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Document 52002DC0441

Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen - L'état du marché interieur des services - Rapport présenté dans le cadre de la première phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services

/* COM/2002/0441 final */

52002DC0441

Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen - L'état du marché interieur des services - Rapport présenté dans le cadre de la première phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services /* COM/2002/0441 final */


RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN - L'ETAT DU MARCHE INTERIEUR DES SERVICES - Rapport présenté dans le cadre de la première phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services

TABLE DES MATIÈRES

Résumé

INTRODUCTION

I. Les frontières du Marché intérieur des services

A. Les frontières juridiques

1. Les difficultés relatives à l'établissement des opérateurs de services

2. Les difficultés relatives à l'utilisation d'inputs pour prester des services

3. Les difficultés relatives à la promotion des services

4. Difficultés relatives à la distribution des services

5. Les difficultés relatives à la vente des services

6. Les difficultés relatives à l'après-vente des services

B Les frontières non juridiques

1. Les difficultés relatives au manque d'informations

2. Les difficultés d'ordre culturel et linguistique

II. Les caractéristiques communes des frontières juridiques

A. Le caractère évolutif des frontières

1. Les pratiques administratives

2. La régionalisation des frontières

3. La mise en oeuvre des instruments communautaires

4. Les règles collectives non-étatiques

5. Le comportement des opérateurs

B. Le caractère horizontal des frontières

1. L'application d'un régime unique à l'établissement et à la prestation de services

2. L'insécurité juridique entourant la liberté d'établissement et la libre prestation de services

3. L'application du même type d'exigences dans des domaines différents

C. L'origine commune des frontières

1. Le manque de confiance mutuelle entre Etats membres

2. Les résistances à la modernisation des cadres juridiques nationaux

3. La protection d'intérêts économiques nationaux

III. L'impact des frontieres

A. Les effets en chaîne sur l'ensemble de l'économie et sur la compétitivité européenne

1. Le rôle clé des services dans l'économie

2. L'interdépendance des services

3. La demande de services transfrontaliers

4. Les coûts des frontières

5. Les pertes en termes de croissance et de performances de l'économie européenne

B. Les principales victimes

1. Les petites et moyennes entreprises

2. Les utilisateurs des services, en particulier les consommateurs

C. La faible crédibilité du Marché intérieur des services

1. La perception du Marché intérieur comme un espace risqué

2. Les stratégies de « l'arrangement »

3. Les stratégies du « marché noir »

CONCLUSIONS

ANNEXE

Avertissement

Le présent rapport a pour objet de présenter les difficultés concernant les activités de services entre Etats membres qui ont été perçues comme telles par les parties intéressées lors des consultations menées par la Commission et les Etats membres, ou qui ressortent de plaintes, de questions écrites et orales du Parlement, de pétitions au Parlement, ou d'études et enquêtes. Ces consultations, accompagnées par des études spécifiques, se poursuivront pour obtenir davantage d'informations, en particulier sur la situation des consommateurs dans le Marché intérieur des services.

Le rapport n'a pas pour objet :

- de se prononcer sur la compatibilité des mesures, à l'origine des difficultés, au regard du droit communautaire, en particulier des principes de la libre prestation des services et/ou de la liberté d'établissement ainsi que du droit communautaire dérivé. Ces mesures peuvent, en effet, être justifiées par des objectifs d'intérêt général tels que la protection de la santé, des consommateurs, des travailleurs ou de l'environnement. Le rapport ne préjuge pas de la position que prendra la Commission sur les plaintes en cours d'examen ou qui lui seraient adressées dans le futur. Certaines difficultés inventoriées peuvent déjà avoir été justifiées par la Cour ou, au contraire, condamnées par celle-ci. D'autres peuvent être couvertes par des instruments communautaires existant et découler de la mauvaise application de ces derniers, ou encore faire l'objet d'initiatives de la Commission visant à les régler;

- de déterminer le type de mesures à prendre pour résoudre les difficultés, en particulier, les besoins d'harmonisation ou d'adaptation des règles en vigueur ou les procédures d'infraction qu'il faudrait entamer à l'encontre de certains Etats membres.

Au cours de la deuxième phase de la mise en oeuvre de la stratégie pour le Marché intérieur des services, la Commission procédera à une évaluation juridique et économique en vue de déterminer les initiatives à proposer au niveau communautaire destinées à résoudre les difficultés rencontrées tant par les prestataires que par les destinataires de services. Cette évaluation se fera en consultation de toutes les parties intéressées, y compris les organisations de consommateurs.

Résumé

Le Conseil Européen de Lisbonne a adopté un programme de réformes économiques destiné à faire de l'Union Européenne, à l'horizon 2010, l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du Monde. Un élément clé de ce programme est la réalisation d'un Marché intérieur pour les services. Dans ce but, la Commission a adopté une « Stratégie pour le Marché intérieur des services » organisée en deux phases. Ce rapport, qui achève la première phase, dresse un inventaire aussi complet que possible des frontières qui subsistent dans le Marché intérieur des services. Ce rapport analyse aussi les caractéristiques communes de ces frontières et fait une première évaluation de leur impact économique.

La consultation à grande échelle sur laquelle se base ce rapport a impliqué le Parlement Européen, le Comité économique et social, le Comité des Régions, les Etats membres et les parties intéressées et s'est déroulée durant l'année 2001 et au début de l'année 2002. Ce rapport servira de fondement aux actions qui seront entreprises en 2003 dans le cadre de la seconde phase. En raison de l'interdépendance entre les différentes activités de services, ce rapport, conformément à la stratégie pour le Marché intérieur des services, adopte une approche horizontale plutôt que sectorielle. Le rapport couvre ainsi une large variété d'activités, par exemple, les services de conseil aux entreprises, de certifications, d'agences immobilières, d'ingénierie, de construction, de distribution, de tourisme, de loisirs ou de transports. En outre, puisque les difficultés que peuvent rencontrer un consommateur ou un prestataire à un moment donné de son activité peuvent avoir des conséquences négatives sur l'ensemble de l'activité transfrontalière, ce rapport identifie les difficultés tout le long des différentes étapes d'une prestation de services : de l'établissement du prestataire et l'utilisation des inputs nécessaires à la fourniture du service, en passant par la promotion et la distribution du service, jusqu'à la vente et l'après-vente du service. Le rapport couvre l'ensemble des difficultés perçues comme des obstacles par les prestataires et les utilisateurs de services mais ne se prononce pas à ce stade sur leur compatibilité avec le droit communautaire, cette question faisant l'objet de la deuxième phase de la stratégie qui traitera des solutions à apporter.

Un élément clé de l'état des lieux du Marché intérieur des services concerne la consommation des services. A cet égard, le rapport souligne que les destinataires des services, et plus particulièrement les consommateurs, sont les principales victimes des dysfonctionnements du Marché intérieur des services. Les consommateurs peuvent, notamment, être empêchés d'accéder ou d'acheter facilement des services dans d'autres Etats membres, ou vont en payer le prix fort, ou encore souffrent d'un manque de confiance pour acheter des services dans d'autres Etats membres. La deuxième phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services permettra d'approfondir le type et l'impact des difficultés auxquelles se heurtent les consommateurs de services en vue d'y apporter les solutions appropriées.

Les services sont les moteurs de la croissance économique.

La croissance économique repose essentiellement sur les services. Ils représentent 70% du PNB et des emplois dans la majorité des Etats membres. Dans les économies modernes, les services apparaissent dans tous les domaines, y compris dans les secteurs manufacturiers traditionnels comme l'industrie automobile qui offrent des services financiers, de consulting, de formation ou de location. Plusieurs facteurs liés à la demande ont contribué au développement d'un nombre toujours croissant de services différents allant des secteurs les plus traditionnels des services tels que les transports, le commerce de détail, les télécommunications, le tourisme, les professions réglementées à des services développés plus récemment tels que la gestion des déchets, la conservation de l'énergie, les services aux entreprises, y compris la consultation en management, le traitement des données et les essais et analyses techniques.

Le potentiel de croissance des services ne peut cependant pas être pleinement réalisé du fait que le développement des activités de services entre Etats membres reste entravé, au sein du Marché intérieur, par un grand nombre de frontières.

Les frontières du Marché intérieur affectent plus sévèrement les services que les marchandises...

Les services sont beaucoup plus exposés et affectés que les marchandises par les frontières qui subsistent dans le Marché intérieur. En raison de son caractère complexe, immatériel, et du fait qu'elle repose sur le savoir-faire et les qualifications du prestataire, la fourniture des services est souvent soumise à des règles beaucoup plus complexes couvrant l'ensemble de l'activité. En outre, si certains services peuvent être fournis à distance, de nombreux autres nécessitent encore la présence permanente ou temporaire du prestataire de services dans l'Etat membre où le service est fourni. Alors que dans le cas des marchandises, ce sont ces dernières qui sont exportées, dans le cas de la prestation de services ce sont souvent le prestataire lui-même, son personnel, son équipement et son matériel qui doivent franchir les frontières nationales. En conséquence, certaines étapes, voire toutes, de la prestation de services peuvent se dérouler dans l'Etat membre de prestation et peuvent faire l'objet de règles différentes de celles de l'Etat membre d'origine du prestataire. Cela signifie également que les difficultés rencontrées lors de chacune de ces étapes ne peuvent être considérées isolément et que c'est leur impact cumulé qui doit être pris en compte.

...et produisent leurs effets à chaque étape de la prestation de services

Les obstacles à l'établissement du prestataire dans un autre Etat membre peuvent résulter, par exemple, d'exigences d'autorisations ou de qualifications professionnelles ou de restrictions sur la forme juridique du prestataire de services ou l'association entre des professions différentes. Les contributions ont fait ressortir plus particulièrement les difficultés relatives au nombre d'autorisations requises, à la longueur et à la bureaucratie des procédures, au pouvoir discrétionnaire des autorités locales et à la duplication de conditions déjà remplies par le prestataire dans son Etat membre d'origine. Ensuite, les problèmes auxquels sont confrontés les prestataires lorsqu'ils s'engagent dans des activités transfrontalières concernent l'utilisation des inputs nécessaires à la fourniture du service. A cet égard, une variété de difficultés apparaissent concernant le détachement des travailleurs, l'utilisation par le prestataire d'équipements ou de matériels ou l'utilisation de services professionnels transfrontaliers. La promotion des services est rendue particulièrement difficile par les règles restrictives et détaillées relatives aux communications commerciales qui vont de l'interdiction pure et simple de la publicité dans le cas de certaines professions à un contrôle strict de leur contenu dans d'autres cas. La profonde divergence des législations des Etats membres à cet égard empêche les activités de promotion pan-européenne d'un grand nombre d'activités de services.

La distribution des services au-delà des frontières nationales se heurte à une grande variété d'obstacles, y compris l'obligation pour le prestataire d'être établi ou résident dans l'Etat membre où le service est fourni, ce qui empêche la prestation de services depuis le lieu d'origine du prestataire. En outre, les exigences relatives aux autorisations, enregistrements, ou déclarations se combinent avec celles relatives aux qualifications professionnelles et avec d'autres conditions d'exercice des activités très différentes de celles de l'Etat membre d'origine du prestataire. Les problèmes qui sont directement ou indirectement liés à la vente transfrontalière des services découlent des différences en matière de droit des contrats, de prix fixés ou recommandés pour certains services, des obligations en termes d'imposition et de remboursement de la TVA soumise dans les Etats membres à des taux différents, des systèmes de classification et des procédures différentes. Finalement, au moment de l'après-vente des services, les prestataires peuvent aussi être confrontés à des difficultés particulières en raison des divergences entre les Etats membres relatives à la responsabilité et à l'assurance professionnelles, ou aux garanties financières, ou à des difficultés concernant les services d'entretien ou de réparation lorsqu'ils nécessitent le détachement transfrontalier de personnel. En fin de compte, tous les prestataires de services sont confrontés, à une étape ou l'autre de leur activité à des frontières. Le plus souvent, plusieurs étapes, voire même l'ensemble des étapes, sont concernées. Dans les pays candidats, des problèmes ont également été signalés ce qui multipliera les difficultés lors de l'élargissement.

...y inclus à l'égard des consommateurs

Manque de transparence ou de confiance, règles divergentes entre Etats Membres : tous ces éléments ont pour effet d'empêcher les consommateurs, qui constituent une grande partie de la demande, de bénéficier pleinement des avantages du Marché intérieur et de jouer leur rôle en tant que partie constituante du marché. Du côté des consommateurs, la difficulté d'obtenir des informations, les problèmes d'accès aux services transfrontaliers, et la faible protection contre, par exemple, des comportements abusifs, contribuent à une fragmentation du Marché intérieur dans le secteur des services.

Le manque d'information, les frontières d'ordre culturel et linguistique viennent s'ajouter à ces difficultés.

Les opérateurs économiques et les consommateurs ont des difficultés pour obtenir des informations précises sur le cadre réglementaire, les autorités compétentes et les procédures dans les autres Etats membres. En outre, les entreprises et les consommateurs ne sont souvent pas conscients du fait que les principes du Marché intérieur leur permettent de contester des mesures qui ne sont ni justifiées ni proportionnées et de demander le respect de leur droit de prester et de recevoir des services. La consultation a également mis en évidence la question des frontières linguistiques et culturelles et la tendance d'un grand nombre d'entreprises à continuer à penser seulement en terme de marché national, ce qui a pour effet de rendre la vie particulièrement difficile aux consommateurs.

Les frontières ont des caractéristiques communes à travers toutes les activités de services.

Malgré leur apparente diversité, les frontières ont de nombreux points communs tant dans leur origine que dans leurs effets. Il est manifeste que si les précédents programmes relatifs au Marché intérieur ont permis, avec succès, de faire disparaître les frontières physiques et techniques, ces dernières ont été remplacées par des « frontières juridiques » provenant de règles nationales, régionales et locales. En outre, de nouvelles frontières découlent du comportement des administrations et notamment de leur pouvoir discrétionnaire ou de procédures lourdes et non transparentes qui avantagent les opérateurs locaux. Un certain nombre de difficultés découlent de la mauvaise application de certains instruments de l'Union européenne. A l'évidence, les Etats membres manquent de confiance à l'égard de la qualité des régimes juridiques des autres Etats membres et sont réticents à modifier, même lorsque c'est nécessaire, leurs propres régimes pour faciliter les activités transfrontalières.

Beaucoup des frontières identifiées sont horizontales et affectent toute une série d'activités de services. Un point commun entre ces frontières est que les Etats membres appliquent un régime unique tant aux prestataires de services qui veulent s'établir sur leur territoire qu'à ceux qui veulent prester leurs services depuis leur pays d'origine. Pour ces derniers, qui sont déjà soumis aux règles et au contrôle de leur pays d'établissement, il peut en résulter une duplication des règles et des contraintes disproportionnées. Un autre trait commun est l'incertitude juridique qui découlent de l'application au cas par cas, par les autorités nationales, d'exigences peu claires dont le résultat est souvent imprévisible.

Les frontières du Marché intérieur des services ont un impact sur l'ensemble de l'économie...

L'impact des frontières identifiées dans ce rapport se fait sentir dans tous les secteurs de l'économie. Les obstacles auxquels est confronté un service donné ont un effet en chaîne sur les autres activités de services et sur les activités industrielles en raison de l'intégration des services dans l'activité manufacturière. Les services sont étroitement entremêlés les uns aux autres. Ils sont souvent fournis et utilisés de manière combinée avec d'autres et constituent des input pour chaque étape de l'activité d'un autre service. Par exemple, un commerce de détail établi dans un Etat membre qui veut s'établir dans d'autres Etats membres peut vouloir utiliser les services d'agents immobiliers, de décorateurs, d'architectes, d'ingénieurs, d'entreprises en bâtiment, de banques, de compagnies d'assurance avec lesquels il a l'habitude de travailler dans son pays d'origine. Dans la plupart des cas, cela s'avère impossible du fait des difficultés auxquelles est confronté chacun de ces prestataires de services, par exemple le fait qu'ils ne disposent pas des autorisations ou des qualifications requises dans les autres Etats membres. L'établissement des commerces de détail en question pourra en être retardé ou rendu plus onéreux et difficile, ce qui aura un impact négatif sur les services qu'ils offrent eux-mêmes aux producteurs et aux consommateurs.. L'interdépendance des services nécessite de procéder, au cours de la deuxième phase, à une évaluation économique plus approfondie des difficultés identifiées qui ne se limite pas à l'impact sur une activité donnée, mais qui appréhende les effets sur l'ensemble de l'économie.

Les frontières du Marché intérieur des services reviennent très cher aux entreprises engagées dans des activités entre Etats membres. Un prestataire de services qui veut pénétrer un marché en s'établissant ou en offrant des services transfrontaliers devra supporter des coûts importants d'assistance juridique. Une telle assistance est indispensable pour examiner dans quelle mesure ce prestataire peut exporter son business model ou si certaines de ses composantes, comme sa stratégie de promotion, doivent être adaptées. Ces coûts s'ajoutent à ceux engendrés par les différences linguistiques et culturelles en termes d'habitudes commerciales et de consommation. Compte tenu du fait que des obstacles peuvent affecter chaque étape de la prestation de services, ces coûts vont s'accumuler tout le long de l'activité. En outre, les coûts liés aux adaptations à apporter au business model vont s'ajouter à ceux de l'assistance juridique. L'impossibilité d'utiliser le même business model dans l'ensemble du Marché intérieur empêche les entreprises de tirer avantage des économies d'échelle. La conséquence de tous ces effets négatifs est une mauvaise allocation des ressources de l'entreprise qui limite les investissements dans l'innovation et la différenciation des services. Etant donné le rôle clé des services, ce sont les performances de l'économie dans son ensemble qui sont affectées.

...mais ce sont surtout les PME et, en fin de compte, les consommateurs qui sont particulièrement affectés.

Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle important dans le domaine des services, mais leurs possibilités de croissance au-delà des frontières nationales sont sérieusement compromises. Elles ont plus de mal que leurs concurrentes plus grandes à faire face aux frontières notamment en raison du fait que les frais d'assistance juridique sont fixes et ne sont pas proportionnés à la taille de l'entreprise. En conséquence, les PME seront découragées de s'engager dans des activités transfrontalières ou seront placées dans une situation de concurrence désavantageuse par rapport aux opérateurs locaux. Les PME originaires des petits Etats membres ou des Etats membres périphériques semblent être particulièrement pénalisées. En outre, les PME peuvent devenir une cible intéressante à acquérir pour de plus grandes entreprises du fait de leur connaissance locale, de leur expérience et de leur potentiel d'innovation.

Ce sont cependant les utilisateurs de services et en particuliers les consommateurs qui paient le prix de ces restrictions en n'étant pas en mesure de profiter d'une plus grande variété de services, de meilleure qualité et à un prix plus compétitif. Finalement, cette situation a également un effet sur leur qualité de vie. Ils sont directement affectés lorsque des exigences administratives ou réglementaires les empêchent d'utiliser des services en provenance d'autres Etats membres et ils sont indirectement affectés lorsque les frontières existantes dissuadent les entreprises d'offrir leurs services à des clients installés dans d'autres Etats membres ou entraînent des prix plus élevés ou des services moins diversifiés ou de moins bonne qualité. Finalement, les citoyens européens souffrent du manque à gagner en termes de création d'emplois dans l'ensemble du secteur des services.

Ces frontières doivent disparaître rapidement pour répondre à l'objectif de réforme économique.

Dix ans après ce qui aurait dû être l'achèvement du Marché Intérieur, force est de constater qu'il y a encore un grand décalage entre la vision d'une Europe économique intégrée et la réalité dont les citoyens européens et les prestataires de services font l'expérience. La gamme des frontières perçues comme affectant la prestation et l'utilisation des services, bien plus large que prévue, agit comme un frein sur l'économie européenne et sur son potentiel en termes de croissance, de compétitivité et de création d'emplois.

Il est clair que l'objectif fixé par le Conseil de Lisbonne de faire de l'économie européenne, l'économie la plus compétitive du monde ne pourra être atteint que si des changements fondamentaux sont apportés afin de faire disparaître les frontières du Marché intérieur des services dans un futur proche. La nature et la portée des problèmes à résoudre demandent un effort majeur et un engagement politique clair de la part des institutions européennes et des Etats membres afin que le Marché intérieur fonctionne aussi pour les services. Ce rapport doit servir de support aux actions à entreprendre en 2003, dans le cadre de la seconde phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services, à la lumière des discussions à venir avec le Parlement Européen, les Etats membres et les parties intéressées.

Ce rapport et les réactions qu'il suscitera formeront une base du travail à entreprendre dans le cadre de la prochaine étape de la stratégie pour un Marché intérieur des services. Il comprendra des actions non législatives et législatives dont la portée et le contenu nécessitent des analyses supplémentaires. En ce qui concerne d'éventuelles propositions législatives, un bon équilibre doit être trouvé entre la nécessité, d'une part, d'éviter une réglementation trop détaillée et de trop grande ampleur au niveau européen et, d'autre part, de protéger les objectifs d'intérêt général concernés. En ce qui concerne les mesures non réglementaires, la Commission se penchera en priorité sur les besoins de mesures concrètes d'information et d'assistance nécessaires pour que les consommateurs et les entreprises puissent tirer partie de toutes les potentialités du Marché intérieur.

INTRODUCTION

Les services sont omniprésents dans l'économie moderne. Ils génèrent quasiment 70% du PNB et des emplois et offrent un potentiel de croissance et de création d'emplois considérable. La réalisation de ce potentiel ainsi que la volonté d'offrir aux citoyens et aux entreprises européennes des services plus compétitifs et de meilleure qualité sont au coeur des objectifs de la réforme de l'économie de l'Union européenne. Toutefois, il reste beaucoup à faire pour que le Marché intérieur des services fonctionne.

Les Chefs d'Etat et de gouvernement européens ont reconnu ce défi. Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a invité la Commission et les Etats membres à mettre en oeuvre une stratégie visant à supprimer les obstacles à la libre circulation des services [1]. La nécessité d'agir dans ce domaine a également été mise en évidence lors des Sommets européens de Stockholm et de Barcelone en 2001 et 2002, tandis que le Conseil Marché intérieur, Consommateurs et Tourisme a souligné, dans ses conclusions relatives à la révision des priorités de l'Union européenne pour la réforme économique, que l'amélioration du fonctionnement du Marché intérieur des services reste « un défi stratégique majeur pour la Communauté » [2].

[1] Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Lisbonne, 24.3.2000, 17. Plus récemment, le Conseil ECOFIN, dans sa Recommandation 10093/02 du 21 juin 2002 concernant les grandes orientations des politiques économiques des Etats Membres et de la Communauté, estime qu'il faut relancer les réformes structurelles et, en particulier, « créer un Marché intérieur des services qui fonctionne efficacement, en éliminant les obstacles aux échanges transfrontaliers et à l'entrée sur le marché ».

[2] 2412ème réunion du Conseil (Marché intérieur/Consommateurs/Tourisme) à Bruxelles le 1er mars 2002, document 6496/02 MI 35.

En réponse à l'appel lancé au Sommet de Lisbonne, la Commission a, en décembre 2000, défini une stratégie d'ensemble [3]. Cette stratégie pour le Marché intérieur des services reconnaît l'impact de la société de l'information sur les modes de prestation et d'utilisation des services. Alors qu'un nombre croissant d'entreprises font appel à une combinaison de techniques pour satisfaire les besoins de leur clientèle et fournissent des services en ligne et hors ligne, il est essentiel d'assurer l'essor du Marché intérieur des services hors ligne afin de compléter le Marché intérieur des services en ligne [4].

[3] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Une stratégie pour le Marché intérieur des services, COM (2000) 888 final, 29.12.2000.

[4] Il faut noter que dans le cadre du plan d'action e-Europe 2005, la Commission, en coopération avec les États membres, réexaminera la législation applicable afin de recenser et d'éliminer le cas échéant les facteurs qui empêchent les entreprises de se lancer dans les affaires électroniques et les consommateurs de bénéficier du Marché intérieur. Ce réexamen visera notamment à s'assurer que la fourniture hors ligne de biens et de services puisse, comme les activités en ligne, bénéficer d'un véritable Maché intérieur. Un sommet des affaires électroniques qui sera organisé en 2003 marquera le lancement de ce réexamen ouvert à toutes les parties intéressées, en donnant à des représentants de haut niveau des milieux économiques la possibilité de décrire les difficultés rencontrées dans le cadre des affaires électroniques.

La stratégie a pour objectif de permettre aux services d'être fournis à travers l'Union Européenne aussi facilement qu'à l'intérieur d'un même Etat membre. Elle repose avant tout sur une approche horizontale qui traverse tous les secteurs de l'économie concernés par les services et propose deux phases : la première, qui s'achève avec la présentation du présent rapport, consiste à identifier et à analyser les difficultés qui peuvent entraver la liberté d'établissement et de prestation des services tout en accélérant les travaux sur un certain nombre d'initiatives déjà lancées. Parmi celles-ci, des mesures d'accompagnement ont été initiées dans le but de fournir une vision complète de l'emploi dans le secteur des services et de la valeur ajoutée de ce dernier. La collecte d'informations et l'analyse économique sont complétées par des études sur la productivité dans les services et sur l' « économie immatérielle ». A la lumière de cette analyse, la deuxième phase portera sur l'élaboration de solutions adaptées aux problèmes identifiés. Cette approche a été soutenue par le Parlement européen [5], le Comité économique et social [6] et le Comité des régions [7].

[5] Résolution du Parlement européen sur la Communication de la Commission « Une stratégie pour le marché intérieur des services », A5-0310/2001, 4.10.2001.

[6] Avis du Comité économique et social sur la Communication de la Commission « Une stratégie pour le marché intérieur des services » (supplément d'avis), CES 1472/2001 fin, 28.11.2001.

[7] Avis du Comité des régions sur la Communication de la Commission « Une stratégie pour le marché intérieur des services », CDR 134/2001 fin, 27.06.2001.

La stratégie pour le Marché intérieur des services est cohérente avec toute une série d'autres initiatives visant à améliorer le fonctionnement du Marché intérieur des services.

En ce qui concerne les initiatives relatives au Marché intérieur, la « réactualisation 2002 de la Stratégie pour le Marché intérieur » [8] les passe en revue. Elle montre que des progrès ont été réalisés dans de nombreux domaines. On peut citer notamment les progrès dans la mise en oeuvre du Plan d'action pour les services financiers, l'adoption du règlement sur les paiements transfrontaliers effectués en euros, l'adoption du paquet sur les services et réseaux de communications électroniques et de la directive relative aux services postaux, l'adoption prochaine du paquet législatif pour les marchés publics, ou encore la présentation par la Commission de propositions visant à harmoniser les règles sur les promotions de vente et à établir un régime uniforme, transparent et flexible sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.

[8] Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions, Réactualisation 2002 sur la stratégie pour le Marché intérieur, Tenir les engagements, COM (2002) 171 final, 11.04.2002.

En ce qui concerne le domaine de la protection des consommateurs, le développement de la politique des consommateurs au niveau de l'Union européenne a été le corollaire essentiel de l'établissement progressif du Marché intérieur. La libre circulation des marchandises et des services a nécessité l'adoption de règles communautaires visant à assurer une protection suffisante des intérêts des consommateurs et l'élimination des obstacles réglementaires ainsi que des distorsions de concurrence. La stratégie adoptée par la Commission le 12 mai 2002, en particulier, l'approche communautaire visant un haut niveau commun de protection des consommateurs [9], a pour objet de remédier aux aspects liés notamment au manque de confiance des consommateurs vis-à-vis des achats transfrontaliers. Par ailleurs, la consultation lancée par le livre vert sur la protection des consommateurs [10] a reconnu que les règles existantes de l'Union européenne en matière de protection des consommateurs ne répondent pas aux défis posés par un marché en constante évolution et qu'elles devaient être réformées. Un certain nombre de réponses ont indiqué que les disparités entre les règles nationales, en particulier dans le domaine des pratiques de commercialisation, donnent lieu à des distorsions de concurrence importantes. La majorité des réponses à la consultation exprimant une préférence ont souhaité que la réforme s'effectue sur la base d'une directive-cadre sur les pratiques commerciales loyales dans les relations entre entreprises et consommateurs. Afin de réduire la fragmentation juridique et, ainsi, d'améliorer la confiance des consommateurs, la directive-cadre devrait être accompagnée par la révision, en temps utile, des directives relatives à la protection des consommateurs et par le remplacement de leurs clauses d'harmonisation minimale par des règles d'harmonisation maximale.

[9] Stratégie pour la politique des consommateurs COM (2002) 208 ; voir aussi la Communication sur le suivi du livre vert sur la protection des consommateurs COM (2002) 289 et, notamment, le projet actuellement en consultation, d'une directive-cadre sur les pratiques commerciales.

[10] COM (2001) 531 final.

Il faut noter que la protection du consommateur peut entraîner des obligations pour les services d'intérêt général tels que les transports, l'énergie (électricité, gaz), les télécommunications et les services postaux. A cet égard, la communication de la Commission « Les services d'intérêt général en Europe » souligne l'importance de ces services et le rôle des obligations de service public ou d'autres obligations relatives à la protection du consommateur auxquelles certaines activités peuvent être soumises.

En ce qui concerne le droit des contrats, on peut citer les futures initiatives [11] qui feront suite à la consultation lancée par la Communication sur le droit des contrats européens [12] afin de résoudre des problèmes juridiques affectant le fonctionnement du Marché intérieur.

[11] Suite à la demande du Conseil et du Parlement Européen, la Commission présentera ces initiatives avant la fin de l'année 2002.

[12] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen concernant le droit européen des contrats, COM (2001) 398 final, 11.07. 2001.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du dialogue social européen, des approches communes concernant notamment les compétences, les qualifications et la promotion de la qualité ont été lancées ou réalisées dans plusieurs domaines, comme ceux des services aux personnes, des services de nettoyage, de sécurité privée et de construction.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes, la suppression des contrôles sur les personnes aux frontières intérieures, telle qu'elle est devenue réalité sur la base de l'acquis de Schengen intégré dans l'Union européenne par le traité d'Amsterdam [13], est de nature à faciliter les prises de contact entre prestataires de services et leurs clients potentiels [14]. Cette suppression des contrôles devrait aussi contribuer progressivement à ce que les citoyens et l'ensemble des acteurs économiques prennent mieux conscience de toutes les dimensions de l'espace sans frontières intérieures.

[13] JO L 239 du 22 septembre 2000

[14] La libre circulation, sans contrôle des personnes aux frontières intérieures entre les Etats membres, bénéficie naturellement aux citoyens de l'Union et aux membres de leur famille, mais elle permet également aux étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par un Etat membre (Article 21 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 à Schengen) de circuler librement sans visa sur le territoire des Etats membres pendant une période de trois mois au maximum. Toutefois, ce cadre juridique n'assure pas qu'un prestataire de services ressortissant d'un pays tiers puisse fournir son service dans un Etat membre autre que celui dans lequel il est établi.

En ce qui concerne la dimension internationale, il y a une synergie entre la politique du Marché intérieur et la politique commerciale extérieure, y compris les négociations sur les services dans le contexte du GATS. Plus particulièrement, il faudra tenir compte des résultats des discussions en cours sur les réglementations nationales sous l'angle de l'article VI :4 du GATS.

Le présent rapport constitue une étape essentielle dans le processus de création d'un véritable Marché intérieur des services en présentant une vue d'ensemble de la réalité du Marché intérieur d'aujourd'hui. Pour la première fois depuis 1962 et les « programmes généraux » pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services [15], la Commission s'est engagée dans une analyse de l'ensemble des difficultés existant dans le Marché intérieur des services. Les progrès réalisés depuis les programmes généraux restent limités. Le Livre Blanc sur l'achèvement du Marché intérieur adopté par la Commission en 1985 [16] indiquait que « les progrès en matière de libre prestation des services d'un Etat membre à l'autre ont été beaucoup plus lents que ceux réalisés en faveur de la libre circulation des marchandises ». Le rapport Cecchini de 1992 [17] concluait, quant à lui, que le potentiel considérable de croissance du secteur des services « est freiné artificiellement par des réglementations et des pratiques qui empêchent de manière significative la libre circulation des services et ainsi le jeu de la concurrence entre les entreprises de services ».

[15] Programmes généraux pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, JO C 2, 15.1.1962.

[16] L'achèvement du Marché intérieur : Livre Blanc de la Commission au Conseil européen (Milan, 28-29 juin 1985), COM (85) 310, 14.06.1985.

[17] « The European Challenge, 1992: The Benefits of a Single Market », Paolo Cecchini, Wildwood House, pour la Commission européenne, 1988.

Des mesures ont déjà été adoptées pour supprimer les difficultés les plus flagrantes qui limitent le développement des services dans le Marché intérieur. Ces mesures sont le résultat de la mise en oeuvre par la Commission de son rôle de gardienne du Traité et de l'exercice de son pouvoir d'initiative pour faire des propositions d'harmonisation visant à faire fonctionner le Marché intérieur. Ces mesures ont permis d'atteindre dans le Marché intérieur un niveau d'intégration économique plus élevé par rapport aux intégrations régionales qui peuvent exister ailleurs dans le monde. Malgré les progrès déjà réalisés, les parties intéressées ont pu identifier un large éventail de difficultés qui subsistent et qui font l'objet de ce rapport.

Le présent rapport repose en premier lieu sur la consultation à grande échelle des parties intéressées mais prend également appui sur d'autres sources d'information telles que les questions écrites et les pétitions du Parlement européen, les plaintes déposées auprès de la Commission, des études économiques et statistiques ainsi que les contributions des Etats membres. La consultation qui s'est déroulée tout au long de l'année 2001 ainsi qu'au début de l'année 2002 a été lancée en vue de recueillir des informations de première main sur les difficultés qui empêchent le développement de la prestation transfrontalière de services au sein de l'Union européenne. Cette consultation portait sur les problèmes rencontrés tant lors de la prestation et de l'utilisation de services, que lors d'un établissement dans un autre Etat membre. La jurisprudence de la Cour a clairement fait apparaître que toute mesure qui a pour effet d'empêcher, de gêner ou de rendre moins attrayante la prestation transfrontalière de services ou l'utilisation de services transfrontaliers ou encore l'établissement dans un autre Etat membre peut constituer une restriction. Ont donc été repris parmi les exemples de difficultés figurant dans le présent rapport, non seulement les interdictions, les discriminations ou les conditions impossibles à remplir mais aussi différents types d'exigences qui, lorsqu'elles s'appliquent aux entreprises d'autres Etats membres, entravent la liberté d'établissement ou la libre prestation de services. Certaines de ces difficultés découlent de la complexité, de la lourdeur ou du manque de transparence des réglementations ou des pratiques ; la plupart sont simplement la conséquence des divergences importantes entre les réglementations nationales.

Ce rapport a essentiellement pour objectif de décrire la réalité du Marché intérieur telle qu'elle est perçue par les prestataires et les utilisateurs de services. Il ne cherche pas, à ce stade, à prendre position sur le caractère justifié ou non de chaque obstacle.

En outre, le présent rapport couvre des domaines qui font déjà l'objet d'instruments ou d'initiatives au niveau communautaire. Par ailleurs, il reflète des commentaires faits dans le cadre de la consultation sur les obstacles rencontrés par les entreprises de l'Union européenne dans les pays candidats à l'adhésion. Dans ces pays les entreprises sont confrontées aux mêmes obstacles que ceux rencontrés dans les États membres. Cependant, s'y ajoutent des problèmes découlant d'exigences de nationalité et de restrictions sur la propriété d'entreprises de certains secteurs par des non-nationaux, de même que des restrictions à l'accès à la propriété immobilière.

En ligne avec la stratégie pour le Marché intérieur des services, ce rapport porte sur les difficultés que peut rencontrer un opérateur tout le long de son activité : de l'établissement et l'utilisation des inputs nécessaires à la fourniture d'un service, en passant par la promotion, la distribution, jusqu'à la vente et les activités d'après-vente. Il est clair que les prestataires de services sont bien plus exposés que les fabricants de marchandises aux obstacles présents à chaque étape de leur activité. En effet, la prestation de services requiert souvent la présence permanente ou temporaire du prestataire dans l'État membre de destination du service. En conséquence, certaines étapes de son activité, et parfois même toutes, se situent dans cet État et sont soumises à des exigences différentes de celles de l'État membre d'origine. Par exemple, une entreprise désireuse de s'établir ou de prester un service dans un autre État membre peut rencontrer des difficultés pour obtenir une autorisation, y inclus pour une reconnaissance d'équivalence de ses qualifications, pour détacher des employés ou utiliser son équipement, pour promouvoir et distribuer ses services, pour conclure des contrats avec ses clients et leur fournir des garanties et des services après-vente. Des obstacles lors de l'une de ces étapes peuvent suffire à rendre toute l'activité transfrontalière moins attrayante.

De plus, en accord avec l'approche horizontale de la stratégie pour le Marché intérieur des services, ce rapport couvre des obstacles affectant une très grande variété d'activités économiques. La raison en est que non seulement un certain nombre de ces obstacles, comme les procédures d'autorisation, affectent des secteurs différents de manière similaire, mais aussi les services sont imbriqués entre eux de façon complexe et un obstacle affectant l'un d'entre eux a des effets en chaîne sur toute une série d'autres services. Une approche globale est nécessaire pour évaluer les frontières du Marché intérieur des services et l'ensemble de leur impact.

Les services jouent un rôle clé dans l'économie et la vie de tout citoyen. Les frontières du Marché intérieur des services n'affectent dès lors pas seulement la compétitivité des prestataires de services, mais elles privent également les destinataires des services, c'est-à-dire les entreprises et les consommateurs de l'Union européenne, d'un accès à une gamme plus large de services d'une meilleure qualité, plus innovants et à un meilleur prix.

I. Les frontières du Marché intérieur des services

Au regard de la définition du "Marché intérieur" dans le traité CE (« un espace sans frontières intérieures») et de l'objectif fixé dans la communication « Une stratégie pour le Marché intérieur des services » de rendre la prestation des services entre Etats membres aussi facile que ceux fournis dans un même Etat membre, force est de constater que le Marché intérieur des services est loin d'être une réalité. Deux grandes catégories de problèmes peuvent être distinguées : ceux qui découlent directement ou indirectement de contraintes juridiques et ceux qui découlent de facteurs non juridiques.

A. Les frontières juridiques

L'expression « frontières juridiques » recouvre tous les obstacles au développement des activités de services entre Etats membres qui découlent directement ou indirectement d'une contrainte juridique et qui ont pour effet d'interdire, de gêner ou de rendre moins attrayantes de telles activités. Il peut s'agir aussi bien de difficultés liées à la divergence des réglementations nationales, que de problèmes provenant des comportements d'autorités nationales, ou encore de l'insécurité juridique provoquée par la complexité de certaines situations transfrontalières. Dans tous les cas le résultat est le même : les consommateurs et les entreprises sont dissuadés d'utiliser des services provenant d'autres Etats membres et les prestataires de services sont dissuadés d'offrir leur service dans d'autres Etats membres [18].

[18] Ces «effets frontières» et le fait qu'ils se substituent largement aux « frontières techniques », aux «frontières physiques» et aux "frontières fiscales" inventoriées dans le livre blanc de 1985 sur l'achèvement du Marché intérieur, déjà cité, expliquent l'emploi de l'expression «frontières juridiques».

L'inventaire des obstacles ci-après présente les difficultés que peut rencontrer un prestataire de services quand il souhaite exercer la liberté d'établissement ou de prestation des services pour développer ses activités dans d'autres Etats membres. Il s'agit des difficultés signalées au cours de la consultation par les parties intéressées et les Etats membres ainsi que celles qui ressortent des plaintes auprès de la Commission, des questions écrites et pétitions du Parlement européen, de cas récents soumis à la Cour, et des études ou enquêtes dont la Commission a eu connaissance. Cette méthode qui vise à dresser un état de la réalité du fonctionnement du Marché intérieur des services a trois conséquences importantes:

- l'inventaire ne prend pas position sur la compatibilité des obstacles signalés avec le droit communautaire, cette question faisant l'objet de la deuxième phase de la stratégie qui va porter sur les solutions, notamment en termes de besoins d'harmonisation. L'inventaire n'a pas pour objet de mettre en cause la nécessité ou le contenu des règles nationales en tant que telles mais uniquement de relever les problèmes qu'elles ont pu provoquer lorsqu'elles ont été appliquées à des activités transfrontalières ;

- les difficultés signalées peuvent déjà faire l'objet d'initiatives communautaires en cours, d'instruments ou mesures communautaires, de procédures d'infraction ou d'arrêts de la Cour ;

- certaines difficultés pourraient ne pas avoir été signalées, même si ce risque a été minimisé par la prise en compte d'une multitude de sources d'informations.

Afin de dresser un inventaire aussi large que possible de toutes les difficultés qui gênent le développement des activités de services entre Etats membres [19], la méthode utilisée a consisté à identifier les problèmes que peut rencontrer un prestataire de service à n'importe quelle étape de son activité, que ce soit lors de son établissement dans un autre Etat membre (étape 1), lorsqu'il détache du personnel ou utilise de l'équipement dans un autre Etat membre (étape 2), lors de la promotion de son service dans d'autres Etats membres (étape 3), lorsqu'il veut distribuer son service dans un autre Etat membre (étape 4), lors de la vente de son service (étape 5) ou enfin, après la fourniture de son service dans un autre Etat membre (étape 6). L'inventaire ci-dessous présente l'ensemble des difficultés identifiées pour des activités transfrontalières à chaque étape de cette chaîne économique.

[19] L'inventaire a pris en compte aussi les difficultés qui ont été signalées dans les pays candidats. Il faut noter qu'un grand nombre des difficultés inventoriées dans les Etats membres se retrouvent dans les pays candidats.

1. Les difficultés relatives à l'établissement des opérateurs de services

Les consultations ont fait apparaître qu'un ressortissant d'un Etat membre, ou une entreprise déjà établie dans un Etat membre, désirant s'établir dans un autre Etat membre pour y exercer une activité de service peut être confronté à un grand nombre de difficultés. Ces dernières ont un impact particulièrement important en matière de services car, contrairement aux marchandises qui peuvent circuler entre Etats membres sans déplacement du fabricant (à l'aide de réseaux de distribution), les prestations de services reposent sur un savoir-faire qui nécessite une relation directe entre le prestataire et son client. Même si le déplacement physique temporaire du prestataire ou la fourniture du service à distance peuvent permettre cette relation (et sont préférés par les PME), l'établissement dans le marché en cause reste une stratégie commerciale importante [20], en particulier dans les cas où l'opérateur a l'intention de s'implanter durablement dans un pays ou lorsqu'il veut s'adapter à des conditions spécifiques du marché ou renforcer la confiance du client. En outre, la complexité de la régulation des services, liée au fait que la qualité du service dépend directement des caractéristiques du prestataire, entraîne une série d'exigences qui ne se retrouvent pas dans les réglementations relatives aux marchandises, par exemple les règles spécifiques relatives à la forme juridique du prestataire ou les limites fixées aux activités multidisciplinaires.

[20] Voir notamment l'étude « Service internationalisation-characteristics, Potential, Barriers », A. Henten, T. Vad, CRIC workshop, Manchester 1-3.10.2001, 3 qui souligne que le secteur des services est plus dépendant de l'établissement transfrontalier que le domaine de la fabrication des marchandises.

(i) Monopoles et autres limites quantitatives à l'accès aux activités

Les régimes de monopole dans certains Etats membres ont été signalés car ils ont pour effet d'empêcher l'établissement de prestataire de services provenant d'autres Etats membres qui ne prévoient pas de tels monopoles. Il peut s'agir de monopole confié à une entité particulière, comme ceux des secteurs partiellement libéralisés (services postaux, énergies, etc.), du monopole de la distribution de certains produits [21], qui peut affecter particulièrement les services de distribution, ou d'activités réservées exclusivement à certains opérateurs [22].

[21] Par exemple, l'alcool et le tabac.

[22] Par exemple, les activités de jeux ou la distribution des produits pharmaceutiques. Voir aussi l'étude de l'OCDE « Regulatory reform in road freight and retail distribution » Economic Department working papers n°255, 10.08.2000, 39 et suiv., et l'étude faite pour la Commission « Barriers to Trade in Business Services », Centre for Strategy and Evaluation Services, janvier 2001, page 15.

Les limites quantitatives à l'accès aux activités de services qui existent dans certains Etats membres, comme les quotas ou numerus clausus sur le nombre de prestataires [23], les surfaces maximales [24], ou la distance géographique [25] limitent le nombre de prestataires de services et peuvent avantager les opérateurs nationaux déjà établis vis-à-vis des nouveaux entrants.

[23] Par exemple, des réglementations nationales prévoient qu'il ne peut y avoir qu'un prestataire de services de ramonage par district ou par commune.

[24] Par exemple, pour les services de distribution.

[25] Par exemple, dans un Etat membre, les laboratoires médicaux ne peuvent effectuer des analyses que sur des échantillons collectés à moins de 60km de distance ; dans un autre, la distance entre les opticiens est fixée à 350 mètres ; dans un autre, les surfaces commerciales doivent être situées en centre ville, ce qui empêche l'implantation de nouveaux entrants.

Par exemple, parmi les difficultés qui ont été signalées figurent des règles d'un Etat membre qui prévoient une limite de 1 opticien pour 10 000 habitants ou de 1 auto-école pour 15 000 habitants.

Des limites territoriales peuvent restreindre, dans certains Etats membres, l'autorisation pour des activités de services [26] à une région ou une localité donnée ce qui oblige les prestataires souhaitant couvrir l'ensemble du territoire national à s'établir dans plusieurs régions.

[26] Par exemple, les services de sécurité privée ; voir en ce qui concerne les difficultés rencontrées par ce type de services : l'étude faite pour la CoESS/UNI-Europa et financée par la Commission "A comparative overview of legislation concerning the private security industry in the European Union". ECOTEC, mai 2002. Il faut noter que dans le cadre du dialogue social, les partenaires sociaux européens pour le secteur de la sécurité privée, CoESS (employeurs) et UNI-Europa (syndicats) ont signé, le 13 décembre 2001, une déclaration conjointe sur l'harmonisation européenne des législations gouvernant le secteur de la sécurité privée.

(ii) Exigences de nationalité ou de résidence

Des exigences de nationalité subsistent dans quelques Etats membres à l'encontre des actionnaires, des dirigeants ou du personnel d'entreprises de services [27] et de certaines professions réglementées [28].

[27] Par exemple, les entreprises de « engineering », les aéro-clubs, les ONGs.

[28] Par exemple, les « chartered surveyors ».

Les exigences de résidence soulèvent des problèmes, notamment celles qui visent les dirigeants d'entreprises de services [29]. Par exemple, selon les pays, les 2/3 des membres du conseil de direction, ou la moitié, ou au moins une personne de la direction doivent être résidents.

[29] Il peut s'agir d'une obligation de résidence qui s'applique à l'égard d'un demandeur d'une licence de service de télécommunications (avant même qu'il ait obtenu la licence).

L'exigence d'un établissement unique qui oblige, directement ou indirectement, un prestataire qui veut s'établir dans un Etat membre à renoncer à son établissement dans un autre Etat membre a été aussi signalée, par exemple pour les laboratoires médicaux. Cela revient, en effet, à interdire l'exportation d'un business model au moyen de l'établissement dans plusieurs Etats membres.

(iii) Procédures d'autorisation ou d'enregistrement

L'accès à un nombre important d'activités de services [30] est soumis à un régime d'autorisation préalable qui soulève souvent des difficultés pour les opérateurs d'autres Etats membres.

[30] Par exemple, les services financiers, les professions réglementées, les artisans, les services de sécurité privée, les organismes de certification, les laboratoires de contrôles de l'eau potable, les organisateurs de foires, les fournisseurs de services de télécommunications, les agences de travail intérimaire et de placement d'artistes, le transport et le traitement de déchets.

L'absence de prise en compte des exigences déjà remplies par le prestataire dans un Etat membre où il est établi, par exemple les cautions ou garanties déjà déposées [31], peut avoir pour effet de dupliquer et d'additionner les contraintes à l'encontre des opérateurs présents dans plusieurs Etats membres.

[31] Par exemple, pour les agences de travail intérimaire ou les services de sécurité privée.

Le cumul d'autorisations nécessaires pour certaines activités peut amplifier considérablement les effets restrictifs à l'égard d'un opérateur d'un autre Etat membre, ne serait-ce qu'en multipliant le nombre de services administratifs à contacter, de formulaires et de certificats à fournir [32].

[32] Une contribution a même indiqué qu'il fallait être un « collectionneur de licences » pour pouvoir créer une activité de boulangerie dans un pays puisque les autorisations peuvent varier selon le type de produits et d'activités fournis par une même boulangerie. Compte tenu de ces difficultés, cet opérateur a préféré abandonner son projet d'établissement. Le cumul et la duplication des autorisations avaient été aussi identifiés dans le "Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des Régions sur l'action concertée avec les États membres dans le domaine de la politique d'entreprise" COM (1999) 569 final, 2.1.1.

Par exemple, dans un Etat membre l'ouverture d'un hôtel ou restaurant nécessite 7 licences différentes au niveau local et national [33]; dans un autre, l'ouverture d'une surface commerciale nécessite à la fois un permis de construire, un permis environnemental et un permis socio-économique et, de manière plus générale, de satisfaire à des règles en matière d'urbanisme parfois très complexes.

[33] Voir, par exemple, l'étude « Tackling the impact of increasing regulation - A case study of hotels and restaurants ». Better Regulation Task force (UK), juin 2000.

Les procédures et conditions attachées à ces régimes peuvent avoir des effets restrictifs, voire discriminatoires, à l'égard des opérateurs des autres Etats membres, notamment lorsque ces procédures font intervenir des organes composés de concurrents [34] ou que le demandeur doit apporter la preuve que sa demande d'autorisation est justifiée par un besoin réel [35].

[34] Par exemple, celles applicables aux services de distribution.

[35] Par exemple, dans un Etat membre, il s'agit du besoin réel de la part des consommateurs au regard des commerces existants ; dans un autre pays, c'est le critère de l'absence d'effets négatifs sur les commerces existants dans le centre ville ; dans un autre, l'octroi de la licence est lié à une condition relative à l'intérêt de l'activité de l'agent artistique « au regard des besoins de placement d'artistes du spectacle ».

L'obligation d'enregistrement de certains prestataires de services auprès d'une autorité administrative, d'un ordre professionnel, d'une chambre des métiers, ou d'une association professionnelle est fréquente et peut s'avèrer très coûteuse pour un opérateur présent dans plusieurs pays, notamment à cause des cotisations annuelles à payer et quand, en outre, elle est liée à la participation à un régime d'assurance maladie spécifique.

Le caractère bureaucratique des procédures d'autorisation ou d'enregistrement, leur longueur, la charge de la preuve, la certification des traductions, le prix ou les taxes à payer, l'attitude peu constructive de certaines autorités, ou la difficulté des recours administratifs, ont été très souvent signalés en raison de leur effet dissuasif pour les prestataires d'autres Etats membres [36], en particulier à l'égard des PME et des start up [37].

[36] Par exemple, les difficultés lors de l'ouverture des commerces de distribution provoquées par les régimes d'autorisation ou d'enregistrement et les formalités administratives qui les accompagnent ont été identifiées dans l'étude de l'OCDE déjà citée ( 39 et suiv.) comme étant une des principales restrictions à l'accès au marché dans le secteur de la distribution ; une étude franco-anglaise sur le secteur des services au Royaume Uni et en France souligne les effets négatifs sur l'emploi au niveau local des régimes de licence et de numerus clausus applicables à certaines activités : « Le secteur des services au Royaume Uni et en France. Réduire les obstacles à la croissance de la production et de l'emploi . Rapport franco-anglais », Department of Trade and Industry et Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 2000, page 89.

[37] Une enquête auprès des entreprises annexée au tableau d'affichage du Marché intérieur de novembre 2000 montre que la simplification des procédures administratives figure comme le premier objectif prioritaire pour les entreprises (91% des interviewés) http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/update/score/business.htm. Voir aussi : « Rapport sur la mise en oeuvre de la Charte Européenne des Petites Entreprises », COM (2002) 68 final, qui souligne, notamment, que "la réduction du nombre total de démarches nécessaires au démarrage d'une entreprise pourrait constituer un important objectif de simplification" 4 des conclusions ; « Report of the Business Environment Simplification Task Force- Best » volume 1, OPOCE 1998 ; « Etude comparative internationale des dispositions légales et administratives nécessaires pour la formation des PME dans six pays de l'Union européenne », Logotech, Observatoire de l'innovation en Europe, EIMS Publication n°27, mars 1996.

(iv) Limites aux activités pluridisciplinaires

Un certain nombre d'activités de services sont soumises à des règles qui visent à assurer l'indépendance et l'autonomie entre des activités différentes en empêchant leur exercice conjoint. La disparité des règles nationales dans ce domaine peut avoir un effet restrictif particulièrement fort en empêchant d'exporter dans un autre Etat membre un savoir-faire consistant précisément à traiter de manière pluridisciplinaire, innovante et moins coûteuse les différents besoins d'une demande d'un client. Ces limites peuvent prendre plusieurs formes ; il peut s'agir :

- d'exigences sur la structure ou la direction des entreprises de services qui, par exemple, empêchent des associations entre des professions différentes [38] ;

[38] Par exemple, dans de nombreux Etats membres, les avocats ne peuvent pas avoir de partenariat avec des non avocats, comme les experts comptables, les conseillers fiscaux ou les agents en brevets. D'autre formes de limites peuvent exister comme, dans un Etat membre, l'obligation pour les entreprises fournissant des conseils fiscaux d'avoir comme actionnaires et membres du conseil de direction uniquement des conseillers, consultants ou agents fiscaux. Voir, par exemple, pour les règles en la matière applicables au Royaume-Uni, le rapport "Competition in professions", Office of Fair Trading, March 2001, 30.

- des limites à l'exercice d'activités pluridisciplinaires qui consistent à fixer des incompatibilités d'exercice d'activités différentes [39], ou à obliger le prestataire à se dédier exclusivement à une seule activité [40], ou à l'obliger à fournir des activités différentes dans des locaux différents [41].

[39] Voir, par exemple, les études de cas concernant les incompatibilités entre une activité de commissaire aux comptes et celle d'expert comptable dans l'enquête faite pour la Commission « Barriers to Trade in Business Services », déjà citée, « Appendices, case studies 6 ». Voir aussi l'arrêt du 9 février 2002, Wouters, C-309/99, portant sur une interdiction de collaborations intégrées entre avocats et experts comptables.

[40] Par exemple, dans un Etat membre, une telle exigence s'applique aux agences de travail intérimaire.

[41] Par exemple, dans un Etat membre, les activités immobilières et les activités d'assurances.

Dans un Etat membre, par exemple, il est interdit aux agences immobilières de pouvoir mener d'autres activités professionnelles comme les services de gestion de propriété, de consultation financière, ou de nettoyage.

(v) Forme juridique et structure interne des opérateurs économiques

Il s'agit d'obstacles particulièrement restrictifs à l'égard des opérateurs qui sont déjà établis dans un Etat membre et qui ne sont pas soumis à ce genre d'exigences dans leur pays d'origine. La divergence des règles en question signifie qu'ils pourront être contraints de créer une entité juridique « sur mesure ».

Des exigences sur la forme juridique peuvent imposer au prestataire de service une forme particulière ou, au contraire, l'interdire [42]. La situation peut devenir très complexe pour certaines activités qui sont soumises à l'obligation d'avoir des formes juridiques différentes selon les Etats membres.

[42] Par exemple, dans un Etat membre, les organisateurs de foires ne doivent pas avoir un but lucratif.

Par exemple, un avocat qui veut s'établir dans un autre Etat membre doit dissoudre sa société unipersonnelle dans l'Etat membre dans lequel il est déjà établi car dans l'autre Etat membre les avocats ne peuvent exploiter que des sociétés ayant une forme de responsabilité limitée [43].

[43] D'autres activités sont confrontées à ce genre de problèmes comme les commissaires au compte.

Le capital des entreprises de services, outre les règles discriminatoires frappant les actionnaires (déjà visées ci-dessus), est soumis dans certains Etats membres à des restrictions, comme un montant minimum du capital pour les sociétés de services de sécurité privée ou les agences de travail intérimaire [44] .

[44] Il peut s'agir aussi de limite maximale de participation capitalistique, comme dans le secteur des médias, ou d'obligation de trouver d'autres actionnaires ou co-investisseurs pour certains secteurs d'activités. Il faut noter que le rapport franco-anglais déjà cité a aussi identifié (page 36) les exigences de capitalisation minimum comme étant un des obstacles principaux aux activités de services.

Le nombre d'employés d'entreprises de services peut être imposé en termes de nombre minimum [45] ;

[45] Par exemple, dans un Etat membre, les agences de travail intérimaire doivent respecter un ratio minimum de 12 employés pour 100 contrats conclus l'année précédente, dans d'autres Etats membres, les services de sécurité privée doivent disposer d'un nombre minimal d'employés déterminé selon les activités et le territoire couvert.

(vi) Qualifications professionnelles

La disparité des régimes de qualifications professionnelles peut entraîner plusieurs types de difficultés pour un prestataire de services qui veut s'établir dans un autre Etat membre, en particulier lorsqu'il s'agit d'une profession qui ne bénéficie pas d'un régime de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles [46].

[46] Il faut noter qu'indépendamment des problèmes de reconnaissance des qualifications professionnelles, la disparité de règles sur la formation professionnelle des salariés peut soulever certaines difficultés comme pour les entreprises de services de sécurité privée qui dans certains Etats membres sont soumis à des exigences spécifiques.

La disparité des activités considérées comme « professions réglementées » selon les Etats membres peut entraîner des difficultés car beaucoup de services [47] ne sont pas réglementés dans tous les Etats membres et certains peuvent même l'être uniquement dans un seul Etat membre [48]. Ainsi, un prestataire d'un Etat membre qui n'exige pas de titre professionnel souhaitant s'établir dans un pays qui l'exige ne pourra pas bénéficier facilement d'une reconnaissance de ses qualifications professionnelles.

[47] Par exemple, les ingénieurs et les « ingénieurs consultants », les conseillers fiscaux, les agents immobiliers, les « surveyors », les architectes paysagistes, les syndics de co-propriété, les consultants, les artisans.

[48] Par exemple, un Etat membre a établi un titre spécifique pour les services qui consistent à éditer des documents du droit du travail qui n'existe dans aucun autre Etat membre et qui est soumis à une autorisation et à une obligation d'inscription dans un registre national spécifique à cette nouvelle profession.

Les tests d'aptitude que demandent certains Etats membres pour les activités qui ne sont pas soumises à une reconnaissance automatique peuvent être source de difficultés, notamment pour les PME [49], en raison d'un manque de transparence et de prévisibilité.

[49] Voir « Report of the Business Environment Simplification Task Force », déjà cité, page 65, qui estime que dans certains domaines l'exigence de tests d'aptitude "has tended to become the rule rather than the exception".

La différence dans le champ des activités permises par une qualification professionnelle peut entraîner des difficultés et il peut aussi arriver qu'une même activité demande des titres professionnels différents, les dénominations ne correspondant pas [50].

[50] Par exemple, le titre de « charpentier » obtenu dans un Etat membre n'autorise pas à exercer la profession de « menuisier-charpentier » dans un autre.

Par exemple, les chartered building surveyors peuvent dessiner les plans d'un bâtiment dans un pays, alors que dans un autre cette fonction est réservée aux architectes.

(vii) Conditions d'exercice des activités de services

La décision de s'établir dans un Etat membre particulier peut dépendre non seulement de la disparité des conditions d'accès aux activités de service mais aussi des conditions de leur exercice, comme le régime de responsabilité professionnelle, les règles en matière d'heures d'ouverture des magasins qui affectent les stratégies d'établissement des services de distribution [51] ou les règles sur la taxation et l'utilisation d'infrastructures qui peuvent affecter l'établissement des opérateurs de télécommunication [52].

[51] Ce type d'effets restrictifs a été aussi identifié dans l'étude de l'OCDE déjà citée, 49-51.

[52] Par exemple la taxation de pylône de transmission GSM ou la fixation des seuils d'émissions électromagnétiques.

Les différents régimes de l'impôt sur les sociétés entraînent des obstacles qui pénalisent l'établissement transfrontalier des prestataires de services [53]. Alors que les entreprises voudraient considérer le Marché intérieur comme un seul marché, de nombreux problèmes proviennent du fait que les entreprises sont tenues de se conformer à quinze régimes fiscaux différents Cette situation nuit à l'efficacité économique des stratégies et des structures d'entreprise. La multiplicité des lois, conventions et pratiques fiscales induit d'importants coûts de mise en conformité et constitue de ce fait une frontière à l'établissement qui affecte particulièrement les PME.

[53] Voir l 'étude « Fiscalité des sociétés dans le Marché intérieur », SEC(2001)1681 qui, entre autre, étudie en détail les principales dispositions fiscales susceptibles de freiner l'activité économique transfrontalière dans le Marché intérieur. Sur la base de cette analyse, la Commission a présenté une stratégie pour supprimer les obstacles fiscaux entravant l'activité économique transfrontalière. Communication de la Commission : « Vers un Marché intérieur sans entraves fiscales - Une stratégie pour permettre aux entreprises d'être imposées sur la base d'une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'Union Européenne. » (COM(2001) 582 final)

En particulier, il ressort que les prestataires de services sont particulièrement affectés par les problèmes liés au traitement fiscal des prix de transfert au sein d'un groupe de sociétés, des flux transfrontaliers de revenus entre sociétés associées, de la compensation transfrontalière des pertes et des opérations transfrontalières de restructuration. Ces difficultés se traduisent notamment par des risques de double imposition et des coûts de conformité élevés.

2. Les difficultés relatives à l'utilisation d'inputs pour prester des services

L'utilisation transfrontalière des inputs par les prestataires de services peut prendre deux formes. Pour offrir ses services, une entreprise déjà établie dans un Etat membre peut avoir besoin de se déplacer dans un autre Etat membre et d'y utiliser ses propres inputs, c'est-à-dire son personnel, son matériel ou encore les services aux entreprises auxquels elle a recours de façon habituelle sur son marché domestique. Par ailleurs, une entreprise peut avoir besoin de recourir à des inputs en provenance d'autres Etats membres. Dans les deux cas, les contributions ont révélé des difficultés. En particulier, le recrutement transfrontalier ou le détachement du personnel peuvent être problématiques [54], ce qui va à l'encontre de l'objectif de faciliter la mobilité des travailleurs [55].

[54] Alors que les ressources humaines sont l'un des « inputs » les plus importants pour la prestation de services, les contributions ont fait apparaître que l'utilisation et le déplacement transfrontalier de personnel restent à l'origine de difficultés importantes pour les prestataires de services, difficultés que ne connaissent guère les producteurs de marchandises. Sur le faible niveau de mobilité des travailleurs dans les zones frontalières, voir l'étude faite pour la Commission « Scientific Report on the Mobility of Cross-border Workers within the EEA », MKW Wirtschaftsforschung GmbH, November 2001, 1.3.

[55] Voir à cet égard la « Communication de la Commission au Conseil, au Parlement Européen, au Comité économique et social et au Comité des régions, Plan d'action de la Commission en matière de compétences et de mobilité », COM (2002) 72 du 13.02.2002.

(i) Détachement de travailleurs (salariés ou intérimaires) dans un autre Etat membre

La prestation de services entre Etats membres nécessite souvent le déplacement à titre temporaire, dans un autre Etat membre, du personnel du prestataire. Elle peut se heurter, à cet égard, à des difficultés. Il faut noter que la directive 96/71/CE [56] prévoit une liste commune de règles de protection minimale que doivent observer, dans le pays d'accueil, les employeurs qui détachent des travailleurs dans le cadre de la libre prestation de services.

[56] Directive 96/71/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, page 1) ; cette directive vise à garantir à la fois le respect des libertés fondamentales du traité et la protection des travailleurs. En outre, elle oblige les Etats membres à mettre en oeuvre une coopération entre les administrations nationales et à désigner des bureaux de liaison.

Les régimes de déclaration préalable auxquels sont soumis, dans plusieurs Etats membres, les détachements transfrontaliers de personnel (salarié ou intérimaire), en particulier dans le secteur de la construction [57], peuvent entraîner des difficultés à l'égard des opérateurs d'autres Etats membres en raison des charges administratives qu'ils peuvent occasionner [58]. Il faut y ajouter, dans certains Etats membres, l'obligation, au-delà d'un certain délai (en général 3 mois), d'enregistrer ou immatriculer les travailleurs détachés auprès des instances de travail, des autorités administratives compétentes ou de la police [59].

[57] Ces formalités doivent être remplies pour chaque chantier individuel. Un prestataire détachant régulièrement du personnel pour de courtes périodes ne peut pas obtenir une autorisation qui serait valable par exemple pour un an ; dans un Etat membre, l'obligation de déclaration préalable doit être remplie, avant le début de chaque chantier individuel, pour chaque travailleur intérimaire mis à disposition par une agence de travail intérimaire établie dans un autre Etat membre.

[58] Par exemple, les coûts de traduction, dans la langue du pays d'accueil, de certains documents de travail.

[59] Par exemple, l'obligation de demander un permis de séjour.

La lourdeur et la complexité des formalités administratives [60], les contrôles pointilleux et quasi-systématiques dont peuvent faire l'objet des travailleurs détachés, les charges administratives et les retards (immobilisation des chantiers) que cela peut engendrer, peuvent entraîner des difficultés dans le cas de détachements réguliers et de courte durée.

[60] Par exemple, l'obligation d'établir et de tenir à disposition des autorités de contrôle certains documents sociaux et de travail ou de les conserver pendant une certaine période dans le pays d'accueil, voire auprès d'un mandataire social, ainsi que de traduire l'ensemble de ces documents dans la langue du pays d'accueil.

Par exemple, il a été signalé que pour l'installation d'un ascenseur par deux ouvriers détachés pour une durée de dix jours, une entreprise a dû accomplir une série de démarches administratives (notamment l'envoi à l'inspection du travail de données sur les travailleurs détachés et les mesures de sécurité, tenue de documents dans la langue du pays d'accueil) alors que cette entreprise estimait avoir déjà rempli des exigences similaires dans son pays d'établissement.

L'application aux travailleurs détachés [61] des dispositions du pays d'accueil relatives au droit du travail , sans qu'il soit tenu compte des obligations et des charges dont l'employeur s'est déjà acquitté dans le pays d'établissement, peut entraîner une duplication des prélèvements ainsi que des coûts et charges administratives supplémentaires pour les prestataires d'autres Etats membres. Ces cas de duplications, notamment en matière de rémunération minimale [62] ou de congés payés [63], auraient des effets restrictifs particulièrement forts dans le cas de prestations de courte durée et à l'égard des PME et des prestataires établis dans une zone frontalière qui voudraient, dans le cadre de leur prestation de services, régulièrement détacher des travailleurs dans plusieurs Etats membres.

[61] Qu'ils soient ressortissants d'un Etat membre ou de pays tiers.

[62] En ce qui concerne plus spécifiquement les rémunérations, plusieurs contributions montrent que des restrictions résultent des disparités dans les modalités de calcul des salaires. Des contributions signalent, par exemple, des difficultés liées à l'absence de comptabilisation par le pays d'accueil de l'ensemble des éléments constitutifs du salaire du pays d'établissement (par exemple, treizième ou quatorzième mois) qui peut entraîner un salaire plus élevé que celui imposé par la loi dans le pays d'accueil.

[63] Par exemple, l'obligation de cotiser à une institution tierce (caisse de congés payés) alors que les travailleurs détachés bénéficient déjà d'une protection comparable en vertu des dispositions nationales garantissant les indemnités de congés payés. Dans un cas de figure de ce type, le paiement du marché a fait l'objet d'une saisie jusqu'au terme de la procédure devant les tribunaux.

Par exemple, il a été signalé que , l'exécution de travaux dans un autre Etat membre par une petite entreprise artisanale s'est avérée économiquement inintéressante, car elle a été soumise à l'obligation de verser une provision trimestrielle pour toute cotisation au titre de la sécurité sociale pour ses travailleurs détachés, ce qui a conduit à une immobilisation de trésorerie d'un montant trop important pour elle, même si cette somme allait ensuite lui être remboursée [64].

[64] Voir "Artisanat, Petites entreprises et zones frontalières - Analyse de cas particuliers d'entreprises travaillant en pays limitrophes (seconde action expérimentale)", Conseil Interrégional des Chambres des Metiers Saar-Lor-Lux, 1996.

Ces effets restrictifs sont renforcés par l'existence de sanctions lourdes [65], y compris de nature pénale, dont l'application est parfois perçue comme discriminatoire par les prestataires ne respectant pas les obligations de déclaration préalable ou les dispositions du droit du travail.

[65] Par exemple, dans un Etat membre, la peine minimale s'élève à 1000 EUR, y compris pour de simples erreurs matérielles, et peut aller jusqu'à 26 000 EUR.

Les procédures et conditions de détachement des ressortissants des pays tiers qui s'apparentent, dans plusieurs Etats membres, à des régimes d'autorisation de facto [66], la lenteur et la lourdeur de ces procédures, ont également été signalées [67] comme pouvant rendre la prestation de services difficile, voire illusoire dans certains cas [68]. De telles difficultés peuvent affecter tout particulièrement les secteurs, de pointe, dans lesquels les opérateurs cherchent à combler leurs besoins en compétences en faisant appel à du personnel ressortissant de pays tiers, par exemple des concepteurs de logiciels.

[66] Cela va de l'obligation d'obtenir, dans le pays d'accueil, un permis de travail, dont l'octroi dépend de l'examen de la situation sur le marché de l'emploi du pays d'accueil, au « visa de travail » ou au titre de séjour, sans lesquels un détachement ne peut avoir lieu.

[67] Voir, à cet égard, notamment l'étude « Managing mobility matters - a European perspective », PriceWaterhouse Coopers, 2002, 2.5, ainsi que le « Report of High Level Panel on free movement of persons » présidé par Mme Simone Veil et présenté à la Commission le 18.9.1997 (Rapport Veil), chapitre 6.

[68] Par ailleurs, le fait que les ressortissants des pays tiers qui sont assurés dans un Etat membre ne sont pas, en principe, couverts par les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté en matière de sécurité sociale, peut également rendre plus difficile et onéreux leur détachement dans un autre Etat membre. Une proposition de la Commission visant à étendre le champ d'application du règlement 1408/71 aux ressortissants de pays tiers a fait l'objet d'un accord des Ministres lors du Conseil du 3.6.2002.

Le détachement de personnel de pays tiers est, dans plusieurs Etats membres, soumis à l'obligation que le travailleur en question fasse partie, depuis au moins un an, sinon plus, du personnel de l'entreprise qui détache. Parfois même, ce travailleur doit être titulaire d'un contrat à durée indéterminée. En outre, les délais d'octroi du ou des documents requis pour le détachement peuvent être longs (jusqu'à 6 mois dans certains cas).

(ii) Utilisation d'agences de travail intérimaire ou de travailleurs intérimaires d'autres Etats membres

Les entreprises qui peuvent avoir besoin de faire appel à une agence de travail intérimaire établie dans un autre Etat membre ou d'avoir recours à des travailleurs intérimaires dans un autre Etat membre [69], peuvent être confrontées à une série de difficultés .

[69] Par exemple pour combler des besoins de compétences, faire face à une charge de travail accrue, notamment saisonnière, ou bénéficier d'une certaine souplesse dans la gestion de leur ressources.

Les régimes d'autorisation préalable [70] ou les exigences d'établissement [71], imposés aux agences de travail intérimaire peuvent empêcher les opérateurs d'avoir recours à une agence qui est établie dans un autre Etat membre et qui ne dispose pas de cette autorisation. Cela a pour effet de limiter l'accès des opérateurs à des travailleurs intérimaires en provenance d'autres Etats membres [72]. Cela peut aussi empêcher un prestataire de faire appel à des travailleurs, mis à sa disposition par une agence de son Etat membre, pour prester un service dans un autre Etat membre dans lequel une telle autorisation est exigée. De tels régimes peuvent, en outre, avoir pour effet de retarder, voire de remettre en cause l'exécution d'un contrat dans les délais requis [73].

[70] Les conditions et procédures d'autorisation, leur longueur, les cautions et garanties qui y sont liées, peuvent également amplifier les effets restrictifs de ces régimes d'autorisation. L'octroi d'une autorisation peut être lié à la qualité ou à la structure du prestataire ou au montant du capital social minimum de l'agence. Elle peut également être subordonnée au versement de cautions, de garanties ou de droits. Dans un Etat membre, une entreprise utilisatrice qui avait à faire face à un accroissement ponctuel de sa charge de travail, n'a pas pu faire appel à une agence établie dans un Etat membre en raison des délais d'octroi de la licence requise (4 mois). Par ailleurs, l'obligation, requise dans certains Etats membres, de consulter au préalable les organisations syndicales, même dans les cas d'urgence, peut ralentir considérablement la procédure.

[71] Il peut être exigé d'avoir un représentant local voire d'être « actif » dans plusieurs régions d'un même Etat membre.

[72] Ont été cités en particulier les secteurs « niches » (comme les hautes technologies, l'aviation civile) mais aussi les secteurs du bâtiment et de la construction, du tourisme et de l'hôtellerie ainsi que de la santé.

[73] Par exemple, une compagnie aérienne n'a pas pu faire appel aux services d'une agence de travail intérimaire spécialisée dans la mise à disposition de pilotes de lignes parce que l'agence en question n'était pas établie dans l'Etat membre de la compagnie aérienne.

Les interdictions imposées à certains secteurs ou les restrictions au recours au travail intérimaire [74] (telles que la nécessité de justifier le besoin particulier de recourir au travail intérimaire) varient d'un Etat membre à l'autre. Cela peut entraver le détachement, dans le cadre de la prestation transfrontalière d'un service, des travailleurs intérimaires employés par une entreprise [75].

[74] Ces interdictions touchent plusieurs secteurs (la construction, la marine marchande, le secteur public, les déménagements ou les activités de basse qualification) mais peuvent aussi être limitées par des considérations particulières (accroissement de la charge de travail de l'entreprise, exécution de tâches spécifiques et extraordinaires, remplacement d'employés ou activités saisonnières, lancement d'une nouvelle activité).

[75] S'ajoutent à cela des dispositions fiscales et sociales spécifiques à l'emploi intérimaire qui ont pour effet de rendre plus coûteux les travailleurs mis à disposition par une agence établie dans un autre Etat membre. Par exemple, l'entreprise utilisatrice pourra être soumise à un double prélèvement fiscal dès le 1er jour de la prestation ou à des cotisations de sécurité sociale plus élevées. Dans certains Etats membres, elle pourra également être tenue de verser une indemnité de fin de contrat.

(iii) Autres difficultés relatives à l'utilisation transfrontalière de travailleurs

Des contributions ont montré que des opérateurs rencontrent des difficultés [76] lorsqu'ils souhaitent recruter ou employer du personnel dans un ou plusieurs autres Etats membres afin notamment de combler leurs besoins en compétences [77]. C'est particulièrement le cas pour les entreprises établies dans plusieurs Etats membres ou qui emploient des travailleurs frontaliers. Ces difficultés découlent des obstacles à la mobilité transfrontalière des travailleurs au sein du Marché intérieur.

[76] Il convient de noter que les difficultés relatives aux exigences de nationalité, de résidence, aux qualifications professionnelles, qui ont été relevées dans la partie concernant l'établissement d'un prestataire de service, sont également un frein à la mobilité des travailleurs.

[77] Notamment dans les secteurs relatifs aux technologies de l'information, à la communication, à la construction, à la santé ou au tourisme.

La disparité des régimes nationaux en matière de rémunération, de fiscalité [78] et de protection sociale est perçue comme une source de difficultés importantes [79] pour les entreprises qui emploient ou cherchent à recruter du personnel migrant ou frontalier [80], et peut entraîner des coûts et des charges administratives supplémentaires.

[78] Les disparités en matière de fiscalité (niveau et structure des impôts) sont citées dans plusieurs contributions comme étant un obstacle majeur à la mobilité des travailleurs, les travailleurs migrants ou frontaliers étant souvent soumis à une fiscalité plus lourde malgré les accords bilatéraux relatifs à la double taxation (voir le Rapport Veil déjà cité ainsi que l'étude précitée « Managing mobility matters - a European perspective »).

[79] Les disparités, en matière en particulier d'impôts sur le revenu et de droits de pension, ont été identifiées dans l'étude précitée « Barriers to trade in Business services » ( 4) ainsi que dans l'étude précitée « Managing mobility matters - a European perspective », comme ayant un impact négatif sur la capacité des opérateurs à exercer leurs activités dans plusieurs Etats membres et en particulier à recruter localement du personnel dans un autre Etat membre.

[80] Par exemple, une entreprise qui souhaite recruter du personnel qualifié ne sera pas toujours en mesure d'informer les candidats du montant exact des taxes et cotisations auxquelles ils seront soumis, même si l'opération a été facilitée par le passage à l'euro.

Par exemple, les cotisations retraites payées par les employés migrants à des organismes de retraite situés dans l'Etat membre de résidence ne sont pas forcément déductibles des impôts payés à l'Etat membre dans lequel ils exercent leurs activités.

La complexité des réglementations en matière de sécurité sociale qui existent dans tous les Etats membres, peut dissuader les entreprises d'employer des travailleurs migrants ou frontaliers [81] et engendrer des frais et charges administratives supplémentaires.

[81] Ont été signalés avant tout des problèmes d'application du règlement 1408/71 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale (difficultés pour déterminer le régime applicable, en particulier aux travailleurs frontaliers, non application des dispositions du réglement aux prestations qui reposent sur des conventions collectives, par exemple dans le cas des régimes de retraite professionnels. Par ailleurs, des problèmes de double prélèvement de cotisations se sont posés malgré la mise en oeuvre des formulaires E 101 et E 128 utilisés en cas de détachement. Il est à souligner que la Commission a fait une proposition de simplification de ce règlement.

La diversité des régimes de retraites et les obstacles au transfert des retraitescomplémentaires [82]peuvent avoir un effet restrictif sur la mobilité des travailleurs frontaliers ou migrants et se traduire par des coûts administratifs et financiers importants, en empêchant par exemple les opérateurs établis dans plusieurs Etats membres de centraliser leurs systèmes de gestion de pension.

[82] Les difficultés en matière de transférabilité des droits acquis en matière de retraites complémentaires pour les travailleurs migrants sont notamment citées dans le Plan d'action précité de la Commission en matière de compétences et de mobilité.

(iv) Utilisation transfrontalière des services aux entreprises

Outre la main d'oeuvre, une entreprise a normalement également recours à toute une gamme de « services aux entreprises », comme input nécessaire à la prestation de ses services. Cela peut aller des services d'assistance juridique et de comptabilité, en passant par des services de marketing, de concepteurs de sites web, de leasing et de location de matériel ou de transport jusqu'aux services après-vente.

L'utilisation transfrontalière de services aux entreprises peut se heurter à des difficultés qui peuvent empêcher une entreprise de recourir à des prestataires d'autres Etats membres dont les services sont plus intéressants en termes de qualité, de prix, etc. Elles peuvent également empêcher une entreprise de recourir aux prestataires de services avec lesquels elle a l'habitude de traiter lorsqu'elle fournit des services dans un autre Etat membre.

Par exemple, une entreprise de transport de déchets peut être empêchée d'utiliser pour ses activités transfrontalières l'assistance de son consultant en matière d'environnement puisque celui-ci n'a pas le droit de prester son service dans d'autres Etats membres.

Dans la mesure où de telles difficultés affectent les prestataires de services aux entreprises, elles seront traitées sous l'angle de la distribution des services.

(v) Utilisation transfrontalière d'équipements et matériels

Des problèmes relatifs à l'utilisation d'équipements techniques dans le cadre d'une prestation de services transfrontaliers ont été signalés [83]. Ces problèmes sont susceptibles de gêner sérieusement, voire de compromettre la possibilité pour un professionnel de profiter de la libre prestation des services, en imposant des restrictions concernant l'utilisation de son équipement ou de matériel spécifique à l'exercice de son activité [84]. Ces difficultés peuvent affecter, en particulier, l'équipement technique des laboratoires, l'utilisation de véhicules professionnels, le matériel des stands de foires, les machines à utiliser pour les cantonniers, le matériel de chantier utilisé par les constructeurs, les véhicules de transport de fonds ou les standards techniques pour les signatures électroniques. Dans certains cas, les Etats membres imposent une infrastructure et un matériel non transportables dans le pays où le service est presté.

[83] Par exemple, les équipements utilisés par les laboratoires d'analyse, les exposants dans les foires, les certificateurs, les opticiens, les podologues, les constructeurs (qui sont confrontés à des législations divergentes en ce qui concerne le matériel pour bâtir et à des inspections multiples relatives aux grues en location, avec de sérieuses conséquences en terme de coûts et de délais additionnels). Il peut s'agir aussi de difficultés telles que la nécessité pour les sociétés d'envoi de SMS de devoir se connecter avec chaque opérateur qui intervient dans l'acheminement de messages distribués au niveau transfrontalier.

[84] Le fait, par exemple, d'exiger qu'un podologue établi dans un autre Etat membre dispose de matériel non transportable et d'une infrastructure durable dans le pays de prestation équivaut à lui ôter la possibilité de se prévaloir de la libre prestation de services sans établissement.

Par exemple, l'introduction de l'euro a accentué les besoins de transports de fonds transfrontaliers, les banques centrales faisant fabriquer une partie croissante de la monnaie dans un autre Etat participant et les banques commerciales ainsi que la grande distribution pouvant avoir un intérêt à s'approvisionner dans d'autres Etats membres. Or, les différences des règles nationales sur le transport de fonds, y compris les exigences techniques relatives à l'équipement et aux véhicules, rendent difficile la prestation de ce type de service entre Etats membres.

3. Les difficultés relatives à la promotion des services

Cette étape est déterminante, en particulier pour la prestation transfrontalière de services, puisque les opérateurs doivent impérativement promouvoir leur service pour pouvoir pénétrer un nouveau marché dans un autre Etat membre. Dans ce domaine, en effet, il est essentiel de faire la promotion du savoir-faire et de la spécialisation car ils constituent le principal élément de différenciation des opérateurs. Toutefois, la communication commerciale pour de nombreuses activités de services [85] est régie par des règles strictes et complexes dont les divergences entre Etats membres peuvent rendre difficile la promotion transfrontalière du savoir-faire du prestataire, voire impossible lorsque celui-ci veut faire une promotion pan-européenne.

[85] Les secteurs les plus variés (professions réglementées, secteurs de la distribution, des télécommunications, presse, édition ou cinéma, service financier) sont concernés par des interdictions ou des limitations à l'utilisation de communications commerciales.

(i) Procédures d'autorisation, d'enregistrement ou de déclaration

Une autorisation préalable peut être requise pour effectuer des communications relatives à certains services. Ces mécanismes d'autorisation peuvent entraîner des délais et des charges administratives supplémentaires en cas de promotion transfrontalière.

Pour les services financiers, un visa préalable de toutes ou certaines formes de publicités pour l'ensemble ou certains types de services financiers est requis dans certains Etats Membres.

Les services de distribution sont confrontés à des exigences d'autorisation pour faire la promotion de certains produits [86], de certaines formes de promotions [87], ou de l'utilisation de certains supports [88].

[86] Par exemple, la publicité pour les médicaments disponibles sans prescription médicale peut faire l'objet d'une autorisation préalable, ou encore l'annonce des prix des fruits et légumes faite en dehors des points de vente peut être subordonnée à l'existence d'un accord interprofessionnel. Voir l'étude de l'OCDE "Assessing barriers to trade in services: retail trade services", OCDE, 2.10.2000.

[87] Par exemple, certains Etats membres prévoient une autorisation préalable des jeux et concours.

[88] Par exemple, pour l'affichage ambulant, notamment pour la circulation des véhicules porteurs des messages commerciaux pour chaque arrondissement d'une grande ville.

Une déclaration auprès d'un organisme déterminé peut également être requise pour certaines formes de promotion des ventes ou de publicité pour certains services [89] et peut entraîner des délais et des charges administratives supplémentaires en cas de promotion transfrontalière.

[89] Par exemple, dans certains Etats membres l'organisateur d'un jeu ou concours promotionnel doit effectuer une déclaration auprès des autorités publiques. Dans d'autres Etats, toute publicité pour un établissement d'enseignement doit faire l'objet d'un dépôt préalable auprès du ministre de l'Education nationale.

(ii) Interdiction de communication commerciale

Les interdictions de communication commerciale pour certains types de services, certaines catégories de destinataires ou certains supports de communication frappent particulièrement les prestataires de services en provenance d'autres Etats membres puisque, contrairement aux opérateurs nationaux, ils ne disposent guère d'autres moyens pour faire connaître leurs produits ou services.

Certaines professions réglementées sont soumises à une interdiction totale de publicité, par la loi ou par des codes de déontologie, ce qui limite leurs chances de développer une clientèle en dehors des frontières de leur Etat d'établissement.

Certaines professions, par exemple les médecins, les experts-comptables ou les ingénieurs, sont interdits de toute forme de publicité dans certains Etats membres, ce qui empêche même la communication d'informations factuelles.

Des interdictions pour d'autres services peuvent être fixées en fonction des supports de communication [90] ou de destinataires particuliers [91].

[90] Par exemple, la publicité à la télévision peut être totalement interdite pour certains secteurs, comme dans un Etat membre pour la distribution, la presse, l'édition et le cinéma.

[91] Certaines interdictions de communication visent souvent à protéger les mineurs. Par exemple, dans certains Etats membres, la publicité télévisée à destination des enfants est interdite totalement ou à certaines heures. Dans d'autres Etats membres la publicité télévisée pour les jouets est interdite entre 7h et 22h.

(iii) Contenu des communications commerciales

Le type de message qui peut être communiqué peut être aussi restreint et susciter des difficultés dans un contexte transfrontalier. Dans certains Etats membres, la communication commerciale des professions réglementées n'est pas seulement limitée à des informations factuelles, mais ces dernières sont elles-mêmes soumises à des limitations [92]. Par exemple, dans certains Etats membres, certains types d'informations comme les prix ou une comparaison entre les services rendus et le prix ne peuvent pas être faire l'objet d'une communication commerciale.

[92] De nombreuses professions sont concernées par ces types de restrictions : auditeurs, médecins, pharmaciens, architectes, experts comptables, notaires, avocats.

En outre, dans certains Etats membres, des professions comme les avocats ne peuvent pas dans leurs communications au public mentionner leur spécialisation, ce qui limite leur possibilité d'attirer de nouveaux clients d'autres Etats membres.

Des restrictions sur le contenu tenant au public visé, très variables d'un Etat membre à l'autre, peuvent également exister pour certains services, notamment pour les communications faites à destination des mineurs [93].

[93] Par exemple, dans un Etat membre, une réglementation en matière de promotion des ventes prévoit que les prix des concours et jeux à destination des mineurs ne peuvent avoir une valeur dépassant 0,7 euros.

Des restrictions tenant aux arguments utilisés peuvent dans certains Etats membres, par exemple, interdire l'utilisation de certains arguments tels que ceux relatifs au caractère « écologique » [94] ou ceux vantant le caractère positif pour la santé du produit ou service utilisé.

[94] Par exemple, dans un Etat membre il est interdit d'appeler des salons de bronzage « Biolarium ».

Des restrictions relatives à la langue utilisée dans la communication commerciale existent dans certains Etats membres, telles que l'obligation d'utiliser la (ou les) langues officielles de l'Etat membre concerné [95].

[95] Ces restrictions peuvent porter sur toute publicité ou uniquement sur les messages publicitaires relatifs à certains services (tels que les services d'investissement) et peuvent s'appliquer même dans le cas où il s'agit d'une publicité adressée spécifiquement à des ressortissants d'autres Etats membres comme les touristes étrangers.

(iv) Forme des communications commerciales

Certaines réglementations restreignant la possibilité d'envoyer des communications commerciales en l'absence d'accord préalable peuvent rendre difficile la prospection si elles s'appliquent également aux envois destinés aux professionnels [96]. Des réglementations peuvent concerner spécifiquement certaines formes de démarchage, comme le démarchage téléphonique [97] ou par voie postale ou à domicile.

[96] Par exemple, s'agissant des professions réglementées comme les services de commissaires aux comptes, certains Etats membres interdisent de promouvoir ces services sans sollicitation ce qui peut empêcher l'envoi de newsletter ou brochures ; ou encore, un distributeur de pierres tombales a été formellement menacé de poursuites judiciaires dans un autre Etat membre pour avoir envoyé par fax à des entreprises de pompes funèbres de ce pays des informations (tarifs) non sollicitées relatives à ses activités.

[97] Par exemple, dans certains Etats membres, les appels téléphoniques en vue de proposer à des clients potentiels des services financiers ne sont autorisés que si le démarcheur a obtenu un accord préalable du client. Dans d'autres, le démarchage téléphonique est interdit même si les personnes en sont préalablement informées par écrit.

(v) Communication critique

Le développement et la circulation entre Etats membres d'informations indépendantes sur la qualité des services, notamment les essais et tests comparatifs, sont un des moyens essentiels pour un utilisateur de services de prendre connaissance de l'existence de services de qualité dans d'autres Etats membres. A cet égard, l'application de certaines règles relatives à la concurrence déloyale [98], au parasitisme, au dénigrement, à la contrefaçon de marque, à la diffamation, au droit de réponse, ou à la citation des tests comparatifs [99] peuvent entraîner parfois une insécurité juridique qui peut nuire à la diffusion transfrontalière de ce type d'informations.

[98] Par exemple, des actions en justice ont été menées contre des associations de consommateurs suite à la publication de tests comparatifs, en invoquant une violation des usages honnêtes en matière commerciale.

[99] Par exemple, dans un Etat membre la citation de tests comparatifs dans une publicité est interdite.

4. Difficultés relatives à la distribution des services

Les difficultés répertoriées ci-après ne sont pas celles du secteur de la distribution proprement dit mais celles encourues par tous les services lors de leur prestation à travers les frontières. La distribution des services peut se heurter à un ensemble beaucoup plus complexe de barrières par rapport aux produits. En effet, l'appréciation de la qualité d'un service, contrairement aux produits, ne porte pas seulement sur la qualité du service lui-même mais aussi sur le prestataire, notamment sa qualification professionnelle, sa capacité, son capital, la structure interne de son entreprise etc. De nombreuses exigences, très variables d'un Etat membre à l'autre, sont dès lors imposées à la prestation de services transfrontalièrs.

Plus particulièrement, les Etats membres ont tendance à imposer aux services fournis par des prestataires établis dans d'autres Etats membres l'ensemble ou une partie des exigences applicables aux opérateurs établis sur leur territoire. Ceci explique que l'on retrouve souvent dans l'inventaire relatif à cette étape les difficultés qui ont été identifiées lors de la première étape relative à l'établissement du prestataire.

(i) Monopoles et autres limites quantitatives à l'accès aux activités

Les monopoles et autres limites quantitatives répertoriés dans la première étape (établissement du prestataire) peuvent constituer une barrière insurmontable lorsqu'ils sont appliqués à des prestataires de services transfrontaliers établis dans d'autres Etats membres. L'application d'un régime de monopole a pour effet que ces prestataires n'ont plus aucune possibilité de fournir leurs services, ne serait ce qu'à titre temporaire et occasionnel. Il va sans dire que l'existence et l'application de monopoles peuvent avoir un effet sévère sur les consommateurs.

(ii) Exigence de nationalité ou d'établissement

Outre les discriminations basées sur la nationalité [100], l'exigence d'établissement [101] dans l'Etat membre, voire dans la région, où le service est reçu, est une des difficultés les plus importantes et communes à un grand nombre d'activités économiques [102] dans plusieurs Etats membres. Ce type de disposition constitue la négation même de la libre prestation des services, qui confère à un opérateur la faculté de prester ses activités dans un Etat membre autre que celui dans lequel il est établi.

[100] Qui subsistent encore dans certains Etats membres pour certaines professions, comme les notaires ou les géomètres-experts.

[101] Sous diverses formes: imposition du siège, de l'établissement secondaire, d'une résidence, d'une présence permanente, etc.

[102] Par exemple, les transporteurs et entreposeurs de vin, les entreprises de construction de bâtiments, les agents en brevets, les agences de travail intérimaire, les services de sécurité privée, les laboratoires d'analyses cliniques, les vérificateurs de chaudières, les transporteurs de personnes décédées.

Par exemple, les organismes de certification de produits biologiques ne peuvent pas prester leur activité dans certains Etats membres s'ils n'y sont pas établis. Cela empêche la prestation transfrontalière d'un service très spécialisé et entrave aussi, en chaîne, la vente de produits biologiques.

L'obligation d'avoir un représentant local se rapproche de l'exigence d'établissement [103].

[103] Un représentant local est parfois demandé pour l'accomplissement des formalités administratives ou pour des motifs fiscaux.

(iii) Procédures d'autorisation, d'enregistrement ou de déclaration

Certains Etats membres tentent de soumettre les prestataires de services transfrontaliers établis dans d'autres Etats membres aux procédures d'autorisations, d'enregistrements ou de déclarations applicables aux opérateurs établis sur leur territoire (voir étape 1).

L'autorisation préalable, sous des formes variables (permis, licence, agrément, etc.), est requise [104] dans de nombreux Etats membres, même dans des cas de prestation occasionnelle. Leur application à des services transfrontaliers peut avoir des effets restrictifs et dissuasifs particulièrement forts, notamment parce que des sanctions sévères, même pénales, sont fréquemment appliquées à ceux qui ne disposent pas de l'autorisation requise [105].

[104] Par exemple, pour les professions réglementées, y compris les guides touristiques et les guides de montagne, les artisans, les organisateurs de foires, les fournisseurs de services de télécommunications, les organismes de certification, les laboratoires de contrôle de l'eau potable, les agents en brevets, les agences de travail intérimaire, les agences de placement d'artistes, les services de sécurité privée, les sociétés de transport, importation et traitement de déchets, les sociétés de transports sanitaires, les entreprises de leasing, les entreprises de services transfrontaliers d'installations électroniques. Plusieurs cas ont aussi été signalés dans lesquels un agrément national est vu de facto comme un préalable à la possibilité de participer à des marchés publics. Voir l'étude « Barriers to Trade in Business Services » déjà citée.

[105] Par exemple, cela a été signalée par des agences immobilières et par des guides touristiques de certaines nationalités.

En outre, l'absence de prise en compte, par les régimes d'autorisation, des exigences déjà remplies dans l'Etat membre d'établissement peut accentuer les effets restrictifs et entraîner une duplication des règles à respecter et des charges à supporter.

L'enregistrement (ou inscription, homologation, etc.) dans un registre du pays de prestation (auprès des instances nationales professionnelles, fiscales, sociales etc.) est également très souvent prévu et peut entraîner non seulement des charges administratives mais aussi des coûts importants [106].

[106] Par exemple, dans certains Etats membres, il existe une obligation d'inscription des entreprises de construction auprès des instances professionnelles, des architectes paysagistes auprès de l'association nationale de cette profession, des artisans dans le rôle national des artisans (y compris pour des activités à titre exceptionnel et d'une durée limitée), des nombreuses professions réglementées auprès d'une chambre ou d'un ordre professionnels. En outre, il peut exister des obligations horizontales comme la réglementation d'un Etat membre qui oblige toute entreprise étrangère dont l'activité dépasse 30 jours ouvrable à s'enregistrer auprès des chambres de commerce.

Par exemple, l'exigence générale d'inscription à une association nationale des électriciens, appliquée à un professionnel se déplaçant à partir d'un autre Etat membre pour des interventions sporadiques, entraîne ipso facto pour ce professionnel l'obligation de verser une cotisation annuelle dans l'Etat membre de la prestation qui s'élève à environ 776 EUR (ce qui représente le triple de la cotisation qu'il verse dans son Etat d'établissement).

Une déclaration est parfois exigée [107]. Moins contraignante qu'une autorisation ou un enregistrement auprès d'une chambre des métiers, une telle obligation peut néanmoins engendrer des charges administratives et des coûts significatifs en raison des difficultés de se procurer des attestations et de l'obligation de traduire ou certifier des documents.

[107] Par exemple, dans un Etat membre, chaque chantier de construction doit faire l'objet d'une déclaration séparée.

En outre, le prestataire de services transfrontaliers est confronté à un cumul d'exigences qui accompagne l'autorisation, telle que l'obligation de s'enregistrer dans une instance professionnelle, d'apporter la preuve d'un capital minimum, de déposer une caution [108] ou de tenir une comptabilité spéciale [109]. L'ensemble des exigences et des formalités peuvent entraîner des complications, retards et frais administratifs, y compris dans le cas de prestations occasionnelles, voire isolées, et de très courte durée [110].

[108] Par exemple, pour les agences de travail intérimaire, les services de sécurité privée ou les architectes.

[109] Par exemple, les transporteurs de vin.

[110] Par exemple, les artistes de cirques sont parfois confrontés à des procédures longues et complexes inconciliables avec la forte mobilité et la fréquence des déplacements qui caractérisent ce type d'activités.

(iv) Exigences quant à la structure interne et à la forme juridique du prestataire de services

Une forme juridique et une structure interne spécifique sont souvent exigées non seulement pour l'établissement dans un pays mais aussi pour la prestation transfrontalière. Les opérateurs [111] des autres Etats membres doivent ainsi se conformer à des exigences très différentes voire contradictoires.

[111] Par exemple, les cabinets de commissaires aux comptes, les opérateurs de télécommunication, les agences de travail intérimaire ou les services de sécurité privée (pour lesquelles la personnalité morale est exigée dans un pays).

Dans un Etat membre, les activités de géomètre-expert peuvent être réalisées uniquement par des sociétés anonymes, disposant d'un capital minimum, d'une garantie et d'un nombre minimum d'agents, ce qui exclut tous les prestataires établis dans d'autres Etats membres où ils ne sont pas soumis à de telles exigences et où ils exercent leurs activités sous forme d'une société unipersonnelle.

Les incompatibilités entre différentes activités sont aussi parfois appliquées, non seulement aux opérateurs établis dans le pays en question (voir première étape), mais aussi aux prestataires de services transfrontaliers établis dans un autre Etat membre. L'application de ces incompatibilités aux services transfrontaliers peut avoir des effets restrictifs particulièrement forts compte tenu qu'elles portent souvent sur la structure même des entreprises.

(v) Exigences de qualification et d'expérience professionnelles

Les divergences entre les exigences nationales en matière de qualification et d'expérience professionnelles (auxquelles d'ailleurs sont souvent liées les procédures d'autorisation et d'enregistrement susvisées) constituent une des problématiques souvent signalées. [112] Les prestataires de services éprouvent des difficultés pour fournir leurs services dans un autre Etat membre sur la base de leur titre d'origine et, en général, ne sont pas soumis à un traitement différent ou à des démarches moins onéreuses aux fins de la reconnaissance des qualifications professionnelles par rapport à ceux qui veulent s'établir dans l'Etat membre concerné.

[112] Par exemples pour les ingénieurs, les agents en brevets, les électriciens, les chauffeurs de taxis dans certaines régions frontalières. Des difficultés dans l'obtention du titre de l'Etat de destination ont été aussi signalées par des agents effectuant des installations électriques et sanitaires. Des kinésithérapeutes dans le domaine du sport ont signalé certains problèmes liés à l'absence de qualifications spécifiques exigées par un autre Etat membre dans lequel ils ne faisaient qu'accompagner des athlètes en déplacement. Voir aussi les études : « Principen om ömsesidigt rekännande på tjänsteområdet », Kommerskollegium, 26.10.2000 ; « Rapport om barrierer for integration i Øresundsregionen », Øresund Industri & Handelskammare, December 2001.

Des titres professionnels différents sont dans certains cas demandés pour une même activité, faute de correspondance entre les dénominations nationales. [113] Parfois, une profession est réglementée uniquement dans certains Etats membres [114], voire dans un seul; le pays exigeant une qualification particulière pour l'exercice d'une activité exclut ainsi la prestation transfrontalière de services d'opérateurs établis dans d'autres Etats membres où une telle qualification particulière n'est pas requise.

[113] Par exemple, les problèmes d'équivalence peuvent concerner les activités de dentistes ou de cardiologues.

[114] Par exemple, les artisans, les agences immobilières ou les consultants du travail.

(vi) Imposition aux prestataires de services de conditions d'exercice d'une activité

Les divergences entre certaines règles fixant les conditions d'exercice d'activités de services, le cas échéant combinées avec les problèmes qui viennent d'être présentés, peuvent être à l'origine de nombreuses difficultés [115]. Les différentes conditions imposées par l'Etat de prestation par rapport à celles de l'Etat d'établissement peuvent causer de sérieux problèmes aux opérateurs et s'avèrer parfois même discriminatoires.

[115] Par exemple, il peut s'agir de règles sur la déontologie professionnelle ou la protection d'un intérêt général mais aussi de règles plus spécifiques : l'obligation pour les services de sécurité privée de respecter une tenue particulière pour leur personnel différente de celle utilisée dans leur pays d'établissement ; l'obligation des sociétés de construction de verser 15% du coût des travaux à l'administration fiscale avant la réalisation de ces derniers ; l'impossibilité des concepteurs de jeux de hasard d'offrir leurs services dans certains Etats membres qui limitent les jeux pouvant être proposés dans les casinos ; l'application à certaines activités, dans des pays candidats, d'exigences strictes en matière linguistique, y compris pour la conclusion de contrats.

Dans un Etat membre, toutes les agences de placement d'artistes, y compris celles d'autres Etats membres, sont soumises à une règle qui prévoit une présomption de salariat pour tous les artistes avec lesquels elles concluent un contrat de placement et la tenue d'un registre spécifique pour leurs activités dans ce pays.

Les limites territoriales d'une licence peuvent rendre difficile non seulement l'établissement (voir étape 1) mais aussi la prestation de services par des prestataires de services établis dans un autre Etat membre. [116]

[116] Par exemple, en matière de recouvrement de crédits, de transports, ou de services de sécurité privée.

(vii) Transports et services postaux

Les transports font l'objet d'exigences divergentes entre les Etats membres, en particulier en ce qui concerne les caractéristiques des véhicules utilisés [117], tels que les camions ou les bus de tourisme. Par ailleurs, des divergences subsistent aussi en ce qui concerne les modalités de prestation de l'activité de transport [118], en particulier dans le cas de transport de personnes décédées. De même, la diversité des systèmes ferroviaires nationaux - différents écartements de voies, différents systèmes d'alimentation en courant électrique, différentes charges maximales admissibles par essieu pour les wagons et les locomotives - occasionnent des retards non négligeables aux passages de frontières et donc des coûts supplémentaires [119] ; en outre, les réglementations nationales pour l'accès aux réseaux varient et peuvent rendre impossible la prestation de certains services [120].

[117] Il s'agit d'exigences (notamment en termes de poids et de dimension) relatives aux véhicules, en particulier lors dutransport de certains types de marchandises, comme le vin et les produits chimiques, aux véhicules en leasing ou en location, ainsi que de contraintes à l'utilisation d'autocars touristiques dans certaines zones.

[118] Par exemple, les limitations de conduite pendant les jours fériés, les obligations de documents/attestations spécifiques relatifs notamment aux périodes prévues et effectives de circulation d'un véhicule (et la traduction de documents dans la langue locale), l'enregistrement de la TVA même en cas de simple passage par le territoire national, les déclarations à des fins statistiques (qui sont sources de retards aux frontières), la traduction de documents dans la langue locale, les restrictions dues aux monopoles dans les services portuaires, les restrictions aux liaisons de cabotage avec les îles de quelques Etats membres, les taxes aéroportuaires.

[119] La Commission européenne a présenté plusieurs propositions pour compléter le cadre législatif en janvier 2002.

[120] Des directives à cet égard sont en cours de transposition.

Quelques Etats membres interdisent, par exemple, la location de poids lourds, immatriculés dans un Etat membre autre que celui dans lequel le transporteur est établi, ce qui crée des entraves à l'utilisation de poids lourds loués lors de transports d'un Etat membre à l'autre.

Le trafic aérien souffre de l'existence de plusieurs systèmes de gestion différents et non compatibles qui sont sources d'engorgement du trafic, de dépenses supplémentaires et de risques pour la sécurité aérienne [121].

[121] La Commission européenne a lancé une initiative, fin 1999, pour réformer le contrôle aérien en Europe. Le Conseil européen notamment lors de sa réunion à Barcelone, au mois de mars 2002, a fixé à 2004 la date de réalisation du ciel unique.

Par exemple, un vol Rome - Bruxelles survole neuf centres différents de contrôle.

De même, des accords bilatéraux entre Etats membres et Etats tiers peuvent contenir des dispositions incompatibles avec le Marché intérieur qui désavantagent les transporteurs communautaires au profit de transporteurs d'Etats tiers au sein même du Marché intérieur.

Les services postaux font aussi l'objet de plaintes eu égard, par exemple, à la lenteur des livraisons, aux répercussions de différences tarifaires sur la distribution transfrontalière ou aux conséquences économiques d'une harmonisation partielle. Ceci est susceptible de rendre particulièrement difficile le développement des services de livraison express pan-européenne.

(viii) Restrictions à la réception de services

Le destinataire de services, et plus particulièrement le consommateur, en sus du prestataire, est lui aussi victime directe d'obstacles à la distribution de services en étant confronté à des difficultés, voire à l'impossibilité de recevoir un service [122].

[122] Par exemple, les possibilités de recevoir des programmes de radiodiffusion télévisuelle à péage en provenance d'autres Etats membres, de conclure un contrat de téléphonie mobile dans un autre Etat membre, de bénéficier d'offres avantageuses pour des tarifs de transport ou de profiter d'offres promotionnelles dans la grande distribution qui sont parfois circonscrites au territoire national et ne sont pas accessibles aux utilisateurs potentiels d'autres Etats membres. D'autres entraves peuvent concerner l'utilisateur d'instruments nécessaires pour la réception de services d'autres Etats membres, tels que les antennes paraboliques (dont l'installation individuelle ou collective peut être soumise à une autorisation préalable, à des coûts de monitorage, à une redevance ou à des règlements intérieurs d'immeuble restrictifs) ou le gagnant d'un jeu/loterie qui doit payer une taxe à la fois à l'Etat membre dans lequel il a joué et à son Etat d'origine lors du rapatriement de ses gains, ou l'utilisateur de téléphone portable qui ne peut recevoir des appels dans certains lieux en raison d'une réglementation qui autorise dans certains endroits l'utilisation de systèmes de brouillage (interdit dans la plupart des Etats membres).

Un traitement préférentiel réservé aux résidents d'un Etat membre, ou d'une partie du territoire, telles que des règles qui réservent la prestation de services aux seuls ressortissants ou résidents d'un Etat membre (voire d'une région ou localité), peuvent empêcher les destinataires de services d'autres Etats membres de disposer des mêmes facilités d'accès aux services que les nationaux ou résidents de l'Etat membre de prestation. De tels cas ont été signalés notamment en matière de tourisme, de loisirs, de sport, de distribution, de transport et de téléphonie mobile [123].

[123] Par exemple, ont été signalés des cas où des destinataires de services sont soumis à des conditions et à des garanties supplémentaires lorsqu'ils s'abonnent à un opérateur de téléphonie mobile d'un autre Etat membre, ou sont soumis à des tarifs plus élevés dans d'autres Etats membres lorsqu'ils participent à un événement culturel ou sportif (comme un marathon), visitent un musée ou un site touristique, voyagent en ferry, prennent un contrat d'assurance, utilisent des installations sportives, louent une voiture, etc. Enfin, il existe des situations dans lesquelles, au contraire, les résidents d'un autre Etat membre sont privilégiés et peuvent, par exemple, bénéficier de places gratuites de parking dans un aéroport.

Par exemple, de nombreux consommateurs se plaignent de l'impossibilité d'avoir accès en clair aux programmes des chaînes de télévision (tant privées que publiques) diffusés par satellite. Ces programmes font l'objet de cryptage à la seule fin d'empêcher leur réception en dehors de l'Etat membre où le radiodiffuseur est établi.

5. Les difficultés relatives à la vente des services

Les difficultés rencontrées dans cette étape sont directement ou indirectement liées à la transaction. Elles résultent de règles ou pratiques, très différentes d'un Etat membre à l'autre, relatives aux contrats, aux prix et paiements, à la facturation, la comptabilité et la TVA mais aussi à l'accès aux contrats publics, ou aux règles relatives au remboursement des frais des destinataires des services. Ces difficultés sont plus significatives pour la vente des services que pour celle des produits, notamment parce que les contrats remplissent un rôle plus important pour les services, puisqu'ils déterminent le caractère du service ou en sont l'objet même. Par ailleurs, le calcul du prix est souvent plus complexe et peut être assujetti à des régimes de prix fixes ou recommandés variables d'un Etat membre à l'autre.

(i) Formation et contenu des contrats

La formation et le contenu des contrats peuvent poser des questions spécifiques en matière de services. La consultation lancée par la "Communication de la Commission concernant le droit européen des contrats" [124] a permis d'identifier de nombreux problèmes de fonctionnement du Marché intérieur résultant des régimes juridiques des Etats membres relatifs au droit des contrats [125]. Ces difficultés affectent aussi les services et notamment les services financiers (en particulier le secteur des assurances). Par exemple, les résultats de la consultation confirment que l'existence des différents droits des contrats nationaux créent des coûts de transaction additionnels, en particulier des frais éventuels d'information et de contentieux qui pèsent particulièrement sur les PME et les consommateurs. De plus, la diversité des règles régissant le contenu des contrats et les incertitudes sur l'identification des règles impératives ou d'ordre public auxquelles les parties au contrat ne peuvent pas déroger, rendent impossible l'utilisation de contrats types dans l'ensemble du Marché intérieur [126]. Ces problèmes sont particulièrement ressentis dans le secteur des services financiers.

[124] COM (2001) 398 final.

[125] Voir le résumé des services de la Commission des résultats de la consultation sous http://europa.eu.int/comm/consumers/policy/developments/contract_law/index_fr.html

[126] Par exemple, l'impossibilité d'établir un contrat de travail type pour une entreprise active dans tous les Etats membres a été soulignée dans l'étude «Managing mobility matters - A European perspective » déjà citée, 4.3.1.

Certains Etats membres continuent d'exiger des opérateurs établis dans d'autres Etats Membres la notification préalable des conditions générales et spéciales des polices d'assurance afin de pratiquer un contrôle et d'interdire l'utilisation de certaines clauses.

D'autres questions particulières peuvent affecter certains services transfrontaliers. Par exemple, les agences de travail intérimaires peuvent être confrontées à des règles particulières à chaque Etat membre en ce qui concerne la durée et le renouvellement des contrats lors du détachement de travailleurs. Même dans les domaines faisant l'objet d'une harmonisation minimale, comme la vente à domicile, des problèmes subsistent.

(ii) Fixation des prix, paiements, facturation et comptabilité

Les réglementations en matière de prix applicables à un certain nombre de services [127], qu'elles prévoient des prix maximaux, des prix minimaux ou des prix fixés ou recommandés par les Etats membres ou des ordres professionnels, peuvent aboutir à des méthodes de calcul et des niveaux de prix très différents pour un même service selon l'Etat membre de prestation et peuvent poser des problèmes en cas de prestation transfrontalière.

[127] Par exemple, les professions réglementées, les services de sécurité privée, les services de recouvrement de créances, les services d'hôtellerie et les activités de consultant en matière de sécurité routière. Les difficultés provoquées par des réglementations de prix sur les services de tourisme ont été aussi identifiées comme un problème dans un rapport fait pour la Commission : « Yield management in small and medium-sized enterprises in the tourism industry », Arthur Andersen Frankfurt am Main, OPOCE, 1997.

Les règles et pratiques relatives à la facturation et au paiement sont perçues comme particulièrement complexes dans les différents Etats membres et posent des problèmes lors des transactions transfrontalières [128]. En ce qui concerne la facturation, les règles relevant du droit de la TVA (notamment, mentions obligatoires, facturation électronique, et conservation des factures) ont été harmonisées récemment [129] mais d'autres conditions (par exemple, des mentions imposées par le droit commercial ou des règles linguistiques) demeurent régies par le droit national. Par ailleurs, les moyens de paiement n'ont pas la même valeur juridique dans tous les Etats Membres et les paiements par cartes de crédit nécessitent des entreprises qu'elles établissent des relations contractuelles avec les organismes chargés localement de la gestion des paiements. Les frais de transfert bancaire sont toujours trop élevés, ce qui affecte à la fois les prestataires de services et les destinataires [130].

[128] Par exemple, dans un Etat membre, la facture pour les services professionnels dans le domaine juridique doit contenir une mention destinée à attirer l'attention sur les règles en matière de réclamations.

[129] Directive 2001/115/CE du Conseil du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée; JO L 015 du 17/01/2002 p. 24 -28.

[130] Par exemple, dans un Etat membre les banques font payer la réception des virements même lorsque l'expéditeur indique vouloir payer les frais. Dans d'autres cas des banques ont refusé d'encaisser sur les comptes de leurs clients des sommes correspondant aux gains obtenus licitement par ces derniers dans un autre Etat membre au motif que de tels paris n'étaient pas autorisés dans leur propre Etat membre. Voir aussi le rapport fait pour la Commission "Etude sur les frais bancaires", IEIC, avril 2000.

L'ouverture d'un compte en banque dans l'Etat membre de prestation, souvent nécessaire pour faciliter les paiements, est difficile puisque liée à une déclaration de résidence ou de non résidence qui, à son tour, donne lieu à des déclarations fiscales et entraîne des délais et frais administratifs.

Les règles comptables [131] répondent, entre autres, à des nécessités de vérification fiscale et sont, notamment de ce fait, très différentes d'un Etat membre à l'autre. Par exemple, les documents comptables doivent être répertoriés en fonction de la nomenclature établie par chacun des Etats Membres dans lequel l'entreprise fait une déclaration de TVA. Une entreprise active dans plusieurs Etats membres doit donc maintenir des systèmes de comptabilité parallèles tout en assurant la cohérence de la comptabilité de l'entreprise dans son ensemble.

[131] Dans le domaine des assurances, les autorités de supervision imposent des règles différentes en matière de comptabilité et de statistique ce qui empêche le recours à des systèmes informatiques comptables performants.

(iii) Fiscalité

Le paiement et le remboursement de la TVA figurent parmi les problèmes les plus fréquemment signalés dans le cadre d'activités transfrontalières de services. En effet, la règle selon laquelle les services sont soumis à la TVA dans le pays d'établissement du prestataire est assortie de nombreuses exceptions qui entraînent des situations complexes lors de la vente transfrontalière. Il en résulte que de nombreux prestataires de services sont soumis à des obligations TVA dans d'autres Etats membres que celui dans lequel ils sont établis.

La lourdeur des obligations TVA [132] ainsi que les différences très importantes entre Etats membres (taux , obligations, procédures, formulaires, ...) entraînent en outre des difficultés considérables. Par exemple un déménageur, est obligé d'avoir comme interlocuteur les autorités compétentes de chacun des Etats membres dans lesquels il offre des services taxables, et donc de demander un numéro de TVA [133] dans chacun d'eux et de s'acquitter de celle-ci selon des règles chaque fois différentes.

[132] Ces obligations font d'ailleurs actuellement l'objet d'une étude de la Commission destinée à faire des propositions de simplification et de modernisation. Cette étude se terminera au début de l'année 2003.

[133] Les délais d'octroi d'un numéro TVA s'échelonnent d'une semaine à 6 mois selon les Etats membres.

De même, lorsqu'une agence de voyages vend des séjours hôteliers à d'autres agences dans un autre Etat membre, elle est soumise à des obligations TVA dans cet Etat, ce qui est une source importante de difficultés pratiques.

Des problèmes similaires ont également été signalés en relation avec les services de transport de passagers, les services d'organisation de conférences et des services aux entreprises [134].

[134] Par exemple, lorsqu'une entreprise de services facture des frais (« management fees ») à une entreprise établie dans un autre Etat membre pour des services qu'elle lui a fournis, selon la classification retenue pour ce type de services, l'Etat membre de taxation sera soit celui d'établissement du prestataire, soit celui d'établissement du client avec le risque d'une double taxation en cas d'application de ces deux critères à la même prestation de services.

Le formalisme excessif des administrations fiscales a été souligné par de nombreuses contributions aussi bien en ce qui concerne la forme et le nombre des déclarations [135] que les moyens de paiements [136].

[135] Par exemple, certains Etats membres n'acceptent pas que les déclarations périodiques de TVA soient effectuées par des moyens électroniques ; en ce qui concerne les déclarations récapitulatives, un Etat membre n'accepte que le format papier remis en mains propres.

[136] Les paiements se font généralement par transferts bancaires. Des Etats membres imposent de disposer d'un compte dans une banque locale.

Le remboursement de la TVA est enfin particulièrement long et complexe lors des transactions transfrontalières et peut, dans certains Etats membres prendre plusieurs mois voire plusieurs années [137].

[137] Ce problème pourrait être réglé par la proposition de la Commission visant à permettre la déduction transfrontalière (COM(98) 377) mais cette proposition ne fait toujours pas l'objet d'un accord entre Etats membres au Conseil.

(iv) Remboursement, subvention ou aide au destinataire du service

L'autorisation du remboursement de frais médicaux exposés dans un autre Etat membre n'est accordée que sous conditions par les autorités nationales et peut donc décourager les assurés sociaux de s'adresser à des prestataires établis dans un autre Etat membre. Un assuré social qui décide pour des raisons diverses (délais d'attente, modification de résidence pour des raisons privées ou professionnelles [138]) de se rendre dans un Etat membre autre que son pays d'affiliation pour suivre un traitement médical ne sera pas souvent remboursé [139].

[138] Par exemple, deux pensionnés résidant dans un autre Etat membre sont retournés dans leur Etat membre d'origine afin de subir une intervention chirurgicale sans y avoir été autorisés par les autorités compétentes de leur Etat membre de résidence qui refusent de rembourser ces interventions.

[139] Voir les analyses développées à cet égard dans l'étude faite pour la Commission "Implications de la jurisprudence récente concernant la coordination des systèmes de protection contre le risque de maladie", Association Internationale de la Mutualité, mai 2000 et dans le rapport du Haut Comité Santé « The Internal Market and Health services », 17.12.2001.

Un grand nombre de patients sont confrontés à des difficultés lorsqu'ils demandent la prise en charge de frais médicaux exposés dans un autre Etat membre qu'il s'agisse de consultation de médecins, de traitements dentaires, de traitements hospitaliers, de cures de désintoxication ou de cures thermales dans un autre Etat membre.

Le remboursement inférieur à celui pratiqué dans le pays d'affiliation pour un traitement dans un autre Etat membre constitue également un obstacle à la libre prestation et à l'utilisation de services.

Le traitement fiscal plus favorable pour des services reçus de prestataires locaux constitue une entrave significative sinon discriminatoire à la prestation de services. Par exemple, dans certains Etats membres, ne sont fiscalement déductibles que des cours de formation professionnelle ayant eu lieu dans l'Etat membre considéré ou des assurances vie, des assurances complémentaires, des fonds de pension ou des fonds d'investissement contractés auprès de compagnies d'assurance locales.

(v) Marchés publics et concessions

La majeure partie des contrats de marchés publics [140] ont pour objet la réalisation de services comme les services d'architectes, de construction ou d'infrastructures, de gestion des déchets, de transports publics. Or, les entreprises peuvent rencontrer, dans le contexte de la passation et de l'exécution des marchés publics et autres formes de partenariats, toute une série d'obstacles.

[140] On entend par là l'ensemble des contrats au sens large qui peuvent être conclus par un acheteur public (que ce soit sous la forme traditionnelle d'un contrat de marché public ou d'une concession de travaux ou de services), par lesquels celui-ci se procure un service ou confie à un tiers la gestion totale ou partielle d'un service, dont ce tiers assume les risques d'exploitation.

Des pratiques restrictives sont susceptibles de réserver l'accès à certains marchés aux entreprises établies dans l'Etat membre de l'acheteur, telles que la passation directe ou les préférences accordées lors de procédures de gré à gré [141], certaines procédures d'agrément et certains systèmes de qualification. Ces pratiques ont pour effet de limiter la participation des soumissionnaires étrangers et leurs chances de remporter le marché.

[141] Par exemple, il peut s'agir de contrats attribués sur la base d'une confiance réciproque (intuitu personae) avec un partenaire local.

Par exemple, des communes décident d'externaliser, sans mise en concurrence préalable, leurs activités d'enlèvement et de traitement d'ordures ménagères ou de traitement des eaux usées en confiant ces services à un tiers privé ou public ou en octroyant des concessions de longue durée qui sont ensuite renouvelées.

Les procédures de passation des marchés publics : la complexité et le manque de transparence de certaines règles nationales pour la passation de marchés en dessous des seuils d'application des directives communautaires et certaines pratiques des autorités publiques [142] ont été signalés comme rendant difficile la participation et l'attribution de marchés à des opérateurs d'autres Etats membres.

[142] Par exemple, le manque d'information aux soumissionnaires sur les critères selon lesquels seront évalués leurs compétences et la qualité de leur offre ou les pratiques des acheteurs en matière de prix.

Certaines clauses contractuelles et conditions d'exécution des marchés sont susceptibles de rendre difficile la soumission d'offres de la part d'opérateurs étrangers [143].

[143] Par exemple, une clause d'exécution faisant obligation aux entreprises d'employer un certain nombre de personnes inscrites à des programmes nationaux de formation, rendrait plus difficile l'accès d'entreprises d'autres Etats membres qui ne pourraient pas employer des personnes bénéficiant de formations analogues dans l'Etat membre d'établissement.

6. Les difficultés relatives à l'après-vente des services

La période postérieure à la vente du service peut donner lieu à des difficultés aussi bien dans le cadre des relations client/prestataire que vis-à-vis de tiers. La particularité des services par rapport aux marchandises s'explique par leur caractère immatériel et complexe. Ceci donne lieu, par exemple, à des régimes spécifiques de responsabilité ou d'assurance professionnelle et rend complexe la preuve et les expertises en cas de litige. Par ailleurs, l'absence de détaillants ou de revendeurs qui pourraient se charger des services après-vente constitue une autre particularité.

(i) Responsabilité et assurance professionnelles du prestataire

Les régimes de responsabilité professionnelle varient fortement entre Etats membres pour beaucoup de professions, comme les commissaires aux comptes, les conseillers fiscaux et les architectes [144]. Les régimes de responsabilité civile sont souvent spécifiques à certaines activités et parfois se combinent avec des régimes généraux ce qui peut entraîner une forte complexité juridique. Les divergences entre les Etats membres peuvent concerner notamment la possibilité de limiter la responsabilité ou la durée maximale de mise en cause de la responsabilité.

[144] Par exemple, les professions de la santé, les professions juridiques, les experts-comptables, les consultants, les administrateurs de biens, les services de sécurité privée, les agences de travail intérimaire, les constructeurs, les agents immobiliers, services bancaires et d'assurance, les sociétés de bourse, les transporteurs.

Les activités de service sont souvent soumises à des régimes spécifiques d'assurance professionnelle, établis par une législation ou par des règles ou recommandations émanant des ordres professionnels, qui concernent, notamment, l'assurance obligatoire, le champ des activités à assurer, le montant minimal de couverture, y compris la base sur laquelle il est calculé [145], ou l'organe auprès de qui l'assurance doit être prise. Ces régimes peuvent varier fortement entre Etats membres.

[145] Par exemple, le chiffre d'affaire ou le nombre des associés couverts.

Par exemple, la couverture d'assurance minimum pour les commissaires aux comptes varie selon les Etats membres entre 70 000 EUR et 4 090 385 EUR [146].

[146] Voir l'étude faite pour la Commission "Systems of civil liability of statutory auditors in the context of a Single Market for auditing services in the European Union", Price Waterhouse Coopers, January 2001.

Ces disparités peuvent entraîner des difficultés lors de prestations transfrontalières car les Etats membres sont incités soit à imposer leur propre régime d'assurance à des prestataires d'autres Etats membres [147], soit à demander une preuve de l'équivalence de la couverture d'assurance dans le pays d'origine, ce qui est impossible ou difficile à fournir.

[147] Par exemple, dans un État membre, tous les chantiers de construction, y compris ceux fait par des prestataires d'autres Etats membres, doivent souscrire à l'assurance couvrant une garantie spécifique qui n'existe pas dans les autres Etats membres.

Certaines activités de services sont soumises, en outre, à des systèmes de garanties financières spécifiques, tels que les administrateurs de bien ou les agents immobiliers. Une très forte disparité entre Etats membres existe puisqu'une même activité est soumise dans certains Etats membres à l'obligation de constituer une garantie ou un capital social minimum alors que dans d'autres aucune obligation de ce type n'existe. En outre, le montant et les méthodes de calcul peuvent varier fortement.

L'articulation entre ces régimes de responsabilité, d'assurance professionnelle et de garanties est particulièrement complexe, en particulier dans le cadre de prestations transfrontalières, par exemple lorsque la couverture d'un risque repose dans un Etat membre sur un régime de garantie financière et dans un autre Etat membre sur un régime d'assurance professionnelle obligatoire.

(ii) Recouvrement de créances

Les difficultés pour recouvrer les créances [148] représentent un problème qui a été dénoncé par de nombreuses contributions, aggravé par des délais de paiement transfrontalier excessifs [149] : un certain nombre d'entreprises utilisent le retard de paiement comme crédit en raison du faible niveau des intérêts de retard et/ou de la lenteur des procédures de recours. Aussi, certaines chambres des métiers peuvent proposer leurs offices en cas de retard de paiements des autorités publiques nationales, mais cette possibilité n'est pas ouverte aux fournisseurs de services établis dans d'autres Etats membres. Une difficulté particulière concerne l'utilisation des agences de recouvrement de créances et la protection des droits des créditeurs dans le cas de faillite dans d'autres Etats membres.

[148] Notamment le recours indispensable à un conseil juridique sur place.

[149] Voir la Communication de la Commission « Rapport de la Commission sur les délais de paiement dans les transactions commerciales » JO C 216 17.7.1997 et le rapport de la Commission « Construire une Europe entrepreneuriale - Les activités de l'Union en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) », COM/2001/0098 final ; ce dernier rapport indique que « les retards de paiement sont la cause d'une faillite sur quatre [...]. Des enquêtes montrent que plus de 20 % des entreprises européennes exporteraient davantage si elles pouvaient obtenir des délais de paiements plus courts de leurs clients étrangers. Les PME sont particulièrement frappées par les retards de paiement », 3.7.

Une entreprise ne peut pas recourir à son agence de recouvrement habituelle si celle-ci n'est pas installée dans d'autres États membres : les formalités d'agrément des organismes de recouvrement diffèrent selon les États et parfois même selon les régions, l'assistance juridique peut être réservée aux professions juridiques, et la prise en charge des coûts liés au recouvrement n'est pas toujours à la charge du débiteur.

(iii) Fourniture de service après-vente

L'organisation du service après-vente transfrontalier peut s'avérer plus difficile car elle peut se heurter à des problèmes techniques spécifiques [150], ou bien juridiques, en particulier parce qu'elle nécessite souvent une intervention personnelle du prestataire et/ou le détachement de ses travailleurs. Dans ce cas, le service après-vente se heurte aux problèmes qu'entraîne le déplacement du prestataire ou de son personnel dans un autre Etat membre. Par exemple, un installateur de chaudière ayant installé une chaudière dans un autre Etat membre et voulant y effectuer une réparation est confronté aux problèmes du détachement déjà décrits plus haut [151].

[150] Par exemple, un numéro d'appel gratuit de service après-vente n'est pas accessible en dehors du pays d'origine.

[151] Par exemple, pour un service d'entretien d'un ascenseur toute une série de démarches administratives relatives aux travailleurs détachés doivent être effectuées (données sur les travailleurs, heures de travail, preuve de paiement des salaires, traductions, adhésion à un service médical, plan et registre de sécurité du chantier, etc.).

La disparité des règles de garanties peut représenter une autre barrière transfrontalière pour certaines activités de services. Des contributions ont signalé des difficultés dans le secteur de la construction en raison de l'application du régime de garantie obligatoire dans l'État membre dans lequel il fournissait leur service.

(iv) Recours judiciaires

L'incertitude juridique, les coûts et la lenteur des procédures, ou encore la difficulté d'utiliser des services ou des experts d'autres Etats membres dans le cadre d'actions en justice transfrontalières ont été signalés. Il ressort des contributions que des entreprises qui ont dû participer à une action en justice en dehors de leur Etat d'origine ont eu l'impression d'être désavantagées par rapport à la partie adverse, dont la cause aurait été perçue plus favorablement par la juridiction nationale.

B Les frontières non juridiques

1. Les difficultés relatives au manque d'informations

La difficulté d'accéder aux informations sur l'environnement réglementaire des autres Etats membres est l'un des problèmes récurrents qui a été signalé dans les contributions. Ce problème concerne à la fois les fournisseurs de services et les consommateurs, et il est considéré comme ayant un effet particulièrement dissuasif sur les activités transfrontalières. Un autre problème qui ressort de la consultation est le faible niveau de connaissance des opportunités offertes par le Marché intérieur et des droits des citoyens et entreprises découlant de la liberté d'établissement et de prestation des services garantie par le Traité CE.

(i) Le manque d'informations sur l'environnement réglementaire

Le manque d'informations sur les règles nationales applicables et leur interprétation prend différentes formes et se retrouve dans toutes les étapes de l'activité de prestation de service. Les contributions en ont donné de nombreux exemples, parmi lesquels le manque d'information sur les régimes d'autorisations (y compris en matière d'urbanisme) et les exigences de qualifications et autres conditions qui y sont liées, sur le droit du travail, sur les standards techniques pour l'équipement et le matériel utilisé par le fournisseur de services, ou sur les règles relatives aux communications commerciales, à la vente sur Internet, à la fiscalité, ou aux contrats. Des difficultés particulières apparaissent dans des domaines où se posent des questions d'interprétation des réglementations nationales découlant de jurisprudence nationale peu claire, incohérente ou imprévisible. [152]

[152] Il a également été indiqué qu'il était souvent impossible d'obtenir une clarification de la part de ses propres autorités en ce qui concerne l'application de la réglementation dans les autres Etats membres.

Le manque de connaissances sur les autorités compétentes, les procédures et les formalités entrave la fourniture transfrontalière des services. Le manque d'information et de transparence constitue particulièrement un problème pour l'identification des différentes autorités compétentes dans un autre Etat membre, pour l'obtention des formulaires nécessaires et la compréhension des procédures. Quelques contributions ont signalé que des autorités publiques ont parfois donné des informations contradictoires et laissent entendre qu'il y a peu de coopération entre les autorités des Etats membres. Le manque de disponibilité sur Internet des formulaires nécessaires a également été souligné.

(ii) Le manque de connaissance des principes du Marché intérieur

Les réponses à la consultation suggèrent que les entreprises et les consommateurs n'ont souvent pas connaissance de leurs droits en matière de prestation et de réception de services, et que davantage d'informations doivent être fournies sur les principes de libre prestation de services et de liberté établissement ainsi que sur le Marché intérieur en général. Cet état de fait, pour les PME, s'explique par le manque structurel de ressources disponibles pour assurer une veille et interpréter les informations juridiques. A tous les niveaux, cela restreint les velléités des individus et des entreprises, en particulier les PME, de saisir les opportunités offertes par le marché intérieur et de « penser européen ».

Le droit de contester des mesures non discriminatoires semble largement méconnu et de nombreux prestataire de services pensent toujours que, dans le Marché intérieur, seules sont interdites les discriminations (ou, autrement dit, que s'appliquerait uniquement la règle du « traitement national »). Ils semblent peu connaître la jurisprudence de la Cour de Justice selon laquelle les libertés de prestation de service et d'établissement ne s'opposent pas seulement aux mesures discriminatoires mais aussi aux mesures non discriminatoires qui sont de nature à empêcher, gêner ou rendre moins attrayant l'exercice des activités entre Etats membres. Des contributions ont parfois indiqué que même si dans certains domaines des entreprises avaient rencontré des gênes ou des complications, les entreprises locales et les entreprises étrangères étaient soumises aux mêmes règles. En conséquence ces règles devaient être considérées comme étant les conditions d'activités en vigueur dans le pays en question et respectées à ce titre.

Le droit de mettre en cause la proportionnalité est également peu compris. Même là où les contributions avaient indiqué l'existence de difficultés, elles s'interrogeaient rarement sur la proportionnalité de la mesure en cause. Cela suggère un manque de connaissance de ce qu'une mesure, même motivée par la protection d'un objectif d'intérêt général essentiel (par exemple la sécurité publique), ne doit pas conduire à une duplication des exigences déjà requises dans l'Etat membre d'origine et doit être proportionnée, c'est-à-dire apte à atteindre l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour l'atteindre.

Le droit de recevoir des services semble être méconnu en tant que principe et les destinataires de services, en particulier les consommateurs (par exemple, les touristes ou les patients) ignorent souvent que le Traité leur donne également le droit de recevoir des services sans restriction. Cela inclut le droit de se rendre dans un autre Etat membre et d'y recevoir des services dans les mêmes conditions que les ressortissants nationaux. Le besoin d'information à destination des consommateurs a également été mentionné lors de la consultation. Il a été suggéré que les consommateurs ont besoin d'être informés sur les services des autres Etats membres en ce qui concerne leur qualité, les conditions et les prix, afin de leur permettre d'avoir un regard averti sur les services offerts et sur leurs droits. Cela augmenterait leur confiance en matière d'achat de services transfrontaliers [153].

[153] Voir «Rapport franco-anglais», déjà cité.

2. Les difficultés d'ordre culturel et linguistique

La question des frontières culturelles, en particulier en ce qui concerne les langues, est revenue fréquemment pendant la consultation. De nombreuses entreprises, notamment parmi les PME, les voient comme une contrainte majeure pour vendre sur différents marchés et quelques unes d'entre elles estiment qu'elles affectent les fournisseurs de services beaucoup plus lourdement que les producteurs de marchandises. Cependant, il est nécessaire de faire une distinction entre, d'une part, les obstacles souvent décrits comme étant culturels mais qui, en réalité, découlent directement ou indirectement de la divergence des cadres juridiques nationaux, et d'autre part, d'autres difficultés qui résultent des préférences des consommateurs et des conditions du marché.

(i) Les frontières liées aux divergences des cadres juridiques

Les difficultés linguistiques lors des relations d'un opérateur avec les autorités sont parfois décrites comme étant « culturelles » alors qu'elles découlent aussi d'exigences légales et administratives. Par exemple, un certain nombre de contributions en réponse à la consultation ont souligné les difficultés découlant de l'utilisation avec les autorités de la langue locale et ont signalé comme obstacles la nécessité de fournir une traduction des documents, qui doit souvent être effectuée par un traducteur officiel et certifiée par un notaire. Cela était perçu comme particulièrement frustrant lorsque les procédures étaient instituées pour effectuer des vérifications qui avaient déjà été faites dans un ou plusieurs autres Etats membres.

Les difficultés d'ordre culturel liées aux pratiques administratives différentes ont été signalées dans un grand nombre de contributions. En particulier, les PME estiment qu'il est difficile de comprendre comment traiter avec les autorités nationales dans d'autres Etats membres et se trouvent souvent dans une situation dans laquelle elles commencent une procédure d'autorisation sans savoir comment et quand cette procédure prendra fin et combien cela leur coûtera.

(ii) Les frontières liées aux conditions différentes du marché

Les pratiques commerciales et les habitudes de consommation, y compris la langue, peuvent entraîner des difficultés en raison du fait qu'il faut connaître la langue, les valeurs locales et les usages d'un pays ou d'une région spécifiques. Bien que ce type de difficultés ait été mentionné fréquemment dans les contributions, celles-ci semblaient les accepter comme faisant partie de la réalité des affaires, étant donné que de tels facteurs doivent être pris en compte quel que soit le lieu d'activité, et même dans leur marché domestique [154]. Toutefois, les coûts induits pour surmonter les frontières linguistiques peuvent rendre moins attrayants les services transfrontaliers.

[154] Les pratiques commerciales varient selon les marchés et les consommateurs constituent rarement un groupe homogène à l'intérieur d'un Etat ou même à l'intérieur d'une région, bien qu'ils puissent être identifiés comme formant des groupes spécifiques selon, par exemple, leur âge, leur niveau d'éducation ou leur langue.

Les entreprises pensent encore « national » et souvent n'envisagent pas de développer leur activités au-delà des frontières, même si leurs services ne sont pas spécifiquement conçus pour le marché domestique et pourraient potentiellement être exportés. Cela s'applique spécialement aux PME. Un manque de confiance et une résistance naturelle à traiter avec les habitudes présentes dans d'autres Etats membres ont été signalés dans quelques contributions comme des frontières culturelles. Comme l'ont souligné quelques entreprises, il y a encore un manque de « conscience européenne » ou de réflexe de « penser européen ».

II. Les caractéristiques communes des frontières juridiques

Malgré leur apparente diversité, les difficultés qui affectent le fonctionnement du Marché intérieur des services ont de nombreux points communs.

A. Le caractère évolutif des frontières

L'inventaire des difficultés montre que la suppression des discriminations visées par les programmes généraux de 1962 et l'élimination des frontières physiques, techniques et fiscales visées par le Livre Blanc de 1985 ont été, dans le domaine des services, en partie compensées par le développement de nouvelles frontières juridiques ou par l'impact croissant de celles qui existaient déjà mais dont les effets ne se sont manifestés que progressivement, au fur et à mesure du développement des échanges entre Etats membres.

Cette dynamique des frontières apparaît au niveau du contenu des réglementations qui doit s'adapter en permanence à la différenciation et à l'innovation dans les activités de services expliquées plus en détail dans la troisième partie du rapport.

Mais l'évolution des frontières juridiques se manifeste aussi au niveau de la forme qu'elles peuvent prendre. En effet, un grand nombre de difficultés inventoriées ont pour point commun de ne pas découler des législations nationales mais d'autres formes d'intervention et de régulation dont l'impact sur le Marché intérieur se révèle de plus en plus.

1. Les pratiques administratives

Il résulte d'un grand nombre de difficultés inventoriées que les restrictions ne se trouvent plus dans le libellé des textes juridiques mais dans le comportement de certaines administrations ou la manière dont les procédures administratives sont conçues ou mises en oeuvre, y compris par les circulaires ou guides pratiques. Toutefois, deux types de problèmes méritent d'être plus particulièrement soulignés.

Le pouvoir d'appréciation discrétionnaire des autorités lié au régime d'autorisation est à l'origine de nombreuses difficultés car il rend imprévisible la décision qui sera finalement prise par l'autorité saisie et peut permettre, sous une apparente neutralité, de prendre des décisions désavantageant les prestataires d'autres Etats membres.

Par exemple :

- certaines réglementations sur les services de distribution prévoient que l'autorisation d'établissement est octroyée sur la base de critères généraux socio-économiques tels que les besoins au regard des commerces existants. La procédure d'autorisation peut, en outre, faire intervenir des organismes composés d'opérateurs concurrents déjà présents sur le territoire concerné. Ce type de critères, présents dans d'autres secteurs tels que l'hôtellerie ou les agences d'emploi, donnent une marge d'appréciation importante aux autorités compétentes et ont pour effet d'avantager les opérateurs déjà établis par rapport aux nouveaux entrants, même si c'est d'une manière moins visible qu'une disposition ouvertement discriminatoire ;

- une législation discriminatoire sur les services d'organisation de foires et expositions a été remplacée, suite à une procédure d'infraction de la Commission, par un régime d'autorisation basé sur un ensemble de critères généraux et de mesures d'application régionales qui, en pratique, laisse ouverte la possibilité aux autorités concernées de prendre des décisions discriminatoires à l'égard d'opérateurs communautaires.

Le formalisme excessif, la longueur, les coûts des procédures et le manque de transparence ont été soulignés par un grand nombre de contributions. L'accumulation des formalités et des procédures, combinés avec un manque de transparence et une mise en oeuvre parfois trop zélée, peuvent avoir un effet particulièrement dissuasif à l'égard des prestataires de services des autres Etats membres car ils ne sont pas familiarisés avec la culture administrative des autres pays.

Par exemple :

- des administrations demandent parfois des certificats qui n'existent pas dans le pays d'origine du prestataire ou des traductions certifiées par un traducteur qualifié dans le pays de prestation; ou encore le chef d'une entreprise de construction est obligé de se présenter personnellement auprès de la chambre des métiers du pays de prestation pour obtenir un certificat. En pratique, toutes ces exigences sont manifestement plus faciles à respecter pour un prestataire national que pour celui d'un autre Etat membre ;

- en matière douanière, des contributions ont montré que le bénéfice de la suppression des droits de douane semble avoir été quelque peu atténué par la complexité de certaines formalités douanières qui subsistent et qui affectent des services de transport [155].

[155] Par exemple, ont été signalés, notamment, les problèmes liés à des divergence d'interprétations du code des douanes par les Etats membres, y compris entre les autorités d'un même pays, ce qui entraînent des procédures et des charges supplémentaires pour les transporteurs et leur clients.

Signe de l'ampleur que prend ce type de problème, la Cour a été amenée ces dernières années à se prononcer à plusieurs reprises sur ces nouvelles pratiques, aussi bien en ce qui concerne l'interprétation discrétionnaire [156] que le caractère très lourd et coûteux de certaines procédures d'autorisation [157]. Par ailleurs, des initiatives visant à simplifier les procédures administratives sont en cours au niveau national et communautaire, notamment suite au rapport du groupe Mandelkern [158].

[156] Arrêts du 20 février 2001, Analir, affaire C-205/99 ; du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, affaire C-157/99 ; du 15 janvier 2002, Commission/ Italie, affaire C-439/99 ; du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital SL, affaire C-390/99.

[157] Voir en particulier, arrêt du 3 octobre 2000, Corsten, affaire C-58/98.

[158] Rapport final du Groupe consultatif de haut niveau, présidé par M. Mandelkern, rendu le 13 novembre 2001.

2. La régionalisation des frontières

L'inventaire des difficultés montre que des frontières juridiques tendent à apparaître plus fréquemment au niveau des règles et pratiques locales ou régionales. Il peut s'agir soit de nouvelles frontières liées au mouvement de décentralisation, fédéralisation ou régionalisation qui a eu lieu dans plusieurs Etats membres ces dernières décennies, soit de restrictions qui existaient déjà depuis longtemps mais dont l'impact s'est révélé au fur et à mesure que les autres barrières au niveau national (discriminations, frontières physiques, techniques et fiscales) ont été supprimées.

Les autorités locales ou régionales jouent un rôle important dans la régulation des activités de services soit par un pouvoir normatif propre, soit par un pouvoir de mise en oeuvre locale de règles nationales. L'intérêt des régions et leur rôle actif en faveur du développement de l'économie des services est confirmé par le soutien clair apporté par le Comité des Régions à la « Stratégie pour le Marché intérieur des services » qui souligne, notamment, la nécessité de permettre aux PME à caractère régional d'opérer sur le Marché intérieur en utilisant au mieux les nouvelles technologies [159]. L'inventaire des difficultés a montré, toutefois, que dans certains cas les exigences du fonctionnement du Marché intérieur ne sont pas assez connues au niveau régional ce qui peut entraîner des difficultés pour les prestataires d'autres Etats membres. En outre, lorsqu'un prestataire d'un autre Etat membre souhaite développer ses activités non pas uniquement dans une région donnée mais dans l'ensemble du territoire national, la multiplication des procédures, des dispositions spécifiques et des contacts avec les autorités régionales ou locales peuvent rendre une telle opération plus complexe et plus coûteuse que pour les opérateurs nationaux qui peuvent s'y adapter plus facilement.

[159] Avis du Comité des Régions déjà cité, voir en particulier 10, 14, 16 et 27.

Par exemple :

- dans un Etat membre, certaines activités de services, comme celle de recouvrement de créance sont soumises à un régime d'autorisation pour chaque province, ce qui signifie que la couverture de l'ensemble du territoire national nécessite plus d'une centaine d'autorisations avec des autorités différentes;

- dans des Etats membres les listes des sites touristiques qui ne peuvent être visités qu'accompagné d'un guide agréé au niveau local sont fixées par les autorités locales suivant des critères différents. En l'absence d'une liste qui couvre tout le territoire national, les guides touristiques et les agences de voyages d'autres Etats membres doivent faire face à une multitude de listes locales qui peuvent couvrir aussi bien des musées ou des sites archéologiques spécifiques que des villes ou des zones touristiques entières ;

- l'établissement d'entreprises de distribution, d'hôtels ou de restaurants est particulièrement affecté par cette régionalisation des frontières juridiques, du fait que dans plusieurs Etats membres la détermination des critères d'autorisation (y inclus de planification urbaine) ou/et leur application se fait au niveau local ou régional ;

- dans un Etat membre, de nombreuses communes ont établi une taxe sur les antennes satellites ce qui a pour effet de pénaliser plus particulièrement les consommateurs dans la réception des chaînes de télévision des autres Etats membres, notamment les résidents d'origine étrangères.

Cette tendance à la régionalisation des restrictions est illustrée par un récent arrêt de la Cour [160] dans lequel elle a examiné la compatibilité avec les principes de libre circulation des services et de liberté d'établissement de 14 réglementations régionales différentes d'un même Etat membre émanant de 6 régions et adoptées pour la plupart dans les années 80.

[160] Arrêt du 15 janvier 2002, Commission/Italie, affaire C-439/99.

3. La mise en oeuvre des instruments communautaires

Suite au développement progressif du droit communautaire dérivé durant ces vingt dernières années, un certain nombre de difficultés signalées sont directement liées à l'acquis communautaire.

Les problèmes de mauvaise application des directives sont à l'origine d'un certain nombre de difficultés signalées. Ces problèmes peuvent découler notamment de la présence dans certaines directives de dispositions donnant une trop forte marge de manoeuvre aux Etats membres, ou prévoyant des dérogations ou exigences facultatives, ou, encore, de clauses d'harmonisation minimale permettant l'adoption de règles nationales plus strictes [161]. La Commission a déjà eu l'occasion de reconnaître les effets négatifs de ce dernier type de clauses [162] et la Cour a été amenée à limiter l'usage abusif que certains Etats membres en ont fait [163] .

[161] Voir aussi « Report of the Business Environment Simplification task force Best » déjà cité, page 61.

[162] Contenues dans certaines directives relatives à la protection du consommateur ; voir Livre vert sur « La protection des consommateurs dans l'Union européenne », COM (2001) 531 final, paragraphe 2.3.

[163] Arrêt du 1er décembre 1998, Ambry, affaire C-410/96.

Par exemple, ont été citées dans des contributions:

- les directives sur les assurances, notamment l'application très divergente de la possibilité donnée aux Etats membre d'accueil de prendre des mesures au titre de la protection de l'intérêt général [164];

[164] Ces difficultés sont expliquées dans la Communication de la Commission « Liberté de prestation de services et intérêt général dans le secteur des assurances », C(1999) 5046.

- les directives en matière de fiscalité, en particulier la 6ème directive sur la TVA [165] ;

[165] Voir la Communication de la Commission « Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Stratégie visant à améliorer le fonctionnement du système de TVA dans le cadre du Marché intérieur », COM (2000) 348 final.

- la directive sur le transport de déchets dont le régime d'enregistrement ou d'autorisation a été appliquée différemment ce qui rend, en pratique, particulièrement complexes les activités de transport transfrontalier de déchets entre 4 pays limitrophes [166].

[166] Voir l'analyse de la Chambre de Commerce du Grand Duché de Luxembourg « Les autorisations de transport et de négoce de déchets en Saar-Lor-Lux », T. Theves.

Des questions relatives à la mise en oeuvre du principe de libre circulation des services au travers d'instruments de droit dérivé ont été aussi parfois signalés [167]. Il faut noter que pour répondre à ce type de situation, la Cour a été amenée ces dernières années, notamment dans le domaine des services de santé, à se référer au principe de libre prestation des services prévu dans le Traité plutôt qu'à un instrument de droit dérivé [168].

[167] Par exemples dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive 96/71/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, page 1), notamment dans le cas de détachements de très courte durée.

[168] Dans une série d'arrêts de principe (du 28 avril 1998, Kohll, C-158/96, du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99, du même jour, Vanbraekel, C-368/98) la Cour a été amenée à garantir, indépendamment du règlement 1408/71 (déjà cité) le droit des patients à se faire rembourser les frais relatifs aux services de santé fournis dans un autre EM. Dans le domaine du détachement des travailleurs, la Cour a été amenée, en se fondant sur l'application de l'article 49 CE, à rappeler la nécessité d'apprécier dans quelle mesure l'application d'une réglementation nationale imposant un salaire minimal à une entreprise de service d'un autre Etat membre employant des travailleurs transfrontaliers est nécessaire et proportionnée ; arrêts du 15 mars 2001, Mazzoleni, affaire C-165/98 ; voir aussi arrêts du 25 octobre 2001, Finalarte, affaire C-49/98 et du 24 janvier 2002, Portugaia Construções, affaire C-164/99.

Par exemple, l'interprétation des conditions d'application du règlement 1408/71 [169] par les Etat membres a posé des problèmes aux destinataires de services de santé souhaitant se faire rembourser des soins fournis dans un autre Etat membre [170].

[169] Règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ; déjà cité.

[170] Voir l'étude faite pour la Commission "Implications de la jurisprudence récente concernant la coordination des systèmes de protection contre le risque de maladie", déjà citée.

Dans le domaine du droit des contrats des problèmes de cohérence et d'application uniforme du droit communautaire dérivé ont été soulignés par la Commission [171] et les parties consultées [172]. Les problèmes de cohérence concernent par exemple des situations similaires qui sont traitées différemment dans plusieurs actes communautaires. Ainsi, l'absence de définitions cohérentes dans des actes communautaires dérivés concernant des termes comme « dommage » ou « contrat » peuvent créer des problèmes d'application uniforme dans les Etats membres. Des difficultés peuvent aussi résulter de la transposition dans les Etats membres qui renvoie à des règles générales différentes propres à leur ordre juridique.

[171] Voir la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen concernant le droit Européen des contrats, COM (2001) 398 final, 11. 07. 2001, p. 11et 12.

[172] Voir le résumé des services de la Commission des résultats de la consultation sous http://europa.eu.int/comm/consumers/policy/developments/contract_law/index_fr.html

Certains directives contiennent par exemple des définitions différentes du terme « dommage » ; d'autres directives utilisent ce terme sans le définir [173].

[173] Par exemple, la notion de « dommages » dans la directive sur les voyages à forfait (qui ne contient pas de définition de cette notion) a été interprétée par la Cour de Justice seulement à la lumière de cette directive, tandis que l'avocat général avait suggéré de l'interpréter en tenant compte des autres actes communautaires.

4. Les règles collectives non-étatiques

Un certain nombre de difficultés inventoriées proviennent non pas de réglementations émanant des autorités publiques mais plutôt de la disparité entre des normes adoptées par des entités non publiques d'un Etat membre, telles que les ordres professionnels, les fédérations sportives, les partenaires sociaux qui élaborent des conventions collectives, ou encore les parties intéressées ou groupements qui élaborent des codes de conduite ou des règlements collectifs [174].

[174] La Cour a déjà été amenée à se prononcer sur les règles collectives. Le premier arrêt date de 1974 (Walrave, affaire 36-74, point 18), mais ces dernières années la Cour a été amenée dans plusieurs affaires à appliquer cette jurisprudence : arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, affaire C-415/93, point 83 et du 11 avril 2000, Deliège, affaire C-51/96 et C-191/97, point 47, y compris à une réglementation d'un ordre professionnel des avocats (arrêt du 19 février 2002, Wouters, affaire C-309/99).

Les activités de services sont particulièrement concernées par ce type de disparités, les professions réglementées étant traditionnellement régulées par les ordres professionnels au niveau national. Le recours aux codes de conduite tend à se répandre dans d'autres domaines tels que ceux des services de la société de l'information et les débats actuels sur les nouvelles formes de gouvernance pourront conduire à une utilisation plus fréquente de ce type de codes ainsi que de la co-regulation et d'autres modes de contractualisation de la régulation économique.

- Par exemple, des codes de conduite adoptés par certains ordres professionnels, imposant des limites quantitatives sur l'accès à la profession ou des limites sur les services qui peuvent être offerts, peuvent entraîner des difficultés pour les professionnels des autres Etats membres souhaitant s'établir dans le pays en question ou y prester des services.

5. Le comportement des opérateurs

Il s'agit de pratiques des opérateurs individuels qui ont pour effet de territorialiser leurs activités ou leurs prix et conditions de vente. Il peut s'agir, en particulier, du refus de vendre à des clients d'autres Etats membres au seul motif qu'ils ne résident pas dans le pays de l'opérateur. De telles pratiques pénalisent les utilisateurs de services désireux de se fournir auprès de prestataires d'autres Etats membres, en particulier les consommateurs. Ces comportements peuvent n'être que la conséquence des frontières juridiques qui peuvent rendre très risquées certaines activités transfrontalières. Toutefois, dans certains cas, lorsque de tels risquent sont moindres, ils dénotent davantage une volonté commerciale de territorialiser le Marché intérieur en plusieurs marchés nationaux [175].

[175] Même si ce type de comportement est à examiner au regard des règles de concurrence, la Cour a déjà ouvert la possibilité d'examiner la compatibilité de ce type de comportement avec les libertés du Marché intérieur ; arrêt 8 juin 2000, Angonese, affaire C-281/98, relatif à l'article 39 CE ; voir aussi arrêt du 13 décembre 1984, Haug-Adrion, affaire C-251/83 relatif à la compatibilité avec l'article 59 du traité CE de stipulations contractuelles prévues dans des conditions générales d'un contrat d'assurance.

Par exemple, un Etat membre a fait une contribution spécifique soulignant l'impossibilité pour les citoyens de son pays d'avoir accès aux chaînes de télévision cryptées disponibles dans d'autres Etats membres en raison du fait que les opérateurs des chaînes refusent de vendre ou de louer des décodeurs aux personnes qui ne sont pas résidentes dans les pays où ces chaînes sont offertes.

B. Le caractère horizontal des frontières

L'analyse de la variété des frontières juridiques inventoriées révèle qu'une grande partie d'entre elles sont communes à un grand nombre de domaines ou secteurs d'activités très différents. Trois types de problèmes horizontaux peuvent être distingués.

1. L'application d'un régime unique à l'établissement et à la prestation de services

Un grand nombre d'activités de services rencontre le même problème : l'Etat membre de destination traite le prestataire de services comme s'il s'agissait d'une entreprise établie sur son territoire et le soumet donc pleinement à son régime juridique.

Par exemple :

un agent en brevets qui preste occasionnellement un service dans un autre Etat membre est soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation de ce dernier, de répondre à la qualification professionnelle qui y est prévue et de s'enregistrer dans un registre spécifique ; ou un architecte paysagiste qui preste temporairement un service dans un autre Etat membre est soumis à l'obligation d'être membre de l'association nationale et de répondre à toutes les règles professionnelles de ce pays.

L'inventaire des difficultés, en particulier celles relatives à l'étape de la distribution des services (étape 4 de la chaîne économique), montre que ce type de problème peut prendre différentes formes ; il peut s'agir :

- de l'obligation de s'établir dans le pays où le service est presté, un tel établissement entraînant l'assujettissement de l'opérateur à l'ensemble des règles de ce pays;

- d'un système d'autorisation (ou d'enregistrement) par l'autorité du pays où le service est presté, l'obtention de l'autorisation étant conditionnée au respect de l'ensemble ou une partie des règles de ce pays;

- de l'assujettissement systématique des opérateurs aux règles du pays où le service est presté (indépendamment de l'existence d'une obligation d'établissement ou d'un régime d'autorisation).

Dans tous ces cas l'objectif est le même : assimiler la situation d'un prestataire établi dans un autre Etat membre à celle d'un opérateur établi dans l'Etat membre en cause pour pouvoir le soumettre systématiquement à la réglementation de ce dernier. En contradiction avec la jurisprudence de la Cour [176], cette approche revient à réduire le principe de la libre circulation des services à une simple obligation de ne pas discriminer.

[176] "Un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation de services », arrêt du 25 juillet 1991, Säger, affaire C-76/90, point 13.

2. L'insécurité juridique entourant la liberté d'établissement et la libre prestation de services

Une grande variété de services transfrontaliers sont affectés par une forte insécurité juridique sur leur légalité car cette dernière va dépendre d'une appréciation au cas par cas de la part des autorités nationales du pays dans lequel l'opérateur veut développer son activité. Cette insécurité juridique se manifeste en particulier de deux manières :

- les réglementations nationales sont souvent floues ou ambiguës sur leur éventuelle applicabilité à l'égard des prestataires établis dans un autre Etat membre. En effet, dans de nombreux cas, les règles qui imposent des obligations aux prestataires de services ne précisent pas explicitement leur champ d'application territoriale, en particulier si elles s'adressent uniquement aux prestataires établis sur le territoire de l'Etat membre concerné. Une telle situation laisse une marge d'interprétation aux autorités nationales et va conduire le prestataire à demander une assistance juridique spécifique et des éclaircissements auprès des autorités nationales, voire leur « feu vert »;

Ainsi, un nombre significatif de projets de lois nationales relatifs aux services de la société de l'information qui ont été notifiés [177] en 2001 à la Commission ont fait apparaître ce type de problèmes.

[177] Au titre de la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998 portant modification de la directive 98/34/CE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JO L 217 du 5.8.1998, page 18.

- certaines règles nationales assujettissent la prestation de service ou la liberté d'établissement au respect systématique d'un critère ou d'un test à apprécier au cas par cas par les autorités et dont le résultat est difficilement prévisible.

Par exemple, dans un Etat membre, l'utilisation d'un laboratoire d'analyse d'un autre Etat membre n'est possible que si ce type d'analyse « n'est pas réalisable » sur son territoire. Il peut s'agir aussi de critères tels que «l'incidence sur le commerce existant » (services de distribution), « le besoin de placement » (services d'agence de placement d'artistes), « l'intérêt général » (service financiers), «l'aptitude » ou « l'équivalence » (professions réglementées).

En pratique, cette insécurité juridique a pour effet de renverser les rôles puisqu'un opérateur souhaitant fournir son service dans un autre Etat membre se retrouve dans la situation paradoxale de devoir revendiquer et justifier le bénéfice des principes de libre circulation des services et de liberté d'établissement alors que normalement, conformément à la jurisprudence de la Cour, il revient au contraire à l'autorité nationale de justifier le recours aux exceptions à ces principes, celles-ci ne pouvant pas, en tout état de cause, être appliquées de manière générale et systématique [178].

[178] La consultation a montré qu'un tel renversement des rôles apparaît aussi dans l'application des directives relatives aux assurances : alors que celles-ci donnent dans certains cas la possibilité à l'Etat membre d'accueil d'appliquer ses règles uniquement lorsqu'elles sont nécessaires pour des raisons d'intérêt général, certains Etats membres notifient aux autorités du pays d'origine toute une liste générale de règles qui doivent être systématiquement respectées par le prestataire établi sur le territoire de ce dernier. Voir communication « Liberté de prestation de services et intérêt général dans le secteur des assurances » déjà citée.

3. L'application du même type d'exigences dans des domaines différents

L'analyse de l'inventaire révèle que certains types de restrictions se retrouvent dans un grand nombre de secteurs ou d'activités de services (même si elles peuvent varier dans les détails), en particulier les restrictions suivantes : les régimes d'autorisation, de déclaration, d'enregistrement et d'inscription auprès d'un ordre professionnel ou d'une chambre des métiers, les limites quantitatives (numerus clausus, quota, superficies, etc.), les limites territoriales à l'exercice des services, les règles applicables au détachement des travailleurs dans le cadre de la prestation de service dans un autre Etat membre, les règles relatives aux activités pluridisciplinaires , les interdictions ou limites relatives aux communications commerciales, les règles en matière de fixation des prix, les règles sur la responsabilité professionnelle, l'assurance professionnelle et les cautions ou garanties financières ; certains aspects des règles en matière contractuelle ; le recouvrement de créances ; les règles en matière de fiscalité.

C. L'origine commune des frontières

Malgré la variété apparente des frontières juridiques, les raisons qui en sont à l'origine sont très souvent les mêmes et peuvent trouver trois explications.

1. Le manque de confiance mutuelle entre Etats membres

Un grand nombre de difficultés inventoriées peuvent être attribuées en premier lieu à un manque de confiance de certaines autorités à l'égard de la qualité des régimes juridiques des autres Etats membres.

L'application systématique des règles du pays où le service est presté, la simple évocation d'objectifs d'intérêt général pour justifier les obstacles sans vérifier l'équivalence de la protection offerte dans le pays d'origine ni la proportionnalité de la restriction, l'assujettissement des opérateurs de l'Union au même régime que les entreprises « étrangères » de pays tiers, la présomption de contournement des règles nationales par tout service transfrontalier, le contrôle plus fréquent des prestataires d'autres Etats membres, toutes ces difficultés révèlent une certaine suspicion de principe à l'égard des services provenant d'autres Etats membres et reviennent à considérer que la protection de l'intérêt général et la régulation des activités de services ne sont pas un objectif partagé par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne.

Ce manque de confiance mutuelle peut découler de la méconnaissance de la portée des principes de liberté d'établissement et de libre prestation des services, mais aussi d'un manque de transparence et de coopération administrative entre Etats membres ou, dans certains domaines, d'un manque d'harmonisation des règles nationales qui se traduit par une trop forte disparité entre les niveaux de protection de l'intérêt général garantis par les régimes nationaux.

2. Les résistances à la modernisation des cadres juridiques nationaux

Un certain nombre de frontières juridiques peuvent être attribuées au fait que les Etats membres n'ont pas réellement pris en compte les exigences du Marché intérieur des services. Les principes fondamentaux du Traité, la portée qui leur a été donné par la Cour, la succession des programmes ambitieux de 1962 et de 1985 ne se sont pas toujours traduits par l'ajustement des législations nationales auquel on pouvait s'attendre. Au contraire, comme cela a été expliqué plus haut, lorsque les régimes juridiques évoluent cela peut aller dans le sens de conforter les frontières juridiques ou d'en établir de nouvelles plutôt que de les supprimer.

Une enquête [179] révèle que 42% des chefs d'entreprises européennes actives dans le domaine des services estiment que les réglementations qui leur sont applicables ne sont pas adaptées aux réalités du marché, ou quelque peu désuètes, voire totalement désuètes [180], ce taux étant plus fort pour le secteur des services que pour tous les secteurs d'activités confondus (36,6%) [181].

[179] « Services Sector in Flash Eurobarometre 106 », Flash Eurobarometre 106 (Special Targets), enquête de surveillance du marché unique, septembre 2001, menée pour le compte de la Commission européenne, annexée au Tableau d'affichage, n° 9, 19.11.2001,

[180] Le pourcentage le plus fort étant en France (60%) et le plus faible en Irlande (23%).

[181] Flash Eurobaromètre 106 déjà cité.

Cette réticence à la modernisation peut avoir plusieurs explications :

- le faible suivi des arrêts de la Cour par les autorités nationales ne leur permet pas toujours d'identifier la nécessité de modifier les législations nationales. Les mécanismes existants dans les administrations nationales semblent se concentrer sur les affaires qui mettent en cause leur propre Etat ou, en amont, sur la nécessité de formuler des observations écrites dans une affaire concernant un autre Etat membre. En revanche, en aval, il semble que peu d'Etats membres procèdent à un véritable suivi actif et systématique de tous les arrêts concernant d'autres Etats membres afin d'évaluer les besoins d'ajustement de leurs législations [182]. Cela explique que beaucoup de problèmes inventoriés ont en réalité déjà fait l'objet d'arrêts de la Cour de justice condamnant des mesures ou pratiques similaires ;

[182] Le suivi se limite parfois uniquement à informer les services de l'administration susceptibles d'être concernés.

- le traitement au cas par cas et l'efficacité relative des sanctions des manquements au droit du Marché intérieur contribuent à donner l'impression à certaines autorités nationales qu'un ajustement de leur réglementation n'est pas indispensable aussi longtemps qu'elle n'est pas directement et explicitement mise en cause par la Commission ou par la Cour.

3. La protection d'intérêts économiques nationaux

Malgré la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle « des mesures constituant une restriction à la libre prestation des services ne sauraient être justifiées par des objectifs de nature économique tels que la protection des entreprises nationales [183]», force est de constater, notamment au regard de certains travaux parlementaires préparatoires, qu'un certain nombre de difficultés inventoriées démontrent que la défense d'intérêts économiques purement nationaux reste encore assez fortement ancrée dans certains Etats membres.

[183] Arrêt Portugaia Construções déjà cité.

III. L'impact des frontieres

A. Les effets en chaîne sur l'ensemble de l'économie et sur la compétitivité européenne

Les frontières affectent tous les services directement ou indirectement. La partie I du présent rapport a montré que les frontières au Marché intérieur ont un impact sur chacune des six étapes du processus économique d'un prestataire de services (« la chaîne économique »). Chaque prestataire de services qui envisage d'étendre son activité dans un autre État membre est susceptible de se heurter à une ou plusieurs difficultés et sera aussi affecté par les difficultés que rencontrent les prestataires dont il utilise les services. En effet, pour créer, promouvoir et distribuer son service, le prestataire compte sur une multitude d'autres services. Cette interdépendance des services a pour conséquence qu'une approche globale est nécessaire pour évaluer l'effet d'ensemble des frontières. La présente partie du rapport examine le rôle des services dans l'économie, l'interdépendance des services, le potentiel de croissance transfrontalière des services en cas d'élimination des frontières et fait une première évaluation de l'impact sur l'économie toute entière qui sera approfondie au cours de la seconde phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services. La Commission engagera un travail en 2002-2003 visant à approfondir l'analyse d'impact économique avec l'aide d'économistes spécialisés.

1. Le rôle clé des services dans l'économie

Les services jouent un rôle clé dans l'économie de l'Union européenne, étant à l'origine de près de 70% des emplois [184] et du PIB dans la majorité des pays de l'Union [185]. La croissance des services dépasse les performances globales de l'économie depuis des dizaines d'années et les services représentent donc une part croissante de l'économie de l'Union européenne. Il est clair que l'essentiel du potentiel de la création ultérieure d'emploi proviendra du secteur des services puisque la création d'emploi dans ce secteur dépasse la croissance globale de l'emploi [186].

[184] Cette proportion est encore plus élevée si le nombre de salariés des industries de transformation exerçant des activités de services est pris en compte. Par exemple, une étude de la Confédération des entreprises suédoises indique que les estimations atteignent 85% des salariés. "Svensk Internationell Tjänstehandel - nuläge och möjligheter", (commerce international des services en Suède - situation et possibilités) rapport dans le cadre du projet Internationalisation des sociétés de services suédoises, Svenskt Näringsliv, O. Erixon, 2001. Une autre étude réalisée pour le compte de la Commission européenne indique que cette proportion est également en augmentation dans les secteurs publics privatisés (par exemple les compagnies d'électricité) qui délaissent les activités industrielles traditionnelles pour devenir des compagnies flexibles axées sur les services. "The Effects of the Liberalisation of the Electricity and Gas Sectors on Employment" (les effets de la libéralisation sur les secteurs de l'électricité et du gaz) ECOTEC research and consulting, 2000.

[185] La proportion des services dans l'économie des États-Unis est encore plus forte puisqu'elle représente 74% environ du PIB, bien que l'Union européenne soit en train de combler la différence. Voir, par exemple : le rapport 2002 de la Commission sur la compétitivité (SEC(2002) 528 du 21 mai 2002, la Communication de la Commission sur la « productivité : la clé de la compétitivité des économies et des entreprises européennes (COM (2002) 262 final du 21.05. 2002) ; "Dienstleistungsreport 2000" (rapport sur les services 2000), Preussag AG, réalisé avec Institut der Deutschen Wirtschaft, Cologne, 2000 ; "Croissance et emploi dans le secteur des services, une analyse comparative", Bureau Fédéral du Plan Belgique, document de travail 6-00, 2000.

[186] "L'émergence de la société de la connaissance va entraîner la demande de main-d'oeuvre vers des niveaux de compétences plus élevés". Citation tirée de "Innovation in the Service Sector - Selected Facts and Some Policy Conclusions", Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung, G. Licht, G. Ebling, N. Janz, H. Niggemann, 1999, p. 5.

Cependant, et même si les statistiques sur l'industrie sont probablement surestimées du fait de l'intégration des services dans la production, de la difficulté relative à la classification des services, et des difficultés pratiques pour identifier les flux bruts, le poids des services dans les échanges est sans rapport avec leur poids dans l'économie : les services ne représentent encore que 21,6% de l'ensemble des transactions commerciales de l'Union européenne en 1999, dont 11,9% à l'intérieur de l'UE 15. De plus, la tendance est à la baisse de la part relative des services (elle était de 22,8% en 1992) [187]. Cet écart peut s'expliquer en partie par l'existence d'un Marché intérieur dans le domaine des marchandises mais non dans celui des services. Dans le domaine des services, les acteurs ont tendance à avoir recours à l'investissement direct à l'étranger et aux fusions plutôt qu'aux échanges directs (plus de 40% des IDE relèvent du domaine des services, dont 20,59 en intracommunautaire, contre respectivement 44% et 27,6% pour l'industrie, 15% restant « non attribués » [188]).

[187] Source : « EU international transactions » Eurostat édition 2001

[188] Source : « European Union Foreign Direct Investment », Eurostat, 2000

Le potentiel de croissance des échanges de services est donc très importants. Même si la contribution des services à la croissance de la productivité reste très difficile à mesurer à ce stade, il est probable que plus de concurrence entre opérateurs d'Etats membres différents provoquerait une augmentation de la productivité.

On trouve les services dans tous les domaines de l'économie moderne, y inclus dans ce qui peut être considéré comme les secteurs manufacturiers "traditionnels". Par exemple, certains fabricants automobiles proposent à présent des services financiers, de location et de leasing, des services de conseil, de formation et de gestion du parc automobile, ou des services d'assistance et de dépannage aux automobilistes [189]; les producteurs de matériel électronique proposent de plus en plus des services logiciels sur mesure [190] pour leurs produits. [191] Dans la production elle même, l'industrie automobile utilise des services informatiques, de design, de contrôle qualité... L'industrie est ainsi très dépendante des services et de la qualité de ceux-ci. Un grand nombre de ces services sont occultés dans les statistiques officielles des sociétés manufacturières [192]. Ce "pêle-mêle" de biens et de services et une intégration efficace des inputs de services permettent à l'économie de fournir des produits différenciés plus adaptés aux besoins des clients [193]. Il en résulte une amélioration de la productivité, de la compétitivité, des ventes et, en fin de compte, de la rentabilité des entreprises. [194]

[189] Voir "Job Revolution, Wie wir neue Arbeitsplätze gewinnen können", P. Hartz, 2001 et "Grundlagen der Automobilwirtschaft", W. Diez, 2001

[190] Par exemple, les sociétés de biens de consommation électroniques proposent une gamme croissante de logiciels pour jeux vidéo ou investissent dans les industries du spectacle (et notamment le cinéma)

[191] Autres exemples, les fabricants de produits pour les soins de santé qui proposent de plus en plus des services de conseil aux hôpitaux, les producteurs de denrées alimentaires fournissant des conseils sur la sécurité alimentaire et les opérateurs de télécommunication qui dégagent des recettes considérables en proposant une assistance téléphonique aux utilisateurs de logiciels.

[192] Par exemple, un rapport de l'OCDE conclut que la distinction entre les fabricants et les prestataires de services est devenue inopérante. De même, une étude danoise a relevé que 31% des entreprises danoises interrogées et officiellement cataloguées comme entreprises de transformation se considéraient comme des prestataires de services "The service economy", OECD, Science Technology Industry Forum, Paris, 2000; "Svensk Internationell Tjänstehandel - nuläge och möjligheter", op cit.

[193] Voir "Dienstleistungsreport 2000" op cit; "Marktpotentiale für Unternehmensbezogene Dienstleistungen im Globalen Wettbewerb", Institut für Wirtschaftsforschung, 1998.

[194] Voir "Stratégies tertiaires des exportateurs industriels. Économies et sociéties. Les services de l'an 2000", Tome XXXIII N°5, mai 1999: p. 17-43; "Trading Services in the Global Economy", L. Rubalcaba-Bermejo, J. Bryson, 2002.

Une étude américaine récemment publiée illustre l'importance croissante des services pour la valeur ajoutée des grandes sociétés:

"Quelle société est la plus grosse entreprise de services au monde- Disney- Citibank- American Express- Sur la base de plusieurs mesures, la réponse est en fait IBM ou General Electric - deux sociétés bien mieux connues pour leurs produits que pour leurs services." [195]

[195] "S-Business: Defining the services industry", Association for Services Management, S.W. Brown, B.A van Bennekom, K. Goffin, J.A. Alexander, 2001, p.4.

Par exemple, les fabricants de biens de qualité ont toujours attaché une grande importance à la question du service au client. Les produits d'ingénierie sophistiqués en sont un exemple, pour lesquels des contacts intensifs sont souvent requis au stade de la conception afin de satisfaire les besoins exacts du client. Le service au client se poursuit à travers la formation, la maintenance, le téléservice via l'Internet, l'assistance téléphonique, et peut s'étendre au financement et à des opérations de type « construction et maintien opérationnel » pour des projets d'infrastructure importants.

Des études effectuées en Allemagne dans le secteur de l'ingénierie montrent que les revenus provenant de l'activité de service sont en augmentation. Environ 10% des sociétés d'ingénierie tirent plus de 50% de leur revenu des activités de services. Autrefois, ces services étaient habituellement compris dans le prix du produit, mais il existe désormais une tendance à les facturer séparément.

Les fabricants de biens les plus innovants tirent fréquemment leur avantage compétitif de l'achat de services des technologies de l'information avancés. Le savoir-faire permettant de développer des produits contenant de l'intelligence embarquée est parfois disponible en interne, mais il est souvent nécessaire de recourir à des spécialistes fournissant des services liés à l'informatique et aux communications. Un exemple peut être trouvé dans le secteur automobile, dans lequel des systèmes de gestion des machines, des systèmes de freinage automatique et des systèmes de navigation sont devenus communs. D'autres produits d'ingénierie traditionnelle, tels que les grues et les machines-outils sont fréquemment équipés de systèmes pour la commande et le diagnostic à distance, afin de permettre un caractère opérationnel maximum, et de réduire les coûts de maintenance.

Dans le même temps, les fabricants ont externalisé les fonctions de services qu'ils ne considèrent pas comme faisant partie de leurs compétences essentielles, en les confiant à des fournisseurs de services, considérés comme plus efficaces. Il existe une interdépendance très forte entre les fabricants de biens et les sociétés qui fournissent aussi bien des produits que des services en relation avec le bien. Cela n'a pas seulement entraîné des conséquences sur la structure du secteur industriel mais cela a changé la façon dont les fabricants s'organisent en interne.

L'étendue des services fournis par fabricants de biens est souvent occultée dans les statistiques publiées. Même si leur activité principale est la fabrication, quelques sociétés des plus importantes en Europe emploient des dizaines de milliers de personnes dans leurs départements pour les services.

Des facteurs fondés sur la demande contribuent au rôle croissant des services dans l'économie de l'Union. [196] Il existe une demande croissante de services spécialisés aux entreprises en raison de l'externalisation; de services combinés avec des marchandises ; de services fondés sur la connaissance et liés aux loisirs; et de toute une variété de services résultant de mutations démographiques [197] comme des services de soutien aux personnes et les services de santé [198]. Ce phénomène s'est traduit par l'apparition d'un nombre sans cesse croissant de services différents allant des secteurs de services plus traditionnels comme les transports, le commerce de détail, les télécommunications, le tourisme, la santé et les services financiers à des services d'apparition plus récente comme les services aux entreprises dans les domaines de la gestion de l'environnement et des déchets, la conservation de l'énergie, les conseils en gestion, le traitement des données, l'analyse et les essais techniques, pour n'en nommer qu'un petit nombre.

[196] Voir "Innovation and Productivity in Services: State of the Art, OECD, D. Pilat, 2001; "The Service Sector in the UK and France: Addressing Barriers to the Growth of Output and Employment" op cit.

[197] Comme une population vieillissante et un plus grand rôle des femmes dans la main-d'oeuvre.

[198] Voir par exemple un rapport réalisé pour le compte de la Commission européenne "Services for Individuals and Households in the European Union", Institute for Employment and Research, 2001.

2. L'interdépendance des services

Les services sont étroitement entremêlés étant donné qu'ils sont souvent utilisés en combinaison à chaque étape de l'activité économique d'un prestataire de services. Par exemple, un détaillant fournit des services à des fabricants et une variété de services au consommateur final, y compris des services de restauration et d'après-vente. Le détaillant fait à son tour appel à de nombreux autres services à chaque étape du processus économique depuis l'établissement de l'entreprise en passant par l'utilisation d'inputs, la promotion, la distribution et la vente jusqu'au stade de l'après-vente. Cette situation est illustrée ci-dessous.

Chaîne économique d'un service de détail

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Les difficultés pour un seul service déclenchent des effets en chaînes sur d'autres services en raison de cette interdépendance. Par exemple, comme cela a été mis en lumière au cours de la consultation, un détaillant établi dans un seul État membre qui souhaite s'établir dans un certain nombre d'autres États membres souhaitera normalement utiliser dans ces autres pays les services des agents immobiliers, des concepteurs de surface commerciale, des architectes, des ingénieurs, des sociétés de construction, des compagnies bancaires et d'assurance avec lesquels il travaille dans son État membre d'origine. Cela lui permettra de profiter de la coopération de longue date avec ses prestataires de services existants tout en dégageant des gains d'efficacité et des économies d'échelle. Cependant, il existe de nombreuses difficultés à la fourniture de ces services dans d'autres États membres, ce qui rendra l'établissement du détaillant plus coûteux et onéreux [199].

[199] Par exemple, les architectes et les ingénieurs risquent d'avoir des problèmes concernant les qualifications professionnelles; les sociétés de construction concernant le détachement de leurs salariés; les compagnies d'assurance concernant la différence de législation en matière de contrat et de fiscalité.

Les difficultés vont se multiplier tout le long de la chaîne économique. Pour reprendre le même exemple d'un détaillant, il peut découvrir qu'il ne peut pas utiliser comme input l'agence de travail temporaire avec laquelle il a l'habitude de travailler, que ses promotions ne peuvent plus être assurées par son agence habituelle de promotion des ventes, que sa société de transport routier ne peut pas lui fournir des services de distribution et que son expert comptable ne peut pas aménager et vérifier ses activités de vente. Tous ces services ne peuvent pas être proposés aisément au-delà des frontières (voire pas du tout) en raison de difficultés se situant à une ou plusieurs étapes de leurs propres activités [200]. En conséquence, à chaque étape de sa chaîne économique, le détaillant sera obligé de recourir à des services différents dans d'autres Etats membres et subira des pertes d'efficacité sensibles ainsi qu'un renchérissement des coûts.

[200] Voir la description des obstacles à la partie I. L'agence de travail temporaire peut être dans l'incapacité de fournir des services si elle ne s'établit pas dans les pays concernés, l'agence de promotion des ventes n'est peut être pas au fait des exigences juridiques précises en matière de promotion des ventes, la société de transport routier peut rencontrer des difficultés dans l'utilisation de ses véhicules, la société comptable peut ne pas posséder la forme juridique exigée, etc.

Les frontières du Marché intérieur des services nécessitent une évaluation d'impact transversale pour prendre en compte tous les effets en chaîne qu'elles produisent sur une multitude d'activités, en ligne avec la communication de la Commission sur l'analyse d'impact [201] qui prévoit une méthode intégrée d'analyse des incidences économiques, environnementales et sociales. Cette dernière comprendra, entre autres, l'impact sur la santé publique, la sécurité et les droits des consommateurs. [202]. En ce qui concerne les incidences économiques, il faut noter qu'une analyse d'impact qui ne porterait que sur les effets sur une activité ou un secteur donné serait partielle et trompeuse. Il faut s'appuyer sur une méthodologie d'évaluation qui inclut non seulement l'impact d'une difficulté inventoriée sur la chaîne économique d'un service donné jusqu'au consommateur final mais aussi son impact sur la chaîne économique d'autres activités connexes. Cette évaluation dynamique et qualitative sera entreprise par les services de la Commission avec l'aide d'économistes spécialisés pendant la seconde phase de la stratégie pour le Marché intérieur des services [203].

[201] COM (2002) 276 final.

[202] COM (2002) 276 final.

[203] Il faut noter que l'utilité d'une telle évaluation d'impact transversale et dynamique est aussi reconnue par l'OCDE ; voir "Quantification of Costs to National Welfare from Barriers to Services Trade", a literature overview, OECD,2001.

3. La demande de services transfrontaliers

La demande de services transfrontaliers augmente constamment. [204] La demande de services ne se limite pas aux marchés nationaux. Toutefois, en dépit du rôle prédominant des services dans l'économie, le niveau absolu de prestation transfrontalière de services est inférieur à celui des échanges de marchandises. Étant donné que, au cours des dix dernières années, la croissance en termes réels du chiffre d'affaires (corrigée de l'inflation) des entreprises européennes a été portée par les exportations [205], cela conduit à penser qu'il existe un potentiel considérable de croissance économique par le biais des exportations de services.

[204] Les exportations de services des pays de l'Union européenne ont augmenté de 7,3% entre 1990 et 1999 bien que cette croissance n'ait pas été aussi rapide que celle enregistrée par les États-Unis et plus particulièrement la Chine et le Japon. Depuis 1990, l'Europe occidentale a vu sa part du marché mondial se réduire de quelque 8,6%. Voir par exemple des études suédoises et danoises récentes: "Svensk Internationell Tjänstehandel - nuläge och möjligheter", déjà citée et "Internationalisering af Service - Potentialer og Barriere, Erhvervsministeriet, 2001.

[205] Voir "SMEs in Europe", Observatory of European SMEs, European Communities, No2 2002; "Service Internationalisation - Characteristics, Potentials and Barriers" op cit.

La mondialisation et le lien entre les entreprises de services et leurs clients multinationaux sont un facteur avéré d'une telle croissance de la demande dans le domaine des services aux entreprises. Les prestataires multinationaux de services, de même que les fabricants qui ont augmenté leurs opérations internationales, ont encouragé les prestataires de service auxquels ils ont recours à soutenir leurs opérations en exportant leurs services dans d'autres Etats membres ou en créant des établissements secondaires. [206]

[206] Une étude sur les services techniques souligne que la croissance des échanges transfrontaliers de services est étroitement liée à l'émergence de firmes multinationales qui choisissent les prestataires de services offrant le meilleur rapport qualité/prix, indépendamment de la nationalité ; "Marktzugangsregelungen/Berufszugangsregelungen für Technische Dienstleistungen und deren Auswirkungen auf die Internationale Wettbewerbsfähigkeit", Institut für Wirtschaftspolitik an der Universität zu Köln, M. Fredebeul-Krein, A. Schürfeld, Oktober 1998. Voir aussi "Trading Services in the Global Economy", déjà citée.

La spécialisation et la différentiation de services aux entreprises qui peuvent être rares dans certains États membres contribuent aussi à la demande transfrontalière. La nécessité croissante de regarder au-delà des marchés nationaux pour recruter de la main-d'oeuvre spécialisée et compétente, en particulier dans les services de haute technologie et de connaissance, est avérée [207].

[207] Voir par exemple "L'emploi en Europe 2001: évolution récente et perspectives", DG Emploi et Affaires sociales, Communautés européennes, 2001

Les nouvelles technologies de l'information et des communications renforceront encore la tendance à l'internationalisation des services. Les nouvelles technologies permettent aux services fondés sur la connaissance d'être fournis à distance et facilitent l'importation et l'exportation de services sans qu'il soit nécessaire de procéder à des investissements directs à l'étranger. [208]

[208] D'après le gouvernement britannique, l'extension croissante de la gamme de services qui peuvent être fournis à distance met aussi en lumière de nouveaux obstacles qui sont susceptibles de limiter les échanges et la concurrence dans l'Union européenne. Voir "Realising europe's Potential, Economic Reform in Europe", HM Treasury, 2002.

La plus grande mobilité et l'augmentation des revenus disponibles des consommateurs, conjuguées avec une plus grande information, grâce aux technologies, ont toutes deux eu pour effet d'augmenter la demande transfrontalière concernant une palette de services aux consommateurs, notamment dans les domaines du tourisme, de la santé et des loisirs.

Le potentiel résultant pour les services transfrontaliers ne peut cependant être pleinement exploité en raison des frontières au Marché intérieur [209], avec les coûts qu'elles entraînent et les réactions en chaîne dans l'ensemble de l'économie.

[209] Un exemple de perte de ce potentiel est cité dans une enquête réalisée parmi des prestataires de services aux entreprises pour le compte de la Commission européenne, où la majorité des entreprises interrogées a répondu qu'elles augmenteraient probablement leurs ventes de services aux entreprises dans d'autres États membres de l'Union européenne si les obstacles réglementaires étaient éliminés. "Entraves à la prestation de services aux entreprises"; déjà citée.

La libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz entraînera certainement un accroissement de la demande transfrontalière non seulement en énergie, mais également en services annexes, tels que des systèmes d'éclairage, de chauffage, de refroidissement et de force motrice énergétiquement efficace. Ces services seront étroitement liés à la livraison matérielle de gaz et d'électricité, offrant ainsi un autre exemple de l'interaction complexe entre services. Cependant, ce potentiel ne pourra être pleinement exploité qu'avec la suppression des obstacles à la prestation de l'ensemble de ces services.

4. Les coûts des frontières

Les frontières entraînent des coûts préalables de mise en conformité concernant la prestation et l'utilisation des services transfrontaliers. Les frontières identifiées dans la partie I du présent rapport entraînent une série de coûts de mise en conformité. Une société qui cherche à pénétrer sur un marché soit en s'établissant soit en fournissant des services au-delà des frontières devra faire appel à une assistance juridique complexe pour étudier si elle peut déployer ses activités sur le nouveau marché ou si elle devra modifier des éléments de son business model et comment.

Les coûts préalables de mise en conformité se multiplient tout le long de la chaîne économique. Les exemples dans le domaine du commerce de détail cités ci-dessous montrent que les coûts préalables de mise en conformité sont considérables même lorsqu'ils ne concernent qu'une ou deux étapes de la chaîne économique d'une entreprise de services. Toutefois, comme les obstacles affectent normalement chacune des étapes de l'activité des entreprises, le niveau global de ces coûts préalables de mise en conformité est sensiblement plus élevé.

Exemples de coûts préalables de mise en conformité [210]

[210] Des exemples sont fournis dans le contexte de la consultation concernant la stratégie pour le Marché intérieur des services par des prestataires de services et les cabinets juridiques qui les conseillent.

Une grande société de commerce de détail possédant une chaîne de magasins à dû mobiliser un cadre dirigeant à plein temps pendant 8 mois (coût EUR 200 000) pour étudier les ajustements nécessaires dans la stratégie de vente (étape 5 de la chaîne économique) du groupe pour respecter la législation d'un autre État membre sur le marché duquel elle souhaitait pénétrer.

Avant l'adoption et la transposition de la directive sur le commerce électronique, une société de vente par correspondance envisageant de commercialiser et de vendre des produits par l'intermédiaire d'un site Web a reçu une facture de EUR 25 000 d'un cabinet juridique pour des conseils sur la façon de se conformer aux différentes réglementations à l'intérieur de l'Union européenne concernant la publicité et notamment les règles spécifiques relatives aux produits (étape 3) et à la conclusion de contrats (étape 5 de la chaîne économique).

Une banque a payé à un cabinet juridique EUR 19 500 pour évaluer comment elle devrait modifier sa publicité (étape 3 de la chaîne économique) d'un service d'investissement particulier dans deux autres États membres.

Une entreprise de vente par correspondance de produits cosmétiques a dû détacher l'un de ses juristes à plein temps pendant six mois dans un autre État membre pour évaluer comment le modèle de distribution de la société devrait être modifié pour se conformer à la réglementation de cet État membre. L'entreprise a finalement décidé de ne pas pénétrer sur ce marché en raison de la modification radicale qu'aurait entraîné cette opération dans son business model.

Les coûts de mise en conformité préalables ne sont pas liés à la taille de l'entreprise: l'étude des exigences juridiques et des pratiques administratives nationales ainsi que l'évaluation de la possibilité de proposer ou d'utiliser un service exigent normalement de l'entreprise, grande ou petite, qu'elle consente d'emblée à peu près le même investissement en conseil juridique [211]. En outre, les coûts de mise en conformité préalables sont des investissements à fonds perdus qui doivent être engagés avant même qu'une société puisse décider si elle pénètre ou non sur le marché d'un autre État membre.

[211] Par exemple, une étude allemande indique que les coûts externes de la législation pèsent de façon démesurée sur les PME. "Externe Kosten von Rechtsvorschriften, Möglichkeiten und Grenzen der Ökonomischen Gesetzesanalyse, Institut für Weltwirtschaft an der Universität Kiel, H. Dicke, H. Hartung, 1986. Voir aussi "Regulation and Small Firms", progress report from the Better Regulation Task Force, 1999.

Les petites entreprises trouvent les coûts de mise en conformité préalables prohibitifs alors que les micro-entreprises ou les petites entreprises jouent pourtant un rôle essentiel dans le domaine des services [212]. La taille moyenne des entreprises dans le secteur du commerce de détail en Europe conduit à penser que les coûts de mise en conformité préalables sont disproportionnés par rapport au chiffre d'affaires et, selon toute probabilité, de nature à dissuader une entreprise de taille moyenne du secteur du commerce de détail en Europe d'envisager même une stratégie de Marché intérieur.

[212] Cette situation est commune à tous les secteurs des services. Voir "Major Trends and Issues", OECD, M. Edwards, M. Croker, 2002.

Taille moyenne des entreprises dans le secteur du commerce de détail (EUR 13, 1998) [213]

[213] Les moyennes sont basées sur l'information dans 13 États membres. L'Allemagne et la Grèce sont exclues car les données correspondantes n'étaient pas disponibles. "Statistiques du commerce: le commerce de détail en Europe", Statistiques en bref: industries, commerce et services, Eurostat, J. Hubertus, thème 4-40, 2001.

nombre moyen de salariés: 3,2

chiffre d'affaires annuel moyen: EUR 582 207

En 1998, dans les États membres fournissant des données, environ 90% des entreprises du commerce de détail employait moins de cinq personnes. Les entreprises de cette taille représentaient 73% du total en Irlande (plus faible pourcentage) et jusqu'à 94% en Italie.

Les coûts de mise en conformité relatifs à l'organisation constituent un fardeau supplémentaire, en plus des frais de mise en conformité préalables, lorsqu'une société est obligée de modifier sa stratégie optimale pour chaque étape de sa chaîne économique. Il existe à la fois des coûts statiques à chaque étape de la chaîne économique et des coûts dynamiques qui résultent des effets de réaction en chaîne tout au long de cette chaîne économique, la société concevant un nouveau business model pour chaque marché sur lequel elle pénètre. Les coûts de l'organisation sont très variés et peuvent être considérables, comme le démontrent les exemples suivants.

Exemples de coûts de mise en conformité relatifs à l'organisation

Une grande société de commerce de détail possédant une chaîne de magasins disposait d'une équipe d'architectes parmi son personnel. Toutefois, pour que les plans de magasins mis au point par cette équipe soient approuvés dans certains États membres, la société a dû faire appel aux services d'architectes inscrits au niveau national, ce qui a entraîné des coûts supplémentaires considérables (étape 1 de la chaîne économique).

Un marchand de vêtements a expliqué que, contrairement à ce qui se passait dans son État membre d'origine où les soldes pouvaient être organisées en fonction des collections de saison [214], des réglementations limitant les soldes à deux par an exigeaient une modification majeure de ses opérations. Les campagnes de promotion ont dû être totalement réadaptées (étape 3 de la chaîne économique). En outre, ceci a eu d'autres effets sur l'organisation dans d'autres étapes de la chaîne économique de l'entreprise comme des modifications des contrats d'achat avec les fournisseurs - moins de collections de saison pouvant être offertes dans de tels États membres (étape 2 de la chaîne économique) - la gestion des stocks (étape 2 de la chaîne économique) et la stratégie des prix (étape 5 de la chaîne économique).

[214] Pour certaines gammes de produits, il existe huit saisons par an, ce qui signifie que les stocks restants pour chaque série devront être liquidés dans le cadre de soldes.

Un commerçant qui avait l'habitude d'ouvrir le dimanche dans son État membre d'origine n'a pas pu le faire dans un autre État membre. Comme 60% de ses ventes sont normalement réalisées pendant les week-ends, cela a eu pour effet de concentrer les ventes sur les samedis. Ceci a exigé la construction de magasins beaucoup plus grands, de plus grands couloirs entre les rayons, une réduction du stock à l'étalage et de plus grands parcs de stationnement automobiles (étapes 1 et 4 de la chaîne économique). Ce renchérissement des coûts a été occasionné alors que des niveaux de vente inférieurs étaient réalisés par rapport au pays d'origine.

5. Les pertes en termes de croissance et de performances de l'économie européenne

Les coûts de mise en conformité ont des implications pour l'ensemble de l'économie. L'examen des coûts de mise en conformité des divers prestataires de services ne fournit qu'une évaluation partielle de l'impact des frontières relevés dans la partie I, étant donné qu'il n'est pas tenu compte des conséquences de ces coûts pour l'ensemble de l'économie au fil du temps [215]. En particulier, il faut dûment tenir compte des facteurs suivants:

[215] Il importe de relever que même le rapport Cecchini (déjà cité) a adopté un point de vue "statique" de l'économie de l'Union. Pour citer le document du Trésor britannique intitulé "Realising Europe's Potential: Economic Reform in Europe" déjà cité, page 16: "Cecchini lui-même se rendait compte de cette limite en reconnaissant que des facteurs dynamiques sans rapport avec les prix dus à l'élimination des entraves aux échanges commerciaux et aux réformes accompagnant cette opération auraient à long terme des conséquences beaucoup plus importantes que toute variation graduelle "statique" pour la productivité, l'emploi, la croissance, la stabilité économique et sociale de l'Union européenne".

Une réduction des investissements en matière de recherche et développement, d'innovation et de formation, résulte des frontières compte tenu du fait que les ressources disponibles sont diminuées à cause des coûts de mise en conformité préalables et de mise en conformité relative à l'organisation tandis que les niveaux de croissance des revenus seront moindres. Comme la croissance des services dépend de l'innovation, du renforcement de la spécialisation et de la formation du personnel spécialisé, la compétitivité et les performances des prestataires de services en souffriront [216].

[216] Le fait que l'innovation sera selon toute attente la plus forte dans les secteurs les plus ouverts à la concurrence internationale a été reconnue dans: "Innovation in the Service Sector - Selected Facts and Some Policy Conclusions", op cit, p. 5.

Une réduction des investissements dans la collecte d'informations, la différentiation et la personnalisation des services pour les clients résultera également du fait de ce "détournement" des ressources au sein des entreprises de services. Comme les services sont basés sur des connaissances ainsi que sur du savoir-faire et qu'ils ont besoin d'informations détaillées pour se conformer aux besoins spécifiques de leurs clients, de telles réductions pèseront plus particulièrement sur les performances des entreprises de services et leurs clients.

Une réduction des économies d'échelle résulte du fait que des business models gagnants ne peuvent être exportés parce que plusieurs des éléments de leur chaîne économique, voire tous, doivent être modifiés pour se conformer aux exigences réglementaires et administratives différentes dans d'autres États membres. Bien que les services soient différenciés, voire personnalisés, certaines tâches en amont ou d'administration peuvent être standardisées ou tirer parti de la technologie si des niveaux de demande suffisants sont atteints.

Un recours excessif aux stratégies de fusion et d'acquisition renforce les coûts de l'expansion. Les coûts de mise en conformité peuvent persuader les prestataires de services d'opter plutôt pour la croissance transfrontalière par acquisition que par des investissements en terrains vierges [217]. La croissance par acquisition est généralement considérée comme plus rapide à mettre en oeuvre mais aussi comme plus coûteuse à organiser dans la mesure où deux entreprises avec deux business models doivent être combinées et gérées.

[217] Par exemple, d'après l'étude sur les services commerciaux dans l'économie mondiale citée, la croissance internationale en Europe induite par les fusions et les acquisitions augmente plus rapidement que la croissance induite par des investissements directs en terrain vierge à l'étranger. Considérant le secteur du commerce de détail, il a été déclaré lors d'un séminaire que: "...les acquisitions sont devenues le principal moyen de croissance pour avoir accès à des pays dont la législation est restrictive, en particulier en France, en Italie et en Allemagne." Citation de E. Colla "Commerce 99 - Proceedings of the Seminar on Distributive Trades in Europe", Eurostat, Brussels, 22 -23 November 1999.

Des stratégies défensives anticoncurrentielles sont également dues aux frontières juridiques. Étant donné les contraintes pesant sur les investissements transfrontaliers en terrain vierge et le risque de devenir les cibles d'acquisition par les gros fournisseurs, les entreprises de services ont tendance à se développer par acquisition ou par entente au niveau national pour défendre leurs marchés [218] au lieu de croître au moyen de l'innovation ou de la différentiation [219].

[218] Lors du séminaire sur le commerce de détail en Europe op cit, il a été dit que "La mondialisation des sociétés incite aussi à la concentration au niveau national. Wal-mart et Promodes-Carrefour en sont des exemples: les acquisitions de Wal-Mart en Europe en 1998-1999 ont déclenché une réaction de concurrence dont la fusion entre les deux géants français ne constitue que l'événement le plus impressionnant".

[219] Voir aussi "Cross-border acquisitions and Greenfield entry", the Research Institute of Industrial Economics, P-J. Norbäck, L. Persson, Working paper No 570, 2002.

Les niveaux élevés de l'inflation des prix des services sont dus à ce potentiel inexploité de croissance transfrontalière des services dans le Marché intérieur et au manque de concurrence transfrontalière. Les consommateurs souffrent plus particulièrement de l'impact négatif de marchés fragmentés, puisqu'ils se voient refuser les avantages de la concurrence des prix [220]. Étant donnée l'interdépendance des services, il est évident que cette inflation des prix entamera encore davantage la compétitivité des entreprises recourant à des services. Cela aura à son tour un impact négatif sur la croissance et l'emploi dans l'économie de l'Europe dans son ensemble.

[220] "Realising Europe's Potential, Economic Reform in Europe" op cit.

B. Les principales victimes

1. Les petites et moyennes entreprises

Les PME peuvent juger le coût de l'expansion transfrontalière prohibitif. Les PME prédominent dans l'industrie des services et représentent une proportion beaucoup plus importante du total de la production que dans le secteur manufacturier [221]. Toutefois, elles sont plus gravement affectées par les coûts de mise en conformité que les grandes entreprises. En outre, pour celles qui pénètrent néanmoins sur de nouveaux marchés, les coûts significatifs de mise en conformité minent le succès de leur stratégie transfrontalière ou les affligent d'un handicap net en matière de concurrence par rapport aux sociétés en place. [222] Comme l'échelle de leurs opérations ne justifie pas le recrutement de personnel spécialisé dans l'adaptation, leur compétence et leur capacité à travailler avec des réglementations différentes sont très limitées [223].

[221] Voir "Innovation in Services and the Knowledge Economy; the Interface between Policy Makers and Enterprise: a Business Perspective", Irish Coalition of services industries, 2002 and "Major trends and issues" déjà cité.

[222] Les effets dissuasifs des coûts de mise en conformité s'agissant d'adaptation ne devraient pas être sous-estimés et l'expérience de la réglementation au niveau national dissuade aussi les sociétés de pénétrer sur de nouveaux marchés. Par exemple, un récent rapport au Royaume-Uni note que pour se conformer aux dispositions nationales, les dirigeants propriétaires de petites entreprises de commerce consacrent trois à cinq journées de travail par mois à s'occuper de relations avec l'administration et que ce temps a augmenté de 35% au cours des quatre dernières années. Cette hausse est due en partie à la complexité de la réglementation liée à une différentiation croissante des services. "Local shops: a Progress Report on Small Firms Regulation" Better Regulation Taskforce (UK), July 2001.

[223] Voir par exemple, "The Services Sector in the UK and France: Addressing Barriers to the Growth of Output and Employment" déjà cité.

Les PME sont exposées aux fusions et aux acquisitions. Les entreprises moyennes empêchées de s'étendre à l'étranger mais possédant souvent des connaissances du terrain, de l'expérience et un potentiel d'innovation significatifs seront des cibles attrayantes pour les grandes entreprises. Ces dernières peuvent être des nouveaux venus qui cherchent à pénétrer un marché par acquisition ou des entreprises en place qui souhaitent procéder à des acquisitions préemptives pour dissuader des rivaux d'autres Etats membres de pénétrer sur leur marché [224].

[224] Lors du séminaire sur le commerce de détail en Europe (déjà cité) il a été déclaré que "le tissu commercial de ces pays [France, Italie et Allemagne] a toujours été constitué d'un certain nombre de petites et moyennes entreprises familiales ou indépendantes ou appartenant à des groupes d'achat ou à des chaînes volontaires. Ces sociétés sont les cibles de prédilection des grandes chaînes qui cherchent à les acheter pour les évincer...."

Les PME dans les États membres petits et périphériques sont particulièrement désavantagées. D'une part, les PME de tels États membres doivent se développer au-delà des frontières en raison de l'insuffisance de la demande de leur marché d'origine. D'autre part, elles ne peuvent profiter du recours transfrontalier à des services aux entreprises attrayants. Cela s'explique par le fait que le niveau relativement faible de leur demande potentielle en fait les marchés les moins attrayants pour les prestataires de services aux entreprises, les bénéfices escomptés sur les investissements n'étant pas suffisants pour couvrir des coûts de mise en conformité élevés.

2. Les utilisateurs des services, en particulier les consommateurs

Les utilisateurs des services, et plus particulièrement les consommateurs paient en fin de compte le prix de l'existence des frontières au Marché intérieur dans le domaine des services. Les citoyens en souffrent directement lorsqu'ils sont empêchés de recourir à des services proposés par des prestataires dans d'autres États membres ou lorsque la fragmentation réglementaire et administrative dissuade les entreprises de proposer leurs services à des clients résidant dans d'autres États membres. Cette situation contribue aussi au manque de confiance du consommateur à l'égard des services provenant d'autres Etats membres. D'ailleurs, il est parfois conseillé aux entreprises, par leurs propres autorités, de ne pas vendre dans d'autres États membres [225] tandis que les citoyens sont également mis en garde par leurs organismes représentatifs de ne pas se risquer à acheter à l'étranger. Comme pour les PME, cela touche plus particulièrement les citoyens des petits États membres. Ainsi, les consommateurs ne peuvent généralement pas profiter d'une large variété de services à des prix concurrentiels et de la meilleure qualité de vie qu'ils pourraient attendre d'un Marché intérieur pleinement intégré.

[225] Par exemple, dans des lignes directrices concernant l'application d'une règle relative à la juridiction civile, une autorité nationale recommande explicitement aux sociétés de commerce électronique de ne pas vendre à des consommateurs dans d'autres États membres de l'Union européenne pour éviter le risque d'être poursuivies pour rupture de contrat dans tous ces pays.

Le « rapport Cardiff » de la Commission sur le fonctionnement du Marché intérieur [226] a révélé qu'il subsiste des différences de prix significatives dans le Marché intérieur. Le rapport a montré que certains prix au détail peuvent être jusqu'à 40% supérieurs ou inférieurs par rapport à la moyenne européenne et que l'écart moyen des prix s'élève à environ 30%. Le rapport conclut que ces divergences sont le résultat de facteurs « économiques » et non « géographiques » et que « des mesures de réforme économique et la promotion de la concurrence semblent être les mieux à même d'éliminer la dispersion résiduelle des prix sur ces marchés» [227].

[226] COM (2001) 736 du 7.12.2001.

[227] La table ronde des services financiers européens a effectué un rapport sur les bénéfices d'un marché européen des services financiers au détail (The benefits of a working European retail market for financial services. F. Heinemann, M. Jopp, 2002). Il a estimé que le potentiel d'économie en termes de coûts pourrait s'élever à 5 milliards d'euros et que l'effet bénéfique possible pourrait se traduire par une augmentation de la croissance économique de 0,5% à 0,7%. Le rapport identifie les divergences des règles nationales en matière de protection des consommateurs comme étant des obstacles importants qui « rendent une stratégie marketing pan-européenne et une standardisation des produits impossibles ». Par ailleurs, une étude Eurobaromètre effectuée pour la Commission (FLASH BE 117 « consumer study » janvier 2002) a montré que les consommateurs ont moins confiance dans les achats effectués dans un autre Etat membre que dans le leur. 32% des consommateurs européens se sentent bien protégés dans un litige avec une entreprise établie dans un autre Etat membre comparé à 56% dans le cas d'un litige avec une entreprise nationale.

Les salariés européens ne profitent pas du potentiel de création d'emploi de l'industrie des services. Toutes les entreprises sont affectées par ces obstacles, les services étant utilisés par chaque entreprise de l'Union européenne. Il en résulte que les coûts plus élevés, le manque à gagner en productivité et ainsi le moindre niveau d'emploi se développent dans toute l'Union européenne. Étant donné que les services représentent la majeure partie des emplois dans l'Union, c'est ce potentiel perdu qui est le plus préoccupant.

C. La faible crédibilité du Marché intérieur des services

La multiplication des frontières juridiques peut conduire les citoyens et les opérateurs européens à considérer que le Marché intérieur représente un espace risqué. Pour ceux qui ne sont pas dissuadés de fournir des services à travers les frontières intérieures et qui n'ont pas les moyens de payer les coûts générés par ces dernières [228], il existe deux solutions pour faire face à ces risques : soit trouver un arrangement avec les autorités ou des partenaire locaux, soit faire leur activité « au noir ».

[228] Analysés plus haut partie III, A.

1. La perception du Marché intérieur comme un espace risqué

Conséquence des multiples difficultés inventoriées, il ressort des contacts avec les milieux intéressés que les destinataires et les prestataires de services estiment souvent que les activités transfrontalières sont beaucoup plus risquées et coûteuses que les activités purement nationales. C'est pourquoi les entreprises choisissent souvent d'exercer leurs activités dans un cadre national ou local ou, lorsqu'elles veulent étendre leur champ d'action, semblent favoriser les investissements directs à l'étranger, les fusions et acquisitions plutôt que l'échange des services.

De même, les consommateurs se sentent moins confiants lorsqu'il s'agit d'effectuer des transactions dans un autre Etat membre. En effet, le développement de telles transactions dépend aussi de la confiance des consommateurs et donc de leur perception du marché.

Cette perception que le Marché intérieur des services est davantage un risque qu'une opportunité pourrait expliquer, en partie, pourquoi uniquement 29% d'entreprises ont fait appel à des services professionnels transfrontaliers [229] ou que des opérateurs estiment qu'ils risquent d'être soumis à un traitement partial de la part de tribunaux d'un autre Etat membre qui auraient à connaître d'un litige les concernant.

[229] «Barrier to Trade in Business Services», déjà cité, page ii.

La crédibilité du Marché intérieur des services dépend aussi largement de l'efficacité des recours et des sanctions contre une autorité nationale qui ne respecte pas le droit du Marché intérieur. A cet égard, une enquête révèle un certain scepticisme des chefs d'entreprises : « Les entreprises qui tentent effectivement de résoudre ces problèmes font généralement appel aux associations professionnelles, aux chambres de commerce ou à leurs propres réseaux. Le recours aux administrations, qu'elles soient nationales ou européennes, n'est pas apprécié par la plupart des sociétés, quelle que soit leur taille. Toutefois, il s'agit d'une voie de recours plus souvent utilisée par les grandes entreprises que par les petites. Ces résultats confirment qu'il est important de rendre les voies de recours plus accessibles et plus efficaces, notamment au niveau national" [230]. Le Parlement Européen [231] et le Comité Economique et Social [232], dans leur avis sur « une stratégie pour le Marché intérieur des service » ont particulièrement souligné l'importance d'améliorer l'efficacité des procédures d'infraction dans le domaine des services.

[230] Enquête jointe au Tableau d'affichage du Marché unique n°3, 3.11.1998. http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/update/score/busifr.htm.

[231] « Une politique rigoureuse de répression des infractions à l'encontre des Etats membres qui adoptent des mesures incompatibles avec les articles 43 et 49 du traité », Résolution du Parlement européen sur la Communication de la Commission « Une stratégie pour le marché intérieur des services » », déjà citée, 27.

[232] L'avis précise que «la Commission devrait mettre en oeuvre avec plus de détermination et d'efficacité son rôle de gardienne du traité en particulier en accélérant le traitement des procédures d'infraction en cas de violation des principes de libre circulation des services et de libre établissement et en examinant la question de la proportionnalité des mesures nationales à l'origine des restrictions. Au moment où un effort exceptionnel est requis des Etats candidats pour reprendre tout l'acquis communautaire, les Etats membres doivent se sentir tenus de donner l'exemple », Avis du Comité économique et social sur la Communication de la Commission « Une stratégie pour le marché intérieur des services », déjà cité, 7.5.

2. Les stratégies de « l'arrangement »

L'absence de sécurité juridique dans l'exercice des libertés et le manque d'efficacité des recours en cas d'obstacles peuvent contraindre les prestataires à engager des négociations avec les autorités nationales ou avec des opérateurs locaux pour trouver un « arrangement ». Même si juridiquement les obstacles ne sont pas justifiés et pourraient être contestés devant un tribunal ou la Commission, la nécessité de trouver une solution pragmatique et rapide pour ne pas retarder l'accès au marché en question conduit de nombreux opérateurs vers ce type de stratégie.

Les contacts avec les parties intéressées confirment ces pratiques d'arrangement, en particulier celles qui consistent à établir des partenariats avec des opérateurs locaux afin de « re-nationaliser » la situation et ainsi contourner la réticence de certaines autorités de donner accès à leur marché national [233].

[233] Cette stratégie a été aussi notée dans le domaine des marchés publics ; voir « Selling to the public sector in Europe. A practical guide for small and medium-sized companies ». OPOCE, 2000, page 17.

Cette stratégie a de multiples inconvénients :

- elle a des effets de pérennisation des frontières juridiques parce qu'elle empêche les actions juridiques visant à les supprimer et parce que l'opérateur, une fois qu'il a trouvé un arrangement, n'a plus aucun intérêt à ce que les frontières en causes disparaissent car elles constituent une barrière à l'entrée dans le marché pour des concurrents (effets anticoncurrentiels);

- elle entraîne des coûts supplémentaires liés aux négociations avec les autorités locales ou au partenariat avec un opérateur local (par exemple, les coûts découlant du recours à des services de consultants locaux ou d'interprètes ou de contreparties, etc.).

3. Les stratégies du « marché noir »

Une alternative aux stratégies de l'arrangement consiste à fournir un service sans se soucier de sa légalité, autrement dit d'entrer dans une logique de marché noir ou d'économie parallèle. Ces termes doivent être compris au sens large, c'est-à-dire comme ne recouvrant pas uniquement les activités illicites au regard des régimes fiscaux mais aussi celles qui sont illégales au regard de n'importe quelle autre exigence juridique, ou encore toute activité dont l'opérateur n'a pas l'assurance de sa légalité et intentionnellement ne s'en soucie pas.

En ce qui concerne les services transfrontaliers, le recours à la stratégie du « marché noir » peut être moins la conséquence d'une intention de fraude que la conséquence de la multiplication des frontières juridiques qui rendent particulièrement complexe l'évaluation de la légalité des services transfrontaliers. En effet, comme la Cour l'a reconnu dans une affaire récente [234], une situation qu'une autorité nationale pourrait considérer comme étant du travail au noir ne peut être, en réalité, que l'exercice légitime des libertés du Marché intérieur.

[234] Arrêt Corsten déjà cité ; cette affaire concernait un architecte allemand qui avait confié à une entreprise hollandaise des travaux de dallage pour une construction en Allemagne. L'entreprise hollandaise n'étant pas inscrite au registre des métiers en Allemagne, l'administration allemande de l'inspection du travail a infligé une amende pour infraction à la législation allemande relative à la lutte contre le travail au noir. Un tel comportement a été mis en cause par la Cour au regard du principe de libre prestation des services.

Le développement des stratégies du marché noir constitue un manque à gagner pour tous les acteurs :

- le destinataire et le prestataire du service s'exposent à un risque de fortes sanctions et se privent des voies de défenses et de recours officiels en cas de litige ;

- le prestataire devra rester peu visible, il perdra des opportunités parce qu'il ne pourra jamais promouvoir ouvertement ses activités et ne pourra pas assurer dans la durée la compétitivité de son entreprise. En outre, le développement du marché noir peut servir d'alibi à certaines autorités nationales pour renforcer les frontières juridiques au nom de la lutte contre le marché noir au lieu de les supprimer pour faciliter l'exercice légal des services transfrontaliers ; [235]

[235] A cet égard, un certain nombre de contributions du secteur de la construction qui souligne la multiplication des contrôles de l'inspection du travail lorsque le chantier est tenu par des prestataires établis dans d'autres Etats membres

- les autorités publiques sont privées de recettes fiscales et sont confrontées à la complexité et au coût de la lutte contre le marché noir en raison du fait qu'elles ne discernent pas suffisamment les cas d'activités légitimes au regard du droit communautaire des cas de fraudes intentionnelles.

En ligne avec la communication de la Commission « De nouveaux marchés européens du travail ouverts et accessibles à tous » [236], la suppression des frontières juridiques, en facilitant l'évaluation et le contrôle de la légalité des activités transfrontalières apparaît donc comme un des instruments clés de la lutte contre le marché noir.

[236] Communication de la Commission "De nouveaux marchés européens du travail ouverts et accessibles à tous", COM (2001)116 final du 28.02.2001 "Le Marché intérieur des services reste morcelé. Il représente toutefois deux tiers du total des emplois et il est responsable de toutes les nouvelles créations d'emplois. Étant donné que, grâce aux progrès technologiques, de nombreux services peuvent être à présent fournis à distance, ce morcellement provoque des distorsions et peut indirectement favoriser un déplacement des emplois en dehors de l'Union, ou le développement du travail illégal au sein de l'Union".

Conclusions

Une décennie après ce qui aurait du être l'achèvement du Marché intérieur, force est de constater qu'un grand décalage existe entre la vision d'une économie intégrée pour l'Union européenne et la réalité vécue par les citoyens européens et les prestataires de services. La complexité et la rigueur des frontières juridiques qui se sont substituées aux frontières physiques et techniques pour de nombreux services ont une ampleur bien plus grande que celle à laquelle on pouvait s'attendre lors du lancement de la nouvelle Stratégie pour les Services.

Les pertes subies par l'économie européenne dans son ensemble en terme de compétitivité ne doivent pas être sous-estimées. A ce stade, il est manifeste que l'objectif fixé par le Conseil européen de Lisbonne de faire de l'économie européenne l'économie la plus compétitive du monde ne peut être atteint sans apporter des changements fondamentaux au fonctionnement du Marché Intérieur des services dans un futur proche.

La nature et l'étendue des problèmes à aborder exigent un effort considérable et un engagement politique clair de la part des institutions européennes et des États membres qui doivent considérer la suppression de ces frontières, et la nécessité d'en éviter de nouvelles, comme hautement prioritaire, tout en veillant au maintien d'un haut niveau de protection des objectifs d'intérêt général. Les Pays candidats devraient être, autant que possible, associés à ce processus.

Comme déjà indiqué, ce rapport ne vise pas à prendre position ni sur la comptabilité avec le droit communautaire des mesures nationales à l'origine des difficultés inventoriées, ni sur les initiatives éventuelles à proposer pour assurer le bon fonctionnement du Marché intérieur des services. Ce rapport servira de base de travail aux actions à entreprendre, en 2003, au cours de la seconde étape de la stratégie pour le Marché intérieur des services, suite aux discussions à venir avec le Parlement européen, les États membres et les parties intéressées. Ces discussions devront porter à la fois sur les obstacles à la prestation et à la consommation transfrontalière de services ainsi que sur les obstacles à l'établissement transfrontalier du prestataire auxquels sont confrontées une large variété d'activités de services.

L'établissement transfrontalier reste important pour les prestataires de services et doit être simplifié en supprimant les charges administratives inutiles et en réduisant la bureaucratie. Cependant, les PME sont majoritaires dans le domaine des services et pour elles, l'exploitation de nouveaux marchés passe plutôt par la libre prestation de services que par l'établissement, en particulier grâce aux possibilités offertes par les technologies de l'information qui permettent de surmonter une partie des raisons pour lesquelles une présence physique permanente est nécessaire. Il est donc important d'encourager la prestation de services transfrontaliers et de faire en sorte qu'elle se déroule de manière aussi simple qu'à l'intérieur d'un même Etat membre.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission envisage, comme annoncé dans la stratégie pour le Marché intérieur des services, au sein de la seconde étape, des actions de nature législative dont la portée et le contenu nécessitent des analyses supplémentaires. A cet égard, un bon équilibre doit être trouvé entre d'une part, la nécessité d'éviter une réglementation trop détaillée et de trop grande ampleur au niveau européen et d'autre part, de protéger les objectifs d'intérêt général concernés. Ceci nécessite une analyse plus approfondie des domaines d'harmonisation supplémentaires qui devra être menée, en étroite coopération avec le Parlement européen, les Etats membres et les parties concernées. Une attention toute particulière sera accordée aux obstacles qui affectent directement la liberté des citoyens européens de recevoir des services. Dans ce contexte, une attention particulière sera accordée aux aspects relatifs à la demande, notamment des consommateurs dans un Marché intérieur des services. A cet égard, le travail en cours visant à assurer un haut niveau commun de protection des consommateurs [237] servira à renforcer les conditions nécessaires à la confiance des consommateurs dans les transactions transfrontalières.

[237] Voir la consultation en cours sur un projet d'une directive cadre sur les pratiques commerciales ; Communication de la Commission relative au suivi du livre vert sur la protection du Consommateur ; COM (2002) 289.

En ce qui concerne les obstacles non réglementaires, la Commission envisage de proposer, comme annoncé dans la stratégie pour le Marché intérieur des services, des mesures d'accompagnement de nature non législative. Dans ce cadre, la Commission traitera, en priorité, les besoins d'information et d'assistance des citoyens et des entreprises qui souhaitent recevoir ou offrir des services transfrontaliers par des mesures concrètes appropriées.

ANNEXE

METHODE SUIVIE POUR LA CONSULTATION

Contexte

La Commission a publié sa communication relative à la stratégie pour le Marché intérieur des services en décembre 2000, et les États membres, les autres institutions communautaires ainsi que les parties intéressées ont dès lors été invités à apporter leurs contributions. En raison de la complexité et de l'étendue du sujet, la consultation s'est prolongée tout au long de l'année 2001 et au début de l'année 2002 afin de donner aux parties concernées le temps nécessaire pour soumettre leurs contributions.

Objectif de la consultation

La consultation a été lancée afin de recueillir à la source des informations sur les difficultés de nature à gêner le développement du Marché intérieur des services dans l'Union européenne. L'existence de restrictions à la libre circulation des services et à la liberté d'établissement était claire, mais leur nature exacte et leur étendue n'étaient pas bien comprises. Pour cette raison et pour la première fois depuis la présentation des « Programmes généraux » pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services en 1962 [238], la Commission a entrepris un inventaire des difficultés qui subsistent dans le Marché intérieur des services, inventaire qui s'appuie principalement sur les contributions des prestataires et utilisateurs de services et des informations tirées d'autres sources détaillées ci-dessous.

[238] Déjà cités

Quels types de services sont visés -

La consultation visait à rassembler des informations sur les problèmes rencontrés par les prestataires et les usagers impliqués dans tout type d'activités économiques de services au sein de l'Union européenne, sans que ces services ne soient nécessairement reconnus en termes statistiques ou définis par une réglementation. Ainsi de nombreux services sont fournis par les fabricants de produits (par exemple un fabricant de meubles peut proposer des services de conception, d'installation et d'entretien). Toutes les formes de services transfrontaliers ont été couvertes de même que l'établissement.

La consultation a couvert l'ensemble des difficultés auxquelles peuvent être confrontés les prestataires de services tout au long des différentes étapes d'une activité de services : de l'établissement du prestataire et l'utilisation d'inputs (facteurs de production) nécessaires à la fourniture du service, en passant par la promotion et la distribution du service, jusqu'à la vente et l'après-vente du service. A chacune de ces étapes, des obstacles peuvent surgir, et il est clair qu'un obstacle rencontré lors d'une étape de la prestation aura un impact sur toute l'activité et pourra contraindre un prestataire à modifier complètement son business model.

Quelles difficultés ont été prises en compte -

Le point de départ pour l'identification des frontières est la jurisprudence de la Cour qui a clairement établi que toute mesure ayant pour effet de prohiber, gêner ou rendre moins attrayante la prestation de services entre États membres constitue une restriction. Les restrictions ne sont donc pas uniquement des mesures discriminatoires, c'est-à-dire des restrictions qui frappent les prestataires de services en provenance d'autres États membres en raison de leur nationalité ou de leur lieu de résidence. Peuvent également constituer des restrictions à la libre circulation des mesures non-discriminatoires, c'est-à-dire indistinctement applicables aux opérateurs établis dans le pays où le service est presté et à ceux établis dans d'autres États membres.

Les difficultés résultant de mesures législatives ou administratives, c'est-à-dire imputable aux exigences fixées par la législation, les systèmes d'autorégulation ou les pratiques des pouvoirs publics (administrations ou tribunaux) et d'autres organismes de régulation (ordres professionnels, chambres régionales, etc.), ont été prises en compte. Il peut s'agir, par exemple, des règles et des procédures relatives aux autorisations, à la publicité, à la fiscalité ou au droit du travail dans les cas de détachement des employés. Ont également été prises en compte des circonstances dans lesquelles des délais, des droits à payer ou d'autres problèmes ont rendu la prestation de services inintéressante ou impossible. Certaines difficultés peuvent ressortir de la complexité, de la lourdeur ou du manque de transparence des réglementations ou des pratiques. La plupart des difficultés proviennent de divergences trop considérables entre les règles nationales.

La Cour a également établi que certaines circonstances particulières pouvaient justifier, sous certaines conditions, des restrictions à la libre circulation, par exemple pour protéger la santé publique ou les consommateurs. Cependant, l'objectif de la première étape de la stratégie était d'identifier, du point de vue des entreprises et des citoyens, quelles étaient les difficultés à affronter et non de prendre parti sur leur éventuelle justification. C'est pourquoi des domaines déjà couverts par des instruments ou propositions communautaires sont également couverts. En outre, les difficultés rencontrées par les prestataires de services de l'UE dans les pays candidats ont été prises en compte.

Comment la consultation a-t-elle été mise en oeuvre -

Dans un premier temps, une société d'étude de marchés a réalisé, pour la Commission, une étude indépendante portant sur 6000 entreprises de toutes dimensions dans 14 États membres [239]. Le résultat a donné un aperçu de l'étendue des difficultés : plus d'une entreprise interrogée sur trois avait eu une expérience directe de difficultés en relation avec la libre prestation de services ou la liberté d'établissement. Des entreprises de toutes tailles et de toutes formes, dans tous les secteurs économiques, ont mentionné des problèmes rencontrés lors de toutes les étapes de la prestation de services : de l'établissement et l'utilisation d'input, en passant par la promotion, la distribution et la vente des services, jusqu'aux activités d'après-vente.

[239] L'Allemagne n'était pas comprise en raison de difficultés résultant de règles spécifiques aux études de marchés, mais les services de la Commission ont rassemblé des informations comparables par d'autres moyens.

Dans un second temps, une consultation a été lancée à travers différents mécanismes et canaux, afin d'arriver à la plus large participation possible. Plusieurs envois par listes ont été adressés aux associations européennes et nationales. Les prestataires de services individuels et les utilisateurs ont été contactés, soit directement, soit par le biais des associations nationales. Des rencontres bilatérales ont été organisées afin de poursuivre les discussions et des participations aux conférences et aux séminaires ont été assurées afin de sensibiliser à la procédure de consultation et de la faire mieux connaître. Lorsque cela s'est avéré nécessaire, la Commission a mis au point des questionnaires informels détaillés pour des domaines particuliers (par exemple les PME). Le résultat a été la réception de réponses en provenance de 668 sources différentes, qui ont fourni un total de 698 contributions séparées.

Utilisation d'autres sources

Afin de compléter les résultats de la consultation ouverte et de l'étude et de présenter une vue aussi complète que possible de la réalité du Marché intérieur des services à ce jour, d'autres sources d'informations ont également été exploitées.

La Commission a d'abord analysé les questions et les pétitions envoyées par le Parlement européen, dont un nombre significatif a été reçu depuis le lancement de la stratégie. Elles représentent une source d'informations importante sur les préoccupations des entreprises et des citoyens européens. De même, les plaintes reçues par la Commission et les cas d'infraction relevés, également arrivés en grand nombre au cours de la même période, se sont révélés très instructifs. Ces sources sont notamment importantes pour identifier les domaines pour lesquels la réception des services peut se révéler difficile pour les citoyens en raison des pratiques des États membres.

Les informations reçues à travers les mécanismes de consultation et de résolution des difficultés rencontrées par les opérateurs économiques ont été passées en revue. On peut citer à cet égard le Dialogue avec les citoyens et les entreprises mis en place par la Commission, les centres de coordination du Marché intérieur des États membres et les points de contact pour les citoyens et les entreprises.

Enfin, la Commission a exploité les études économiques et statistiques de sources reconnues, de ses propres services, des États membres et des autres institutions.

Les contributions des États membres

En plus de l'appel à contributions lancé dans la Communication sur la stratégie pour le Marché intérieur des services de décembre 2000, la Commission a contacté les États membres en septembre 2001 en leur envoyant une demande détaillée sollicitant entre autres des données économiques et statistiques sur les marchés nationaux et européens de services. Une autre demande leur a été adressée au premier trimestre 2002 concernant l'organisation au niveau national du suivi des arrêts de la Cour. La majorité des États membres ont répondu à ces demandes et leurs contributions reflètent aussi les consultations qu'ils ont eux-même menées au niveau national auprès de nombreuses parties intéressées.

En novembre 2001, la Commission a mis en place un groupe d'experts des États membres pour qu'il la conseille sur la stratégie. Le groupe s'est déjà réuni deux fois et trois à quatre réunions annuelles sont prévues. Un certain nombre d'États membres ont organisé des séminaires sur la stratégie et les services de la Commission ont participé à certains d'entre eux. Ces derniers se sont révélés particulièrement utiles pour expliquer les objectifs de l'action et établir un dialogue avec les prestataires de services et leurs utilisateurs, ainsi que pour comparer et affiner les informations déjà reçues sur les différents types de difficultés.

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