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Document 52002AE1349

Avis du Comité économique et social européen sur le "Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial" (COM(2002) 196 final)

OJ C 85, 8.4.2003, p. 8–13 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002AE1349

Avis du Comité économique et social européen sur le "Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial" (COM(2002) 196 final)

Journal officiel n° C 085 du 08/04/2003 p. 0008 - 0013


Avis du Comité économique et social européen sur le "Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial"

(COM(2002) 196 final)

(2003/C 85/02)

Le 19 avril 2002, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, la Commission a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur le "Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial".

La section spécialisée "Marché unique, production et consommation", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 6 novembre 2002 (rapporteur: M. Malosse).

Lors de sa 395e session plénière des 11 et 12 décembre 2002, (séance du 11 décembre) le Comité économique et social européen a adopté par 91 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions l'avis suivant.

0. Résumé de l'avis

0.1. Sur l'approche générale: retenir la voie de la recommandation. Néanmoins, au bout de trois ans, à la suite d'une évaluation de l'impact de celle-ci, étudier l'opportunité de recourir à une directive ou de maintenir la recommandation.

0.2. Sur la portée des clauses de recours aux ADR: admettre la non-recevabilité de la saisine du juge tant que la mise en oeuvre matérielle du processus d'ADR n'a pas été réalisée. Mais cette règle connaîtrait une limite s'agissant des contrats d'adhésion et, plus généralement, des contrats de consommation.

0.3. Sur la suspension du délai pour agir en justice: la reconnaître lorsque le contrat initial prévoit une clause de recours aux ADR; également, en l'absence de toute clause, mais seulement à partir du moment où le mécanisme d'ADR a été mis en oeuvre de manière effective par les parties.

0.4. Sur les garanties minimales de procédures: retenir les principes d'impartialité du "tiers" au regard des parties, de transparence, d'efficacité, d'équité et de confidentialité.

0.5. Sur l'issue du processus d'ADR: envisager d'uniformiser, dans tous les États membres, la nature juridique des accords et prévoir, d'ores et déjà, que la force exécutoire de l'accord, acquise conformément à la législation de chaque État, emporterait ipso facto force exécutoire dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Modifier en conséquence le règlement "Bruxelles I".

0.6. Sur le statut des acteurs: prévoir une formation initiale des "tiers", concrète, qui devrait être complétée par une formation continue obligatoire; établir un Code européen de déontologie pour guider les "tiers" dans leur mission; regrouper les "tiers" dans le cadre d'associations agréées au niveau européen.

0.7. Sur l'assurance des "tiers": les inciter à contracter une assurance de responsabilité civile, soit à titre personnel, soit par le biais d'un organisme, personne morale, qui les a désignés.

1. État des lieux

1.1. La Commission européenne, à la demande des ministres de la justice des États membres, a publié le 19 avril 2002 un Livre vert dans le contexte de l'article 65 du Traité instituant la Communauté européenne - qui dispose que les mesures arrêtées par le Conseil dans le domaine de la coopération judiciaire visent, entre autres, à améliorer et à simplifier la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, y compris des décisions extrajudiciaires. Elle entend ainsi mieux informer les milieux concernés sur les réglementations existantes mais aussi lancer un débat sur la nécessité de prendre éventuellement des dispositions communes au niveau européen.

1.2. Les "Alternative Dispute Resolution" - ADR -, au sens du Livre vert, visent des processus extrajudiciaires de résolution des conflits à l'exclusion de l'arbitrage(1). Ils désignent un processus amiable qui, souvent grâce à un tiers neutre et indépendant, tend à mettre d'accord les parties et à aboutir à une solution qui règle leur différend. Les ADR sont, en général, rangés dans deux catégories. Lorsqu'ils sont assurés directement par le juge, ou confiés par ce dernier à un tiers, il s'agit d'ADR dans le cadre de procédures judiciaires. En revanche, ce sont des ADR conventionnels lorsque les parties y ont recours en dehors de toute procédure judiciaire. Les ADR répondent à plusieurs objectifs: rétablir le dialogue entre les parties, maintenir les relations économiques, participer à la qualité de la justice et ramener la paix sociale.

1.3. On rappellera que les chefs d'État et de gouvernement des Quinze ont, lors de sommets européens, eu l'occasion à plusieurs reprises de montrer leur attachement envers les ADR: à Vienne en décembre 1998, le Conseil européen, dans ses conclusions, a "approuvé le plan d'action élaboré par le Conseil et la Commission visant à établir un espace de liberté, de sécurité et de justice et a invité instamment le Conseil à mettre en oeuvre sans tarder les mesures prioritaires à cet effet"; de même, à Tampere, les 15 et 16 octobre 1999, le Conseil européen a fixé de nouvelles perspectives dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures en appelant de ses voeux l'essor des procédures extrajudiciaires. Au sommet européen de Lisbonne en mars 2000, il a invité la Commission et le Conseil à réfléchir aux moyens de promouvoir la confiance des consommateurs dans le commerce électronique, notamment par de nouveaux systèmes de règlement des litiges. Enfin, à Feira en juin 2000, cet objectif a été réaffirmé à l'occasion de l'approbation du plan d'action eEurope 2002.

1.4. Plus concrètement, une série d'actions sectorielles en matière d'ADR ont été prises au niveau de l'Union européenne.

1.5. C'est en droit de la consommation que ces initiatives sont les plus nombreuses. Cela correspond au souci de la Commission d'offrir aux consommateurs un niveau de protection uniforme. On citera les recommandations de la Commission du 30 mars 1998(2) et du 4 avril 2001(3).

1.6. Parallèlement, le Conseil et la Commission, au moment de l'adoption du règlement "Bruxelles I"(4) sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ont, non pas certes dans le règlement lui-même, mais dans une déclaration conjointe(5), réitéré leur encouragement à la poursuite des travaux au sein des États membres sur les modes alternatifs de règlement des litiges en matière civile et commerciale, soulignant ainsi le rôle complémentaire de ces modes alternatifs par rapport aux juridictions classiques, notamment au regard du commerce électronique.

1.7. Quant à la directive du 8 juin 2000(6), elle a expressément inclus dans son texte des dispositions (article 17) pour que les États membres encouragent les organes extrajudiciaires à fonctionner dans le cadre des conflits de consommation(7).

1.8. Enfin, afin de faciliter l'accès des consommateurs à la résolution à l'amiable des litiges transfrontaliers, deux réseaux européens d'instances nationales ont été mis en place par la Commission européenne. Le réseau "FIN-Net" dans le secteur des services financiers a été lancé le 1er février 2001. En revanche, le réseau "EEJ-Net", en phase pilote depuis le 16 octobre 2001, est de compétence générale.

1.9. D'autre part, la nécessité de prendre en compte la dimension humaine des conflits familiaux a amené le Conseil et la Commission à prendre des initiatives parallèles en droit de la famille. À cet égard, envisager la médiation comme moyen de résoudre ces conflits est clairement un des objectifs de la proposition de règlement Bruxelles II bis(8).

1.10. En matière de droit du travail, et dans de nombreux pays de l'Union européenne, les ADR constituent (souvent sous la forme de la médiation) un préalable obligatoire à tout procès et, quelquefois même, la première étape de la procédure juridictionnelle. Leur utilité au centre des conflits sociaux avait déjà été soulignée dans la Charte sociale européenne de 1989(9); dans sa communication du 28 juin 2000, "Agenda pour la politique sociale"(10), la Commission a souligné l'importance des ADR pour la modernisation du modèle social européen. Par la suite, elle a chargé un groupe d'experts de haut niveau "relations de travail et adaptation aux mutations" de faire des recommandations concrètes en ce sens.

1.11. Si les ADR sont ainsi présents en nombre de matières, il n'en demeure pas moins qu'ils ne sont pas toujours entendus de la même manière, que ce soit entre les pays de l'Union européenne ou au sein même des États. C'est un fait, en l'état actuel, les ADR se présentent comme une appellation générale faisant l'objet de terminologies très variées, parfois imprécises. Dès lors, cette diversité, qui est incontestablement une de leurs qualités, pourrait cependant s'avérer nuisible à leur bon développement. Il est donc souhaitable d'élaborer un espace dans lequel pourront s'épanouir les ADR en toute sécurité, et pour cela de dégager certains principes, en termes de garanties minimales de procédures, d'impartialité et d'équité du tiers, de confidentialité.

1.12. À cette fin et dans le cadre du programme Grotius(11), une action a été menée avec plusieurs centres de médiation d'États membres(12). A été aussi réalisé le programme "MARC 2000" sur la coopération européenne pour le développement des modes amiables de règlement des conflits civils et commerciaux des entreprises qui a abouti à l'établissement d'une liste de recommandations destinée à favoriser une harmonisation minimum des ADR en Europe.

1.13. C'est dans ce prolongement que le présent Livre vert contient vingt et une questions portant sur l'établissement de principes fondamentaux communs entre les États membres. Doivent être approchés les voies et le contenu de ces principes.

2. Les grands principes à promouvoir

2.1. Les prises de position antérieures du CES

2.1.1. Précurseur en la matière, le CES a manifesté très rapidement son intérêt pour les ADR, en tant que mode complémentaire de règlement des litiges qui fait appel à la responsabilité des acteurs économiques et sociaux de la société civile organisée, par ce que l'on pourrait appeler une subsidiarité fonctionnelle. On peut citer en particulier l'avis sur la "Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale"(13), l'avis sur l'"Initiative de la République fédérale d'Allemagne en vue de l'adoption d'un règlement du Conseil relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale"(14), l'avis sur la "Proposition de décision du Conseil relative à la création d'un Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale"(15), ainsi que l'avis sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur"(16).

2.2. Les besoins

2.2.1. D'une part, le traitement des litiges est de plus en plus confronté à l'allongement des procédures et à des frais parfois disproportionnés par rapport à l'enjeu. En plus de ces problèmes classiques, les litiges transfrontaliers sont caractérisés par des questions souvent complexes de conflits de lois ou de juridictions. C'est donc principalement pour remédier aux difficultés d'accès à la justice que les ADR ont été développés car ils permettent de jouer un rôle parfaitement complémentaire aux procédures juridictionnelles. En d'autres termes, la promotion de ces modes de règlement extrajudiciaires apparaît comme une solution à la multiplication des litiges transfrontaliers qui résulte de l'intensification des échanges, notamment par le commerce électronique, et de la mobilité des citoyens.

2.2.2. D'autre part, on constate que les ADR ont été développés en priorité pour les consommateurs de même pour le monde du travail et des conflits sociaux. Mais, ceux-ci s'avèrent tout aussi utiles pour régler les différends interentreprises: on relèvera ici le désir des partenaires commerciaux de trouver, avant même le développement d'un litige, un terrain neutre où il est possible de procéder, en présence d'une tierce personne, à l'examen et à la discussion de leurs intérêts respectifs. Des solutions adéquates, qui très souvent n'auraient pu être adoptées autrement, leur permettront de poursuivre leurs relations commerciales.

2.2.3. En tout état de cause, les ADR ne doivent pas être un moyen de se soustraire aux justices étatiques, comme le CESE l'a rappelé à chaque fois qu'il s'est prononcé sur ce sujet. Les ADR doivent toujours rester une option, agréée par chacune des parties. Ce souci doit rester sous-jacent à toutes les réponses données aux questions du Livre vert. Mais les ADR présentent l'avantage de proposer aux parties un mode alternatif, leur droit fondamental de recours à la justice demeurant toujours préservé, même si on sait qu'il fonctionne généralement de façon insatisfaisante (retards, engorgement des dossiers, lenteur des procédures). Enfin la promotion des ADR reflète aussi la volonté de soutenir un modèle de société civile fondé sur le principe de la conciliation et qui accorde une place importante aux acteurs de celle-ci et à ses organisations.

2.2.4. La question de la pertinence d'une intervention du niveau européen en matière d'ADR relève des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Il convient, d'une part, de ne pas figer des modèles et de laisser au plan local, régional ou national, se développer les méthodes les plus appropriées. D'autre part, on doit considérer que les conflits potentiels prennent de plus en plus une dimension transfrontalière dans le cadre d'une Europe qui s'introduit davantage dans le quotidien des acteurs économiques (marché unique, monnaie unique) comme des citoyens (déplacements, mobilité du travail, relations familiales). Il importe donc, avec mesure, de promouvoir un cadre adéquat pour que les ADR se développent à l'échelle européenne. Dans cet esprit le Comité est plutôt favorable à une approche souple, préconisant une résolution pour définir un cadre de référence et de confiance, des actions de promotion et d'échange des bonnes pratiques(17) et enfin la création de réseaux d'opérateurs européens d'ADR. L'adoption d'un code européen de déontologie paraît à cet effet exemplaire du rôle potentiel de l'Union européenne, apportant un soutien par la diffusion de bonnes pratiques.

3. Les questions du Livre vert: premiers éléments d'analyse

3.1. Sur l'approche générale par les institutions de l'Union européenne pour traiter des ADR (questions 1-2-3-4)

3.1.1. S'agissant, de façon générale, du processus d'ADR lui-même, le recours à un règlement ou à une directive pourrait porter en germe le risque de "figer" le développement des ADR, alors que la voie de la recommandation semblerait préserver davantage la souplesse de ces derniers: elle permettrait de tracer un environnement juridique tout en préconisant le respect de principes communs de déontologie et de formation du "tiers"(18) impartial. Néanmoins, à la lumière des enseignements tirés d'une évaluation dans les trois ans de cette recommandation, on devrait étudier l'opportunité d'une directive portant sur les garanties minimales de procédure. En ce qui concerne le point particulier de l'interférence du processus d'ADR sur la procédure judiciaire (incompétence du juge en cas de clauses d'ADR, suspension des délais de prescription(19), il sera probablement nécessaire d'envisager, lors de la révision du règlement dit "Bruxelles I", l'introduction de mesures contraignantes sur ces aspects.

3.1.2. La question est posée de généraliser le champ d'application des ADR. Si une telle option devait être retenue, il conviendrait toutefois de préciser que chaque État puisse exclure de ce champ les matières qu'il considère comme étant d'ordre public et, ce faisant, devant être soumises à la compétence des juridictions étatiques. Il est vrai qu'une telle généralisation permettrait de dégager plus aisément des règles de déontologie et des principes généraux communs.

3.1.3. Il conviendrait de traiter selon les mêmes principes, la résolution des conflits en ligne - qui sont à favoriser, notamment en droit de la consommation - et les méthodes traditionnelles, en les adaptant aux spécificités techniques, comme celles relatives à la sécurité des données échangées sur Internet.

3.1.4. Les pratiques d'ADR dans le droit de la famille, ayant déjà fait leurs preuves dans plusieurs pays, doivent absolument être développées. Il serait judicieux que la proposition de règlement "Bruxelles II bis", davantage favorable à ces pratiques, puisse aboutir. Par ailleurs, on devrait créer un réseau des organismes de médiation familiale en Europe reconnus par les autorités nationales compétentes, ministères de la justice ou juridictions étatiques chargées des questions familiales.

3.2. Sur la valeur et la portée des clauses de recours aux ADR, insérées dans les contrats (questions 5-7-8)

Les parties peuvent prévoir, dès la signature du contrat, le recours aux ADR; la question est soulevée de la nécessité d'uniformiser leur portée dans tous les pays.

3.2.1. En premier lieu, l'analyse montre qu'une telle clause de médiation ou de conciliation fait naître une obligation de résultat, mais uniquement pour la mise en oeuvre matérielle du processus. Ainsi, une telle clause devrait obliger les parties à tenter de trouver une solution négociée, ce en application des règles générales qui régissent tout contrat: dès lors, il semblerait que les parties qui ne s'y prêteraient pas engageraient leur responsabilité contractuelle et s'exposeraient à une condamnation à des dommages-intérêts. En revanche, une fois le processus de médiation ou de conciliation mis en place, seule l'obligation d'essayer d'aboutir à un accord en toute loyauté pourrait peser sur les parties: en aucun cas, l'issue négociée du litige ne saurait être une contrainte. Dès lors, chacune des parties devrait rester libre de mettre fin au processus de négociation et sa responsabilité ne pourrait être recherchée que si la preuve de sa mauvaise foi était rapportée.

3.2.2. En second lieu, il en résulte que l'existence d'une telle clause pourrait seulement conduire à admettre la non-recevabilité de la saisine du juge tant que la mise en oeuvre matérielle du processus d'ADR n'a pas été réalisée. En tout état de cause, cette solution ne devrait pas être admise pour les contrats d'adhésion, les contrats de consommation et les contrats de travail. En effet, la spécificité de certaines matières démontre que les clauses d'ADR pourraient être dangereuses lorsque l'une des parties est en état de faiblesse.

3.3. Sur la suspension des procédures judiciaires en cas de recours à un mécanisme d'ADR (questions 9-10)

3.3.1. On peut penser que si une règle semblable était adoptée par les États membres, elle devrait distinguer deux cas selon qu'il s'agit d'un contrat comportant, dès sa conclusion, une clause ADR ou d'un contrat n'en comportant pas.

3.3.1.1. Dans le premier cas, chaque partie pourrait faire état devant le juge de la clause ADR, ce qui suffirait pour entraîner la suspension de la procédure judiciaire. Le médiateur devrait veiller à ce que le processus de médiation ne dure inutilement sans aboutir, afin que la suspension soit la plus brève possible.

3.3.1.2. En dehors de toute clause, la réponse est un peu plus délicate car deux arguments s'opposent. D'une part, la suspension automatique du délai de prescription risque d'être utilisée à des fins dilatoires par l'une des parties(20). D'autre part, le souci étant de favoriser les ADR, serait-il logique de pénaliser les parties qui décident d'y recourir de bonne foi? C'est pourquoi on pourrait retenir, comme "garde fou", le critère de la mise en oeuvre "effective(21)" d'un ADR, qui aurait pour effet de suspendre la prescription.

Ceci précisé et pour ces deux hypothèses, si les parties ne concluent pas un accord mettant fin à leur différend, le cours de la prescription reprendrait à compter du jour de la notification par le médiateur de la fin de sa mission.

3.4. Sur les garanties minimales de procédures (questions 11-12-13-15-16)

3.4.1. Après analyse, les principes établis dans les deux recommandations(22) de la Commission de 1998 et 2001, en matière de droit de la consommation, sont susceptibles de constituer une base sérieuse.

3.4.2. Plus généralement, pour la matière civile et commerciale, les garanties minimales liées au processus d'ADR - et qui devraient être insérées dans une recommandation (cf. 3.1.1) - seraient les suivantes:

- le principe d'impartialité du tiers (conciliateur, médiateur, ...) au regard des parties; le "tiers" ne doit avoir aucun conflit d'intérêts avec les parties et les renseigner sur son impartialité et son indépendance avant même le démarrage du processus d'ADR;

- le principe de transparence; les parties doivent accéder aux informations nécessaires à tout stade du processus d'ADR (modalités générales - langues, calendrier - déroulement, coût, valeur de l'accord, s'il intervient);

- le principe d'efficacité, à travers la facilité d'accès(23) et un coût maîtrisé par les parties;

- le principe d'équité qui se traduit notamment par un traitement "égal" de chacune des parties par le tiers, notamment quant à l'information sur le déroulement du processus, le droit de s'en retirer à tout moment pour accéder au système judiciaire ou à d'autres voies de recours extrajudiciaires; la garantie d'un temps de parole équilibré entre les parties lors des entretiens séparés avec le tiers ...;

- le principe de confidentialité; les arguments échangés entre les parties lors du processus d'ADR, ainsi que toute autre information, devraient l'être à titre confidentiel - à moins qu'elles en aient disposé expressément autrement. Le même principe de confidentialité devrait s'appliquer aux résultats du processus d'ADR.

3.5. Sur l'issue du processus d'ADR (questions 17 et 18)

3.5.1. Insérer un délai de réflexion avant ou après la signature de l'accord issu de la mise en oeuvre d'un ADR pour revenir sur celui-ci, n'est pas souhaitable. Cela risque en effet de fausser le processus d'ADR et le comportement loyal des parties. En tout état de cause, le principe d'équité(24) impose au tiers de garantir le maintien de l'équilibre entre les parties tout au long du processus.

3.5.2. Il serait souhaitable qu'il y ait, dans tous les États membres, une uniformisation relative à la valeur juridique des accords. Certes, ces derniers constituent en réalité toujours des "transactions", quelles que soient les qualifications qui leur sont données dans les différents pays. Or, la notion de "transaction" n'y a justement pas toujours la même signification.

Ainsi, dans la mesure où cette question dépasse le cadre même des ADR, cette démarche d'uniformisation devrait être examinée dans un texte européen à portée contraignante et plus large concernant le droit des contrats(25).

3.5.3. D'ores et déjà, il faudrait prévoir que la force exécutoire de l'accord, acquise conformément à la législation de chaque État, emporterait ipso facto force exécutoire dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Lors de sa révision, le règlement "Bruxelles I" devrait être également, sur ce point, modifié en conséquence.

3.6. Sur le statut des acteurs (questions 14-19-20)

Il s'agit de faire appel à des tiers dont les qualifications et les compétences de négociation sont reconnues. À cette fin, des recommandations pourraient concerner notamment les points suivants:

3.6.1. Le besoin d'une formation adéquate suffisamment complète pour permettre aux tiers d'exercer de manière utile et efficace leur fonction s'impose. Elle devrait être complétée par une formation continue obligatoire.

Il serait sans doute utile de mettre ces tiers en situation lors de leur formation afin qu'ils puissent appréhender, à partir de cas concrets, les différentes techniques, le déroulement et l'issue du processus d'ADR.

3.6.2. Un Code européen de déontologie devrait être établi pour guider les tiers dans leur mission. Ce code - qui serait rattaché à la recommandation - reprendrait des principes tels que celui de l'indépendance, de la neutralité, de l'impartialité, celui de la confidentialité ainsi que le principe de qualification du tiers.

3.6.3. D'autres pistes pourraient être envisagées, telles les regroupements des tiers dans le cadre d'associations, qui pourraient alors être agréées au niveau européen et fonctionneraient avec l'appui financier de la Commission européenne.

3.7. Sur l'assurance des "tiers" (question 21)

Des règles spéciales en matière de responsabilité des tiers semblent inopportunes en l'état. En effet, c'est le droit commun de la responsabilité civile qui trouve à s'appliquer. Il demeure qu'il est éminemment souhaitable que les tiers contractent une assurance de responsabilité civile, soit à titre personnel, soit par le biais d'un organisme, personne morale, qui les a désignés.

Ce dernier point, essentiel, doit apparaître dans le Code européen de déontologie.

Bruxelles, le 11 décembre 2002.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger Briesch

(1) L'arbitrage s'apparente, en effet, plus aux modes juridictionnels qu'aux modes alternatifs dans la mesure où la sentence arbitrale vise à remplacer la décision de justice. Par ailleurs, il est d'ores et déjà très réglementé tant au niveau des États, que sur le plan international.

(2) Concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, JO L 115 du 17.4.1998.

(3) Relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation, JO L 109 du 19.4.2001.

(4) Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16.1.2001.

(5) Déclaration conjointe du Conseil et de la Commission concernant les articles 15 et 73 du règlement inscrite au procès-verbal de la session du Conseil du 22 décembre 2000 qui a adopté ce règlement.

(6) Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, JO L 178 du 17.7.2000.

(7) Au demeurant, pour tout conflit concernant le commerce électronique - au-delà même des conflits de consommation - les États membres doivent s'assurer que leur système juridique permet l'utilisation par voie électronique des mécanismes d'ADR.

(8) COM(2001) 505 final, JO C, novembre 2001. Cette proposition de règlement vient compléter le règlement (CE) no 1347/2000 du 29 mai 2000 JO L 160 du 30.6.2000, p. 19 - dit "Bruxelles II" - relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale.

(9) Article 13.

(10) COM(2000) 379 du 28.6.2000.

(11) Ce programme permet de faciliter, par le biais de subventions, la coopération judiciaire et extrajudiciaire en améliorant la connaissance réciproque des systèmes juridiques et judiciaires.

(12) Le Brussels Business Mediation Centre (BBMC, Belgique), le Centre for Effective Dispute Resolution (CEDR, Grande Bretagne), le Netherlands Mediation Institute (NMI, Pays-Bas), l'Union Camere (Italie) et le Centre de médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP), chef de file du programme MARC 2000.

(13) JO C 117 du 26.4.2000.

(14) JO C 139 du 11.5.2001.

(15) JO C 139 du 11.5.2001.

(16) JO C 221 du 17.9.2002.

(17) Un certain nombre d'États membres ont pris des initiatives sectorielles en vue de promouvoir les ADR, en mettant en place des autorités consultatives en matière d'ADR (notamment en France), en assurant le financement des structures d'ADR (par exemple dans les pays scandinaves), en mettant en oeuvre des programmes de formation professionnelle (par exemple au Portugal), et en diffusant des informations sur les ADR auprès du public.

(18) Est ainsi désigné dans le Livre vert, la personne tierce - conciliateur, médiateur... - intervenant dans un processus d'ADR.

(19) Cf. points 3.2 et 3.3.

(20) Au contraire, dans le cas d'une clause ADR, ce risque est minoré dans la mesure où, dès le contrat initial, il y a eu une réelle volonté des parties de recourir à une médiation.

(21) C'est au juge de déterminer s'il en est ainsi. Pour cela, il pourrait retenir, par exemple, comme élément essentiel la tenue de la première réunion entre le tiers et les parties.

(22) Précitées.

(23) En particulier, les moyens électroniques doivent être encouragés.

(24) Cf. 3.4.2.

(25) Peut-être, à terme, dans l'aboutissement des travaux menés actuellement par la Commission sur le droit des contrats.

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