ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

15 octobre 2009 ( *1 )

«Procédures de passation des marchés publics de travaux — Procédures initiées après l’entrée en vigueur de la directive 2004/18/CE et avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci — Procédures négociées avec publication d’un avis de marché — Obligation d’admettre un nombre minimal de candidats appropriés — Obligation d’assurer une concurrence réelle»

Dans l’affaire C-138/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Fővárosi Ítélőtábla (Hongrie), par décision du 13 février 2008, parvenue à la Cour le , dans la procédure

Hochtief AG,

Linde-Kca-Dresden GmbH

contre

Közbeszerzések Tanácsa Közbeszerzési Döntőbizottság,

en présence de:

Budapest Főváros Önkormányzata,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, G. Arestis et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2009,

considérant les observations présentées:

pour Hochtief AG et Linde-Kca-Dresden GmbH, par Mes A. László et E. Kiss, ügyvédek,

pour le Budapest Főváros Önkormányzata, par Mes J. Molnár et G. Birkás, ügyvédek,

pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas, R. Somssich, K. Borvölgyi et K. Mocsári-Gál, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Kukovec, A. Sipos, B. Simon et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du (JO L 328, p. 1, ci-après la «directive 93/37»), ainsi que sur les rapports de droit existant à titre transitoire entre cette directive et la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du , relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Hochtief AG et Linde-Kca-Dresden GmbH à la Közbeszerzések Tanácsa Közbeszerzési Döntőbizottság (Commission arbitrale du Conseil des marchés publics, ci-après la «KTKD») au sujet d’une procédure négociée de passation d’un marché public avec publication d’un avis de marché.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3

L’article 1er de la directive 93/37 dispose:

«Aux fins de la présente directive:

[…]

g)

les ‘procédures négociées’ sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux;

h)

l’entrepreneur qui a présenté une offre est désigné par le mot ‘soumissionnaire’; celui qui a sollicité une invitation à participer à une procédure restreinte ou à une procédure négociée est désigné par le mot ‘candidat’.»

4

Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/37:

«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de travaux en recourant à la procédure négociée, après avoir publié un avis de marché et sélectionné les candidats selon des critères qualitatifs et connus, dans les cas suivants:

a)

en présence d’offres irrégulières à la suite du recours à une procédure ouverte ou restreinte, ou en cas de dépôt d’offres inacceptables au regard des dispositions nationales compatibles avec les prescriptions du titre IV, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées. Les pouvoirs adjudicateurs ne publient pas un avis de marché s’ils incluent dans la procédure négociée toutes les entreprises qui satisfont aux critères visés aux articles 24 à 29 et qui, lors de la procédure ouverte ou restreinte antérieure, ont soumis des offres conformes aux exigences formelles de la procédure de passation de marché;

b)

pour les travaux qui sont réalisés uniquement à des fins de recherche, d’expérimentation ou de mise au point et non dans un but d’assurer une rentabilité ou le recouvrement des coûts de recherche et de développement;

c)

dans des cas exceptionnels, lorsqu’il s’agit de travaux dont la nature ou les aléas ne permettent pas une fixation préalable et globale des prix.»

5

L’article 18, paragraphe 1, de la directive 93/37 énonce:

«L’attribution du marché se fait sur la base des critères prévus au chapitre 3 du présent titre, compte tenu des dispositions de l’article 19, après vérification de l’aptitude des entrepreneurs non exclus en vertu de l’article 24, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères de capacité économique, financière et technique visés aux articles 26 à 29.»

6

Aux termes de l’article 22 de ladite directive:

«1.   Dans les procédures restreintes et les procédures négociées, les pouvoirs adjudicateurs choisissent, sur la base des renseignements concernant la situation personnelle de l’entrepreneur ainsi que des renseignements et des formalités nécessaires à l’évaluation des conditions minimales de caractère économique et technique à remplir par celui-ci, les candidats qu’ils inviteront à soumettre une offre ou à négocier parmi ceux qui présentent les qualifications requises par les articles 24 à 29.

2.   Lorsque les pouvoirs adjudicateurs passent un marché par procédure restreinte, ils peuvent prévoir la fourchette à l’intérieur de laquelle se situera le nombre des entreprises qu’ils envisagent d’inviter. Dans ce cas, la fourchette est indiquée dans l’avis. Elle est déterminée en fonction de la nature de l’ouvrage à réaliser. Le chiffre le moins élevé de la fourchette ne doit pas être inférieur à cinq. Le chiffre supérieur de la fourchette peut être fixé à vingt.

En toute hypothèse, le nombre de candidats admis à soumissionner doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle.

3.   Lorsque les pouvoirs adjudicateurs passent un marché par procédure négociée, dans les cas visés à l’article 7 paragraphe 2, le nombre des candidats admis à négocier ne peut être inférieur à trois, à condition qu’il y ait un nombre suffisant de candidats appropriés.

4.   Les États membres assurent que les pouvoirs adjudicateurs font appel, sans discrimination, aux entrepreneurs des autres États membres présentant les qualifications requises, et ce dans les mêmes conditions que celles applicables à leurs propres nationaux.»

7

L’article 80, paragraphe 1, de la directive 2004/18 dispose:

«1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 janvier 2006. Ils en informent immédiatement la Commission.

[…]»

8

L’article 82 de ladite directive, sous l’intitulé «[a]brogations», énonce:

«La directive 92/50/CEE, à l’exception de son article 41, et les directives 93/36/CEE et 93/37[…] sont abrogées, avec effet à partir de la date prévue à l’article 80, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition et d’application figurant à l’annexe XI.

Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XII.»

9

La directive 2004/18 est entrée en vigueur le 30 avril 2004.

Le droit national

10

La directive 93/37 a été transposée en droit hongrois par la loi CXXIX de 2003 sur les marchés publics (a közbeszerzésekről szóló 2003 évi CXXIX. törvény, Magyar Közlöny 2003/157, ci-après la «Kbt»).

11

L’article 130, paragraphes 1, 2 et 7, de la Kbt, qui s’applique aux procédures négociées avec publication d’un avis de marché, dispose:

«1)   Le pouvoir adjudicateur détermine dans cette procédure le nombre des soumissionnaires, ou une fourchette, de manière à faire parvenir ensuite un appel d’offres à un nombre de candidats appropriés et présentant des candidatures valides pouvant aller jusqu’à la limite supérieure de la fourchette prévue ou, à tout le moins, à un nombre suffisant de tels candidats.

2)   Le nombre minimal de participants ou la limite inférieure de la fourchette ne peuvent descendre en dessous de trois. Ce nombre ou cette fourchette doivent être adaptés à l’objet du marché et il convient de garantir une concurrence réelle en toutes circonstances.

[…]

7)   Le pouvoir adjudicateur invite individuellement, directement et par écrit les candidats sélectionnés, dont l’effectif correspond, si le nombre de candidats jugés appropriés le permet, au nombre ou à la fourchette fixés — sur la base de leurs aptitudes financières et économiques ainsi que techniques ou professionnelles — à soumissionner. Si le pouvoir adjudicateur n’a pas fixé de nombre ou de fourchette, la totalité des candidats appropriés doivent être invités à soumissionner. Les candidats invités à soumissionner ne peuvent introduire une offre collective.»

12

À la date des faits au principal, la directive 2004/18 n’avait pas encore été transposée en droit hongrois.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Le litige au principal est relatif à une procédure négociée de passation d’un marché public de travaux pour un montant dépassant le seuil communautaire. Il oppose deux sociétés commerciales établies en Allemagne, Hochtief AG et Linde-Kca-Dresden GmbH, à la KTKD. Le pouvoir adjudicateur de ce marché, à savoir le Budapest Főváros Önkormányzata (gouvernement local de Budapest), est intervenu, dans ledit litige, au soutien de la KTKD.

14

Le 5 février 2005, le Budapest Főváros Önkormányzata a fait publier au Journal officiel de l’Union européenne un appel à manifestation d’intérêt pour la procédure de passation de marché en cause au principal. La fourchette de candidats qui pouvaient être invités à soumissionner allait de trois à cinq.

15

À l’expiration du délai de présentation des candidatures, cinq candidats, dont le consortium formé par les requérantes au principal, s’étaient manifestés. Au vu des candidatures ainsi présentées, le Budapest Főváros Önkormányzata a, d’une part, exclu la candidature de ce consortium comme irrecevable pour «incompatibilité» et, d’autre part, décidé de poursuivre la procédure avec les deux candidats qualifiés d’«appropriés», en leur adressant un appel d’offres.

16

Les requérantes au principal ont formé un recours à l’encontre de la décision du Budapest Főváros Önkormányzata devant la KTKD, en faisant valoir notamment que, conformément à l’article 130 de la Kbt, le nombre de candidats appropriés n’ayant pas atteint le minimum prévu, la procédure ne pouvait se poursuivre. La KTKD a rejeté ce recours.

17

Par la suite, les requérantes au principal ont intenté une action en justice à l’encontre de la décision de la KTKD en se fondant notamment sur l’article 22, paragraphes 2 et 3, de la directive 93/37. Le tribunal saisi en première instance ayant également rejeté leur recours, les requérantes au principal ont interjeté appel devant la juridiction de renvoi.

18

C’est dans ce contexte que le Fővárosi Ítélőtábla a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 44, paragraphe 3, de la directive 2004/18[…], qui a remplacé l’article 22 de la directive 93/37[…], est-il applicable si une procédure de marché public a commencé à une époque où, bien que la directive 2004/18[…] fût déjà entrée en vigueur, le délai fixé pour sa transposition n’était pas échu, de sorte qu’elle n’avait pas encore été intégrée au droit national?

2)

Si la réponse à la première question est affirmative: compte tenu du libellé de l’article 44, paragraphe 3, de la directive 2004/18[…], selon lequel ‘[en] tout état de cause, le nombre de candidats invités doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle’, faut-il comprendre la limitation du nombre de candidats appropriés en ce sens que, dans le cas d’une procédure négociée avec publication d’un avis de marché, lors de la deuxième phase de la passation du marché, il doit impérativement y avoir un nombre minimal (trois) de candidats?

3)

Si la réponse à la première question est négative: faut-il comprendre la condition, prévue à l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37[…] qu’il y ait ‘un nombre suffisant de candidats appropriés’ en ce sens que, à défaut de candidats en nombre suffisant pour atteindre la limite minimale (trois), la procédure ne peut pas se poursuivre par l’appel à soumissionner?

4)

Si la Cour répond à la troisième question par la négative: l’article 22, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 93/37[…], disposition qui occupe une place à part, parmi des règles relatives à la procédure restreinte, selon laquelle ‘[en] toute hypothèse, le nombre de candidats admis à soumissionner doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle’, est-il applicable à la procédure négociée comportant deux phases visée au paragraphe 3?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

19

Selon les requérantes au principal, la juridiction de renvoi aurait dû ajouter aux questions posées une autre question, concernant le non-respect, par la législation hongroise des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de proportionnalité, en ce que cette législation exclurait automatiquement de la procédure de passation des marchés publics les personnes ou les entreprises ayant participé aux travaux préparatoires d’un marché sans leur donner la possibilité de prouver l’absence d’atteinte à la concurrence. Selon lesdites requérantes, des mesures analogues figurant dans le droit national d’autres États membres auraient été considérées comme incompatibles avec le droit communautaire par les arrêts du 3 mars 2005, Fabricom (C-21/03 et C-34/03, Rec. p. I-1559), ainsi que du , Michaniki (C-213/07, Rec. p. I-9999).

20

À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts du 7 janvier 2003, BIAO, C-306/99, Rec. p. I-1, point 88; du , Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, Rec. p. I-11987, point 16, ainsi que du , Pedro IV Servicios, C-260/07, Rec. p. I-2437, point 28).

21

La faculté de déterminer les questions à soumettre à la Cour est donc dévolue au seul juge national et les parties ne sauraient en changer la teneur (voir, notamment, arrêts du 9 décembre 1965, Singer, 44/65, Rec. p. 1191, 1198; du , Kainuun Liikenne et Pohjolan Liikenne, C-412/96, Rec. p. I-5141, point 23, ainsi que du , ATB e.a., C-402/98, Rec. p. I-5501, point 29).

22

Par ailleurs, une modification de la substance des questions préjudicielles ou une réponse aux questions complémentaires mentionnées par les requérantes au principal dans leurs observations serait incompatible avec le rôle dévolu à la Cour par l’article 234 CE ainsi qu’avec l’obligation de la Cour d’assurer la possibilité aux gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er avril 1982, Holdijk e.a., 141/81 à 143/81, Rec. p. 1299, point 6; du , Wiljo, C-178/95, Rec. p. I-585, point 30; du , Phytheron International, C-352/95, Rec. p. I-1729, point 14, ainsi que Kainuun Liikenne et Pohjolan Liikenne, précité, point 24).

23

En l’espèce, la juridiction de renvoi n’ayant admis ni la nécessité ni la pertinence d’une question portant sur les motifs ou les circonstances de l’exclusion des requérantes au principal de la procédure de passation du marché public en cause, la Cour ne saurait se livrer à une analyse à cet égard.

Sur la première question

24

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2004/18 est applicable à une procédure de marché public engagée après l’entrée en vigueur de cette directive, mais avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci, de sorte que ladite directive n’avait pas encore été intégrée dans le droit national.

25

Au préalable, il convient de rappeler que, avant l’expiration du délai de transposition d’une directive, il ne saurait être fait grief aux États membres de ne pas encore avoir adopté les mesures de mise en œuvre de celle-ci dans leur ordre juridique (voir arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C-129/96, Rec. p. I-7411, point 43, ainsi que du , Adeneler e.a., C-212/04, Rec. p. I-6057, point 114).

26

Ainsi, dans l’affaire au principal, lors de l’engagement de la procédure de passation du marché en cause, la directive 2004/18 n’avait pas été transposée dans l’ordre juridique hongrois, le délai de transposition de cette dernière n’ayant pas encore expiré, si bien que la directive 93/37 demeurait applicable à ce stade de la procédure.

27

Dans la mesure où la procédure en cause au principal était toujours en cours à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2004/18, se pose également la question de l’applicabilité éventuelle de cette directive à l’affaire au principal.

28

À cet égard, il ressort des indications fournies par le gouvernement hongrois lors de l’audience que la décision du pouvoir adjudicateur d’écarter la proposition du consortium formé par les requérantes au principal et de poursuivre la procédure avec les deux candidats jugés appropriés a été prise avant la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2004/18.

29

Il serait, dans ces conditions, contraire au principe de sécurité juridique de déterminer le droit applicable à l’affaire au principal par référence à la date d’attribution du marché, alors que la décision à l’encontre de laquelle est alléguée en l’espèce une violation du droit communautaire a été prise avant la date visée au point précédent du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2000, Commission/France, C-337/98, Rec. p. I-8377, point 40).

30

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que la directive 2004/18 n’est pas applicable à une décision prise par un pouvoir adjudicateur lors de la passation d’un marché public de travaux, avant l’expiration du délai de transposition de cette directive.

Sur la deuxième question

31

Au vu de la réponse donnée à la question précédente, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

32

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37 doit être interprété en ce sens qu’une procédure négociée de passation d’un marché public ne peut être poursuivie, à défaut de candidats en nombre suffisant pour que soit atteinte la limite minimale de trois candidats fixée par cette disposition.

33

À cet égard, il convient de rappeler que la directive 93/37 contient, parmi ses dispositions, des règles relatives au déroulement de la procédure.

34

Ainsi, en ce qui concerne le déroulement de la procédure de passation d’un marché public de travaux, deux phases différentes au moins sont prévues à l’article 18 de la directive 93/37, à savoir, d’une part, l’éventuelle exclusion des soumissionnaires ou des candidats en vertu de l’article 24 de cette directive, ainsi que la vérification, conformément aux critères de capacité économique, financière et technique visés aux articles 26 à 29 de ladite directive et fixés pour la procédure concernée, de l’aptitude des soumissionnaires ou des candidats qui n’ont pas été exclus, et, d’autre part, l’attribution du marché sur la base des critères fixés pour ladite procédure parmi ceux prévus au titre IV, chapitre 3, de la même directive, compte tenu des dispositions de l’article 19 de cette dernière.

35

Dans la procédure négociée, entre la première phase susmentionnée et la phase d’attribution du marché, se déroule la phase de négociation entre le pouvoir adjudicateur et les candidats admis à négocier.

36

En vertu de l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37, lorsqu’un marché est passé par procédure négociée, le nombre des candidats admis à négocier ne peut être inférieur à trois, à condition qu’il y ait un nombre suffisant de candidats appropriés.

37

Il ressort donc des termes de cette disposition que les pouvoirs adjudicateurs sont, à tout le moins, tenus de respecter, en ce qui concerne le nombre des candidats admis à négocier, la limite minimale fixée par celle-ci, pour autant que le nombre des candidats appropriés le permet.

38

À cet égard, doit être considéré comme étant un «candidat approprié», au sens de l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37, tout entrepreneur ayant sollicité une invitation à participer à la procédure concernée qui, parmi ceux qui présentent les qualifications requises aux articles 24 à 29 de cette directive, remplit les conditions de caractère économique et technique fixées pour cette procédure.

39

En effet, d’une part, le «candidat» est défini à l’article 1er, sous h), de la directive 93/37 comme l’entrepreneur qui a sollicité une invitation à participer à une procédure restreinte ou à une procédure négociée.

40

D’autre part, conformément à l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37, dans les procédures négociées, les pouvoirs adjudicateurs choisissent, sur la base des renseignements concernant la situation personnelle de l’entrepreneur ainsi que des renseignements et des formalités nécessaires à l’évaluation des conditions de caractère économique et technique à remplir par celui-ci, les candidats qu’ils inviteront à négocier parmi ceux qui présentent les qualifications requises aux articles 24 à 29 de ladite directive.

41

Il s’ensuit que l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché est passé par procédure négociée, le nombre des candidats admis à négocier ne peut être inférieur à trois, à condition qu’il y ait un nombre suffisant d’entrepreneurs ayant sollicité une invitation à participer à la procédure en cause qui, parmi ceux qui présentent les qualifications requises aux articles 24 à 29 de cette directive, remplissent les conditions de caractère économique et technique fixées pour cette procédure.

42

Ainsi, lorsqu’un marché est passé par procédure négociée et que le nombre des candidats appropriés n’atteint pas la limite minimale fixée pour la procédure concernée, laquelle ne peut être inférieure à trois, le pouvoir adjudicateur peut toutefois poursuivre la procédure en invitant le candidat ou les candidats appropriés à négocier les conditions du marché.

43

Ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, s’il en allait autrement, le besoin social constaté et défini par le pouvoir adjudicateur, que ce dernier comptait remplir par l’attribution du marché concerné, ne pourrait être satisfait non pas en raison de l’absence de candidats appropriés, mais en raison du fait que le nombre de ceux-ci serait inférieur à ladite limite minimale.

44

Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché est passé par procédure négociée et que le nombre des candidats appropriés n’atteint pas la limite minimale fixée pour la procédure concernée, le pouvoir adjudicateur peut toutefois poursuivre la procédure en invitant le candidat approprié ou les candidats appropriés à négocier les conditions dudit marché.

Sur la quatrième question

45

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 93/37 est applicable à la procédure négociée de passation des marchés publics de travaux.

46

À cet égard, il convient de constater qu’il ressort de l’économie de l’article 22 de la directive 93/37 que le paragraphe 2, second alinéa, de cet article ne se réfère qu’aux marchés passés par procédure restreinte.

47

Toutefois, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du dixième considérant de la directive 93/37, celle-ci vise à développer une concurrence effective dans le domaine des marchés publics (voir arrêts du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz, C-27/98, Rec. p. I-5697, point 26; du , Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C-286/99, Rec. p. I-9233, point 34; du , Universale-Bau e.a., C-470/99, Rec. p. I-11617, point 89, ainsi que du , Sintesi, C-247/02, Rec. p. I-9215, point 35).

48

Ainsi, en vue de satisfaire à l’objectif de développement d’une concurrence effective, la directive 93/37 tend à organiser l’attribution des marchés de telle sorte que le pouvoir adjudicateur soit en mesure de comparer différentes offres et de retenir la plus avantageuse, sur la base de critères objectifs (arrêts précités Fracasso et Leitschutz, point 31, ainsi que Sintesi, point 37).

49

Par conséquent, si l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 93/37 dispose que, lorsque les pouvoirs adjudicateurs passent un marché par procédure restreinte, le nombre de candidats admis à soumissionner doit, en toute hypothèse, être suffisant pour assurer une concurrence réelle, cette disposition ne fait que mentionner expressément l’un des objectif généraux de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt Sintesi, précité, point 36).

50

Il s’ensuit que, même si la directive 93/37 ne contient pas de disposition analogue à son article 22, paragraphe 2, second alinéa, en ce qui concerne les procédures négociées, le pouvoir adjudicateur qui recourt à de telles procédures dans les cas visés à l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive se doit néanmoins de veiller à garantir une concurrence réelle.

51

À cet égard, il convient, tout d’abord, de souligner que, dans ces cas, le recours à la procédure négociée exige la publication préalable d’un avis de marché, destinée à susciter les candidatures. Ainsi qu’il a été indiqué au point 14 du présent arrêt, cette mesure a été respectée dans l’affaire au principal.

52

Ensuite, s’agissant de la phase de négociation du marché, l’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37 impose au pouvoir adjudicateur d’inviter à participer à cette phase un nombre suffisant de candidats. Le caractère suffisant ou non de ce nombre aux fins d’assurer une concurrence réelle doit être déterminé en fonction des caractéristiques et de l’objet du marché concerné.

53

Enfin, si dans une telle procédure le nombre des candidats appropriés n’atteint pas la limite minimale fixée pour la procédure concernée, qui, conformément à la directive 93/37, ne peut être inférieure à trois, il convient d’admettre que, pour autant que les conditions de caractère économique et technique propres à cette procédure ont été correctement fixées et appliquées, une concurrence réelle a été néanmoins assurée par le pouvoir adjudicateur.

54

Il ressort de tout ce qui précède, qu’il convient de répondre à la quatrième question que la directive 93/37 doit être interprétée en ce sens que l’obligation de veiller à assurer une concurrence réelle est satisfaite dès lors que le pouvoir adjudicateur recourt à la procédure négociée dans les conditions visées à l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive.

Sur les dépens

55

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, n’est pas applicable à une décision prise par un pouvoir adjudicateur lors de la passation d’un marché public de travaux, avant l’expiration du délai de transposition de cette directive.

 

2)

L’article 22, paragraphe 3, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du , doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché est passé par procédure négociée et que le nombre des candidats appropriés n’atteint pas la limite minimale fixée pour la procédure concernée, le pouvoir adjudicateur peut toutefois poursuivre la procédure en invitant le candidat approprié ou les candidats appropriés à négocier les conditions dudit marché.

 

3)

La directive 93/37, telle que modifiée par la directive 97/52, doit être interprétée en ce sens que l’obligation de veiller à assurer une concurrence réelle est satisfaite dès lors que le pouvoir adjudicateur recourt à la procédure négociée dans les conditions visées à l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le hongrois.