fait mention sur le scellé lui-même » (considérant 102 de la décision attaquée). Ainsi, la nature de l’altération du scellé litigieux l’a amenée, au vu des éléments figurant notamment au considérant 9 de la décision attaquée et dans le procès-verbal de bris de scellé, à considérer l’existence d’un bris de scellé commis de propos délibéré ou, à tout le moins, par négligence.

255    Dans le cadre du présent moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a considéré à tort, au considérant 101 de la décision attaquée, que des comportements de tiers lui étaient imputables, et qu’il ne saurait être question de négligence en l’espèce, l’employée de la société de nettoyage n’ayant pas été en mesure de savoir qu’elle réalisait l’élément matériel du bris de scellé.

256    Premièrement, il a déjà été rappelé que, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, la Commission pouvait imposer des amendes lorsque, « de propos délibéré ou par négligence » des scellés apposés par les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés de la Commission ont été brisés. Ainsi qu’il a été rappelé dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, il n’incombe pas à la Commission, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, de démontrer qu’il a effectivement été accédé au local qui a été scellé. Les arguments de la requérante selon lesquels la porte du local G.505 n’aurait pas été ouverte par les possesseurs de clés, ce qui ressortirait des déclarations sous serment desdits possesseurs, ou par l’employée de la société de nettoyage, celle-ci ne disposant pas d’une clé de ce local, sont dès lors dépourvus de pertinence.

257    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel aucun de ses collaborateurs ou mandataires habilités n’aurait ouvert la porte du local G.505, ce qui ressortirait des déclarations sous serment des possesseurs de clés et du fait que, dans ce contexte, tout détachement du scellé litigieux excéderait en tout état de cause les pouvoirs desdites personnes, il y a lieu de considérer que, au considérant 101 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que seules des personnes autorisées par la requérante (en ce compris les employés de la société de nettoyage, filiale à 100 % de la requérante) se trouvaient dans le bâtiment G. En outre, au considérant 103 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il pouvait être exclu qu’une personne non autorisée ait pu accéder audit bâtiment au cours de la nuit du 29 au 30 mai 2006 et que la requérante n’avait jamais affirmé qu’une personne non autorisée avait pénétré dans ce bâtiment.

258    Or, tout d’abord, il y a lieu de relever que ces affirmations ne sont pas contestées par la requérante dans le cadre du présent recours. En outre, les collaborateurs ou mandataires habilités de la requérante doivent être considérés comme accomplissant des travaux en faveur et sous la direction de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 539). À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante fondé sur l’arrêt Musique Diffusion française/Commission, point 249 supra, selon lequel seuls les possesseurs de clés seraient des collaborateurs ou mandataires habilités. En effet, ainsi que le relève la Commission, le pouvoir de la Commission de sanctionner une entreprise lorsqu’elle a commis une infraction ne suppose que l’action infractionnelle d’une personne qui est généralement autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 277, et la jurisprudence citée).

259    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’employée de la société de nettoyage n’aurait pas pu savoir que le fait de passer un chiffon imprégné d’un produit d’entretien courant sur le scellé litigieux pouvait entraîner l’apparition de caractéristiques semblables à celles d’un bris de scellé, il y a lieu de constater que cet argument est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle il aurait été démontré que l’état du scellé litigieux le matin du 30 mai 2006 était imputable au détergent prétendument utilisé par ladite employée.

260    En tout état de cause, même à supposer que l’état du scellé litigieux ait pu être altéré par cette employée au moyen d’un chiffon et de détergent (considérant 102 de la décision attaquée), force est de constater qu’il appartenait à la requérante de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher toute manipulation du scellé litigieux, d’autant que la requérante avait été clairement informée de la signification du scellé litigieux et des conséquences d’un bris de scellé (considérant 5 de la décision attaquée).

261    Quatrièmement, pour ce qui concerne les arguments de la requérante tirés, d’une part, du fait que la Commission se fonderait uniquement sur des modifications d’un scellé vétuste utilisé de manière incorrecte et, d’autre part, de la prétendue durée de conservation maximale du scellé litigieux, il y a lieu de relever que ceux-ci ont déjà été rejetés dans le cadre de l’examen du sixième moyen.

262    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a considéré qu’il s’agissait, en l’espèce, à tout le moins d’un bris de scellé par négligence.

263    Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation de l’article 253 CE et du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant de l’amende

 Arguments de la requérante

264    La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée doit être annulée et, à titre plus subsidiaire, qu’elle doit être réduite.

265    En premier lieu, l’amende infligée à la requérante violerait l’« interdiction de l’arbitraire » ainsi que l’article 253 CE. Dans la décision attaquée, la Commission aurait en effet omis de préciser sur quels critères elle s’était fondée pour déterminer le montant de l’amende infligée, en sorte que l’imposition d’une amende de 38 millions d’euros serait incompréhensible, d’autant que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3) prévoiraient, même dans le cas d’infractions graves, un montant de base de seulement 20 millions d’euros. Eu égard à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, la requérante n’aurait pas pu faire valoir efficacement ses droits de la défense.

266    Premièrement, dans la décision attaquée (considérants 104 et suivants), la Commission se serait contentée d’énumérer une série de circonstances qui soit s’appliqueraient à tout bris de scellé soit constitueraient globalement des circonstances aggravantes ou atténuantes, sans toutefois chiffrer le montant de base ou les circonstances aggravantes ou atténuantes ni en valeur absolue ni en pourcentage. Par conséquent, la Commission aurait, en ce qui concerne un aspect essentiel de la décision attaquée, omis d’indiquer les aspects déterminants de son appréciation en violation de l’article 253 CE.

267    Deuxièmement, la décision attaquée susciterait l’impression que la Commission serait partie de l’hypothèse d’une infraction intentionnelle alors que, dans les passages pertinents de la décision attaquée, elle aurait retenu une infraction commise « à tout le moins par négligence » (considérant 102 de la décision attaquée).

268    En deuxième lieu, les circonstances aggravantes invoquées seraient erronées d’un point de vue matériel, s’appliqueraient à tous les cas de bris de scellé et se résumeraient à des remarques abstraites et générales totalement dépourvues de lien avec le cas concret (voir les considérants 105 à 108 de la décision attaquée). Il y aurait lieu d’opérer une différenciation en fonction de l’importance et des effets du bris de scellé. Or, la Commission n’aurait pas pris position en l’espèce sur les circonstances concrètes du bris de scellé. Les autres motifs avancés dans la décision attaquée, à savoir, premièrement, le renforcement des sanctions pour bris de scellé dans le règlement n° 1/2003 par rapport au régime antérieur, deuxièmement, la circonstance qu’il s’agissait d’une inspection en matière de droit de la concurrence, troisièmement, le fait que les documents entreposés dans le local G.505 n’avaient pas été photocopiés ou inventoriés, quatrièmement, la taille de la requérante et, enfin, l’absence de prise de mesures pour assurer la sécurité du scellé litigieux, seraient dépourvues de pertinence en ce qui concerne l’appréciation de la gravité de l’infraction.

269    En troisième lieu, la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte de plusieurs circonstances atténuantes en faveur de la requérante, qui auraient justifié une réduction considérable du montant de l’amende.

270    Premièrement, un bris de scellé par négligence devrait être sanctionné par une amende inférieure à celle qui serait imposée pour un bris de scellé intentionnel. En outre, en l’espèce, le bris de scellé serait le résultat d’une combinaison de circonstances plus ou moins aléatoires.

271    Deuxièmement, les membres de l’équipe d’inspection n’auraient pas informé la requérante de la sensibilité particulière du film de sécurité, ce qui aurait contribué à l’éventuelle négligence constituée par l’absence de mesures préventives de la part de la requérante.

272    Troisièmement, il n’aurait pas été possible de constater que des documents auraient été emportés du local G.505.

273    Quatrièmement, contrairement à ce que la Commission a affirmé au considérant 112 de la décision attaquée, la requérante aurait coopéré avec elle dans une mesure qui dépasserait ce à quoi celle-ci aurait été tenue, notamment en lui fournissant des expertises coûteuses.

274    En quatrième lieu, le simple renvoi au pourcentage de l’amende fixée par rapport au chiffre d’affaires global de la requérante ne suffirait pas pour exclure une violation du droit lors de la détermination du montant de l’amende. Le montant de l’amende serait disproportionné par rapport à l’infraction, eu égard aux doutes quant à l’existence effective, en l’espèce, d’un bris de scellé imputable à la requérante. Un effet dissuasif de l’amende ne serait pas non plus exigé. En outre, dans une application analogue du principe de proportionnalité, la Nederlandse Mededingingsautoriteit (autorité néerlandaise de la concurrence, ci-après la « NMa ») aurait récemment imposé une amende pour bris de scellé d’un montant de 269 000 euros ou de 0,0028 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui était en cause, bien que la wet houdende nieuwe regels omtrent de economische mededinging (Mededingingswet) (loi néerlandaise relative à la concurrence) (Stb. 1997, n° 242), telle que modifiée, aurait permis un cadre de détermination du montant de l’amende allant jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial (article 70 b, paragraphe 1, de la Mededingingswet).

275    La Commission conclut au rejet des arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

276    En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée, la Commission ayant omis de préciser dans celle-ci les critères sur la base desquels elle s’était fondée pour déterminer le montant de l’amende infligée. Cette insuffisance de motivation aurait porté atteinte aux droits de la défense de la requérante.

277    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

278    En l’espèce, s’agissant des critères sur la base desquels la Commission s’est fondée pour déterminer le montant de l’amende infligée à la requérante, la Commission a indiqué que le montant de l’amende était notamment fonction de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’espèce (considérants 104 et 113 de la décision attaquée).

279    La Commission a ainsi fait valoir que, premièrement, indépendamment du cas concret, un bris de scellé représentait une infraction grave et une amende imposée pour bris de scellé devait avoir un effet dissuasif (considérant 105 de la décision attaquée), en sorte qu’il ne devait pas être plus avantageux, pour une entreprise qui fait l’objet d’une inspection, de briser un scellé.

280    Deuxièmement, elle a souligné que les inspections n’étaient en règle générale ordonnées qu’en cas d’indices d’infractions aux règles de la concurrence et que tel était également le cas en l’espèce. À cet égard, l’inspection effectuée dans les locaux de la requérante devait lui permettre de vérifier des indices d’infractions aux règles de la concurrence et, en outre, que des documents non inventoriés, notamment découverts le premier jour de l’inspection, se trouvaient dans le local placé sous scellé (considérants 107 et 108 de la décision attaquée).

281    Troisièmement, elle a indiqué qu’elle avait pris en compte, pour calculer le montant de l’amende infligée à la requérante, le fait qu’il s’agissait du premier cas d’application de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, tout en considérant que cette circonstance ne pouvait avoir comme conséquence que l’amende fixée ne puisse garantir l’effet dissuasif de cette disposition (considérant 109 de la décision attaquée).

282    Quatrièmement, elle a relevé que, outre le fait que le règlement n° 1/2003 avait durci les dispositions en matière d’amende pour infractions procédurales trois ans avant les inspections et que des scellés avaient déjà été apposés dans les bâtiments du même groupe quelques semaines auparavant, la requérante était une des plus grandes entreprises européennes dans le secteur de l’énergie, disposant de nombreux experts en matière de droit des ententes et que son attention avait été attirée, lors de l’apposition des scellés, sur les amendes importantes prévues en cas de bris de scellé (considérant 110 de la décision attaquée).

283    La Commission a ensuite rejeté les arguments de la requérante invoqués au titre de circonstances atténuantes, selon lesquels la Commission n’aurait pas apporté de preuve du fait que la porte du local G.505 avait été ouverte ou que des documents avaient été dérobés, ou selon lesquels la requérante aurait collaboré avec la Commission au-delà de ce qu’elle était tenue de faire (considérants 111 et 112 de la décision attaquée).

284    Dès lors que, s’agissant de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, la Commission n’a pas adopté de lignes directrices énonçant la méthode de calcul qui s’imposerait à elle dans le cadre de la fixation des amendes en vertu de cette disposition et que le raisonnement de la Commission apparaît d’une façon claire et non équivoque dans la décision attaquée, la Commission n’était, contrairement à ce que soutient la requérante, pas tenue de chiffrer, en valeur absolue ou en pourcentage, le montant de base de l’amende et les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation de l’article 253 CE doit être rejeté. Le grief de la requérante tiré d’une violation de ses droits de la défense découlant de la prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée, il y a également lieu de le rejeter.

285    En second lieu, la requérante fait valoir que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée.

286    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C-180/96, Rec. p. I‑2265, point 96, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

287    Il s’ensuit que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 286 supra, point 224). À cet égard, selon une jurisprudence constante, la gravité d’une infraction est déterminée en tenant compte de nombreux éléments, au regard desquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 240 à 242).

288    Premièrement, aux considérants 105 à 108 de la décision attaquée, la Commission a exposé, à juste titre, les raisons pour lesquelles l’infraction de bris de scellé était, en tant que telle, une infraction particulièrement grave, en se référant principalement à la finalité des scellés, qui est d’empêcher la disparition des preuves pendant l’inspection, et la nécessité d’assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende infligée. À cet égard, il importe également de souligner que, d’une part, s’agissant de l’infraction de bris de scellé, le législateur a, dans le règlement n° 1/2003, fixé des sanctions plus sévères que celles qui étaient prévues dans le régime antérieur, afin de prendre en compte la nature particulièrement grave de cette infraction. D’autre part, il résulte de la jurisprudence que, dans la détermination du montant des amendes, la Commission est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celles-ci un effet suffisamment dissuasif (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 249 supra, point 108), ce qui revêt d’autant plus d’importance dans le cadre d’une infraction de bris de scellé, afin que des entreprises ne puissent estimer qu’il serait avantageux pour elles de briser un scellé dans le cadre d’une inspection (considérant 105 de la décision attaquée). Eu égard à ce qui précède, et contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas retenu de circonstances aggravantes à son égard, mais a mentionné les circonstances qui justifiaient l’imposition d’une amende suffisamment dissuasive pour toute infraction de bris de scellé.

289    Deuxièmement, s’agissant des circonstances atténuantes dont la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte, primo, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le bris d’un scellé par négligence serait constitutif d’une circonstance atténuante pour l’entreprise concernée. À cet égard, il y a tout d’abord lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’est pas partie de l’hypothèse d’une infraction intentionnelle, dès lors qu’elle a estimé qu’il fallait, en l’espèce, admettre qu’il s’agissait « au minimum » d’un bris de scellé par négligence (considérant 102 de la décision attaquée). En outre, conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003, l’infraction constituée par le bris de scellé peut être commise de propos délibéré ou par négligence. En effet, ainsi que le relève la Commission, le seul fait du bris de scellé fait disparaître l’effet de sauvegarde de celui-ci et suffit donc à constituer l’infraction.

290    Secundo, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû l’informer de la sensibilité particulière du film de sécurité, force est de constater que, ainsi qu’il ressort de l’analyse des cinquième et sixième moyens, cette prétendue sensibilité n’a pas été démontrée s’agissant des scellés officiels de la Commission et, en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que celle-ci pouvait entraîner la survenance de « fausses réactions positives » du scellé. En outre, ainsi qu’il ressort de l’examen du huitième moyen, il appartenait à la requérante de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher toute manipulation du scellé litigieux.

291    Tertio, le fait qu’il n’aurait pas été possible de constater que des documents avaient été emportés du local G.505 est sans pertinence, l’objectif de la pose d’un scellé étant précisément d’éviter toute manipulation des documents placés dans le local mis sous scellé en l’absence des équipes d’inspection de la Commission. En l’espèce, ainsi que la Commission l’a relevé au considérants 11 et 111 de la décision attaquée, les documents entreposés dans le local G.505 n’avaient pas été inventoriés, notamment en raison de leur grand nombre. L’équipe d’inspection a donc été dans l’impossibilité de vérifier si des documents entreposés dans ce local étaient manquants.

292    Quarto, les prétendus efforts coûteux que la requérante aurait consentis aux fins de réaliser les expertises de l’institut ou encore les interrogatoires des collaborateurs et des possesseurs de clés ne sauraient être considérés comme un éclaircissement des faits, dépassant ce à quoi elle aurait été tenue et justifiant une réduction du montant de l’amende, ces efforts ayant été déployés dans le cadre de l’exercice des droits de la défense de la requérante et n’ayant pas facilité l’enquête de la Commission.

293    Troisièmement, il convient de relever que, en tout état de cause, la Commission a pris en considération le fait que le bris de scellé en cause constituait le premier cas d’application de l’article 23, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1/2003 (considérant 109 de la décision attaquée), tout en précisant que, indépendamment de cette circonstance, primo, la requérante disposait de nombreux experts juridiques dans le droit des ententes, secundo, la modification du règlement n° 1/2003 datait de plus de trois ans avant les inspections dont elle avait fait l’objet, tertio, la requérante avait été informée des conséquences d’un bris de scellé et, quarto, d’autres scellés avaient déjà été apposés dans les bâtiments d’autres sociétés du groupe de la requérante quelques semaines auparavant.

294    Quatrièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, une amende d’un montant de 38 millions d’euros ne saurait être considérée comme disproportionnée par rapport à l’infraction, eu égard à la nature particulièrement grave d’un bris de scellé, à la taille de la requérante et à la nécessité d’assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende, afin qu’il ne puisse être avantageux pour une entreprise de briser un scellé apposé par la Commission dans le cadre d’inspections.

295    À cet égard, l’argument tiré de la pratique décisionnelle de la NMa aux Pays-Bas ne saurait être accueilli. Outre le fait que la Commission ne saurait, en tout état de cause, être liée par la pratique décisionnelle d’autorités nationales de la concurrence, force est de constater que la comparaison effectuée par la requérante entre, d’une part, le pourcentage de l’amende infligée par la NMa par rapport au chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée et, d’autre part, le pourcentage de l’amende infligée à la requérante en l’espèce par rapport à son chiffre d’affaires n’est pas pertinente, cette comparaison ayant été opérée, s’agissant de l’infraction néerlandaise, par rapport au chiffre d’affaires du groupe de sociétés concerné et, s’agissant de la présente affaire, par rapport au chiffre d’affaires de la requérante uniquement, et non par rapport à celui du groupe E.ON dans sa globalité.

296    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’amende infligée à la requérante par la Commission, qui correspond à environ 0,14 % de son chiffre d’affaires, n’est pas disproportionnée.

297    Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de faire droit aux demandes de mesures d’instruction formulées par la requérante (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, points 77 à 79, et la jurisprudence citée).

 Sur les dépens

298    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

299    La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      E.ON Energie AG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2010.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de la charge de la preuve

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du « principe de la procédure inquisitoire »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la supposition prétendument inexacte d’une apposition de scellé régulière

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la supposition prétendument erronée de l’« état évident » du scellé litigieux le jour suivant l’inspection

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de la supposition prétendument erronée du caractère adapté du film de sécurité à l’apposition officielle de scellés par la Commission

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré de la méconnaissance par la Commission des « scénarios alternatifs » ayant pu être à l’origine de l’état du scellé litigieux

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation de l’article 253 CE et du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant de l’amende

Arguments de la requérante

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.