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Document 52006DC0851

Communication de la Commission - Enquête menée en vertu de l'article 17 du règlement (CE) n° 1/2003 sur les secteurs européens du gaz et de l'électricité (Rapport final) {SEC(2006) 1724}

/* COM/2006/0851 final */

52006DC0851

Communication de la Commission Enquête menée en vertu de l'article 17 du règlement (CE) n° 1/2003 sur les secteurs européens du gaz et de l'électricité (Rapport final) {SEC(2006) 1724} /* COM/2006/0851 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 10.1.2007

COM(2006) 851 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Enquête menée en vertu de l'article 17 du règlement (CE) n° 1/2003 sur les secteurs européens du gaz et de l'électricité (rapport final)

{SEC(2006) 1724}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Enquête menée en vertu de l'article 17 du règlement (CE) n° 1/2003 sur les secteurs européens du gaz et de l'électricité (rapport final)

1. INTRODUCTION

1. Des marchés de l'énergie qui fonctionnent bien et qui garantissent la sécurité de l'approvisionnement en énergie à des prix concurrentiels constituent un facteur-clé de la croissance et du bien-être des consommateurs dans l'Union européenne. Afin d'atteindre cet objectif, l'Union européenne a décidé d'ouvrir les marchés européens du gaz et de l'électricité à la concurrence et de créer un marché unique européen de l'énergie. L'ouverture des marchés a modifié substantiellement leur fonctionnement, créé de nouvelles possibilités pour le commerce et fait apparaître de nouveaux produits et services. La concurrence a eu pour effet dans un premier temps de faire baisser les prix de l'énergie en Europe suivant les mécanismes fondamentaux du marché.

2. Toutefois, si des progrès ont été réalisés, les objectifs de l'ouverture du marché ne sont pas encore atteints. En dépit de la libéralisation du marché intérieur de l'énergie, il subsiste des entraves au libre jeu de la concurrence. Des hausses importantes des prix de gros du gaz et de l'électricité qui ne s'expliquent pas totalement par des coûts plus élevés des combustibles primaires et des obligations de protection de l'environnement, des plaintes persistantes sur les barrières à l'entrée sur le marché et les possibilités limitées pour les consommateurs de choisir leur fournisseur ont amené la Commission à ouvrir une enquête sur le fonctionnement des marchés européens du gaz et de l'électricité en juin 2005. Cette enquête, fondée sur l'article 17 du règlement (CE) ° 1/2003[1] relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence du traité, visait à évaluer les conditions de concurrence sur ces marchés et à établir les causes des dysfonctionnements du marché indiqués. Le rapport final (communication de la Commission) résume les résultats de l'enquête, présentés en détail dans l'annexe technique[2] du rapport final.

3. Si l'enquête sectorielle a été lancée alors qu'il apparaissait que les consommateurs ne semblaient pas tirer profit de tous les avantages de la libéralisation, il convient de souligner d'emblée que l'enquête n'avait pas pour objet de décrire les progrès de la libéralisation ni les bénéfices qui en résultent. De grands progrès ont été réalisés et ce sont toujours les consommateurs des marchés où la libéralisation a été menée avec succès qui bénéficient du meilleur éventail de fournisseurs et de services. Ils paient d'ailleurs des prix reflétant, en moyenne, mieux les coûts que dans les autres États membres. La Commission reste par conséquent convaincue qu'il n'y pas de solution de rechange à la libéralisation. Il est donc crucial de faire en sorte que les directives existantes sur la libéralisation soient transposées de manière intégrale et effective[3]. Il reste cependant beaucoup à faire pour que les consommateurs puissent récolter tous les fruits de la libéralisation.

4. L'enquête sur le secteur de l'énergie a porté essentiellement sur les domaines où la concurrence ne fonctionne pas encore bien et dans lesquels il convient d'intervenir le plus rapidement afin que la libéralisation puisse porter ses fruits. Pour les besoins de l'enquête, ces domaines essentiels ont été regroupés dans les rubriques suivantes : (1) concentration du marché/pouvoir de marché, (2) verrouillage vertical du marché (en particulier, séparation insuffisante du réseau et de la distribution), (3) absence d'intégration du marché (et notamment absence de surveillance réglementaire des aspects transfrontaliers), (4) manque de transparence, (5) formation des prix, (6) marchés en aval (7) marchés d'équilibrage et (8) gaz naturel liquéfié (GNL).

5. Les défaillances constatées dans ces domaines essentiels requièrent une intervention urgente et, à cet égard, la priorité devrait être accordée à quatre actions : (1) réaliser un découplage effectif des activités de réseaux et de distribution, (2) combler les lacunes réglementaires (notamment pour les aspects transfrontaliers), (3) s'attaquer au problème de la concentration du marché et aux obstacles à l'entrée, et (4) améliorer la transparence du fonctionnement du marché. La Commission a présenté les propositions de réglementation qu'elle entendait faire dans ce domaine dans sa communication intitulée "Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité"[4], présentée parallèlement au présent rapport final.

1.1. Le contexte général

6. L'ouverture à la concurrence des marchés européens du gaz et de l'électricité fait partie intégrante de la politique énergétique européenne, qui vise à atteindre trois objectifs étroitement liés : un secteur de l'énergie concurrentiel et efficace, la sécurité des approvisionnements et un développement durable. Tous les consommateurs européens, à savoir les ménages, les utilisateurs commerciaux et les utilisateurs industriels, sont fortement tributaires d'un approvisionnement en énergie sûr et fiable à des prix concurrentiels. De même, il est crucial d'atteindre l'objectif de l'Union de protéger l'environnement, comme le montre l'engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de mettre en œuvre le protocole de Kyoto. Il convient donc de situer l'enquête sectorielle dans ce contexte général.

7. La Commission a exposé la politique énergétique européenne dans sa communication au Conseil européen de printemps 2006[5] concernant la stratégie renouvelée en faveur de la croissance et de la création d'emplois. Cette communication met la création d'une politique énergétique efficace et intégrée au cœur des priorités de la Commission, qui a d'ailleurs remis l'accent sur cet objectif dans le livre Vert intitulé “Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable”[6], qu'elle a adopté en mars 2006.

8. Le rapport final de l'enquête sectorielle est présenté parallèlement à l'analyse stratégique de la politique énergétique de l'UE[7] et au paquet Énergie, qui comprend la "communication sur les perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité" susmentionnée ainsi que le suivi du livre Vert. Il tient également compte des travaux entrepris au sein du groupe de travail à haut niveau sur la compétitivité, l'énergie et l'environnement, qui a souligné la nécessité d'améliorer le fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz dans son premier rapport, adopté en juin 2006.

9. Il ressort de tous ces documents que les trois objectifs que sont “la compétitivité, la sécurité des approvisionnements et le développement durable ” sont étroitement liés et complémentaires. Des marchés concurrentiels produisent les signaux nécessaires pour l'investissement, permettant d'assurer la sécurité de l'offre de la manière la plus efficace possible par rapport aux coûts. De la même manière, la création d'un marché intérieur concurrentiel permettra aux entreprises énergétiques de l'Union d'exercer leurs activités sur un marché plus vaste, et donc de mieux contribuer à la sécurité de l'approvisionnement. Parallèlement, les forces du marché contraignent les entreprises européennes à appliquer les méthodes de production les plus avantageuses sur le plan des coûts, ce qui, dans un environnement réglementaire adéquat, favorise un développement durable. Les consommateurs pourront choisir entre plusieurs fournisseurs et formes de contrat, et donc réduire leurs coûts d'électricité et adapter leur consommation à l'évolution du marché. Des prix concurrentiels reflétant les coûts contribueront à promouvoir l'efficacité énergétique, ce qui peut atténuer la dépendance à l'égard de fournisseurs extérieurs et qui contribue à atteindre l'objectif de l'Union d'un développement durable et de la sécurité des approvisionnements.

10. Le rapport final se concentre sur les aspects concurrentiels de la politique énergétique européenne et sur les obstacles qui subsistent à la création d'un marché unique européen de l'énergie. Outre le fait que cette question mérite en soi une analyse approfondie, cette priorité est également dictée par le cadre procédural (le règlement (CE) n° 1/2003) dans lequel l'enquête a été réalisée. Cela ne signifie pas, par exemple, que lorsque, dans des cas individuels, la Commission prend des mesures en application des règles communautaires de concurrence, elle ne tienne pas compte de l'objectif de sécurité des approvisionnements. Un marché intérieur concurrentiel constitue en effet un instrument-clé permettant d'atteindre ces objectifs. L'enquête sectorielle a toutefois porté prioritairement sur la concurrence.

1.2. La procédure aboutissant à l'adoption du rapport

11. L'enquête sectorielle sur les marchés européens de l'énergie a été lancée le 17 juin 2005. Des premiers résultats ont été présentés dans un document de réflexion publié le 15 novembre 2005. Suivant la publication du rapport préliminaire, le 16 février 2006, la Commission a lancé une consultation publique. Dans leurs contributions, les intéressés ont salué le rapport, appréciant d'une manière générale son objectivité et la richesse de l'information. La communication a reçu des commentaires d'entreprises du secteur considéré, fournisseurs historiques et nouveaux entrants, de régulateurs nationaux, d'autorités de la concurrence, de sociétés de conseil, de cabinets d'avocats, de négociants en énergie, des opérateurs de réseaux, de consommateurs, d'associations industrielles et d'organismes publics nationaux.

12. La majorité des intéressés confirment les conclusions, bien qu'avec certaines nuances quant à l'appréciation de la gravité de la situation et à son évolution positive ou négative. En ce qui concerne la marche à suivre, la Commission a reçu des marques de soutien aussi bien que d'opposition aux idées développées dans le rapport préliminaire, telles que la séparation des actifs, tandis que certains ont appelé à des solutions encore plus radicales. D'une manière générale, les opérateurs historiques, verticalement intégrés, n'étaient pas favorables à l'adoption de mesures supplémentaires, tandis que les consommateurs, négociants et nouveaux entrants, de même que les autorités, ont apporté leur appui à la demande d'initiatives législatives.

2. LES CONCLUSIONS

13. Les principales conclusions de l'enquête sectorielle peuvent, ainsi qu'il est indiqué plus haut, être classées en huit rubriques. S'il existe certaines différences manifestes entre les secteurs du gaz et de l'électricité, les nombreuses similarités et les relations entre ces secteurs plaident pour une présentation commune.

2.1. La concentration des marchés

14. Au niveau du commerce de gros, les marchés du gaz et de l'électricité restent nationaux et maintiennent en général la forte concentration qui existait avant la libéralisation. Cette situation permet d'exercer un pouvoir de marché.

15. Le commerce de gros du gaz ne s'est développé que lentement et les fournisseurs historiques restent dominants sur leurs marchés traditionnels en contrôlant dans une très large mesure les importations de gaz en amont et la production nationale. Ces fournisseurs historiques ne vendent qu'une faible part de leur gaz sur les places de marché gazières ("hubs"). Comme il n'existe que peu de nouveaux entrants sur les marchés de détail, le choix du consommateur reste limité et la pression concurrentielle réduite. La situation globale telle qu'elle se présente aux nouveaux concurrents potentiels est celle d'une dépendance à l'égard de fournisseurs historiques intégrés verticalement pour les services tout le long de la chaîne d'approvisionnement.

16. Bien que le négoce de l'électricité soit plus développé, les ventes sur les marchés de gros reflètent généralement le degré élevé de concentration de la génération d'électricité. L'analyse du négoce sur les places de marché de l'électricité montre que, sur certaines d'entre elles, les producteurs sont en mesure d'exercer leur pouvoir de marché en augmentant les prix, ce qui se reflète dans les préoccupations exprimées par un grand nombre de clients. L'analyse des positions prises sur les marchés à terme, globalement moins concentrés, révèle que les marchés de l'électricité sont tributaires d'un petit nombre de fournisseurs détenant des positions longues (c'est-à-dire qu'ils produisent plus qu'ils ne revendent). L'analyse des portefeuilles de production montre aussi que les principaux producteurs sont en mesure de retirer de la capacité afin d'augmenter les prix.

17. L'enquête a comporté une étude de la concentration dans le secteur de l'électricité[8]. Une analyse de la concentration heure par heure montre que, même en dehors des heures de pointe, les marchés restent hautement concentrés et que les niveaux de concentration, même sur les marchés les moins concentrés, sont très importants aux heures de pointe. L'analyse, fondée sur des mesures de la structure du marché pour chaque heure, fait en outre apparaître que sur certains marchés, les contrats de longue durée et, dans une moindre mesure, les besoins de capacité de réserve peuvent renforcer la concentration. Par ailleurs, l'analyse montre que le niveau actuel de la capacité d'interconnexion n'est pas suffisant pour réduire fortement la concentration.

2.2. Le verrouillage vertical

18. Le degré actuel de séparation entre les réseaux et la distribution a des répercussions défavorables sur le fonctionnement du marché et sur la propension à investir dans les réseaux. Cette particularité constitue un obstacle majeur à l'entrée de nouveaux concurrents et menace, en outre, la sécurité de l'approvisionnement.

19. Les nouveaux arrivants éprouvent souvent des difficultés à accéder aux réseaux de manière effective (dans le secteur du gaz, également aux installations de stockage et aux terminaux GNL) en dépit des dispositions existantes en matière de séparation. Les gestionnaires du réseau/de l'infrastructure sont soupçonnés de favoriser les entreprises faisant partie de leur groupe (discrimination). Du fait de l'intégration verticale, les décisions opérationnelles et d'investissement ne sont, en outre, pas prises dans l'intérêt de la gestion du réseau et de l'infrastructure, mais sur la base des intérêts de la société intégrée en matière de distribution (notamment la connexion au réseau des centrales concurrentes). Cette particularité compromet fortement la sécurité de l'approvisionnement.

20. Une autre forme de verrouillage vertical s'observe dans l'intégration de la production/des importations et des sociétés de distribution au sein d'un même groupe. Cette forme d'intégration verticale décourage les opérateurs traditionnels d'être actifs sur les marchés de gros et se traduit par des niveaux de liquidité sous-optimaux sur ces marchés. C'est ainsi notamment que la prévalence de contrats de fournitures de longue durée entre producteurs de gaz et importateurs traditionnels entrave considérablement l'accès de nouveaux concurrents aux marchés en amont. De la même façon, les installations de production d'électricité se trouvent aux mains d'un petit nombre de fournisseurs traditionnels ou sont indirectement contrôlés par ces derniers par l'intermédiaire de contrats d'achat d'électricité de longue durée, conclus avant la libéralisation, qui leur confèrent la maîtrise des inputs essentiels des marchés de gros. Une liquidité faible constitue une entrave à l'entrée sur les marchés du gaz comme sur ceux de l'électricité.

2.3. L'intégration des marchés

21. Les ventes transfrontalières ne représentent actuellement pas une pression concurrentielle importante. Les fournisseurs traditionnels ne pénètrent que rarement sur d'autres marchés nationaux en tant que concurrents. Une capacité transfrontalière insuffisante ou indisponible et des structures de marché différentes entravent l'intégration des marchés.

22. En ce qui concerne le gaz, la capacité disponible des gazoducs d'importation transfrontaliers est limitée. Les nouveaux entrants ne peuvent obtenir de la capacité de transit sur les lignes-clés et de la capacité d'entrée sur de nouveaux marchés. Bien souvent, la capacité primaire des gazoducs de transit est contrôlée par les fournisseurs traditionnels en vertu de contrats datant d'avant la libéralisation, qui ne sont pas soumis aux règles normales régissant l'accès des tiers. Les fournisseurs traditionnels ne sont guère incités à développer leur capacité pour servir les besoins de nouveaux venus. Ce phénomène est renforcé par des mécanismes inefficaces de gestion de la congestion, et il est donc difficile de se procurer même de petits volumes de capacité à court terme, interruptible, sur le marché secondaire. Bien souvent, les nouveaux venus n'ont même pas pu obtenir suffisamment de capacité lors d'augmentation de la capacité des gazoducs de transit. Les expansions ont généralement été faites sur mesure en fonction des besoins des activités de fourniture des fournisseurs traditionnels.

23. En ce qui concerne l'électricité, l'intégration est entravée par une capacité d'interconnexion insuffisante et le manque d'incitations adéquates à investir dans de la capacité supplémentaire afin d'éliminer les goulets d'étranglement existant de longue date. De surcroît, à certaines frontières, il existe toujours des réservations de capacité à long terme datant d'avant la libéralisation, en dépit de l'arrêt rendu par la Cour de justice européenne selon lequel ces réservations ne sont pas compatibles avec le droit communautaire, sauf lorsqu'elles ont été notifiées conformément à la directive 96/92/CE. Améliorer l'accès aux interconnecteurs existants exige de meilleures méthodes de gestion de la congestion. Toutefois, une meilleure utilisation de la capacité n'est souvent pas dans l'intérêt des gestionnaires de réseaux intégrés verticalement.

2.4. La transparence

24. Manque d'informations fiables et disponibles en temps réel sur les marchés.

25. Les utilisateurs de réseaux ont besoin de plus de transparence, allant au delà des normes minimales actuelles fixées par la législation communautaire. Les données sur la disponibilité du réseau, et notamment pour les interconnexions d'électricité et les gazoducs de transit, revêtent une importance particulière à cet égard. Les informations concernant le fonctionnement de la capacité de production et le stockage du gaz doivent également être diffusés plus largement. Pour l'électricité notamment, on observe que les règles régissant le comportement sur le marché et la surveillance diffèrent substantiellement d'un État membre à l'autre, car les exigences en matière de transparence ne sont guère harmonisées au niveau de l'Union européenne.

26. Pour que tous les acteurs du marché soient sur un pied d'égalité, il faut qu'ils puissent disposer d'informations dans les mêmes conditions et en temps utile. Il existe actuellement une asymétrie de l'information entre les fournisseurs traditionnels intégrés verticalement et leurs concurrents. Une amélioration de la transparence diminuerait les risques pour les nouveaux acteurs du marché, réduirait ainsi les barrières à l'entrée et renforcerait la confiance dans les marchés de gros ainsi que dans les signaux de prix. De toute évidence, il y a lieu d'éviter toute collusion sur la base des renseignements publiés et, si la confidentialité des informations commerciales est importante, il ne faudrait pas permettre qu'elle porte atteinte à la transparence en recevant une interprétation trop extensive.

2.5. La formation des prix

27. Une formation des prix plus efficace et plus transparente est nécessaire afin de faire profiter les consommateurs de tous les avantages de l'ouverture des marchés. Un grand nombre d'utilisateurs n'ont qu'une confiance limitée dans les mécanismes de formation des prix, tandis que des tarifs de fourniture réglementés au-dessous des prix du marché découragent l'arrivée de nouveaux concurrents.

28. Les contrats d'importation de gaz utilisent des indices de prix liés aux dérivés du pétrole (comme le fuel léger ou le fuel lourd) et les prix ont par conséquent suivi de près l'évolution des marchés pétroliers. Cette liaison donne lieu à des prix de gros qui ne réagissent pas aux fluctuations de l'offre et de la demande de gaz, ce qui compromet la sécurité de l'approvisionnement. On ne relève pas de tendance claire à l'application de mécanismes de formation des prix en fonction du marché dans les contrats d'importation à long terme. Il est essentiel d'assurer la liquidité afin d'améliorer la confiance à l'égard de la formation des prix dans les plates-formes de négoce du gaz, ce qui permettra de relâcher le lien avec le pétrole.

29. La formation des prix de l'électricité est complexe. Les hausses du prix des carburants primaires ont certainement joué un rôle dans l'évolution récente des prix de l'électricité, surtout pour les centrales marginales. Ce phénomène ne paraît toutefois pas expliquer totalement les récentes hausses de prix. De même, l'effet du système européen d'échange des droits d'émission de CO2 sur les prix de l'électricité n'est pas encore tout à fait clair.

30. Dans plusieurs États membres, les tarifs réglementés ont eu des effets défavorables sur le développement de marchés concurrentiels, car ils ont été fixés à des niveaux très faibles par rapport aux prix de gros et couvrent une grande partie du marché, ce qui entraîne effectivement une re-régulation. De la même façon, plusieurs États membres ont envisagé des mesures spéciales visant à réduire les notes d'électricité pour les industries à haute intensité d'énergie. Ces régimes doivent être compatibles avec les règles relatives aux ententes et aux aides d'État.

2.6. Les marchés en aval

31. La concurrence au niveau de la distribution est souvent limitée. La durée des contrats de fourniture passés avec les clients industriels et les sociétés distributrices locales peut avoir un effet non négligeable sur les perspectives d'autres fournisseurs de pénétrer avec succès sur le marché.

32. L'effet cumulé des contrats de longue durée, des contrats à durée indéterminée, des contrats contenant des clauses de reconduction tacite et de longs délais de résiliation peut être substantiel. L'analyse montre que la nature du lien existant à long terme entre les clients industriels et les fournisseurs traditionnels varie nettement d'un État membre à l'autre.

33. Les consommateurs requièrent des offres plus concurrentielles des nouveaux fournisseurs et regrettent l'absence d'offres de fourniture paneuropéennes. Le nombre d'offres concurrentielles que les consommateurs reçoivent est particulièrement insatisfaisant dans certains États membres qui se caractérisent par un degré de concentration élevé.

34. En ce qui concerne le gaz, les restrictions de l'utilisation que les consommateurs peuvent faire de leur gaz, combinées aux pratiques restrictives des fournisseurs en ce qui concerne les points de livraison, limitent la concurrence et empêchent ces consommateurs de réaliser des gains d'efficacité. Dans le secteur de l'électricité, certains contrats-types contiennent des restrictions qui peuvent elles aussi soulever des problèmes de concurrence.

2.7. Les marchés d'équilibrage/d'ajustement

35. Actuellement, les marchés d'équilibrage/d'ajustement favorisent souvent les exploitants traditionnels et créent des obstacles pour les nouveaux arrivants. La taille des zones d'équilibrage/d'ajustement actuelles est trop réduite, ce qui a pour effet d'alourdir les coûts et de protéger le pouvoir de marché des exploitants traditionnels.

36. En ce qui concerne le gaz, la taille réduite des zones d'équilibrage actuelles renforce la complexité et alourdit les coûts du transport du gaz en Europe. Les coûts se trouvent augmentés par les règles hautement complexes et divergentes d'une zone à l'autre et par l'obligation de réserver de la capacité à chaque point frontalier. Ces problèmes sont exacerbés par la dimension temps : plus la période d'équilibrage est courte, plus le risque de déséquilibre pour le fournisseur est élevé. Tous ces aspects élèvent des obstacles majeurs à l'entrée sur le marché de nouveaux fournisseurs, que les fournisseurs traditionnels intégrés verticalement n'ont guère intérêt à éliminer. De surcroît, les coûts d'équilibrage, les coûts de compensation et les pénalités ne sont pas transparents et il s'agit souvent de pénalités injustifiées, ce qui a pour effet de favoriser les fournisseurs traditionnels. Une scission effective est nécessaire afin de réaliser l'égalité des chances sur les marchés d'équilibrage et de réduire les barrières à l'entrée.

37. Dans le secteur de l'électricité, les marchés sur lesquels les exploitants de systèmes de transmission doivent acquérir de l'énergie d'ajustement et de réserve sont fortement concentrés, ce qui permet aux producteurs d'exercer leur pouvoir de marché. Ce phénomène peut élever des obstacles à l'entrée de nouveaux concurrents, qui sont confrontés à un risque non négligeable de prix de déséquilibre élevés et/ou de lourdes charges de réseau (dans la mesure où les coûts d'ajustement sont inclus dans les coûts de réseau). La concentration sur les marchés d'ajustement pourrait se trouver diminuée si la dimension géographique des zones de contrôle était élargie. L'harmonisation des régimes de marchés d'équilibrage constituerait une étape importante à cet égard, afin d'augmenter la taille des zones de contrôle, d'améliorer l'intégration des marchés et de simplifier le commerce. Dans certains États membres, la relation structurelle entre les gestionnaires de réseau de transport (GRT) et les sociétés de production liées les incite à acheter une capacité de réserve excessive et/ou à payer des prix élevés, ce qui favorise leurs sociétés de production. Les résultats indiquent que le volume des réserves de capacité achetées diffère substantiellement d'un GRT à l'autre.

2.8. Les marchés du GNL

38. Les fournitures de GNL élargissent la base de distribution en amont de l'Europe et sont donc importantes à la fois pour la sécurité des approvisionnements et la concurrence entre fournisseurs en amont. Le potentiel des fournitures de GNL de favoriser les marchés en aval moins concentrés doit encore être réalisé.

39. Traditionnellement, ce sont les exploitants nationaux traditionnels qui importent le GNL et qui possèdent également les terminaux de GNL, situation qui a empêché les importations de GNL de renforcer la concurrence en aval. Des tendances plus récentes semblent toutefois indiquer qu'une plus grande part de la capacité va aux nouveaux venus et aux producteurs eux-mêmes. Cette évolution pourrait avoir un effet favorable sur la concurrence en aval, sauf si ces effets se trouvent inhibés par des règles ou un comportement anticoncurrentiel. Des investissements substantiels ont été réalisés dans les terminaux de GNL et devraient se poursuivre dans les années qui viennent. Les investissements dans certains terminaux de GNL ont bénéficié d'une exemption des obligations en matière d'accès des tiers, selon un critère appliqué par les régulateurs nationaux sous la surveillance de la Commission. Ce critère vise à trouver un équilibre entre les incitations ex ante à investir et la concurrence une fois que l'investissement a été réalisé. Si l'expérience se révèle largement positive, des améliorations restent possibles.

3. LES MESURES CORRECTIVES

40. Afin de remédier aux dysfonctionnements du marché relevés dans l'enquête sectorielle et de renforcer nettement le jeu de la concurrence, il est essentiel d'appliquer des solutions à la fois concurrentielles et fondées sur la réglementation. Le respect du droit de la concurrence peut jouer un rôle non négligeable à cet effet, mais ne suffit pas pour ouvrir les marchés et remédier à toutes les défaillances que l'enquête sectorielle a fait apparaître : un certain nombre de mesures réglementaires sont donc elles aussi indispensables.

3.1. L'application du droit de la concurrence

41. La Commission doit faire pleinement usage des pouvoirs qui lui sont conférés par les règles en matière d'ententes et de positions dominantes (articles 81, 82 et 86 CE), de contrôle des concentrations (règlement (CE) n° 139/2004)[9] et de contrôle des aides d'État (articles 87 et 88 CE) afin de maximiser l'effet des mesures qu'elle prend afin de faire respecter la réglementation. La Commission poursuit résolument les infractions au droit de la concurrence communautaire (règles réprimant les ententes illégales et les abus de position dominante) là où l'intérêt communautaire l'exige, en étroite coopération avec les autorités nationales de la concurrence.

3.1.1. La concentration du marché

42. La concentration du marché constitue une source de préoccupation majeure pour le succès du processus de libéralisation . Le pouvoir de marché des monopoles existant avant la libéralisation n'est pas encore érodé, ce qui rend une intervention de la Communauté en vertu du règlement sur les concentrations cruciale pour éviter que la structure concurrentielle ne se détériore davantage sur les marchés considérés qui, actuellement, sont tout au plus de dimension nationale. Dans des affaires récentes de concentration, des mesures correctives telles que des cessions d'actifs, des cessions de contrats et/ou de gaz ont été appliquées. Par ailleurs, l'effet de contrats en amont de longue durée sur la concentration en aval paraît constituer une question essentielle.

43. Les programmes de cession d'énergie (tels que les mises aux enchères de centrales électriques virtuelles et les programmes de cession de gaz) permettent de développer la liquidité du marché et d'améliorer l'accès à celui-ci. De telles mesures correctives permettent d'éliminer les problèmes de concurrence, non seulement dans le secteur des concentrations, mais également dans celui des ententes et positions dominantes. Pour exprimer tous leurs effets, ces mesures doivent être bien conçues et de grande ampleur. Les autorités de la concurrence et les autorités de régulation au niveau national ont acquis une expérience substantielle de ces programmes (notamment en Espagne, en France, en Autriche et en Allemagne), de même que la Commission européenne (dans les affaires de concentration), ce qui leur permet d'éviter les chausse-trapes et de rendre ces mesures efficaces. En ce qui concerne le gaz, ces programmes de cession présentent l'avantage supplémentaire qu'ils pourraient bien améliorer la liquidité des plates-formes d'échange, ce qui permet l'apparition de signaux de prix non faussés par la liaison des prix du gaz et du pétrole.

44. Dans certaines circonstances, le droit de la concurrence permet en outre l'application de mesures structurelles plus poussées à titre de mesures correctives dans les infractions aux règles de concurrence. C'est le cas lorsque les mesures correctives de nature comportementale seraient moins efficaces pour faire cesser l'infraction, que la structure de l'entreprise entraîne un risque important que l'infraction ne perdure ou ne soit répétée ou que des mesures correctives de nature comportementale devraient être plus contraignantes[10].

3.1.2. Le verrouillage vertical

45. Chaque fois que des infractions au droit de la concurrence sont facilitées par l'intégration verticale de l'offre, de la production et de l'infrastructure, ainsi que par une séparation insuffisante, la Commission doit utiliser pleinement les pouvoirs dont elle dispose pour prévenir tout abus à l'avenir.

46. L'enquête sectorielle a également confirmé qu'il fallait analyser en priorité, dans l'examen de certains dossiers au regard du droit de la concurrence, la liaison verticale des marchés par des contrats en aval de longue durée et fournir au besoin des orientations. Lorsque de tels contrats, conclus par des entreprises dominantes, ferment le marché, il peut y avoir infraction aux articles 81 ou 82 CE, à moins qu'il n'y ait des gains d'efficacité en contrepartie dont profitent les consommateurs[11]. De la même façon, les contrats d'achat dans le secteur de l'électricité peuvent avoir des effets de verrouillage.

47. De surcroît, le fait qu'un petit nombre de fournisseurs traditionnels détiennent la plupart des contrats d'importation de gaz est l'une des raisons essentielles pour lesquelles la concurrence ne commence pas à jouer ensuite au niveau du négoce. Si cette particularité ne remet pas en cause les contrats en amont existants et futurs, il convient de surveiller leurs effets sur les marchés en aval.

3.1.3. L'intégration des marchés

48. Le verrouillage peut également se produire à d'autres niveaux de la chaîne de valeur, et principalement en ce qui concerne l'accès à l'infrastructure (réseaux de transmission et de distribution et/ou installations de stockage), surtout dans les cas où se pose la question de l'accès transfrontalier, ce qui empêche l'intégration des marchés. Cet accès peut être bloqué par des contrats de transmission de longue durée et le risque d'accumulation de capacités qu'ils comportent. Toute action dans ce domaine doit comprendre une analyse des effets des contrats de longue durée antérieurs à la libéralisation sur la concurrence et de leur compatibilité avec les règles de concurrence.

49. Par ailleurs, l'absence ou le report des investissements par les sociétés de transmission appartenant à des groupes verticalement intégrés qui incluent des sociétés de fourniture sont une autre source de préoccupation non négligeable. Il convient de rappeler qu'une autorité nationale de la concurrence a constaté qu'un exploitant de réseau intégré verticalement a délibérément bloqué un projet d'investissement au bénéfice de son département de fourniture en privant les concurrents d'un accès à une capacité plus importante[12].

50. Le cloisonnement des marchés constitue toujours l'un des obstacles les plus graves à l'intégration des marchés. L'action des autorités de la concurrence doit toujours porter en priorité sur toute collusion entre fournisseurs traditionnels, de manière à refléter une priorité générale de la Commission, qui entend combattre les tentatives des entreprises de coordonner leur action plutôt que de se faire concurrence.

3.2. Les problèmes structurels et la création d'un environnement réglementaire favorable à la concurrence

51. Les conclusions de l'enquête sectorielle permettront à la Commission de centrer son intervention sur les problèmes les plus graves relevés dans le rapport. Elle pourra aussi définir plus facilement des mesures efficaces permettant de résoudre les problèmes de concurrence décelés dans différents cas concrets.

52. Toutefois, il faudra aborder parallèlement des questions essentielles touchant à la structure du marché et à l'environnement réglementaire , afin de remédier aux dysfonctionnements du marché qui ont été mis en lumière par l'enquête.

L'enquête sectorielle relève les défaillances fondamentales suivantes dans la structure concurrentielle des marchés de l'électricité et du gaz tels qu'ils existent actuellement :

- conflits d'intérêts structurels: conflits d'intérêts systémiques causés par une séparation insuffisante entre les réseaux et les parties du secteur soumises à la concurrence;

- lacunes dans l'environnement réglementaire: il subsiste un déficit réglementaire , en particulier pour les questions transfrontalières. Les systèmes réglementaires n'assurent actuellement qu'une couverture imparfaite de tous les cas de figure;

- un manque chronique de liquidité , sur les marchés de gros de l'électricité comme du gaz : nos marchés manquent de vitalité et les monopoles antérieurs à la libéralisation conservent leur pouvoir de marché;

- un manque général de transparence dans le fonctionnement du marché dans le secteur considéré.

La Commission examine diverses options possibles en matière d'intervention réglementaire au niveau de la Communauté dans sa communication intitulée "Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité". Les conclusions de l'enquête sectorielle et les défaillances énumérées ci-après confirment l'analyse présentée par la Commission dans cette communication.

3.2.1. La séparation

53. L'enquête sectorielle confirme qu'il est essentiel de résoudre le conflit d'intérêts inhérent à l'intégration verticale des activités de distribution et de réseaux, qui s'est traduit par un manque d'investissements dans l'infrastructure et par une discrimination. Il est crucial de faire en sorte que les propriétaires et/ou exploitants de réseaux ne soient pas dissuadés d'agir par les intérêts de leurs sociétés de fourniture. C'est un point particulièrement important à un moment où l'Europe a besoin d'investissements considérables pour assurer la sécurité des approvisionnements et créer des marchés intégrés et concurrentiels.

54. À cette fin, il est indispensable de renforcer nettement la séparation, qui est actuellement insuffisante. Cela permettrait à son tour de faciliter la coopération entre gestionnaires de réseaux.

55. Il est démontré économiquement que la séparation de la propriété constitue le moyen le plus efficace pour garantir le choix aux consommateurs d'énergie et pour encourager l'investissement. Ceci est dû au fait que les entreprises de réseau ne sont pas influencés par des intérêts divergents de la génération ou de la fourniture dans leurs décisions d'investissement. Cela permet également d'éviter une réglementation trop détaillée et complexe et d'imposer des charges administratives disproportionnées. L'approche fondée sur un gestionnaire de réseau indépendant améliorerait la situation mais exigerait une réglementation plus détaillée, contraignante et couteuse et elle serait moins efficace pour contrecarrer les éléments qui découragent l'investissement dans les réseaux.

56. De surcroît, la consultation publique n'a pas fait apparaître d'effets de synergie importants liés à l'intégration verticale. L'expérience montre même que lorsque la séparation de la propriété a été mise en œuvre, à la fois l'activité de réseau et l'activité de (production et de) fourniture continuent à prospérer après la séparation.

3.2.2. L'environnement réglementaire

57. Si le découplage de la propriété permettrait dans une mesure non négligeable d'atténuer les problèmes de pouvoir de marché et d'absence de liquidité, il est manifeste que d'autres mesures seront indispensables. Comme le confirme l'enquête sectorielle, l'Europe a besoin d'un renforcement substantiel des pouvoirs des régulateurs et d'une meilleure coordination au niveau européen . Cette constatation est conforme aux conclusions présentées par la Commission dans sa communication intitulée “Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité”. Seul un cadre réglementaire renforcé permet de mettre en place les conditions de transparence, de stabilité et de non-discrimination dont le secteur a besoin pour que la concurrence puisse se développer et que les investissements puissent être réalisés.

58. Ce cadre renforcé doit comprendre les éléments fondamentaux suivants :

- un renforcement des pouvoirs de régulateurs nationaux de l'énergie indépendants,

- un renforcement de la coordination entre les régulateurs nationaux de l'énergie,

- un renforcement de la coopération entre les gestionnaires de réseau (GRT) et

- une uniformisation plus poussée de la réglementation sur les questions transfrontalières.

59. Une amélioration de la coordination entre régulateurs nationaux de l'énergie, avec un renforcement du rôle de la surveillance de la Communauté pour défendre les intérêts du marché intérieur, notamment en ce qui concerne les questions transfrontalières et les points les plus critiques pour l'entrée sur le marché, sera nécessaire afin de surmonter l'actuel écart réglementaire transfrontalier qui ne peut être comblé par l'application des seules règles de concurrence. La communication intitulée "Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité" examine diverses options possibles en matière de mesures réglementaires.

3.2.3. Le manque chronique de liquidité

60. L'application de règles plus strictes en matière de découplage et l'amélioration de l'environnement réglementaire, en particulier pour les questions transfrontalières, devraient réduire substantiellement, à moyen terme, les problèmes de pouvoir de marché et de manque de liquidité d'une manière durable, permettant d'apporter une offre supplémentaire sur des marchés nationaux concentrés. Il subsiste toutefois des préoccupations graves à court terme en ce qui concerne le manque de liquidité et le maintien d'un pouvoir de marché sur les marchés de gros, qui se traduisent par des prix plus élevés sur les marchés de détail, alors que la libéralisation doit être pleinement réalisée au 1er juillet 2007.

61. Comme il est indiqué plus haut, des mesures visant à faire respecter le droit de la concurrence constituent un instrument important pour s'attaquer à toute pratique anticoncurrentielle dans ce domaine, mais elles ne seront peut-être pas suffisantes. Comme les niveaux de concentration sur les marchés du gaz et de l'électricité restent élevés, reflétant souvent des monopoles préexistants, les régulateurs nationaux de l'énergie devraient analyser les conditions régnant sur leurs marchés respectifs en coopération avec les autorités de la concurrence et faire des propositions appropriées. Les mesures prises dans le passé par un certain nombre d'États membres comprennent des programmes de cession (comme les ventes aux enchères de centrales électriques virtuelles et les programmes de cession de gaz).

62. Il convient de rappeler, en outre, que certains États membres ont instauré, dans leur législation nationale, des plafonds à la propriété des installations de production d'électricité et à la maîtrise des contrats en amont à long terme pour le gaz (importations et production nationale), mesure considérée comme efficace pour réduire rapidement le pouvoir de marché. Pour l'électricité, de telles mesures peuvent comporter soit la cession, soit l'échange d'actifs de centrales électriques à l'échelle européenne. Pour le gaz, il peut s'agir de cessions et d'échanges de contrats, ou encore de cessions d'installations de production nationales, mesures qui ont été appliquées dans des affaires de concentration récentes. Élargir les zones des GRT de petite taille et instaurer des procédures d'appels d'offres ouvertes et plus souples pour l'énergie d'équilibrage/d'ajustement pourraient réduire les niveaux de concentration actuellement très élevés sur les marchés d'équilibrage et éliminer des obstacles à l'entrée, ce qui pourra à son tour se traduire par des effets favorables sur les marchés de gros.

63. De surcroît, l'enquête sectorielle a fait ressortir qu'il fallait améliorer l'accès au marché par des investissements dans de nouvelles infrastructures de production et d'importation de gaz, ainsi que par une application stricte de clauses de "Use-It-Or-Lose-It" pour l'infrastructure et des sites de production adéquats.

3.2.4. Le manque de transparence du fonctionnement des marchés

64. Il est admis d'une manière générale que l'accès à l'information sur le marché devrait encore être amélioré. Toutes les données utiles à cet effet pourraient être publiées régulièrement et rapidement. Les exceptions éventuelles devraient être très strictement limitées à ce qui est nécessaire pour réduire le risque de collusion. Des orientations ainsi qu'une surveillance et finalement l'adaptation de la réglementation pourraient servir à renforcer encore la transparence dans le secteur du gaz et de l'électricité. De premières propositions à cet effet sont esquissées dans la communication "Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité".

3.2.5. Autres questions importantes

65. Outre ces quatre domaines fondamentaux, d'autres aspects d'un environnement de marché favorable à la concurrence doivent être examinés. Parmi ceux-ci, la Commission suggère certaines initiatives réglementaires au niveau de la Communauté dans sa communication "Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité".

66. Des tarifs de détail réglementés peuvent avoir des effets de distorsion substantiels et empêcher dans certains cas la création de marchés libéralisés. Il est crucial d'examiner l'effet des tarifs de distribution réglementés qui subsistent sur le développement de la concurrence et d'éliminer les distorsions[13].

67. Afin d'éviter que l'accès à de nouvelles infrastructures ne soit indûment restreint, la Commission devrait continuer à veiller à ce que les exemptions aux dispositions en matière d'accès ne nuisent pas au développement de la concurrence . Il importe de continuer à vérifier les projets cas par cas, l'application stricte des principes de la concurrence devant réaliser un équilibre adéquat entre les incitations à investir ex ante et une concurrence ex post, et de simplifier les procédures d'exemption.

68. Afin de réaliser un réseau européen unique dans la perspective de l'utilisateur, une harmonisation appropriée de la conception du marché est indispensable, en particulier en ce qui concerne les méthodes qui ont un effet sur le commerce transfrontalier . Il convient d'intervenir lorsque la capacité est insuffisante, afin de développer la capacité des interconnecteurs, condition sine qua non de l'intensification de la concurrence et de l'intégration des marchés. Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable de renforcer la coopération entre régulateurs nationaux, ce qui devrait inciter les GRT à travailler en coopération transfrontalière dans un cadre procédural bien défini.

69. Pour augmenter la capacité de transmission de gaz sur le marché , il est essentiel de clarifier la situation juridique des contrats de longue durée correspondants datant d'avant la libéralisation au regard de la deuxième directive sur le gaz[14], qui sont d'ores et déjà soumis à des règles strictes de "Use-It-Or-Lose-It" et aux règles du droit de la concurrence.

70. D'autres changements sont nécessaires quant à la méthode d'attribution d'une capacité d'interconnecteur limitée . Pour l'électricité, des mises aux enchères implicites un jour à l'avance ou d'autres mesures équivalentes devraient être encouragées autant que possible afin d'exploiter les interconnecteurs à leur capacité maximum. Les GRT devraient également être incités à maximiser le volume de capacités transfrontalières mis sur le marché[15].

71. Afin de fournir des garanties suffisantes d'un accès effectif, il convient de revoir les modalités de l'accès des tiers au stockage du gaz afin de trouver un juste équilibre entre la nécessité d'un accès effectif et le maintien des incitations à développer de nouvelles capacités de stockage.

72. Un système de surveillance du négoce sur les marchés de gros (par exemple les bourses d'échange d'électricité) renforcerait la confiance des parties prenantes dans le marché et limiterait le risque de manipulation du marché. Les régulateurs devraient être habilités à collecter et à échanger des renseignements utiles à cet égard. Ils devraient avoir le pouvoir de recommander des dispositions visant à faire respecter la réglementation ou être habilités à prendre eux-mêmes de telles dispositions.

4. CONCLUSION

73. L'enquête sectorielle a permis de relever un certain nombre de défaillances graves qui empêchent les utilisateurs et les consommateurs européens de bénéficier pleinement des avantages de la libéralisation. Les conclusions viennent à l'appui de celles de la communication intitulée “Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité”, présentée par la Commission à la suite du livre Vert et lors de l'élaboration de l'analyse stratégique de la politique énergétique de l'Union européenne. Ces initiatives expriment les intentions de la Commission en matière de propositions de réforme réglementaires, qui visent à réaliser un marché intérieur de l'énergie qui contribue au développement durable, à la compétitivité et à la sécurité des approvisionnements. En outre et parallèlement, le présent rapport final tire lui aussi des conclusions en ce qui concerne les mesures d'application à prendre en vertu du droit communautaire de concurrence. Ces deux documents visent à découvrir et à éliminer les obstacles qui s'opposent à la création d'un marché unique européen de l'énergie, dans lequel les consommateurs bénéficieraient pleinement de l'ouverture des marchés à la concurrence.

[1] Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1), modifié par le règlement (CE) n° 411/2004 du Conseil (JO L 68 du 6.3.2004, p. 1).

[2] Document de travail de la Commission – SEC(2006) 1724.

[3] La Commission a ouvert des procédures d'infraction contre plusieurs États membres à cet égard – voir aussi la communication de la Commission sur les perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité, mentionnée ci-après.

[4] Communication de la Commission, Perspectives du marché intérieur du gaz et de l'électricité - COM(2006) 841.

[5] Il est temps de passer la vitesse supérieure – Rapport d'activité annuel sur la croissance et l'emploi, 25 janvier 2006

[6] COM(2006) 105 du 8.3.2006, SEC(2006) 317.

[7] Communication de la Commission : Une politique de l'énergie pour l'Europe - COM(2007) 1.

[8] Cette question fait l'objet d'un chapitre distinct dans l'annexe technique du rapport final.

[9] Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2005.

[10] Voir article 7, paragraphe 1, et considérant 12 du règlement (CE) n° 1/2003.

[11] L'analyse des contrats de longue durée tient compte des investissements à fonds perdus qui auraient été réalisés par les parties, voir les lignes directrices de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (JO C 101 du 27.4.2004, p. 97, point 44).

[12] L'autorité italienne de la concurrence a récemment pris des mesures pour interdire la tactique d'un exploitant historique visant à retarder l'expansion d'un important gazoduc d'importation.

[13] Pour le segment de marché des consommateurs résidentiels, il est nécessaire de trouver un équilibre adéquat entre la concurrence et les obligations de service public universel.

[14] Directive 2003/55/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JO L 176 du 15.7.2003, p. 57). Cette directive remplace la première directive sur le gaz.

[15] Ainsi, la capacité limitée gardée en réserve par certains GRT pour les situations de crise peut être mise sur le marché comme capacité interruptible et peut être rachetée au besoin, en utilisant par exemple les recettes provenant de la gestion de la congestion transfrontalière.

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