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Document 52000AC1193

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale"

OJ C 14, 16.1.2001, p. 99–103 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52000AC1193

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale"

Journal officiel n° C 014 du 16/01/2001 p. 0099 - 0103


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale"

(2001/C 14/20)

Le 20 septembre 2000, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

En date du 11 juillet 2000, le Bureau du Comité économique et social a chargé la section "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information" de préparer les travaux en la matière.

Le Comité économique et social, au cours de sa 376e session plénière du 19 octobre 2000, compte tenu de l'urgence des travaux, a nommé M. Cambus rapporteur général et a adopté l'avis suivant par 77 voix pour et 1 voix contre.

1. Introduction

1.1. Le secteur des télécommunications est en évolution technologique permanente et d'autant plus rapide que la gestion des réseaux physiques ou immatériels et des services qui le constituent repose pour l'essentiel sur les technologies informatiques les plus modernes. Ce secteur contribue de façon décisive à la diffusion des nouvelles technologies de l'information et par voie de conséquence à la réalisation des objectifs de l'Union quant à la société de la connaissance et de l'innovation.

1.2. C'est la raison pour laquelle il a été expressément demandé aux opérateurs des télécommunications d'offrir avant la fin de l'année 2000 des accès rapides, faciles et bon marché à l'Internet pour les entreprises comme pour les particuliers. Dans ce but, les conclusions des Conseils de Lisbonne et de Feira comportent l'obligation pour les États membres de réaliser l'ouverture de la concurrence sur les boucles locales au plus tard le 1er janvier 2001.

1.3. Le secteur des télécommunications est en droit totalement ouvert à la concurrence depuis la directive de 1996 dont l'application ne pouvait pas intervenir au-delà du 1er janvier 1998. Tout nouvel opérateur peut donc aujourd'hui entrer dans ce secteur d'activité et faire concurrence aux opérateurs historiques des télécommunications. Les nouvelles technologies ont d'ailleurs été une raison et un moyen du développement de la concurrence avec l'exemple du GSM qui a donné à de nouveaux opérateurs l'opportunité de développer une clientèle au prix d'investissements raisonnables. En revanche, l'objectif d'ouvrir à la concurrence la desserte de tous les abonnés au téléphone, sans exception, ne peut être atteint à court terme tant que l'on n'a pas imposé aux opérateurs historiques de permettre à des opérateurs concurrents l'accès au dernier "maillon" du réseau téléphonique : la boucle locale.

1.4. Le terme boucle locale désigne le circuit physique qui relie les locaux de l'abonné au répartiteur local ou à tout autre dispositif équivalent de l'opérateur des télécommunications. C'est une paire de fils de cuivre dans laquelle jusqu'à présent on ne savait pas faire passer simultanément de la téléphonie vocale et de l'information numérique. Pour fournir des services de transmission de données numériques aux abonnés, il fallait une paire de fils supplémentaire spécialisée de type ISDN (integrated services data network). Les progrès technologiques accomplis permettent depuis environ une année de faire transiter sur la même paire de fils de cuivre et simultanément d'une part la téléphonie vocale, d'autre part des services de transmission de données numériques à haut débits dits xDSL (50 à 100 fois plus rapides que les services existants).

1.5. Les boucles locales ont été construites au fil du développement des réseaux et des abonnés au téléphone vocal, dans un contexte réglementaire de droits exclusifs nécessité par le poids des investissements, un temps de retour long, et la volonté politique d'un service universel. Elles sont devenues un enjeu entre les opérateurs historiques et les nouveaux entrants qui souhaitent avoir accès à ce dernier élément de réseau pour faire entrer chez l'abonné les nouveaux services qu'ils proposent.

1.6. En théorie, ils peuvent déjà le faire mais à condition de construire des équipements matériels ou immatériels (boucles locales radio par exemple) concurrents. Comme il n'est pas possible d'attendre le développement forcément long de réseaux concurrents et/ou en technologies différentes, sauf à accroître le retard de l'Union dans le domaine des technologies de l'information, l'option de libérer l'accès à la boucle locale est apparue le seul choix possible et a été décidée lors des Conseils de Lisbonne et Feira.

1.7. D'un point de vue technique, le règlement contient trois notions: le dégroupage total, l'accès partagé, et pour réaliser l'un ou l'autre, la colocalisation des équipements d'un nouvel opérateur arrivant. Les deux options techniques, dégroupage total et accès partagé, ne sont pas économiquement neutres.

2. Résumé de la proposition de la Commission

2.1. La proposition fait partie d'un nouveau cadre juridique pour tous les réseaux et services de transmission qui vise à garantir la compétitivité du marché de la communication électronique(1). La proposition de règlement répond au double objectif:

- de fournir une base juridique aux autorités réglementaires des États membres qui pourraient avoir des difficultés pour rendre obligatoire le dégroupage des boucles locales et ainsi ne pas être en mesure d'atteindre l'objectif fixé par les Conseils européens de Lisbonne et de Feira, et

- de permettre une mise en oeuvre du dégroupage de la boucle locale harmonisée au plan européen dans le souci d'éviter les distorsions de concurrence.

2.2. La raison d'être du règlement est développée dans les considérants:

2.2.1. le réseau d'accès local demeure l'un des segments les moins concurrentiels du marché libéralisé des télécommunications parce que les nouveaux arrivants ne possèdent pas d'infrastructures de réseaux de substitution étendues et ne peuvent pas, en utilisant des technologies classiques, égaler les économies d'échelle et d'envergure des opérateurs du réseau fixe réputés puissants sur le marché;

2.2.2. ce sont essentiellement les infrastructures en cuivre des entités dominantes qui sont intéressées par le dégroupage des boucles locales, et les investissements dans d'autres infrastructures doivent pouvoir garantir une rentabilité acceptable, permettant d'étendre ces infrastructures dans des zones où leur pénétration est encore faible;

2.2.3. il est préférable que l'obligation de fournir un accès dégroupé aux boucles locales ne concerne que les opérateurs de réseaux désignés par les autorités réglementaires nationales comme des organismes puissants sur le marché en vertu des dispositions communautaires pertinentes;

2.2.4. pour l'accès à la boucle locale et aux ressources associées (colocalisation et capacités de transmission louées, par exemple), les règles en matière d'évaluation des coûts et de tarification doivent être transparentes, non discriminatoires et objectives de manière à garantir une certaine équité, tout en permettant au fournisseur de la boucle locale de couvrir les coûts qu'il a engagés et de retirer de l'opération une rémunération raisonnable;

2.2.5. la publication par les opérateurs notifiés d'une offre de référence pour le dégroupage de l'accès à la boucle locale, dans un délai assez bref, de préférence sur l'Internet, et sous le contrôle des autorités réglementaires nationales, contribuerait à l'établissement de conditions de marché transparentes et non discriminatoires;

2.2.6. l'objectif consistant à établir un cadre harmonisé pour le dégroupage de l'accès à la boucle locale ne peut pas être atteint dans tous les États membres de manière sûre et harmonisée et en temps voulu dans le cadre des dispositions législatives nationales ou communautaires actuelles. Il pourra donc être mieux réalisé au niveau communautaire. Les dispositions du présent règlement ne vont pas au-delà du minimum requis pour atteindre ces objectifs.

2.3. Le contenu du projet se limite à cinq articles:

2.3.1. L'article 1 "Champ d'application" précise que les organismes puissants sur le marché sont identifiés par les autorités réglementaires nationales qui le notifient.

2.3.2. L'article 2 "Définitions" présente:

- le dégroupage comme un accès total ou partagé offert au nouvel entrant;

- l'accès partagé comme la possibilité de donner l'usage du spectre de fréquences non vocales au nouvel entrant et de conserver le spectre de fréquences vocales à l'opérateur en place;

- la colocalisation comme la fourniture d'un espace nécessaire à l'installation technique du nouvel entrant à l'intérieur de l'installation existante de l'opérateur en place.

2.3.3. L'article 3 "Fourniture d'un accès dégroupé" fixe au 31 décembre 2000 la limite pour les opérateurs notifiés pour rendre effective la possibilité du dégroupage de la boucle locale dans des conditions transparentes et non discriminatoires; il donne obligation de fournir accès à tout point de terminaison de la boucle ou sous-boucle locale de cuivre au nouvel arrivant; à cette même date, les opérateurs notifiés devront rendre publique une offre tarifaire (modalités, conditions et prix) de référence pour l'accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources associées incluant la colocalisation.

2.3.4. L'article 4 "Surveillance par le régulateur" précise la compétence des autorités nationales de régulation pour intervenir sur les conditions de ces offres - dans les cas justifiés - tant que le niveau de concurrence n'est pas suffisant ainsi que pour la résolution des litiges entre opérateurs dans l'application du règlement.

2.3.5. L'article 5 fixe l'entrée en vigueur du règlement trois jours après sa publication au Journal officiel.

3. Observations générales

3.1. L'opportunité du projet de règlement

3.1.1. L'adoption d'un règlement ne s'est jamais encore produite dans le secteur des télécommunications et ce texte constitue ainsi une première. Ainsi la question du dégroupage de l'accès à la boucle locale sera séparée des autres textes composant le réexamen du cadre réglementaire des réseaux et services de communications électroniques. Mais surtout, un règlement en ce qu'il ne nécessite aucune transposition par les États membres est le meilleur moyen d'assurer une application plus rapide des dispositions qu'il vise.

3.1.2. Le Comité partage l'avis sur l'urgence de la diffusion la plus large des technologies et des services de la société de l'information tant auprès des entreprises que des particuliers. La libéralisation du secteur des télécommunications juridiquement lancée en 1996 s'est mise en place d'abord dans les activités les plus porteuses telle la téléphonie longue distance où les concurrents ont mis un an pour se positionner. Le retard dans l'ouverture à la concurrence sur la boucle locale ne s'explique pas seulement par une insuffisance d'outils réglementaires mais probablement davantage par la jeunesse des procédés technologiques (xDSL) et par l'intérêt concentré dans un premier temps sur les zones plus rentables de la part des opérateurs alternatifs.

3.1.3. C'est pourquoi le Comité estime indispensable de se donner les moyens d'accélérer l'accès du grand public aux nouvelles possibilités d'accès Internet et de services de transmissions de données rendues possibles par les applications xDSL. L'objectif de placer l'Union en tête dans la compétition mondiale pour les applications de la société de la connaissance et de l'innovation, affirmées par les Conseils de Lisbonne et Feira implique la diffusion la plus large de ces applications dans tous les milieux et la capacité de répondre immédiatement aux demandes des abonnés qui utilisent déjà les possibilités de l'Internet de disposer enfin d'accès particuliers à hauts débits en utilisant leur connexion téléphonique existante.

3.2. Le contenu du projet

3.2.1. D'un point de vue économique, le projet contient la notion de mise à disposition de la boucle locale à des conditions permettant de couvrir les coûts et d'assurer une rémunération raisonnable à l'opérateur qui la fournit, ce qui est, de l'avis du Comité, légitime vis-à-vis du retour sur investissement que tout opérateur est en droit d'attendre des installations qu'il développe.

3.2.1.1. Le Comité précise en outre que cette tarification de mise à disposition doit être également neutre vis-à-vis des choix technologiques. En effet, un niveau de prix trop élevé inciterait les nouveaux entrants à investir dans des équipements concurrents pas forcément justifiés, tandis qu'un prix trop bas leur ferait privilégier le dégroupage des paires de cuivre sans effectuer des recherches sérieuses sur des technologies plus économiques. Il est donc essentiel d'insister sur le besoin d'afficher des prix les plus conformes à la réalité économique.

3.2.2. D'un point de vue technique, le règlement contient trois notions: le dégroupage total, l'accès partagé, et pour réaliser l'un ou l'autre, la colocalisation des équipements d'un nouvel opérateur arrivant. Il fait également référence à la possibilité de dégroupage d'une partie seulement de boucle locale: la sous-boucle locale.

3.2.3. Cette proposition de la Commission est fondée sur les possibilités de la technologie et de la technique de différencier le service de téléphonie vocale traditionnel des nouveaux services xDSL. Le Comité souligne sur ce point qu'il conviendra de veiller - au niveau des ARN - à ce que l'accès partagé ne soit pas progressivement détourné commercialement de son objet par les nouveaux entrants en assurant la téléphonie vocale sur xDSL.

4. Observations particulières

4.1. Champ d'application

4.1.1. Le Comité partage la définition donnée par la Commission dans le texte qui vise les opérateurs notifiés du téléphone public fixe. Il trouverait cependant judicieux d'ajouter à cet endroit que les ARN ont toute latitude pour traiter dans le même esprit des abus de position dominante qui pourraient être rencontrés dans des situations localisées, autres que du téléphone public fixe, telles que par exemple des réseaux plus récents dans des zones d'équipement par le câble audiovisuel.

4.2. Modalités du dégroupage

4.2.1. Le Comité approuve tout à fait l'obligation faite aux opérateurs notifiés de répondre aux demandes de "dégroupage total" consistant à louer la totalité de la boucle locale à un nouvel opérateur entrant, sans en modifier la propriété. Cette solution a le mérite de la simplicité; elle suppose que l'opérateur entrant puisse assurer les services de téléphonie vocale et les nouveaux services de transmission de données numériques à haut débit. Mais elle permet également à l'opérateur entrant de sous-traiter le service de téléphonie vocale à tout opérateur de son choix voire à l'opérateur historique notifié lorsque l'abonné pour des raisons "d'attachement à la marque" le souhaite.

4.2.2. Le Comité approuve également l'obligation par la voie du Règlement d'imposer le dégroupage partiel appelé "accès partagé à la boucle locale" qui suppose le maintien de l'usage du spectre des fréquences de la téléphonie vocale à l'opérateur en place et la disposition exclusive des fréquences non vocales à l'opérateur entrant.

4.2.3. Le Comité estime toutefois que cette modalité technique doit être accompagnée dans la pratique d'une clause commerciale de prudence telle que certains États membres en ont déjà adoptées et qui entraîne automatiquement le passage à l'option dégroupage total pour le nouvel entrant lorsque l'abonné résilie son abonnement de téléphonie vocale auprès de l'opérateur historique.

4.3. Modalités commerciales

4.3.1. Le Comité partage l'objectif d'obliger les opérateurs notifiés à publier une offre de référence pour l'accès à la boucle locale. Il considère que cette obligation générale de fournir des indications de prix accessibles par les grands médias tel l'Internet ne peut porter raisonnablement que sur un service lui aussi suffisamment général pour que son coût puisse être fixé de façon forfaitaire, indépendamment des contextes locaux. Le Comité considère que cela doit s'appliquer au dégroupage total de la boucle locale. Pour les autres prestations (colocalisation en particulier), l'offre de référence doit faire connaître le détail des modalités techniques et renvoyer pour l'offre de prix à l'étude des demandes cas par cas, en fonction des conditions locales, dans le respect du principe que toute offre doit être basée sur les coûts ou faire référence au prix du marché.

4.3.2. S'agissant des prix pratiqués pour l'accès à la boucle locale, l'article 4 du projet indique qu'ils doivent être établis suivant le principe de l'orientation en fonction des coûts. Il serait nécessaire de préciser ici la nature des coûts utilisés, à savoir les coûts moyens incrémentaux de long terme (CMILT) qui sont les seuls à garantir une concurrence loyale et durable conformément à l'esprit du projet de règlement ainsi qu'une neutralité technologique.

4.3.2.1. Le Comité estime dans le même esprit que le prix de l'accès partagé devrait être évalué sur une base au moins égale au prix du dégroupage total diminué de l'abonnement fixe au service de téléphonie vocale.

4.4. Il est nécessaire d'inscrire dans ce règlement le principe d'abandon de toute régulation ex ante dès lors que le marché des accès hauts débits sera devenu concurrentiel. La Commission devrait dans ce but produire tous les deux ans un rapport au Conseil, au Parlement et au Comité sur l'état de la concurrence sur ce marché des accès à hauts débits et proposer le retrait du règlement, le moment venu.

5. Conclusions

5.1. Le Comité appuie pleinement le projet de règlement du Parlement et du Conseil pour donner une référence juridique solide aux États membres et aux ARN en vue d'aboutir au dégroupage des boucles locales des télécommunications au plus tard le 31 décembre 2000, dans des conditions harmonisées au niveau européen.

5.2. Dans la définition des prix orientés vers les coûts, il est indispensable de préciser qu'il s'agit des coûts moyens incrémentaux de long terme pour éviter que des distorsions économiques n'apparaissent et favorisent des mauvais choix ou freinent le développement de procédés plus économiques.

5.3. Le Comité estime que ce règlement doit clarifier les modalités de sa révision, dans le cadre réglementaire commun, lorsque le niveau de concurrence sur les services visés sera jugé suffisant.

Bruxelles, le 19 octobre 2000.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Voir, en particulier, la proposition de directive relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques COM(2000) 393 final; TEN/057.

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