Affaire C-264/03

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement d'État — Marchés publics — Directive 92/50/CEE — Procédure de passation des marchés publics de services — Libre prestation des services — Mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée — Personnes auxquelles peut être confiée la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée — Liste exhaustive de personnes morales de droit français»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 24 novembre 2004 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 20 octobre 2005 

Sommaire de l'arrêt

1.     Libre prestation des services — Procédures de passation des marchés publics de services — Marchés exclus du champ d'application de la directive 92/50 — Obligation de respecter les règles fondamentales du traité

(Art. 49 CE; directive du Conseil 92/50)

2.     Libre prestation des services — Procédures de passation des marchés publics de services — Directive 92/50 — Législation nationale autorisant le maître d'ouvrage à déléguer certaines de ses attributions — Mission de mandataire réservé à des personnes morales de droit national limitativement énumérées — Inadmissibilité

(Art. 49 CE; d irective du Conseil 92/50)

1.     Les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation ont vocation à s'appliquer aux marchés publics échappant au champ d'application de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services. En effet, bien que certains contrats soient exclus du champ d'application des directives communautaires dans le domaine des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs les concluant sont, néanmoins, tenus de respecter les règles fondamentales du traité et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier. Il en est ainsi notamment s'agissant des marchés publics de services dont la valeur n'atteint pas les seuils fixés par la directive 92/50. Le seul fait que le législateur communautaire a considéré que les procédures particulières et rigoureuses prévues par les directives relatives aux marchés publics ne sont pas appropriées lorsqu'il s'agit de marchés publics d'une faible valeur ne signifie pas que ces derniers sont exclus du champ d'application du droit communautaire.

(cf. points 32-33)

2.     Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 97/52, ainsi que de l'article 49 CE en ce qui concerne les marchés publics de services ne relevant pas du champ d'application de la directive 92/50, un État membre qui réserve à une liste exhaustive de personnes morales de droit national la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée par laquelle le pouvoir adjudicateur peut, par une convention conclue par écrit et contre rémunération, confier à un mandataire l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie de certaines de ses attributions.

(cf. points 64, 71 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

         20 octobre 2005 (*)

«Manquement d’État – Marchés publics – Directive 92/50/CEE – Procédure de passation des marchés publics de services – Libre prestation des services – Mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée – Personnes auxquelles peut être confiée la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée – Liste exhaustive de personnes morales de droit français»

Dans l’affaire C-264/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 17 juin 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Stromsky et K. Wiedner, ainsi que par Mme F. Simonetti, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par MM. G. de Bergues et D. Petrausch, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský, J.-P. Puissochet, A. Borg Barthet et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 octobre 2004,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2004,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en réservant, à l’article 4 de la loi nº 85-704, du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (JORF du 13 juillet 1985, p. 7914), telle que modifiée par la loi nº 96-987, du 14 novembre 1996, relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville (JORF du 15 novembre 1996, p. 16656, ci-après la «loi nº 85-704»), la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales de droit français, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1, ci-après la «directive 92/50»), et, plus particulièrement des articles 8 et 9 de celle-ci, ainsi que de l’article 49 CE.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2       Selon l’article 1er, sous a), de la directive 92/50, les «marchés publics de services» sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à l’exclusion des contrats énumérés à ladite disposition, sous i) à ix). Conformément à l’article 1er, sous b), de la même directive, sont considérés comme «pouvoirs adjudicateurs» «l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public». L’article 1er, sous c), de ladite directive définit comme «prestataire de services» «toute personne physique ou morale, y inclus un organisme public, qui offre des services».

3       L’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 dispose que les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.

4       Aux termes de l’article 6 de ladite directive, celle-ci «ne s’applique pas aux marchés publics de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 1er point b) sur la base d’un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité».

5       L’article 7, paragraphe 1, sous a), de la même directive prévoit que celle-ci s’applique aux marchés publics de services lorsque la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée «égale ou dépasse 200 000 [euros]».

6       En vertu de l’article 8 de la directive 92/50, les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A de celle-ci doivent être passés conformément aux dispositions des titres III à VI de ladite directive, à savoir être soumis à un appel d’offres et faire l’objet d’une publicité adéquate.

7       La catégorie 12 de l’annexe I A de cette même directive vise les «[s]ervices d’architecture; services d’ingénierie et services intégrés d’ingénierie; services d’aménagement urbain et d’architecture paysagère; services connexes de consultations scientifiques et techniques; services d’essais et d’analyses techniques».

8       Aux termes de l’article 9 de la directive 92/50, les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I B de celle-ci sont passés conformément aux articles 14 et 16 de la même directive. L’article 14 porte sur les règles communes dans le domaine technique et l’article 16 sur les avis concernant les résultats de la procédure d’attribution.

9       Les catégories 21 et 27 de l’annexe I B de la directive 92/50 comprennent respectivement les «services juridiques» et les «autres services».

10     L’article 10 de cette même directive dispose que «[l]es marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l’annexe I A et des services figurant à l’annexe I B sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant à l’annexe I A dépasse celle des services figurant à l’annexe I B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16».

 La réglementation nationale

11     Les dispositions de la loi nº 85-704 sont applicables, aux termes de l’article 1er de celle-ci, à la réalisation de tous ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure, ainsi qu’aux équipements industriels destinés à leur exploitation dont les maîtres d’ouvrages sont:

«1°       L’État et ses établissements publics;

2°       Les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle créés en application de l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes, visés à l’article L. 166-1 du code des communes;

3°       Les organismes privés mentionnés à l’article L. 64 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions et fédérations;

4°       Les organismes privés d’habitations à loyer modéré, mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés.»

12     L’article 2 de ladite loi définit le maître de l’ouvrage comme:

«[...] la personne morale, mentionnée à l’article premier, pour laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre.

[...]

Le maître d’ouvrage définit dans le programme les objectifs de l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire ainsi que les contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d’insertion dans le paysage et de protection de l’environnement, relatives à la réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage.

[…]»

13     L’article 3 de la même loi dispose:

«[…] le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l’article 5, l’exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d’ouvrage:

1°       Définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté;

2°       Préparation du choix du maître d’œuvre, signature du contrat de maîtrise d’œuvre, après approbation du choix du maître d’œuvre par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d’œuvre;

3°       Approbation des avant-projets et accords sur le projet;

4°       Préparation du choix de l’entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de travaux;

5°       Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d’œuvre et des travaux;

6°       Réception de l’ouvrage, et accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus.

Le mandataire n’est tenu envers le maître de l’ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci.

Le mandataire représente le maître de l’ouvrage à l’égard des tiers dans l’exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu’à ce que le maître de l’ouvrage ait constaté l’achèvement de sa mission dans les conditions définies par la convention mentionnée à l’article 5. Il peut agir en justice.»

14     Aux termes de l’article 4 de la loi nº 85-704:

«Peuvent seuls se voir confier, dans les limites de leurs compétences, les attributions définies à l’article précédent:

a)       Les personnes morales mentionnées aux 1° et 2° de l’article premier de la présente loi, à l’exception des établissements publics sanitaires et sociaux qui ne pourront être mandataires que pour d’autres établissements publics sanitaires et sociaux;

b)      Les personnes morales dont la moitié au moins du capital est, directement ou par une personne interposée, détenue par les personnes morales mentionnées aux 1° et 2° de l’article 1er et qui ont pour vocation d’apporter leur concours au maître d’ouvrage, à condition qu’elles n’aient pas une activité de maître d’œuvre ou d’entrepreneur pour le compte de tiers;

c)       Les organismes privés d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, mais seulement au profit d’autres organismes d’habitations à loyer modéré ainsi que pour les ouvrages liés à une opération de logements aidés;

d)       Les sociétés d’économie mixte locales régies par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte locales;

e)       Les établissements publics créés en application de l’article L. 321‑1 du code de l’urbanisme ainsi que les associations foncières urbaines autorisées ou constituées d’office en application des articles L. 322-1 et suivants du code de l’urbanisme;

f)       Les sociétés créées en application de l’article 9 de la loi n° 51-592 du 24 mai 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour l’année 1951, modifié par l’article 28 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole;

g)       Toute personne publique ou privée à laquelle est confiée la réalisation d’une zone d’aménagement concerté ou d’un lotissement […];

h)       Les sociétés concluant le contrat prévu à l’article L. 222-1 du code de la construction et de l’habitation pour la réalisation d’opérations de restructuration urbaine des grands ensembles et quartiers d’habitat dégradé […].

Ces collectivités, établissements et organismes sont soumis aux dispositions de la présente loi dans l’exercice des attributions qui, en application du présent article, leur sont confiées par le maître de l’ouvrage.

Les règles de passation des contrats signés par le mandataire sont les règles applicables au maître de l’ouvrage, sous réserve des adaptations éventuelles nécessaires auxquelles il est procédé par décret pour tenir compte de l’intervention du mandataire.»

15     L’article 5 de la loi nº 85-704 prévoit:

«Les rapports entre le maître de l’ouvrage et les personnes morales mentionnées à l’article 4 sont définis par une convention qui prévoit, à peine de nullité:

a)       L’ouvrage qui fait l’objet de la convention, les attributions confiées au mandataire, les conditions dans lesquelles le maître de l’ouvrage constate l’achèvement de la mission du mandataire, les modalités de la rémunération de ce dernier, les pénalités qui lui sont applicables en cas de méconnaissance de ses obligations et les conditions dans lesquelles la convention peut être résiliée;

[…]»

 La procédure précontentieuse

16     Estimant que certaines dispositions de la loi nº 85-704, et notamment celles relatives aux conditions dans lesquelles un maître d’ouvrage peut recourir à l’intervention d’un conducteur d’opération et confier l’exercice de certaines de ses attributions à un maître d’ouvrage délégué, étaient contraires, d’une part, aux dispositions de la directive 92/50 et, d’autre part, à celles de l’article 49 CE, la Commission a, par lettre du 25 juillet 2001, mis la République française en demeure de présenter ses observations.

17     Par lettre du 8 mars 2002, les autorités françaises ont contesté les griefs soulevés par la Commission, à l’exception de ceux relatifs à la conduite d’opération régie par l’article 6 de la loi nº 85-704. Elles ont admis, à cet égard, que la mission de conduite d’opération est une prestation de services au sens du droit communautaire et ont indiqué qu’elle était désormais soumise au nouveau code des marchés publics français.

18     Cette réponse n’ayant pas satisfait la Commission, celle-ci a, le 27 juin 2002, adressé un avis motivé à la République française, l’invitant à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

19     Par courrier du 14 octobre 2002, la République française a fait connaître à la Commission qu’elle maintenait les points de vue développés dans sa lettre du 8 mars 2002.

20     Estimant que le manquement perdurait pour ce qui est de la maîtrise d’ouvrage déléguée, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

21     Depuis le dépôt de la requête en manquement, les autorités françaises ont adopté l’ordonnance nº 2004-566, du 17 juin 2004, portant modification de la loi n° 85‑704 (JORF du 19 juin 2004, p. 11020), qui amende ladite loi en autorisant que le mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée soit désormais confié à toute personne publique ou privée, supprimant ainsi l’exigence qu’il s’agisse d’une personne morale de droit français, sous réserve toutefois du respect de certaines règles d’incompatibilité visant à prévenir les conflits d’intérêts. D’après le gouvernement français, ladite modification n’est pas la conséquence du présent recours et ne modifie en rien le point de droit qu’il défend dans le contexte de celui-ci.

 Sur le recours

 Arguments des parties

22     La Commission soutient que, en réservant, à l’article 4 de la loi nº 85‑704, la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à des catégories de personnes morales de droit français limitativement énumérées, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50, et plus particulièrement de ses articles 8 et 9, ainsi que de l’article 49 CE.

23     Selon la Commission, le mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée est un marché public de services au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50. Les missions objet du mandat relèveraient de la catégorie 12 de l’annexe I A de cette directive, à l’exception des missions de représentation, de sorte que les dispositions de la loi nº 85-704 ne respecteraient pas l’article 8 de ladite directive. S’agissant des mandats portant exclusivement ou à titre principal sur des missions de représentation, ceux-ci relèveraient de l’annexe I B de la directive 92/50, de sorte que ladite loi ne respecterait pas davantage l’article 9 de cette même directive.

24     En outre, la Commission allègue que, pour ce qui est des mandats de maîtrise d’ouvrage d’une valeur inférieure aux seuils fixés par la directive 92/50, ainsi que des mandats portant exclusivement ou principalement sur des services visés à l’annexe I B de celle-ci, l’article 4 de la loi nº 85-704 constitue une restriction au principe de la libre prestation des services consacré à l’article 49 CE. Une telle restriction ne pourrait être justifiée ni par les articles 45 CE et 55 CE, dans la mesure où les missions concernées ne comporteraient pas de participation, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique, ni par les articles 46 CE et 55 CE, les raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ne trouvant pas à s’appliquer dans les circonstances de l’espèce.

25     Le gouvernement français soutient que le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée prévu par la loi nº 85-704 n’est pas un contrat de type commercial et ne relève pas du champ d’application de la directive 92/50. Le mandataire participerait à une mission d’intérêt général et ne saurait être considéré comme étant un prestataire de services. Il représenterait le maître d’ouvrage, ce qui constituerait, par essence, la fonction du mandat. Dans ce contexte, il bénéficierait d’un transfert d’attributions s’accompagnant d’un pouvoir de décision. La fonction de représentation serait inséparable de toutes les actions menées par le mandataire pour le compte du mandant. En exerçant ses compétences, qui sont en effet celles d’un pouvoir adjudicateur, le mandataire serait soumis aux directives communautaires relatives aux marchés publics.

26     Le gouvernement français invoque par ailleurs l’arrêt du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a. (C-399/98, Rec. p. I-5409), relatif à l’application de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54). Il découlerait du raisonnement de la Cour dans cet arrêt, applicable par analogie dans les circonstances de l’espèce, qu’un contrat à titre onéreux, dès lors qu’il est constitutif d’un mandat, pourrait échapper aux directives communautaires relatives aux marchés publics. Il suffirait que le mandataire soit lui-même soumis aux obligations découlant desdites directives. Or, la loi nº 85-704 soumettrait les contrats conclus par le mandataire aux mêmes obligations que s’ils étaient conclus par le maître de l’ouvrage.

27     Le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée présentant, selon le gouvernement français, des caractéristiques telles qu’il ne pourrait pas être assimilé à un contrat de prestations de services, l’article 4 de la loi nº 85-704 ne serait pas contraire à l’article 49 CE.

 Appréciation de la Cour

 Observations liminaires

28     L’article 3 de la loi nº 85-704 prévoit que le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l’article 5 de cette même loi, l’exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie de certaines de ses attributions. L’article 4 de ladite loi réserve la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à des catégories de personnes limitativement énumérées. Le gouvernement français n’a pas contesté que ces personnes doivent être, ainsi que le soutient la Commission, des personnes morales de droit français.

29     Certes, depuis l’introduction du présent recours, les autorités françaises ont amendé la loi nº 85-704 en autorisant que le mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée soit désormais confié à toute personne publique ou privée, supprimant ainsi l’exigence qu’il s’agisse d’une personne morale de droit français. Il convient néanmoins de relever que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 16 janvier 2003, Commission/Royaume-Uni, C-63/02, Rec. p. I-821, point 11, et du 16 décembre 2004, Commission/Italie, C‑313/03, non publié au Recueil, point 9). Les changements intervenus par la suite ne peuvent être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 18 novembre 2004, Commission/Irlande, C‑482/03, non publié au Recueil, point 11, et du 14 avril 2005, Commission/Allemagne, C‑341/02, non encore publié au Recueil, point 33).

30     Dans de telles conditions, il importe d’examiner si l’article 4 de la loi nº 85-704 est conforme, d’une part, aux dispositions de la directive 92/50 et, d’autre part, au principe de libre prestation des services consacré à l’article 49 CE.

31     Pour ce qui est de la violation alléguée de la directive 92/50, il y a lieu de vérifier, dans un premier temps, si et dans quelle mesure le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée, tel que défini par la loi nº 85‑704, relève du champ d’application de cette directive. À cet égard, il convient de rappeler que ladite directive ne s’applique pas aux marchés d’une valeur inférieure au seuil établi par celle-ci.

32     Quant au grief tiré de la violation de l’article 49 CE, il y a lieu de relever que les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation ont vocation à s’appliquer aux marchés publics échappant au champ d’application de la directive 92/50. En effet, bien que certains contrats soient exclus du champ d’application des directives communautaires dans le domaine des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs les concluant sont, néanmoins, tenus de respecter les règles fondamentales du traité et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I-10745, point 60, et du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 47, ainsi que ordonnance du 3 décembre 2001, Vestergaard, C‑59/00, Rec. p. I-9505, point 20).

33     Il en est ainsi notamment s’agissant des marchés publics de services dont la valeur n’atteint pas les seuils fixés par la directive 92/50. Le seul fait que le législateur communautaire a considéré que les procédures particulières et rigoureuses prévues par les directives relatives aux marchés publics ne sont pas appropriées lorsqu’il s’agit de marchés publics d’une faible valeur ne signifie pas que ces derniers sont exclus du champ d’application du droit communautaire (voir ordonnance Vestergaard, précitée, point 19). De même, les contrats hors du champ d’application de la directive 92/50, tels que les contrats de concession, restent soumis aux règles générales du traité (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2005, Coname, C-231/03, non encore publié au Recueil, point 16).

34     Enfin, il convient de rappeler que n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 49 CE, en vertu des articles 45, premier alinéa, CE et 55 CE, en ce qui concerne l’État membre intéressé, les activités participant dans cet État, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique.

 Sur le grief tiré de la violation de la directive 92/50

35     La notion de «marchés publics de services» est définie à l’article 1er, sous a), de la directive 92/50. Cette disposition prévoit que lesdits marchés sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur.

36     Pour établir si le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée au sens de la loi nº 85-704 relève du champ d’application de la directive 92/50, il y a lieu d’examiner si les critères établis à l’article 1er, sous a), de cette dernière sont remplis. Cette disposition ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, il n’y a pas lieu de rechercher la qualification que le droit français donne audit contrat.

37     En l’occurrence, il apparaît que lesdits critères sont remplis.

38     Tout d’abord, l’article 5 de la loi nº 85-704 prévoit que les rapports entre, d’une part, le maître d’ouvrage et, d’autre part, le maître d’ouvrage délégué sont définis par une convention, conclue entre eux par écrit. En outre, il ressort de la même disposition que le maître d’ouvrage délégué reçoit une rémunération. Dès lors, ladite convention peut être considérée comme un contrat à titre onéreux, conclu par écrit.

39     Ensuite, pour ce qui est de la notion de «pouvoirs adjudicateurs», sont définis comme tels, aux termes de l’article 1er, sous b), de la directive 92/50, «l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public».

40     Or, l’article 1er de la loi nº 85-704 prévoit que les personnes pouvant exercer les fonctions de maître d’ouvrage sont l’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes. Peuvent également conclure des contrats de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée en application de ladite loi les organismes privés mentionnés à l’article L. 64 du code de la sécurité sociale, leurs unions et fédérations, ainsi que les organismes privés d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés.

41     En l’espèce, il n’est pas contesté que ces personnes peuvent constituer des pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 92/50.

42     Enfin, l’article 1er, sous c), de ladite directive définit comme «prestataire de services» «toute personne physique ou morale, y inclus un organisme public, qui offre des services». L’article 50 CE qualifie de «services» «les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes». Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A de la directive 92/50 sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI de celle-ci et ceux figurant à l’annexe I B conformément aux articles 14 et 16 de cette même directive.

43     Les personnes qui peuvent se voir confier les attributions du maître d’ouvrage délégué sont énumérées à l’article 4 de la loi nº 85-704. Il convient de relever qu’une partie de ces personnes peuvent, elles-mêmes, constituer des pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 92/50. S’il est vrai que l’article 6 de ladite directive exclut de son champ d’application les marchés publics de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur sur la base d’un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, il n’en demeure pas moins que ces conditions ne sont pas remplies dans les circonstances de l’espèce.

44     Les personnes susceptibles de se voir confier les attributions du maître d’ouvrage délégué peuvent être considérées comme «prestataires de services» dans la mesure où les attributions qui leur sont confiées, par le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée, en application de l’article 3 de la loi nº 85-704, correspondent à l’exécution des prestations de services au sens du droit communautaire.

45     À cet égard, l’argumentation développée par le gouvernement français pour établir que le mandataire n’effectue pas des prestations de services ne saurait être accueillie.

46     Il ressort de l’article 3 de la loi nº 85-704, qui énumère les attributions que le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, que le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée n’est pas seulement un contrat par lequel le mandataire s’engage à représenter le maître de l’ouvrage. Lesdites attributions comportent diverses missions correspondant, d’une part, à des prestations d’assistance à caractère administratif et technique et, d’autre part, à des tâches ayant pour objet la représentation du maître de l’ouvrage.

47     Tout d’abord, pour ce qui est de la question de savoir si la fonction de représentation est inséparable de toutes les actions menées par le mandataire pour le compte du mandant, ainsi que le soutient le gouvernement français, il convient de relever qu’il est tout à fait envisageable de dissocier ces différentes missions. En effet, le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, en application de l’article 3 de la loi nº 85-704, l’exercice de tout ou partie des attributions énumérées à ladite disposition. Il importe également de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, rien ne s’oppose à ce que ces missions soient éventuellement soumises à des régimes différents.

48     Ensuite, quant à la nature desdites attributions, il convient de relever que la question de savoir si le mandataire contribue à l’exercice d’une mission d’intérêt général n’est pas décisive pour déterminer s’il effectue ou non des prestations de services. En effet, il n’est pas inhabituel, dans le domaine des marchés publics, que le pouvoir adjudicateur confie à un tiers une mission économique visant à satisfaire un besoin d’intérêt général. Cette constatation est corroborée notamment par le fait que la directive 92/50 s’applique, à certaines exceptions, aux marchés publics de services passés par des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense.

49     Enfin, il convient de déterminer si le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée procède à un transfert de l’autorité publique, ainsi que le prétend le gouvernement français. L’examen de cette question présuppose que l’exercice des attributions en cause comporte, dans le chef du maître de l’ouvrage, une participation directe à l’exercice de l’autorité publique.

50     À cet égard, le gouvernement français n’a pas fait valoir l’existence de circonstances dans lesquelles le pouvoir adjudicateur est en charge d’une structure de gestion «interne» d’un service public au sens de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 1999, Teckal, C‑107/98, Rec. p. I-8121, point 50, et Coname, précité, point 26). En effet, rien ne permet de supposer que le mandant exerce sur le mandataire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et que le mandataire réalise l’essentiel de son activité avec la ou les autorités publiques qui le détiennent (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau, C-26/03, Rec. p. I-1, point 49).

51     Pour ce qui est des missions d’assistance administrative et technique, telles que la définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté, il apparaît qu’il s’agit de prestations de services au sens de l’article 8 et de l’annexe I A de la directive 92/50 et que le mandataire ne participe pas à l’exercice de l’autorité publique.

52     Quant aux contrats de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée ayant pour objet des missions comportant une fonction de représentation, il importe de relever d’emblée que la circonstance qu’une prestation soit effectuée en exécution d’un tel contrat ne suffit pas à l’exclure du champ d’application de la directive 92/50. Cette constatation est corroborée par le fait que, ainsi que le relève à titre d’exemple la Commission, les contrats de mandat conclus entre un pouvoir adjudicateur et son avocat relèvent du champ d’application des articles 14 et 16 de ladite directive, en application de l’article 9 et du point 21 de l’annexe I B de celle-ci.

53     En vertu de l’article 3 de la loi nº 85-704, le mandataire peut se voir confier diverses missions comportant une fonction de représentation du maître de l’ouvrage. Il en est ainsi notamment pour ce qui est de la signature du contrat de maîtrise d’œuvre et du contrat de travaux, ainsi que lorsque le mandataire verse aux prestataires et aux entrepreneurs retenus leur rémunération.

54     Comme le relève à juste titre M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, bien que le mandataire soit habilité à signer les contrats de maîtrise d’œuvre et de travaux au nom du maître de l’ouvrage, il ne possède pas une autonomie suffisante dans l’accomplissement de ses actes pour pouvoir être considéré comme bénéficiaire d’un transfert de l’autorité publique. En effet, selon l’article 2 de la loi n° 85-704, le maître de l’ouvrage, responsable principal de celui-ci, remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre. En outre, le mandataire ne peut agir qu’après approbation donnée par le maître de l’ouvrage. Pour ce qui est du versement de la rémunération aux prestataires et aux entrepreneurs, le financement en est assuré par le maître de l’ouvrage, si bien que le mandataire ne possède pas non plus de marge de manœuvre dans ce domaine. Il se contente d’avancer des fonds, qui lui sont remboursés par le maître de l’ouvrage.

55     Dans de telles circonstances, les contrats de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée ayant pour objet des missions comportant une fonction de représentation du maître de l’ouvrage relèvent de l’article 9 et de l’annexe I B de la directive 92/50.

56     Le raisonnement suivi par la Cour au point 100 de l’arrêt Ordine degli Architetti e.a., précité, relatif à l’application de la directive 93/37, n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. La Cour a observé, pour ce qui est du respect de ladite directive en cas de réalisation d’un ouvrage d’équipement dans des circonstances telles que celles qui lui étaient soumises, qu’il n’était pas nécessaire que l’administration communale applique elle-même les procédures de passation de marché prévues par cette dernière. L’effet utile de celle-ci était tout autant respecté dès lors que la législation nationale permettait à l’administration communale d’obliger le lotisseur titulaire du permis de construire à réaliser les ouvrages convenus en recourant auxdites procédures.

57     Cette appréciation a été portée dans le contexte d’une réglementation particulière en matière d’urbanisme selon laquelle l’octroi d’un permis de construire entraînait le versement, par son titulaire, d’une contribution aux dépenses d’équipement engendrées par son projet. Toutefois, ce dernier pouvait s’engager à réaliser directement les ouvrages d’équipement, en déduction totale ou partielle du montant dû. Dans cette dernière hypothèse, la Cour a conclu qu’il s’agissait d’un marché public de travaux au sens de la directive 93/37. La commune n’ayant cependant pas la faculté de choisir celui qui était chargé d’exécuter les ouvrages d’équipement, cette personne étant désignée par la loi en sa qualité de propriétaire des terrains faisant l’objet du lotissement et titulaire du permis de construire, il était loisible de constater que les procédures de passation pouvaient être appliquées, au lieu de la commune, par le titulaire du permis, seule personne apte, selon la loi, à exécuter les ouvrages, en tant qu’alternative au versement à la commune d’une contribution aux charges d’équipement. Cette situation se distingue de la situation régie par la loi nº 85-704, qui laisse au maître d’ouvrage le choix du mandataire et ne prévoit pas d’obligations préalables, pour lesquelles la rémunération de celui-ci constituerait une contrepartie.

58     À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de constater que le contrat de mandat, tel que défini par la loi nº 85-704, est un marché public de services au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50 et relève du champ d’application de celle-ci.

59     Dès lors, il y a lieu d’examiner si l’article 4 de la loi nº 85-704, qui réserve le rôle de mandataire à des catégories de personnes morales de droit français limitativement énumérées, est conforme aux dispositions de la directive 92/50.

60     À cet égard, il importe de rappeler que ladite directive vise à améliorer l’accès des prestataires de services aux procédures de passation des marchés pour éliminer les pratiques qui restreignent la concurrence en général et la participation aux marchés des ressortissants d’autres États membres en particulier. Ces principes sont repris à l’article 3, paragraphe 2, de cette même directive, qui interdit la discrimination entre les différents prestataires de services.

61     Force est de constater que l’article 4 de la loi nº 85-704 n’est pas conforme au principe de l’égalité de traitement entre les différents prestataires de services, en ce que cette disposition réserve la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à des catégories de personnes morales de droit français limitativement énumérées.

62     En outre, sans même qu’il soit besoin de déterminer les prestations de services qui relèvent de l’annexe I A de la directive 92/50 et celles qui relèvent de l’annexe I B de cette même directive, ainsi que, dans ce contexte, l’incidence que peut avoir l’application de l’article 10 de celle-ci, il est établi que la loi nº 85-704 ne prévoit aucune procédure de mise en concurrence pour le choix du mandataire.

63     Dans ces conditions, le grief tiré de la violation de la directive 92/50 est fondé.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 49 CE

64     Pour les marchés publics de services ne relevant pas du champ d’application de la directive 92/50, il reste à déterminer si l’article 4 de la loi nº 85-704 est conforme au principe de libre prestation des services consacré à l’article 49 CE.

65     Il convient de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort des points 49 à 55 du présent arrêt, le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée, tel que défini par la loi nº 85-704, ne confère pas au mandataire des missions relevant de l’exercice de l’autorité publique, que ce soit pour les missions d’assistance administrative ou technique ou de représentation qui lui sont confiées. Par conséquent, l’exception prévue aux articles 45 CE et 55 CE ne trouve pas à s’appliquer dans la présente affaire.

66     L’article 49 CE interdit les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. En outre, il est de jurisprudence constante que cette disposition exige la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber ou à gêner les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 2004, Commission/France, C‑262/02, Rec. p. I‑6569, point 22, et Bacardi France, C‑429/02, Rec. p. I-6613, point 31 et jurisprudence citée).

67     En particulier, un État membre ne peut pas subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées à assurer la libre prestation des services (voir arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie, C‑180/89, Rec. p. I-709, point 15).

68     En l’espèce, il convient de constater que l’article 4 de la loi nº 85-704 constitue une entrave à la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE en ce qu’il aboutit à réserver la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales de droit français.

69     Toutefois, l’article 46 CE, lu en combinaison avec l’article 55 CE, admet des restrictions à la libre prestation de services justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. L’examen du dossier n’a cependant pas permis d’établir l’existence d’une telle justification.

70     Dans ces conditions, le grief tiré de la violation de l’article 49 CE est fondé.

71     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en réservant, à l’article 4 de la loi nº 85-704, la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales de droit français, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50 ainsi que de l’article 49 CE.

 Sur les dépens

72     En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

En réservant, à l’article 4 de la loi nº 85-704, du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, telle que modifiée par la loi n° 96-987, du 14 novembre 1996, relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales de droit français, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997, ainsi que de l’article 49 CE.

Signatures


* Langue de procédure: le français.