Affaire C-559/10
Deli Ostrich NV
contre
Belgische Staat
(demande de décision préjudicielle, introduite par
le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen)
«Tarif douanier commun — Nomenclature combinée — Classement tarifaire — Viande de chameau congelée ne provenant pas d’un élevage — Classement dans la sous-position 0208 90 40 (autres viandes de gibier) ou 0208 90 95 (autres)»
Sommaire de l'arrêt
Tarif douanier commun — Positions tarifaires — Viande de chameau — Classement dans la sous-position 0208 90 40 de la nomenclature combinée — Condition — Chameaux ayant vécu à l’état sauvage et ayant fait l’objet de la chasse
(Règlement du Conseil nº 2658/87, annexe I; règlement de la Commission nº 1549/2006)
La nomenclature combinée constituant l’annexe I du règlement nº 2658/87, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement nº 1549/2006, doit être interprétée en ce sens que la viande de chameau doit être classée dans la sous-position 0208 90 40 en tant que «autres viandes de gibier» si les chameaux dont provient cette viande vivaient à l’état sauvage et ont fait l’objet de la chasse.
(cf. point 31 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
27 octobre 2011 (*)
«Tarif douanier commun – Nomenclature combinée – Classement tarifaire – Viande de chameau congelée ne provenant pas d’un élevage – Classement dans la sous-position 0208 90 40 (autres viandes de gibier) ou 0208 90 95 (autres)»
Dans l’affaire C‑559/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (Belgique), par décision du 17 novembre 2010, parvenue à la Cour le 29 novembre 2010, dans la procédure
Deli Ostrich NV
contre
Belgische Staat,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. K. Schiemann, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. L. Bay Larsen et E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour Deli Ostrich NV, par Me K. Spagnoli, advocaat,
– pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Bouyon et M. B. Burggraaf, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006 (JO L 301, p. 1, ci-après la «NC»), en particulier des sous-positions 0208 90 40 et 0208 90 95.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Deli Ostrich NV (ci-après «Deli Ostrich») au Belgische Staat, représenté par le Federale Overheidsdienst Financiën, Douane en Accijnzen (Service public fédéral des finances, des douanes et des accises), au sujet du classement tarifaire de la viande de chameau congelée en provenance d’Australie.
Le cadre juridique
La NC
3 Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la NC figurant à l’annexe I du règlement n° 2658/87. La version de la NC en vigueur à la date des faits au principal est celle résultant du règlement n° 1549/2006.
4 La NC est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes, et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1).
5 La première partie de la NC comporte un ensemble de dispositions préliminaires. Dans cette partie, sous le titre I, consacré aux règles générales, la section A de celui-ci, intitulée «Règles générales pour l’interprétation de la [NC]», énonce:
«Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.
1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.
[…]
6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.»
6 La deuxième partie de la NC comprend une classification des marchandises en sections, chapitres, positions et sous-positions.
7 Dans ladite partie, la section I de celle-ci, intitulée «Animaux vivants et produits du règne animal», comprend le chapitre 2, lui-même intitulé «Viandes et abats comestibles». Dans ce chapitre figure la position 0208, qui est libellée comme suit:
«0208 Autres viandes et abats comestibles, frais, réfrigérés ou congelés
[…]
0208 90 - autres:
0208 90 10 - - de pigeons domestiques
- - de gibier, autres que de lapins ou de lièvres:
0208 90 20 - - - de cailles
0208 90 40 - - - autres
0208 90 55 - - Viande de phoque
0208 90 60 - - de rennes
0208 90 70 - - Cuisses de grenouilles
0208 90 95 - - autres».
8 En vertu des articles 9, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, et 10 du règlement n° 2658/87, la Commission européenne élabore des notes explicatives de la NC, qui sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne.
9 Les notes explicatives qui étaient en vigueur à la date des faits au principal sont celles qui ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 28 février 2006 (C 50, p. 1). En ce qui concerne la sous-position 0208 90 40, elles sont libellées comme suit:
«On peut notamment citer comme relevant de cette sous-position:
1. parmi le gibier à poil: les cerfs, daims, chevreuils, chamois ou isards (Rupicapra rupicapra), les élans, les antilopes-chèvres, les antilopes, les gazelles, les ours et les kangourous;
2. parmi le gibier à plumes: les pigeons sauvages, les oies sauvages, les canards sauvages, les perdrix, les faisans, les bécasses, les bécassines, les coqs de bruyère ou grouses, les ortolans et les autruches.
La viande et les abats comestibles des animaux qui, habituellement, font l’objet de la chasse (faisans, autruches, daims, etc.) restent classés comme viande et abats comestibles de gibier, même lorsque ces animaux ont été élevés en captivité.
Les viandes et abats comestibles de rennes sont exclus de cette sous-position (sous-position 0208 90 60). Toutefois, restent classés ici la viande et les abats comestibles de certaines espèces de rennes (par exemple les caribous) pour autant qu’il soit prouvé que ces viandes et abats comestibles proviennent d’animaux qui vivaient à l’état sauvage et ont fait l’objet de la chasse.
La présente sous-position ne comprend pas les viandes et abats comestibles de lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus) ni ceux de lièvres, qui relèvent de la sous-position 0208 10 90».
Le litige au principal et la question préjudicielle
10 Le 22 octobre 2007, la société DHL Global Forwarding NV (ci-après «DHL») a présenté au kantoor der douane en accijnzen te Antwerpen (bureau des douanes et accises d’Anvers) une déclaration pour la mise à la consommation de 660 boîtes en carton de morceaux sans os de viande de chameau congelée. Deli Ostrich était mentionnée dans ladite déclaration comme destinataire de cette marchandise. Cette viande de chameau a été déclarée au titre de la sous-position 0208 90 95 de la NC.
11 DHL avait joint à ladite déclaration un certificat vétérinaire de l’autorité australienne compétente, daté du 10 septembre 2007, qui indiquait que la viande de chameau en cause provenait d’animaux vivant à l’état sauvage et qui avaient été abattus.
12 Le 12 décembre 2007, DHL a, sur instruction de Deli Ostrich, présenté une demande visant au remboursement d’un certain montant des droits à l’importation, au motif que ladite marchandise aurait dû être déclarée au titre de la sous-position 0208 90 40 de la NC. Cette demande ainsi que le recours administratif introduit par Deli Ostrich ayant été rejetés, cette dernière a porté le litige devant le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers).
13 La juridiction de renvoi souligne qu’aucune des parties au principal ne conteste que la viande en cause provient d’animaux qui ne sont pas des chameaux d’élevage. Deli Ostrich fait cependant valoir qu’il s’agit d’animaux sauvages, alors que le Federale Overheidsdienst Financiën, Douane en Accijnzen considère que le critère pertinent pour le classement tarifaire doit être tiré du fait qu’il s’agit d’animaux habituellement chassés, ce qui ne serait pas le cas des chameaux.
14 Considérant que la solution du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation des dispositions de la NC relatives aux produits du règne animal, le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«[S]ous quel code tarifaire en matière de droits à l’importation, applicable au moment de la déclaration du 22 octobre 2007, [convient-il] de classer la viande de chameaux qui, en l’espèce, n’ont incontestablement pas été élevés en captivité?»
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
15 Dans ses observations écrites, Deli Ostrich s’interroge sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon elle, la question posée porte non pas sur une interprétation du droit de l’Union, mais sur une appréciation des faits au principal qu’il appartient à la juridiction nationale d’effectuer.
16 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la procédure visée à l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh, C‑290/05 et C‑333/05, Rec. p. I‑10115, point 28 et jurisprudence citée).
17 Lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits dans la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard (voir arrêts du 16 juillet 2009, Pärlitigu, C‑56/08, Rec. p. I‑6719, point 23, et du 20 mai 2010, Data I/O, C‑370/08, non encore publié au Recueil, point 24).
18 En l’occurrence, il ressort du dossier que la question posée par la juridiction de renvoi vise à obtenir une interprétation de la NC et, plus précisément, une clarification des critères permettant le classement d’une marchandise dans l’une des sous-positions afférentes à la position 0208 de la NC, aux fins de résoudre le litige dont est saisie cette juridiction.
19 En conséquence, il y a lieu de considérer la demande de décision préjudicielle comme recevable.
Sur le fond
20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la viande de chameaux qui n’ont pas été élevés en captivité doit être classée dans la sous-position 0208 90 40 de la NC («autres viandes de gibier») ou dans la sous-position 0208 90 95 de la NC («autres»).
21 Selon Deli Ostrich et la Commission, il convient d’interpréter la NC en ce sens que la viande de chameau en cause doit être classée dans la sous-position 0208 90 40 de la NC, relative aux «autres viandes de gibier». Dans ses observations écrites, le gouvernement belge fait valoir, en revanche, que cette viande doit être classée dans la sous-position 0208 90 95 de la NC.
22 À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la NC et des notes de section ou de chapitre (voir arrêt du 14 juillet 2011, Paderborner Brauerei Haus Cramer, C‑196/10, non encore publié au Recueil, point 31 et jurisprudence citée).
23 Les notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans toutefois avoir force obligatoire de droit (voir arrêts du 29 avril 2010, Roeckl Sporthandschuhe, C‑123/09, Rec. p. I‑4065, point 37, et du 28 octobre 2010, X, C‑423/09, non encore publié au Recueil, point 16).
24 En revanche, une lettre d’un chef d’unité de la Commission, telle que celle du 29 avril 1997 du chef de la direction générale «Douane et impôts indirects» (DG XXI) de la Commission, répondant à une question du Federale Overheidsdienst Financiën, Douane en Accijnzen concernant le classement de la viande de chameau, invoquée par le gouvernement belge dans ses observations écrites, est dépourvue de la portée s’attachant auxdites notes explicatives.
25 En l’occurrence, il y a lieu de constater que la viande de chameau n’est pas visée explicitement par le libellé des positions et des sous-positions de la NC ni par les notes de section ou de chapitre de cette dernière, non plus que par les notes explicatives concernant la sous-position 0208 90 40 de la NC.
26 En effet, ladite note explicative précise que «[l]a viande et les abats comestibles des animaux qui, habituellement, font l’objet de la chasse […] restent classés comme viande et abats comestibles de gibier, même lorsque ces animaux ont été élevés en captivité». Il ne résulte toutefois pas de cette précision que seuls la viande et les abats d’animaux qui, habituellement, font l’objet de la chasse peuvent être classés dans cette sous-position.
27 À cet égard, il importe de rappeler que, au point 3 de son arrêt du 12 décembre 1973, Witt (149/73, Rec. p. 1587), la Cour, à propos de la viande de renne qui peut provenir d’animaux sauvages ou domestiques, a relevé que le terme «gibier», dans son sens ordinaire, vise les catégories d’animaux qui vivent à l’état sauvage et font l’objet de la chasse.
28 Au même point dudit arrêt Witt, la Cour a, en substance, indiqué que les autorités douanières peuvent légitimement exiger des preuves concluantes du fait que présentent le caractère de gibier des animaux dont la viande est déclarée par l’importateur comme relevant de la sous-position relative aux autres viandes de gibier, permettant ainsi de classer différemment les viandes selon qu’elles proviennent d’animaux sauvages ou domestiques de la même espèce.
29 S’agissant des caractéristiques et propriétés objectives permettant de classer de la viande de chameau dans la sous-position 0208 90 40 de la NC en tant que «autres viandes de gibier», le critère à prendre en considération réside ainsi dans le point de savoir si la viande dont le classement est en cause provient d’animaux qui vivaient à l’état sauvage et qui ont fait l’objet de la chasse, ce qu’il appartient au juge national saisi du litige de vérifier.
30 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les parties au principal ne contestent pas que la viande en cause provient de chameaux qui ne sont pas des chameaux d’élevage. En outre, la Commission a fourni, dans ses observations écrites, des éléments factuels qui confirment qu’une grande partie de la population de chameaux en Australie est retournée à l’état sauvage et que ceux-ci y font effectivement l’objet de prélèvements réguliers notamment à des fins de transformation en aliments, faits dont il peut, le cas échéant, être inféré que la viande en cause provient de chameaux ayant fait l’objet de la chasse.
31 En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que la NC doit être interprétée en ce sens que la viande de chameau doit être classée dans la sous-position 0208 90 40 en tant que «autres viandes de gibier» si les chameaux dont provient cette viande vivaient à l’état sauvage et ont fait l’objet de la chasse.
Sur les dépens
32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:
La nomenclature combinée constituant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1549/2006 de la Commission, du 17 octobre 2006, doit être interprétée en ce sens que la viande de chameau doit être classée dans la sous-position 0208 90 40 en tant que «autres viandes de gibier» si les chameaux dont provient cette viande vivaient à l’état sauvage et ont fait l’objet de la chasse.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.