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Document 52011PC0289

Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines

/* COM/2011/0289 final - 2011/0136 (COD) */

Bruxelles, le 24.5.2011

COM(2011) 289 final

2011/0136(COD)

Proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

{SEC(2011) 615 final}
{SEC(2011) 616 final}


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Une autorisation préalable est nécessaire pour pouvoir mettre à la disposition du public, dans le cadre d'une bibliothèque ou d'archives numériques accessibles en ligne, une œuvre protégée par des droits d'auteur. Lorsque le titulaire de ces droits ne peut être identifié ou trouvé, l'œuvre est dite «orpheline». Dans ce cas, il est impossible d'obtenir les autorisations nécessaires à la mise en ligne de ces œuvres. Or, des bibliothèques ou autres institutions qui permettent au public d'accéder à des œuvres en ligne sans autorisation préalable risquent de se trouver en infraction avec le droit d'auteur.

Le principal objectif de cette proposition est de créer un cadre juridique garantissant un accès transfrontière en ligne licite aux œuvres orphelines figurant dans les bibliothèques ou archives en ligne administrées par diverses institutions visées dans la proposition, dès lors que ces œuvres sont utilisées dans l'exercice de la mission d'intérêt public de ces institutions. Cette notion englobe les œuvres publiées sous forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits, y compris les œuvres incorporées dans celles-ci, ainsi que les œuvres audiovisuelles et cinématographiques figurant dans les collections des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et les œuvres sonores, audiovisuelles et cinématographiques figurant dans les archives des organismes de radiodiffusion de service public et produites par ceux-ci. En ce qui concerne les archives des organismes de radiodiffusion de service public, eu égard à la position particulière de ces organismes en tant que producteurs, il est nécessaire de limiter l'ampleur du phénomène en prévoyant une date butoir pour déterminer les œuvres qui relèvent de la présente directive.

Cet objectif doit être atteint grâce à un système de reconnaissance mutuelle du statut d'œuvre orpheline. Afin d'établir si une œuvre est orpheline, il est demandé aux bibliothèques, établissements d'enseignement, musées ou archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public d'effectuer au préalable une recherche diligente des titulaires de droits, conformément aux exigences de la proposition de directive, dans l'État membre où l'œuvre a initialement été publiée. Une fois que cette recherche diligente aura permis d'établir que l'œuvre est orpheline, celle-ci sera réputée être une œuvre orpheline dans toute l'UE, ce qui évitera de multiplier les recherches. Il sera alors possible de mettre de telles œuvres en ligne sans autorisation préalable, dans un but culturel ou éducatif, à moins que leur propriétaire ne mette fin à ce statut d'œuvre orpheline.

Cette initiative s'appuie sur la recommandation de la Commission de 2006 sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique 1 . Malgré cette recommandation, seuls quelques États membres se sont dotés d'une législation sur les œuvres orphelines. En outre, les quelques mesures adoptées n'ont qu'une portée restreinte, puisqu'elles limitent l'accès en ligne aux citoyens résidant sur le territoire national.

Enfin, la création d'un cadre juridique destiné à faciliter la numérisation et la diffusion dans le marché unique, par delà les frontières, des œuvres orphelines est l'une des actions clés recensées dans la stratégie numérique pour l'Europe 2 , qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie Europe 2020 3 .

2.RÉSULTAT DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D'IMPACT

·Consultation des parties intéressées

En 2006 a été créé un groupe d'experts de haut niveau sur les bibliothèques numériques, réunissant l'ensemble des acteurs concernés par la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel, y compris les œuvres orphelines 4 . Ce groupe a adopté un «Rapport final sur la conservation numérique, les œuvres orphelines et les éditions épuisées» 5 . Un protocole d’accord fixant des lignes directrices pour la recherche diligente des titulaires de droits d'œuvres orphelines a été signé par les représentants de bibliothèques, d'archives et de titulaires de droits 6 .

En 2008, la Commission a publié un livre vert intitulé «Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance» 7 afin de connaître l'avis des intéressés sur la nécessité, notamment, de prendre de nouvelles mesures concernant les œuvres orphelines 8 . Elle a ensuite adopté, le 19 octobre 2009, la communication intitulée «Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance» 9 , dans laquelle elle annonçait son intention d'analyser l'impact de telles mesures dans l'UE.

Le 26 octobre 2009, la Commission a organisé une audition publique au cours de laquelle toutes les parties intéressées ont pu s'exprimer sur la question des œuvres orphelines. Le 10 novembre 2009, la présidence suédoise et le Parlement européen ont organisé une audition conjointe sur les œuvres orphelines et l'accès des malvoyants aux œuvres.

Entre 2009 et 2010, les services de la Commission ont organisé des réunions bilatérales avec diverses catégories d'intéressés pour discuter plus en détail des questions importantes.

·Analyse d'impact

L'analyse d'impact examine six options: (1) statu quo, (2) exception réglementaire au droit d'auteur, (3) recours aux licences collectives étendues, (4) délivrance par les sociétés de gestion collective d'une licence spécifique pour les œuvres orphelines, (5) délivrance par un organisme public d'une licence spécifique pour les œuvres orphelines, (6) reconnaissance mutuelle des solutions nationales adoptées pour les œuvres orphelines.

Toutes ces options (à l'exception de l'option 1) présupposent l'adoption d'une directive imposant à tous les États membres la mise en œuvre, dans un délai précis, de dispositions spécifiques sur les œuvres orphelines. Toutes (à l'exception de l'option 3) reposent sur le principe selon lequel il est nécessaire d'effectuer une recherche diligente préalable des titulaires de droits pour pouvoir mettre une œuvre orpheline en ligne dans le cadre d'une bibliothèque numérique.

L'exception réglementaire (option 2) éviterait d'avoir à demander une licence de droit d'auteur, mais l'obligation de recherche préalable serait maintenue. Toutefois, cette option offre une sécurité juridique moins grande, car cette recherche ne serait pas certifiée par un tiers.

L'option 3, qui recourt aux licences collectives étendues, part du principe qu'une fois qu'une société de gestion collective de droits a autorisé une bibliothèque à mettre des ouvrages en ligne, cette licence, par extension réglementaire, couvre toutes les œuvres du même type, y compris les œuvres orphelines (livres ou films). La société de gestion collective est alors considérée comme représentant aussi ces œuvres «hors champ», qu'elle ait ou non effectué une recherche pour en identifier ou en localiser l'auteur. Cependant, l'absence de recherche diligente empêche toute reconnaissance mutuelle du statut «orphelin» de ces œuvres. De plus, une licence collective étendue n'est normalement valable que sur le territoire national sur lequel s'applique cette présomption réglementaire.

L'option d'une licence spécifique pour les œuvres orphelines (option 4) offrirait aux bibliothèques et autres bénéficiaires un haut niveau de sécurité juridique contre l'introduction de demandes d'indemnisation en cas de réapparition des propriétaires. Elle exige à la fois une recherche pour vérifier si l'œuvre est orpheline ou non, préalablement à l'octroi de la licence, et une licence spécifique aux œuvres orphelines.

L'octroi d'une licence administrative pour les œuvres orphelines (option 5) permet d'obtenir la certification publique des recherches menées et assure ainsi un haut niveau de sécurité juridique aux bibliothèques numériques. Mais cette sécurité a un prix en termes de charges administratives. C'est ce qui explique que les applications antérieures de ce système n'aient eu qu'un impact limité et ne soient pas utilisées pour de grands projets de bibliothèque numérique.

Une approche fondée sur la reconnaissance mutuelle du statut d'œuvre orpheline (option 6) offre aux bibliothèques et autres bénéficiaires des gages de sécurité juridique quant au véritable statut des œuvres. Les œuvres orphelines figurant dans les bibliothèques numériques seraient ainsi accessibles aux citoyens de toute l'Europe.

3.ÉLÉMENTS JURIDIQUES DE LA PROPOSITION

·Résumé des mesures proposées

La présente proposition porte sur la recherche diligente nécessaire pour déterminer si une œuvre est orpheline ou non et, une fois cela établi, pour rendre licite la mise à disposition publique en ligne de cette œuvre, sous certaines conditions et à des fins bien précises. Elle clarifie aussi les conditions d'application des licences collectives étendues aux œuvres potentiellement orphelines.

·Base juridique

Article 114 du TFUE

·Principe de subsidiarité

Une proposition législative sous la forme d'une directive est nécessaire parce que les approches reposant sur une démarche volontaire, notamment la recommandation 2006/585/CE du 24 août 2006, n'ont pas eu les résultats escomptés. En outre, la coexistence d'approches nationales disparates concernant les œuvres orphelines présentes dans les bibliothèques en ligne fait qu'il est difficile pour une bibliothèque de rendre ces œuvres accessibles dans tous les États membres 10 . 

·Principe de proportionnalité

Le problème des œuvres orphelines étant un obstacle majeur à la création de bibliothèques numériques, la définition d'un cadre cohérent au niveau de l'UE pour l'accès en ligne à ces œuvres est la manière la moins intrusive d'atteindre le résultat voulu. Toutes les autres approches coûteraient nettement plus cher en termes de coûts administratifs et d'infrastructures de licence uniquement destinées aux œuvres orphelines.

·Choix des instruments

Instrument(s) proposé(s): directive.

Principaux articles de la proposition

L'article 1er définit le champ d'application et l'objet de la directive, qui porte sur divers types de matériels présents dans les bibliothèques, établissements d'enseignement, musées et archives publics, ainsi que dans les collections des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et les archives des organismes de radiodiffusion de service public. Dans le domaine de l'imprimé, elle s'applique aussi aux œuvres visuelles, telles que les photographies et illustrations, figurant dans de tels ouvrages publiés.

L'article 2 définit la notion d'œuvre orpheline. Cette définition de l'œuvre orpheline inclut l'obligation de recherche diligente des titulaires de droits.

L'article 3 explique comment cette recherche diligente doit être menée par ceux qui sont autorisés à utiliser des œuvres orphelines. Il précise que cette recherche n'est obligatoire que dans l'État membre où l'œuvre a été initialement publiée.

L'article 4 pose le principe de la reconnaissance mutuelle, en vertu duquel une œuvre considérée comme orpheline à l'issue d'une recherche diligente effectuée conformément à l'article 3 est considérée comme une œuvre orpheline dans tous les États membres.

L'article 5 concerne la possibilité de mettre fin au statut d'œuvre orpheline.

L'article 6 énumère les utilisations que les bénéficiaires nommément désignés sont autorisés à faire des œuvres orphelines (leur mise à la disposition du public au sens de l'article 3 de la directive 2001/29/CE, et leur reproduction au sens de l'article 2 de la directive 2001/29/CE, aux fins de leur mission d'intérêt public).

L'article 7 précise comment les États membres peuvent, à certaines conditions, autoriser d'autres utilisations.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

La proposition n’a aucune incidence sur le budget de l’Union.

5.ÉLÉMENTS OPTIONNELS

·Espace économique européen

L'acte proposé porte sur un domaine intéressant l’EEE et devrait donc être étendu à celui-ci.

3

2011/0136 (COD)

Proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 49, 56 et 114,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,

vu l'avis du Comité économique et social européen 11 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)Des bibliothèques, musées, archives, établissements d'enseignement, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public ont entrepris de numériser l'ensemble de leurs collections ou archives en vue de créer des bibliothèques numériques européennes. Les bibliothèques, musées, archives, établissements d'enseignement, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public des États membres participent à la conservation et la diffusion du patrimoine culturel européen, et jouent aussi, de ce fait, un rôle important dans la création de bibliothèques numériques européennes, telles Europeana. Les technologies employées pour la numérisation de masse de documents imprimés et pour la recherche et l'indexation accroissent la valeur des collections des bibliothèques du point de vue des travaux de recherche.

(2)La nécessité de promouvoir la libre circulation des connaissances et des innovations dans le marché intérieur est un élément important de la stratégie Europe 2020, comme l'a souligné la Commission dans sa communication «Europe 2020: une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive» 12 , dont l'une des initiatives phares est l'élaboration d'une stratégie numérique pour l'Europe.

(3)La création d'un cadre juridique facilitant la numérisation et la diffusion des œuvres dites «orphelines», c'est-à-dire dont l'auteur n'a pu être identifié ou localisé, fait partie des mesures clés de la stratégie numérique pour l'Europe, telle qu'elle est décrite dans la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Une stratégie numérique pour l'Europe» 13 .

(4)Les auteurs bénéficiant d'un droit exclusif de reproduction et de mise à la disposition du public de leurs œuvres, en vertu de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information 14 , le consentement préalable de l'auteur est requis pour la numérisation et la mise à disposition d'une œuvre.

(5)Dans le cas des œuvres orphelines, il est impossible d'obtenir ce consentement préalable à la reproduction de l'œuvre ou à sa mise à la disposition du public.

(6)Les approches différentes adoptées dans les États membres pour la reconnaissance du statut d'œuvre orpheline peuvent entraver le fonctionnement du marché intérieur et la possibilité d'accéder à ces œuvres par delà les frontières. Ces différences peuvent aussi déboucher sur des restrictions à la libre circulation des biens et des services présentant un contenu culturel. Il est donc opportun d'assurer la reconnaissance mutuelle de ce statut.

(7)L'adoption d'une approche commune pour déterminer si une œuvre est orpheline et quels en sont les usages autorisés est nécessaire, en particulier, pour garantir la sécurité juridique dans le marché intérieur quant à l'utilisation de telles œuvres par les bibliothèques, musées, établissements d'enseignement, archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public.

(8)Les œuvres cinématographiques, sonores et audiovisuelles présentes dans les archives des organismes de radiodiffusion de service public et produites par ceux-ci incluent aussi des œuvres orphelines. Compte tenu de la position particulière des radiodiffuseurs en tant que producteurs de matériel sonore et audiovisuel, et de la nécessité de prendre des mesures pour limiter dans l'avenir l'ampleur du phénomène des œuvres orphelines, il est opportun de fixer une date butoir pour l'application de la présente directive aux œuvres présentes dans les archives des organismes de radiodiffusion.

(9)Aux fins de la présente directive, les œuvres cinématographiques, sonores et audiovisuelles figurant dans les archives des organismes de radiodiffusion de service public doivent être entendues comme incluant les œuvres commandées par ces organisations en vue de leur exploitation exclusive.

(10)La création de grandes bibliothèques en ligne va de pair avec l'utilisation d'outils électroniques d'étude et de recherche ouvrant de nouveaux champs d'exploration aux chercheurs et aux universitaires qui devraient, à défaut, se contenter de méthodes de recherche analogiques ou plus traditionnelles.

(11)Pour des raisons de courtoisie internationale, la présente directive ne devrait s'appliquer qu'aux œuvres qui sont initialement publiées ou radiodiffusées dans un État membre.

(12)Pour qu'une œuvre puisse être considérée comme orpheline, une recherche diligente et raisonnable devrait être effectuée de bonne foi pour retrouver son auteur. Il convient que les États membres puissent prévoir que cette recherche soit effectuée par les organisations mentionnées dans la présente directive, ou par d'autres organisations.

(13)Cette recherche diligente doit faire l'objet d'une approche harmonisée afin d'assurer un niveau élevé de protection du droit d'auteur dans l'Union. Elle devrait comporter une consultation des bases de données publiquement accessibles qui contiennent des informations sur les droits d'auteur attachés aux œuvres. En outre, pour éviter qu'une œuvre ne fasse plusieurs fois l'objet d'une numérisation coûteuse, chaque État membre devrait veiller à ce que les utilisations que les organisations visées dans la présente directive auront faites d'oeuvres orphelines soient enregistrées dans une base de données publiquement accessible. Dans la mesure du possible, des bases de données publiquement accessibles, contenant le résultat des recherches menées et répertoriant les utilisations qui sont faites des œuvres orphelines, devraient être conçues et mises en place de manière à permettre leur interconnexion au niveau paneuropéen et leur consultation à partir d'un seul point d'entrée.

(14)Les œuvres orphelines peuvent avoir plusieurs auteurs ou inclure d'autres œuvres ou objets protégés. La présente directive devrait être sans effet sur les droits des titulaires connus ou identifiés.

(15)Afin d'éviter les double-emplois, cette recherche diligente ne devrait être effectuée que dans l'État membre où l'œuvre a été initialement publiée ou radiodiffusée. Pour permettre aux autres États membres de vérifier s'il a été établi qu'une œuvre était orpheline, chaque État membre devrait veiller à ce que le résultat des recherches diligentes menées sur son territoire soit enregistré dans une base de données accessible au public.

(16)Il convient de reconnaître aux auteurs qui revendiquent une œuvre le droit de mettre fin à son statut d'œuvre orpheline.

(17)Afin de promouvoir l'éducation et la culture, les États membres devraient autoriser les bibliothèques, établissements d'enseignement et musées ouverts au public, ainsi que les archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public, à reproduire et à mettre à la disposition du public les œuvres orphelines, à condition que cette utilisation contribue à l'accomplissement de leurs missions d'intérêt public, notamment la préservation et la restauration des œuvres de leurs collections et la fourniture d'un accès à ces œuvres à des fins culturelles et éducatives. Aux fins de la présente directive, la notion d'institutions dépositaires du patrimoine cinématographique devrait désigner les organismes chargés par les États membres de collecter, de cataloguer, de préserver et de restaurer les films qui font partie de leur patrimoine culturel.

(18)Les accords contractuels étant susceptibles de promouvoir la numérisation du patrimoine culturel européen, les bibliothèques, établissements d'enseignement, musées, archives et institutions dépositaires du patrimoine cinématographique devraient pouvoir conclure avec des partenaires commerciaux, en vue des utilisations autorisées par la présente directive, des accords pour la numérisation et la mise à disposition d'œuvres orphelines. Ces accords devraient pouvoir inclure une contribution financière de ces partenaires.

(19)Afin de faciliter l'accès des citoyens de l'Union au patrimoine culturel européen, il est également nécessaire de veiller à ce que les œuvres orphelines qui ont été numérisées et mises à la disposition du public dans un État membre soient également disponibles dans les autres États membres. Les bibliothèques, établissements d'enseignement et musées ouverts au public, ainsi que les archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes publics de radiodiffusion qui utilisent une œuvre orpheline aux fins de l'accomplissement de leurs missions d'intérêt public devraient pouvoir mettre cette œuvre à la disposition du public dans les autres États membres.

(20)La présente directive ne devrait pas porter atteinte aux dispositifs existants dans les États membres en matière de gestion des droits, telles que les licences collectives étendues.

(21)Les États membres devraient également pouvoir autoriser l'utilisation d'œuvres orphelines à des fins allant au-delà des missions d'intérêt public des organisations visées par la présente directive. Dans ce cas, les droits et intérêts légitimes des titulaires de droits devraient être protégés.

(22)Si, dans les conditions prévues par la présente directive, un État membre autorise les bibliothèques, établissements d'enseignement et musées accessibles au public et les archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public à utiliser des œuvres orphelines à des fins allant au-delà de leurs missions d'intérêt public, les titulaires de droits qui se présentent pour revendiquer ces œuvres doivent être rémunérés. Les États membres peuvent prévoir que les recettes perçues sur l'utilisation de ces oeuvres à titre de rémunération, mais non réclamées à l'issue de la période fixée conformément à la présente directive, soient affectées au financement de sources d'information qui, grâce à des procédés automatisés et peu coûteux, faciliteront la recherche diligente des titulaires de droits pour les types d'œuvres relevant ou susceptibles de relever de la présente directive.

(23)Étant donné que l'objectif de l'action envisagée, qui consiste à assurer une sécurité juridique en ce qui concerne l'utilisation des œuvres orphelines, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc être mieux réalisé au niveau de l'Union par une harmonisation des règles régissant cette utilisation, l'Union peut adopter des mesures conformément au principe de subsidiarité énoncé à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs,

ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

Article premier
Objet et champ d’application

1.La présente directive concerne certaines utilisations des œuvres orphelines par les bibliothèques, établissements d'enseignement et musées accessibles au public ainsi que par les archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public.

2.La présente directive s'applique aux œuvres initialement publiées ou radiodiffusées dans un État membre et qui sont:

1)des œuvres publiées sous forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits et qui font partie des collections de bibliothèques, d'établissements d'enseignement, de musées ou d'archives accessibles au public, ou

2)des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles faisant partie des collections d'institutions dépositaires du patrimoine cinématographique, ou

3)des œuvres cinématographiques, sonores ou audiovisuelles produites par des organismes de radiodiffusion de service public avant le 31 décembre 2002 et figurant dans leurs archives.

Article 2
Œuvres orphelines

1.Une œuvre est considérée comme orpheline si le titulaire des droits sur cette œuvre n'a pas été identifié ou, bien qu'ayant été identifié, n'a pu être localisé à l'issue de la réalisation et de l'enregistrement d'une recherche diligente des titulaires de droits conformément à l'article 3.

2.Lorsqu'une œuvre a plus d'un titulaire de droits et que l'un de ces titulaires a été identifié et localisé, elle n'est pas considérée comme orpheline.

Article 3
Recherche diligente des titulaires de droits

1.Afin de déterminer si une œuvre est orpheline, les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, veillent à ce que pour chaque œuvre, une recherche diligente des titulaires de droits soit effectuée, en consultant les sources appropriées pour le type d'œuvres en question.

2.Les sources appropriées pour chaque type d'œuvre sont déterminées par chaque État membre en concertation avec les titulaires de droits et les utilisateurs, et comprennent notamment les sources énumérées à l'annexe.

3.Il n'est nécessaire d'effectuer la recherche diligente que dans l'État membre où a eu lieu la première publication ou radiodiffusion.

4.Les États membres veillent à ce que le résultat des recherches diligentes effectuées sur leur territoire soit enregistré dans une base de données accessible au public.

Article 4
Reconnaissance mutuelle du statut d'œuvre orpheline

Une œuvre considérée comme orpheline dans un État membre conformément à l'article 2 est considérée comme orpheline dans tous les États membres.

Article 5
Fin du statut d'œuvre orpheline

Les États membres veillent à ce que le titulaire de droits sur une œuvre considérée comme orpheline ait, à tout moment, la possibilité de mettre fin à son statut d'œuvre orpheline.

Article 6
Utilisations autorisées des œuvres orphelines

1.Les États membres veillent à ce que les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, soient autorisées à faire d'une œuvre orpheline les utilisations suivantes:

(a)la mise à disposition de l'œuvre orpheline au sens de l'article 3 de la directive 2001/29/CE;

(b)sa reproduction, au sens de l'article 2 de la directive 2001/29/CE, à des fins de numérisation, de mise à disposition, d'indexation, de catalogage, de préservation ou de restauration;

2.Toutefois, sous réserve de l'article 7, les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, ne peuvent pas utiliser les œuvres orphelines dans un but autre que l'accomplissement de leurs missions d'intérêt public, lesquelles incluent notamment la préservation et la restauration des œuvres de leur collection et la fourniture d'un accès à ces œuvres à des fins culturelles et éducatives. 

3.La présente directive ne porte pas atteinte à la liberté de ces organisations de conclure des contrats aux fins de l'accomplissement de leurs missions d'intérêt public.

4.Les États membres veillent à ce que les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, qui utilisent des œuvres orphelines conformément au paragraphe 1 tiennent un registre des recherches diligentes qu'elles ont effectuées et un registre publiquement accessible de ces utilisations.

Article 7
Utilisations autorisées des œuvres orphelines

1.Les États membres peuvent autoriser les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, à utiliser une œuvre orpheline à des fins autres que celles visées à l'article 6, paragraphe 2, pour autant que:

(1)les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1, tiennent un registre des recherches diligentes qu'elles ont effectuées;

(2)ces organisations tiennent un registre publiquement accessible des utilisations qu'elles font des œuvres orphelines;

(3)si le titulaire de droits sur une œuvre orpheline a été identifé, mais pas localisé, le nom de ce titulaire soit indiqué lors de toute utilisation de l'œuvre;

(4)les titulaires qui mettent fin au statut d'œuvre orpheline d'une œuvre, en vertu de l'article 5, soient rémunérés pour l'utilisation qui en a été faite par les organisations visées à l'article 1er, paragraphe 1;

(5)les titulaires puissent exiger une rémunération en vertu du point 4 dans un délai, fixé par les États membres, qui n'est pas inférieur à cinq ans à compter de la date de l'acte faisant naître le droit à la rémunération.

2.Les États membres peuvent choisir les modalités d'autorisation des utilisations visées par le paragraphe 1 et restent libres de décider de l'utilisation des recettes non exigées après expiration de la période fixée conformément au paragraphe 1, point 5.

Article 8
Maintien d'autres dispositions légales

La présente directive n'affecte pas les dispositions concernant notamment les brevets, les marques, les dessins et modèles, les modèles d'utilité, les topographies des produits semi-conducteurs, les caractères typographiques, l'accès conditionnel, l'accès au câble des services de radiodiffusion, la protection des trésors nationaux, les exigences juridiques en matière de dépôt légal, le droit des ententes et de la concurrence déloyale, le secret des affaires, la sécurité, la confidentialité, la protection des données personnelles et le respect de la vie privée, l'accès aux documents publics et le droit des contrats.

Article 9
Application dans le temps

1.Les dispositions de la présente directive s'appliquent à l'égard de toutes les œuvres visées à l'article 1er qui, au [date de transposition], sont protégées par la législation des États membres en matière de droit d'auteur.

2.La présente directive s'applique sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant le [date de transposition].

Article 10
Transposition

1.Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le […]. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions ainsi qu'un tableau de correspondance entre ces dispositions et la présente directive.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.

Article 11
Clause de réexamen

La Commission suit en permanence l'évolution des sources d'information sur les droits d'auteur; au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente directive, puis à un rythme annuel par la suite, elle présente un rapport sur l'inclusion éventuelle, dans le champ d'application de la présente directive, d'œuvres ou autres objets protégés qui n'en font pas actuellement partie, en particulier des phonogrammes et des photographies et autres images qui existent en tant qu'œuvres indépendantes.

Au plus tard le [un an après la date de transposition], la Commission soumet au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport sur l'application de la présente directive, tenant compte du développement des bibliothèques numériques.

Si nécessaire, notamment pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, elle présente des propositions de modifications de la présente directive.

Article 12
Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de lUnion européenne.

Article 13

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Bruxelles, le

Par le Parlement européen    Par le Conseil

Le président    Le président
   

ANNEXE

Les sources visées par l’article 3, paragraphe 2, sont les suivantes:

1)pour les livres publiés:

(a)le dépôt légal;

(b)les bases de données et registres existants, notamment les registres ARROW (Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works) et WATCH (Writers, Artists and their Copyright Holders), et l'ISBN (International Standard Book Number);

(c)les bases de données des sociétés de gestion concernées, et notamment des organisations de représentation des droits de reproduction;

2)pour les revues et périodiques imprimés:

(a)L'ISSN (International Standard Serial Number) pour les publications périodiques;

(b)les index et catalogues des fonds et collections de bibliothèques;

3)pour les journaux et magazines:

(a)l'association des éditeurs du pays concerné et les associations d'auteurs et de journalistes;

(b)le dépôt légal;

(c)les bases de données des sociétés de gestion concernées, et notamment des organisations de représentation des droits de reproduction;

4)pour les œuvres visuelles, notamment celles relevant des beaux-arts, de la photographie, de l'illustration, du design et de l'architecture, et les croquis de telles œuvres, et autres œuvres figurant dans des livres, revues, journaux et magazines:

(a)les sources énumérées aux points 1), 2) et 3);

(b)les bases de données des sociétés de gestion collective concernées, en particulier pour les arts visuels, y compris les organisations de représentation des droits de reproduction;

(c)les bases de données des agences d'images, le cas échéant.

5)pour les œuvres audiovisuelles figurant dans les collections des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et les organismes de radiodiffusion de service public:

(a)le dépôt légal;

(b)les bases de données des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et des bibliothèques nationales;

(c)les bases de données appliquant des normes et des identificateurs pertinents, tels que l'ISAN pour le matériel audiovisuel;

(d)les bases de données des sociétés de gestion collective concernées, en particulier celles regroupant des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des producteurs audiovisuels.

(1) Recommandation 2006/585/CE de la Commission du 24 août 2006 sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique, JO L 236 du 31.8.2006, p. 28.
(2) Une stratégie numérique pour l’Europe, COM(2010) 245.
(3) Europe 2020: Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive
http://ec.europa.eu/eu2020/index_fr.htm
(4) Décision de la Commission du 27 février 2006 instituant un groupe d'experts de haut niveau sur les bibliothèques numériques, JO L 63 du 4.3.2006, p. 25. Ce groupe a été reconduit par une décision de la Commission du 25 mars 2009, JO 82 du 28.3.2009, p. 9.
(5) http://ec.europa.eu/information_society/activities/digital_libraries/hleg/hleg_meetings/index_en.htm
(6) http://ec.europa.eu/information_society/activities/digital_libraries/doc/hleg/orphan/guidelines.pdf  
(7) COM(2008) 466 final.
(8) Les réponses reçues peuvent être consultées à l'adresse suivante: http://circa.europa.eu/Public/irc/markt/markt_consultations/library?l=/copyright_neighbouring/consultation_copyright&vm=detailed&sb=Title . Voir l'annexe et les chapitres 1 et 2 pour l'analyse de ces réponses.
(9) COM(2009) 532 final.
(10) Dans certains États membres, comme la France, il a été expressément reconnu, lors de travaux préparatoires à des mesures législatives, qu'une solution devait être trouvée au niveau européen (cf. Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, Commission sur les œuvres orphelines, p. 19).
(11) JO C , , p. .
(12) COM(2010) 2020.
(13) COM(2010) 245 final.
(14) JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.
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