Affaire C-95/10

Strong Segurança SA

contre

Município de Sintra
et
Securitas-Serviços e Tecnologia de Segurança

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Supremo Tribunal Administrativo)

«Marchés publics de services — Directive 2004/18/CE — Article 47, paragraphe 2 — Effet direct — Applicabilité aux services relevant de l’annexe II B de la directive»

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services — Services relevant de l'annexe II B de la directive 2004/18

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/18, art. 47, § 2, et annexe II B)

La directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne crée pas l’obligation, pour les États membres, d’appliquer l’article 47, paragraphe 2, de cette directive également aux marchés ayant pour objet des services figurant à l’annexe II B de cette dernière. Toutefois, cette directive n’empêche pas les États membres et, éventuellement, les pouvoirs adjudicateurs de prévoir, respectivement, dans leurs législations et dans les documents relatifs au marché, une telle application.

(cf. point 46 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 mars 2011 (*)

«Marchés publics de services – Directive 2004/18/CE – Article 47, paragraphe 2 – Effet direct – Applicabilité aux services relevant de l’annexe II B de la directive»

Dans l’affaire C‑95/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 20 janvier 2010, parvenue à la Cour le 22 février 2010, dans la procédure

Strong Segurança SA

contre

Município de Sintra,

Securitas-Serviços e Tecnologia de Segurança,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Strong Segurança SA, par Mmes C. Varela Pinto et M. J. Oliveira e Carmo, advogadas,

–        pour le Município de Sintra, par MM. N. Cárcomo Lobo et M. Vaz Loureiro, advogados,

–        pour Securitas-Serviços e Tecnologia de Segurança, par Mme A. Calapez, advogada,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Kukovec et G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions pertinentes de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Strong Segurança SA (ci-après «Strong Segurança») au Município de Sintra (municipalité de Sintra, Portugal), au sujet de l’attribution d’un marché de services de surveillance et de sécurité concernant les installations de cette municipalité.

 Le cadre juridique

 Les dispositions pertinentes de la directive 2004/18

3        Les dix-huitième et dix-neuvième considérants énoncent:

«(18) Pour l’application des règles prévues par la présente directive et aux fins de la surveillance, la meilleure définition du domaine des services consiste à le subdiviser en catégories correspondant à certaines positions d’une nomenclature commune et à les réunir en deux annexes, II A et II B, suivant le régime auquel ils sont soumis. En ce qui concerne les services visés à l’annexe II B, les dispositions applicables de la présente directive ne devraient pas porter atteinte à l’application de règles communautaires spécifiques aux services en question.

(19)      En ce qui concerne les marchés publics de services, l’application intégrale de la présente directive devrait être limitée, pendant une période transitoire, aux marchés pour lesquels ses dispositions permettront la réalisation de toutes les possibilités d’accroissement des échanges au-delà des frontières. Les marchés des autres services devraient être surveillés pendant cette période transitoire avant qu’une décision ne soit prise sur l’application intégrale de la présente directive. Il convient, à cet égard, de définir le mécanisme de cette surveillance. Ce mécanisme devrait, en même temps, permettre aux intéressés d’avoir accès aux informations en la matière.»

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous d), premier alinéa:

«Les ‘marchés publics de services’ sont des marchés publics autres que les marchés publics de travaux ou de fournitures portant sur la prestation de services visés à l’annexe II.»

5        L’article 2, intitulé «Principes de passation des marchés», dispose:

«Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence.»

6        L’article 4, intitulé «Opérateurs économiques», prévoit à son paragraphe 2:

«Les groupements d’opérateurs économiques sont autorisés à soumissionner ou à se porter candidats. Pour la présentation d’une offre ou d’une demande de participation, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger que les groupements d’opérateurs économiques aient une forme juridique déterminée, mais le groupement retenu peut être contraint de revêtir une forme juridique déterminée lorsque le marché lui a été attribué, dans la mesure où cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché.»

7        Le chapitre III du titre II, intitulé «Régimes applicables aux marchés publics de services», contient les articles 20 à 22.

8        L’article 20, intitulé «Marchés de services figurant à l’annexe II A», prévoit:

«Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe II A sont passés conformément aux articles 23 à 55.»

9        Aux termes de l’article 21, intitulé «Marchés de services figurant à l’annexe II B»:

«La passation des marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe II B est soumise seulement à l’article 23 et à l’article 35, paragraphe 4.»

10      L’article 23, faisant partie du chapitre IV intitulé «Règles spécifiques concernant le cahier des charges et les documents du marché», concerne les spécifications techniques qui doivent figurer dans les documents de marché afin de permettre l’accès égal des soumissionnaires et de ne pas créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence, et l’article 35, paragraphe 4, faisant partie du chapitre VI intitulé «Règles de publicité et de transparence», se réfère aux obligations d’information des pouvoirs adjudicateurs concernant les résultats de la procédure de passation d’un marché.

11      À l’annexe II B, catégorie 23, figurent les «services d’enquête et de sécurité, […]».

12      L’article 47, intitulé «Capacité économique et financière», prévoit à son paragraphe 2:

«Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités à cet effet.»

13      L’article 48, intitulé «Capacités techniques et/ou professionnelles», comporte un paragraphe 3, dont le contenu est en substance identique à celui de la disposition précédente.

14      Aux termes de l’article 80, paragraphe 1, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/18 au plus tard le 31 janvier 2006 et en informer immédiatement la Commission européenne.

 La réglementation nationale

15      La transposition de la directive 2004/18 en droit portugais a été effectuée par le décret-loi n° 18/2008, du 29 janvier 2008, portant adoption du code des marchés publics (Código dos Contratos Públicos), lequel est entré en vigueur six mois après sa publication ayant eu lieu à cette même date.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne du 15 juillet 2008, le Município de Sintra a lancé un appel d’offres ouvert international, portant sur l’acquisition de services de surveillance et de sécurité des installations municipales pour les années 2009 et 2010. Cet appel d’offres était régi par le dossier d’appel d’offres et le cahier des charges y afférents, et le marché devait être attribué selon le critère de l’offre globale économiquement la plus avantageuse.

17      Strong Segurança s’est portée candidate à ce marché et a présenté à cet effet les documents nécessaires. En outre, elle a joint à son offre une lettre de confort de la société Trivalor (SGPS) SA (ci-après «Trivalor»), dans laquelle cette dernière avait fait la déclaration suivante:

«Eu égard au lien de contrôle total direct (100 %) existant entre Trivalor et Strong Segurança […], Trivalor est responsable des obligations de cette dernière, conformément au code des sociétés commerciales (Código das Sociedades Comerciais).

En ce sens, nous déclarons que nous nous engageons à:

–        garantir que Strong Segurança […] dispose des moyens techniques et financiers indispensables à la bonne exécution des obligations découlant des marchés;

–        indemniser le Município de Sintra de tous préjudices subis du fait d’un défaut de bonne exécution contractuelle qui, en cas d’attribution, pourrait se présenter.»

18      La commission d’appel d’offres s’était initialement prononcée en faveur de l’attribution du marché à Strong Segurança, du fait que son offre avait obtenu la pondération la plus élevée. Toutefois, à la suite de la réclamation introduite par une société concurrente, la commission d’appel d’offres, faisant valoir que Strong Segurança n’était pas autorisée à faire état de la capacité économique et financière d’une société tierce telle que Trivalor, est revenue sur son appréciation et a proposé l’attribution du marché à la société concurrente ayant déposé la réclamation. Le Município de Sintra, lors de sa délibération du 11 février 2009, a approuvé cette proposition et a décidé d’attribuer à ladite société concurrente les services sur lesquels portait l’appel d’offres pour les années 2009 et 2010.

19      Le recours de Strong Segurança contre cette décision a été rejeté par le Tribunal Administrativo e Fiscal de Sintra, et ce jugement a été confirmé par un arrêt du Tribunal Central Administrativo Sul du 10 septembre 2009. Strong Segurança a alors formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Supremo Tribunal Administrativo.

20      La juridiction de renvoi souligne que la question centrale qui se pose en l’occurrence est celle de savoir si l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 est également applicable aux services relevant de l’annexe II B de cette directive, tels que ceux sur lesquels porte la procédure en cause au principal. Or, la juridiction de renvoi fait observer, d’une part, que cette procédure avait commencé avant l’entrée en vigueur du décret-loi n° 18/2008 et, d’autre part, que, lors de l’ouverture de cette procédure, le délai de transposition de la directive avait déjà expiré.

21      Dès lors, la première question qui se poserait à cet égard serait celle de l’effet direct de l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18. La juridiction de renvoi considère que la première partie de cette disposition est, conformément à la jurisprudence de la Cour, suffisamment claire, précise et inconditionnelle de sorte qu’elle ne laisse aux États membres aucune latitude. Pour ce qui est, toutefois, de la seconde partie de ladite disposition, la juridiction de renvoi exprime des doutes, dans la mesure où cette partie semble laisser aux États membres une certaine marge d’appréciation sur ce qui doit être prouvé et sur les moyens de preuve exigibles pour que l’opérateur économique démontre au pouvoir adjudicateur sa capacité économique et financière lorsqu’il fait valoir les capacités d’autres entités.

22      La seconde question soulevée en l’occurrence serait celle de l’interprétation de l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18, sur laquelle la jurisprudence de la Cour n’apporterait pas de réponse. La juridiction de renvoi fait observer qu’une interprétation strictement littérale de cette disposition conduirait à la conclusion que celle-ci ne s’applique qu’aux marchés de services relevant de l’annexe II A. Elle souligne, toutefois, que cela exclurait, pour les marchés de services relevant de l’annexe II B, l’application de règles de la directive 2004/18 aussi essentielles que celles qui, par exemple, fixent les critères de sélection qualitative des candidats (articles 45 à 52) ainsi que les critères d’attribution des marchés (articles 53 à 55).

23      Ayant des doutes quant à la justesse d’une telle interprétation et étant conscient du fait qu’il juge en dernier ressort, le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 47 de la directive 2004/18 […] est‑il, depuis le 31 janvier 2006, directement applicable dans l’ordre juridique interne en ce sens qu’il confère aux particuliers un droit qu’ils peuvent faire valoir contre les organes de l’administration portugaise?

2)      Dans l’affirmative, cette disposition, en dépit de l’article 21 de ladite directive, est-elle applicable aux marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe II B [de la directive 2004/18]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la seconde question

24      Par cette question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande si l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 est applicable également aux marchés qui ont pour objet des services relevant de l’annexe II B de cette directive, nonobstant le fait qu’une telle applicabilité ne ressort pas du libellé des autres dispositions pertinentes de ladite directive, notamment de son article 21.

25      Afin de répondre à cette question, il y a lieu de signaler, à titre liminaire, que la distinction entre les marchés de services en fonction de la classification de ces derniers dans deux catégories séparées n’a pas été nouvellement introduite par la directive 2004/18. Elle existait déjà sous l’empire de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), dont la directive 2004/18 constitue la codification et la refonte.

26      Il importe de relever, ensuite, que la distinction devant être opérée entre les marchés de services selon que ces derniers figurent à l’annexe II A ou à l’annexe II B de la directive 2004/18 est déjà signalée sans ambiguïté aux considérants de cette directive.

27      Ainsi, le dix-huitième considérant de la directive 2004/18 énonce que, pour l’application des règles de celle‑ci, il convient de subdiviser les services en catégories et de les réunir en deux annexes, II A et II B, suivant le régime auquel ils sont soumis.

28      De son côté, le dix-neuvième considérant de la directive 2004/18 reflète la volonté du législateur de limiter l’application intégrale de cette dernière, pendant une période transitoire, aux marchés de services pour lesquels ses dispositions permettront la réalisation de toutes les possibilités d’accroissement des échanges au-delà des frontières, ces marchés étant ceux des services figurant à l’annexe II A, et de soumettre à un régime de surveillance les autres marchés, à savoir ceux des services relevant de l’annexe II B, pendant cette période transitoire et avant qu’une décision ne soit prise sur l’application intégrale à ces marchés de la directive 2004/18.

29      Cette subdivision des marchés de services, énoncée aux considérants susvisés, est explicitée par les dispositions de la directive 2004/18.

30      En effet, l’article 20 prévoit, pour les marchés ayant pour objet des services relevant de l’annexe II A, l’application pratiquement intégrale des dispositions de cette directive, tandis que l’article 21 renvoie uniquement aux articles 23 et 35, paragraphe 4, et impose ainsi, quant aux marchés des services figurant à l’annexe II B, «seulement» l’obligation des pouvoirs adjudicateurs relative aux spécifications techniques concernant de tels marchés, ainsi que leur obligation d’informer la Commission des résultats des procédures de passation de ces derniers.

31      Contrairement à ce que fait valoir Strong Segurança, il n’existe aucun indice résultant du libellé des dispositions de la directive 2004/18 ou de l’esprit et de l’économie de cette dernière que la subdivision des services en deux catégories serait fondée sur une distinction entre les «règles de fond» et les «règles de procédure» de cette directive. D’ailleurs, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, une telle distinction risquerait de créer une incertitude juridique en ce qui concerne le champ d’application des différentes dispositions de ladite directive.

32      La distinction entre les régimes applicables aux marchés publics de services en fonction de la classification des services, opérée par les règles pertinentes du droit de l’Union, dans deux catégories séparées est corroborée par la jurisprudence de la Cour.

33      Ainsi, la Cour a jugé que la classification des services dans les annexes I A et I B de la directive 92/50 (qui correspondent, respectivement, aux annexes II A et II B de la directive 2004/18) est conforme au système établi par cette directive prévoyant une application à deux niveaux des dispositions de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2002, Felix Swoboda, C‑411/00, Rec. p. I‑10567, point 55).

34      En outre, la Cour a jugé, dans le contexte de la directive 92/50, que, lorsque les marchés portent sur des services relevant de l’annexe I B, les pouvoirs adjudicateurs ne sont tenus qu’aux seules obligations de définir les spécifications techniques par référence à des normes nationales transposant des normes européennes qui doivent figurer dans les documents généraux ou contractuels propres à chaque marché et d’envoyer à l’OPOCE (Office des publications officielles des Communautés européennes) un avis relatant les résultats de la procédure d’attribution de ces marchés (voir arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, C-507/03, Rec. p. I‑9777, point 24).

35      La Cour a en effet indiqué que le législateur de l’Union est parti de la présomption selon laquelle les marchés relatifs aux services relevant de l’annexe I B de la directive 92/50 ne présentent pas, a priori, eu égard à leur nature spécifique, un intérêt transfrontalier suffisant susceptible de justifier que leur attribution se fasse au terme d’une procédure d’appel d’offres censée permettre à des entreprises d’autres États membres de prendre connaissance de l’avis de marché et de soumissionner (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, précité, point 25). Cependant, la Cour a considéré que même de tels marchés, lorsqu’ils présentent un intérêt transfrontalier certain, sont soumis aux principes généraux de transparence et d’égalité de traitement découlant des articles 49 TFUE et 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, précité, points 26 et 29 à 31).

36      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le système établi par la directive 2004/18 ne crée pas directement, pour les États membres, l’obligation d’appliquer l’article 47, paragraphe 2, de cette directive également aux marchés publics de services relevant de l’annexe II B de cette dernière.

37      En ce qui concerne l’argumentation de la Commission suivant laquelle le principe général de «concurrence effective» propre à la directive 2004/18 pourrait conduire à une telle obligation, il convient de relever que, si la concurrence effective constitue l’objectif essentiel de ladite directive, cet objectif, aussi important soit‑il, ne saurait conduire à une interprétation contraire aux termes clairs de cette directive, qui ne mentionnent pas son article 47, paragraphe 2, parmi les dispositions que les pouvoirs adjudicateurs sont tenus d’appliquer lors de la passation de marchés portant sur des services relevant de l’annexe II B de cette directive.

38      Toutefois, conformément à la jurisprudence susvisée, il reste à examiner si, dans le cas où un tel marché présenterait un intérêt transfrontalier certain, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, notamment au regard du fait que, dans l’affaire au principal, un appel d’offres avait été publié au Journal officiel de l’Union européenne, une obligation telle que celle consacrée à l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 peut découler de l’application des principes généraux de transparence et d’égalité de traitement.

39      Pour ce qui est, d’une part, du principe de transparence, force est de constater que ce principe n’est pas violé si une obligation telle que celle consacrée par l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 n’est pas imposée au pouvoir adjudicateur concernant un marché ayant pour objet des services relevant de l’annexe II B de cette directive. En effet, l’impossibilité pour un opérateur économique de faire valoir les capacités économiques et financières d’autres entités n’a pas de rapport avec la transparence de la procédure d’attribution d’un marché. Il convient, d’ailleurs, d’observer que l’application des articles 23 et 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18 lors des procédures d’attribution des marchés portant sur de tels services, dits «non prioritaires», vise également à assurer le degré de transparence qui correspond à la nature spécifique de ces marchés.

40      Il y a lieu de relever, d’autre part, que le principe d’égalité de traitement ne saurait non plus conduire à l’imposition d’une obligation telle que celle consacrée par l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 également lors de l’attribution de marchés de services figurant à l’annexe II B, nonobstant la distinction opérée par cette directive.

41      En effet, l’absence d’une telle obligation n’est susceptible d’entraîner aucune discrimination, directe ou indirecte, sur la base de la nationalité ou du lieu d’établissement.

42      Il convient de souligner qu’une approche aussi extensive de l’applicabilité du principe d’égalité de traitement pourrait conduire à l’application, aux marchés des services relevant de l’annexe II B de la directive 2004/18, d’autres dispositions essentielles de cette directive, par exemple, ainsi que le fait observer la juridiction de renvoi, des dispositions qui fixent les critères de sélection qualitative des candidats (articles 45 à 52) ainsi que les critères d’attribution des marchés (articles 53 à 55). Cela comporterait le risque de priver de tout effet utile la distinction entre les services des annexes II A et II B opérée par la directive 2004/18, ainsi que l’application à deux niveaux de celle-ci, selon les termes utilisés par la jurisprudence de la Cour.

43      Il y a lieu d’ajouter que, conformément à la jurisprudence de la Cour, les marchés relatifs aux services figurant à l’annexe II B de la directive 2004/18 ont une nature spécifique (arrêt Commission/Irlande, précité, point 25). Ainsi, certains au moins de ces services présentent des caractéristiques particulières qui justifieraient que le pouvoir adjudicateur tienne compte, de manière personnalisée et spécifique, de l’offre présentée par les candidats à titre individuel. C’est le cas, par exemple, des «services juridiques», des «services de placement et de fourniture de personnel», des «services d’éducation et de formation professionnelle», ou encore des «services d’enquête et de sécurité».

44      Par conséquent, les principes généraux de transparence et d’égalité de traitement n’imposent pas aux pouvoirs adjudicateurs une obligation telle que celle consacrée par l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18 aux marchés relatifs à des services figurant à l’annexe II B de cette dernière.

45      Toutefois, la délimitation du champ d’application de la directive 2004/18 procède, ainsi qu’il ressort du dix-neuvième considérant de cette directive, d’une approche progressive du législateur de l’Union qui, si elle n’oblige pas à appliquer, pendant la période transitoire mentionnée audit considérant, l’article 47, paragraphe 2, de ladite directive à la passation de marchés tels que celui en cause au principal, n’interdit toutefois pas à un État membre et, éventuellement, à un pouvoir adjudicateur de prévoir, respectivement, dans sa législation et dans les documents relatifs au marché, l’application de la disposition susvisée à de tels marchés.

46      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que la directive 2004/18 ne crée pas l’obligation, pour les États membres, d’appliquer l’article 47, paragraphe 2, de cette directive également aux marchés ayant pour objet des services figurant à l’annexe II B de cette dernière. Toutefois, cette directive n’empêche pas les États membres et, éventuellement, les pouvoirs adjudicateurs de prévoir, respectivement, dans leurs législations et dans les documents relatifs au marché, une telle application.

 Sur la première question

47      Eu égard à la réponse apportée à la seconde question, il n’y a pas lieu de répondre à la première question.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne crée pas l’obligation, pour les États membres, d’appliquer l’article 47, paragraphe 2, de cette directive également aux marchés ayant pour objet des services figurant à l’annexe II B de cette dernière. Toutefois, cette directive n’empêche pas les États membres et, éventuellement, les pouvoirs adjudicateurs de prévoir, respectivement, dans leurs législations et dans les documents relatifs au marché, une telle application.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.