10.12.1998   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 384/3


Communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises

(98/C 384/03)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Introduction

1.

À la suite d'un large débat portant sur la nécessité d'une action coordonnée au niveau communautaire pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable, le Conseil des ministres de l'économie et des finances (Ecofin) du 1er décembre 1997 a adopté une série de conclusions et marqué son accord sur une résolution relative à un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (1) (ci-après «code de conduite»). À cette occasion, la Commission s'est engagée à élaborer des lignes directrices relatives à l'application des articles 92 et 93 du traité aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises et «à veiller scrupuleusement à la mise en œuvre rigoureuse des règles relatives aux aides en cause». Le code de conduite améliorera la transparence dans le domaine fiscal grâce à un système d'information mutuelle entre États membres et d'évaluation des mesures fiscales susceptibles d'entrer dans son champ d'application. Les dispositions du traité en matière d'aides d'État avec leur mécanisme propre, contribueront également de leur côté à l'objectif de lutte contre la concurrence fiscale dommageable.

2.

L'engagement de la Commission concernant les aides d'État à caractère fiscal s'inscrit dans l'objectif plus large de clarifier et de renforcer l'application des règles en matière d'aides d'État en vue de réduire les distorsions de concurrence dans le marché unique. Le principe d'incompatibilité avec le marché commun et les dérogations que ces règles énoncent s'appliquent aux aides «sous quelque forme que ce soit», et notamment à certaines mesures fiscales. La qualification d'aide au titre de l'article 92, paragraphe 1, du traité nécessite cependant, dans le cas des mesures fiscales, des clarifications que la présente communication se propose d'apporter. Ces clarifications sont particulièrement importantes au vu des obligations procédurales qui découlent de la qualification d'aide et des conséquences du non-respect de ces obligations par les États membres.

3.

À la suite de l'achèvement du marché unique et de la libéralisation des mouvements de capitaux, il est également apparu nécessaire d'examiner les effets particuliers des aides accordées sous forme fiscale et d'en préciser les conséquences du point de vue de l'examen de leur compatibilité avec le marché commun (2). La mise en place de l'Union économique et monétaire et les efforts de consolidation des budgets nationaux qu'elle demande rendront plus essentiel encore un contrôle rigoureux des aides d'État sous toutes leurs formes. Ce contexte exige aussi de tenir compte, dans l'intérêt commun, des répercussions importantes de certaines aides fiscales sur les recettes des autres États membres.

4.

Outre l'objectif de transparence et de prévisibilité des décisions de la Commission, la présente communication vise également à assurer la cohérence et l'égalité de traitement entre les États membres. La Commission a en effet l'intention, comme le note le code de conduite, d'examiner ou de réexaminer au cas par cas, sur la base de cette communication, les régimes fiscaux en vigueur dans les États membres.

A.   Les moyens d'action communautaires

5.

Le traité dote la Communauté des moyens d'action destinés à éliminer différents types de distorsions qui nuisent au bon fonctionnement du marché commun. La distinction entre ces différents types de distorsions est donc essentielle.

6.

Certaines mesures fiscales générales peuvent faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Pour de telles mesures, le traité a prévu, d'une part, la possibilité d'harmoniser les dispositions fiscales des Étas membres, sur la base de l'article 100 (directives du Conseil arrêtées à l'unanimité). D'autre part, certaines disparités entre les dispositions générales en vigueur ou envisagées dans les États membres peuvent fausser la concurrence et provoquer des distorsions qui devraient être éliminées, sur la base des articles 101 et 102 (consultation de la Commission avec les États membres intéressés; le cas échéant, directives du Conseil adoptées à la majorité qualifiée).

7.

Les distorsions de concurrence qui proviennent des aides d'État relèvent d'un régime d'autorisation préalable de la Commission, sous le contrôle du juge communautaire. Elles sont en effet soumises, en application de l'article 93, paragraphe 3, à une procédure de notification obligatoire à la Commission. Les États membres ne peuvent mettre leurs projets d'aides à exécution sans attendre l'approbation de la Commission. La Commission examine la compatibilité des aides, non pas en fonction des formes qu'elles peuvent revêtir mais en fonction de leurs effets. Elle peut décider que l'État membre en cause modifie ou supprime les aides dont elle a constaté l'incompatibilité avec le marché commun. Lorsque les aides en cause ont déjà été mises en œuvre, en violation des règles de procédure, leur suppression implique en principe que l'État membre en cause récupère ces aides auprès de leur(s) bénéficiaire(s).

B.   L'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE aux mesures fiscales

8.

Selon l'article 92, paragraphe 1, «... sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Pour l'application des règles communautaires en matière d'aides d'État, le caractère fiscal d'une mesure est indifférent puisque l'article 92 s'applique aux mesures d'aides «sous quelque forme que ce soit». Pour être qualifiée d'aide au sens de l'article 92, une mesure doit satisfaire cumulativement les critères développés ci-dessous.

9.

En premier lieu, la mesure doit procurer à ses bénéficiaires un avantage qui allège les charges qui normalement grèvent leur budget. Un tel avantage peut être procuré par une réduction de la charge fiscale de l'entreprise sous différentes formes et notamment:

par une réduction de l'assiette imposable (déduction dérogatoire, amortissement extraordinaire ou accéléré, inscription de réserves sur le bilan, ...)

par une réduction totale ou partielle du montant de l'impôt (exonération, crédit d'impôt, ...),

par un ajournement ou une annulation, voire même un rééchelonnement exceptionnel de la dette fiscale.

10.

En second lieu, l'avantage doit être octroyé par l'État ou au moyen de ressources d'État. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales. Ce critère vise également les aides accordées par des entités régionales et locales des États membres (3). Par ailleurs, l'intervention de l'État peut s'effectuer aussi bien par le biais de dispositions fiscales de nature législative, réglementaire ou administrative que par celui des pratiques de l'administration fiscale.

11.

La mesure en cause doit, en troisième lieu, affecter la concurrence et les échanges entre États membres. Ce critère suppose que le bénéficiaire de la mesure exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement. Selon une jurisprudence constante, aux fins de cette disposition, la condition de l'affectation des échanges est remplie dès lors que l'entreprise bénéficiaire exerce une activité économique qui fait l'objet d'échanges entre les États membres. Le simple fait que l'aide renforce la position de cette entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, permet de considérer que ces échanges ont été affectés. Ni l'importance relativement faible d'une aide (4), ni la taille modeste du bénéficiaire ou sa part très réduite sur le marché communautaire (5), ni même l'absence d'activité à l'exportation de ce bénéficiaire (6) ou le fait que l'entreprise exporte la quasi-totalité de sa production en dehors de la Communauté (7) ne modifient ce constat.

12.

Enfin, la mesure doit être spécifique ou sélective au sens qu'elle favorise «certaines entreprises ou certaines productions». Ce caractère d'avantage sélectif peut résulter aussi bien d'une exception aux dispositions fiscales de nature législative, réglementaire ou administrative que d'une pratique discrétionnaire de l'administration fiscale. Le caractère sélectif d'une mesure peut cependant être justifié «par la nature ou l'économie du système» (8). Si tel est le cas, la mesure échappe à la qualification d'aide visée par l'article 92, paragraphe 1, du traité. Ces différents aspects sont développés dans les sous-sections ci-dessous.

Distinction entre aides d'État et mesures générales

13.

Les mesures fiscales ouvertes à tous les acteurs économiques opérant sur le territoire d'un État membre constituent en principe des mesures générales. Elles doivent être effectivement ouvertes à toutes les entreprises sur la base d'une égalité d'accès et leur portée ne peut être de facto réduite, par exemple, par le pouvoir discrétionnaire de l'État dans leur octroi ou par d'autres éléments qui restreignent leur effet pratique. Cette condition ne limite cependant pas le pouvoir des États membres de choisir la politique économique qu'ils jugent la plus appropriée et, notamment de répartir comme ils l'entendent la charge fiscale sur les différents facteurs de production. Sous réserve qu'elles s'appliquent indifféremment à toutes les entreprises et à toutes les productions, ne constituent pas des aides d'État:

les mesures de pure technique fiscale (par exemple, fixation des taux d'imposition, des règles de dépréciation et d'amortissement et des règles en matière de reports de pertes; dispositions destinées à éviter la double taxation ou l'évasion fiscale),

les mesures poursuivant un objectif de politique économique générale en réduisant la charge fiscale liée à certains coûts de production (par exemple, recherche et développement, environnement, formation, emploi).

14.

Le fait que certaines entreprises ou certains secteurs bénéficient plus que d'autres de certaines de ces mesures fiscales n'a pas nécessairement pour conséquence de les faire entrer dans le champ d'application des règles de concurrence en matière d'aides d'État. Ainsi, les mesures visant à alléger la fiscalité du travail pour toutes les entreprises ont un effet relativement plus important pour les industries à forte intensité de main-d'œuvre que pour les industries à forte intensité en capital, sans nécessairement pour autant constituer des aides d'État. De même des incitants fiscaux en faveur d'investissements environnementaux, en recherche-développement ou en formation, ne favorisent que les entreprises qui entreprennent de tels investissements, sans non plus nécessairement constituer des aides d'État.

15.

Selon un arrêt rendu par la Cour de justice en 1974 (9), constitue une aide d'État toute mesure destinée à exempter — partiellement ou totalement — les entreprises d'un secteur particulier des charges découlant de l'application normale du système général «sans que cette exemption se justifie par la nature ou l'économie du système». L'arrêt précise en outre que «l'article 92 ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions visées, mais les définit en fonction de leurs effets». Par ailleurs, il indique également que le fait que la mesure en cause rapproche les charges du secteur en cause de celles de leurs concurrents dans d'autres États membres ne lui enlève pas le caractère d'aide. De telles divergences entre systèmes fiscaux — qui relèvent, comme indiqué précédemment, des articles 100, 101 et 102 — ne peuvent pas être corrigées par des mesures unilatérales qui visent les entreprises les plus touchées par les disparités entre systèmes fiscaux.

16.

Ce qui est donc avant tout pertinent pour l'application de l'article 92, paragraphe 1, à une mesure fiscale, c'est que cette mesure instaure, en faveur de certaines entreprises de l'État membre, une exception à l'application du système fiscal. Il convient donc d'abord de déterminer le régime commun applicable. Il est ensuite nécessaire d'examiner si l'exception ou des différenciations à l'intérieur de ce régime sont justifiées «par la nature ou l'économie du système fiscal», c'est-à-dire, si elles résultent directement des principes fondateurs ou directeurs du système fiscal de l'État membre concerné. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'une aide d'État.

Le critère de sélectivité ou de spécificité

17.

La pratique décisionnelle de la Commission jusqu'à présent montre que seules les mesures dont la portée s'étend à l'ensemble du territoire de l'État échappent au critère de spécificité fixé par l'article 92, paragraphe 1. Les mesures de portée territoriale régionale ou locale peuvent en effet favoriser certaines entreprises, sous réserve des principes exprimés dans le point 16. Le traité qualifie lui-même d'aides les mesures destinées à favoriser le développement économique d'une région. Il prévoit en effet explicitement pour ce type d'aides, au titre de l'article 92, paragraphe 3, point a) et c), des possibilités de dérogations au principe général d'incompatibilité énoncé par l'article 92, paragraphe 1.

18.

Le traité prévoit clairement qu'une mesure caractérisée par une spécificité sectorielle relève de l'article 92, paragraphe 1. Ce dernier inclut expressément le terme «certaines productions» parmi les critères définissant une aide relevant du contrôle de la Commission. Selon une pratique et une jurisprudence désormais bien établies, il est acquis qu'une mesure fiscale dont l'effet essentiel est de favoriser un ou plusieurs secteurs d'activités constitue une aide. Il en est de même d'une mesure qui favorise les seuls produits nationaux exportés (10). Par ailleurs, la Commission a considéré comme aide une mesure visant l'ensemble des secteurs soumis à la concurrence internationale (11). Une dérogation au taux de base de l'impôt des sociétés en faveur d'un pan entier de l'économie constitue donc, sauf dans certains cas (12), une aide d'État, comme l'a décidé la Commission pour une mesure concernant l'ensemble du secteur manufacturier (13).

19.

Dans plusieurs États membres, des règles fiscales différentes s'appliquent selon le statut des entreprises. Certaines entreprises publiques bénéficient, par exemple, de l'exonération des impôts locaux ou des impôts sur les sociétés. De telles règles, qui privilégient les entreprises ayant le statut légal d'entreprise publique et exerçant une activité économique, sont susceptibles de constituer des aides d'État aux termes de l'article 92 du traité.

20.

Certains avantages fiscaux sont parfois limités à certaines formes d'entreprises, à certaines de leurs fonctions (services intragroupe, intermédiation ou coordination) ou à certains types de productions. Dès lors qu'ils favorisent certaines entreprises ou certaines productions, ils sont susceptibles de constituer des aides d'État visées par l'article 92, paragraphe 1.

Pratiques administratives discrétionnaires

21.

Les pratiques discrétionnaires de certaines administrations fiscales sont également susceptibles de donner lieu à des mesures qui relèvent du champ d'application de l'article 92. La Cour de justice reconnaît que le traitement des acteurs économiques sur une base discrétionnaire peut en effet conférer à l'application individuelle d'une mesure générale la qualité de mesure sélective, notamment lorsque le pouvoir discrétionnaire s'exerce en dehors de la simple gestion des recettes fiscales selon des critères objectifs (14).

22.

Si dans la pratique quotidienne, les règles fiscales doivent être interprétées, elles ne peuvent pas permettre un traitement discrétionnaire des entreprises. En principe, toute décision administrative qui s'écarte des règles fiscales généralement applicables pour favoriser des entreprises individuelles donne lieu à une présomption d'aide d'État et doit être analysée en détail. Les «administrative rulings», en tant que procédures destinées à fournir une simple interprétation des règles générales, ne donnent pas lieu en principe à une présomption d'aide. L'opacité des décisions des administrations et la marge de manœuvre dont elles peuvent parfois disposer alimentent cependant la présomption que tel est au moins leur effet dans certains cas. Ceci n'entrave pas les possibilités pour les États membres de fournir à leurs contribuables sécurité juridique et prévisibilité sur l'application des règles fiscales générales.

Justification d'une dérogation par «la nature ou l'économie du système»

23.

La nature différentielle de certaines mesures ne doit pas nécessairement les faire considérer comme des aides d'État. Tel est le cas de celles dont la rationalité économique les rend «nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l'efficacité du système fiscal» (15). Il appartient cependant à l'État membre de fournir une telle justification.

24.

La progressivité d'un barème d'imposition sur les revenus ou sur les bénéfices se justifie par la logique redistributive de l'impôt. Le calcul des amortissements de l'actif et les méthodes de valorisation des stocks varient d'un État membre à l'autre, mais de telles méthodes peuvent être inhérentes aux systèmes fiscaux dans lesquels elles s'insèrent. De même, l'aménagement des modalités de recouvrement des dettes fiscales peut différer d'un État membre à l'autre. Enfin, certaines conditions peuvent être justifiées par des différences objectives entre les contribuables. Par contre, si l'administration fiscale peut de manière discrétionnaire arrêter des durées d'amortissements différentes ou des méthodes de valorisation différentes, entreprise par entreprise, secteur par secteur, il y a présomption d'aide. Une telle présomption existe aussi lorsque l'administration fiscale traite les dettes fiscales au cas par cas en poursuivant un autre objectif que l'optimisation du recrouvrement des dettes de l'entreprise concernée.

25.

Il va de soi que l'impôt sur les bénéfices ne peut être perçu si aucun bénéfice n'est dégagé. Il peut ainsi être justifié par la nature du système fiscal que les entreprises à but non lucratif, telles que des fondations ou associations, soient nommément exemptées de l'impôt sur les bénéfices si elles ne peuvent effectivement dégager de bénéfices. De plus, il peut aussi être justifié par la nature du système fiscal que des coopératives qui distribuent tous leurs profits à leurs membres ne soient pas imposées au niveau de la coopérative lorsque l'impôt est perçu au niveau de leurs membres.

26.

Une distinction doit être établie entre, d'une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs — notamment des buts sociaux ou régionaux — et, d'autre part, les objectifs inhérents au système fiscal lui-même. La raison d'être du système fiscal est de collecter des recettes destinées à financer les dépenses de l'État. Chaque entreprise est supposée payer l'impôt une seule fois. La prise en compte des impôts payés à l'État dans lequel se trouve la résidence fiscale de l'entreprise est donc inhérente à la logique du système fiscal. Certaines exceptions aux règles fiscales sont par contre difficiles à justifier par la logique d'un système fiscal. C'est par exemple le cas si les entreprises non résidentes sont traitées de façon plus favorable que les entreprises résidentes ou si des avantages fiscaux sont octroyés aux sièges ou aux entreprises qui fournissent certains services (financier par exemple) à l'intérieur d'un groupe.

27.

Des dispositions spécifiques qui ne comportent pas d'élément discrétionnaire, permettant par exemple la fixation de l'impôt sur une base forfaitaire (par exemple, dans les secteurs de l'agriculture ou de la pêche), peuvent être justifiées par la nature et l'économie du système lorsqu'elles tiennent compte notamment d'exigences comptables particulières ou de l'importance du foncier dans les actifs qui sont propres à certains secteurs; de telles dispositions ne constituent donc pas des aides d'État. Enfin, la logique qui sous-tend certaines dispositions spécifiques en matière de fiscalité des petites et moyennes entreprises, y compris les petites entreprises agricoles (16), est comparable à celle qui sous-tend la progressivité d'un barème d'imposition.

C.   La compatibilité avec le marché commun des aides d'État sous forme fiscale

28.

Si une mesure fiscale constitue une aide qui relève de l'article 92, paragraphe 1, elle peut néanmoins bénéficier, au même titre que les aides octroyées sous d'autres formes, d'une des dérogations au principe d'incompatibilité avec le marché commun prévues par les paragraphes 2 et 3 de cet article. De plus, lorsque le bénéficiaire — qu'il s'agisse d'une entreprise privée ou publique — a été chargé par l'État de la gestion de services d'intérêt économique général, l'aide est également susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 90 du traité (17).

29.

La Commission ne pourrait cependant autoriser des aides qui s'avéreraient contraires tant aux règles du traité, notamment celles relatives à l'interdiction de discriminations et au droit d'établissement, qu'aux dispositions du droit dérivé en matière fiscale (18). De tels aspects de l'aide peuvent, en parallèle, faire l'objet d'une procédure distincte en vertu de l'article 169. Selon la jurisprudence, les modalités d'une aide indissolublement liées à l'objet de l'aide et qui contreviennent à des dispositions du traité autres que les articles 92 et 93 doivent cependant être examinées à travers la procédure de l'article 93 dans le cadre d'un examen d'ensemble de la compatibilité ou de l'incompatibilité de l'aide.

30.

La qualification de mesure fiscale dommageable au titre du code de conduite n'affecte pas la qualification éventuelle de la mesure en tant qu'aide d'État. En revanche, l'examen de la compatibilité des aides fiscales avec le marché commun devra se faire en tenant compte, inter alia, des effets de ces aides que l'application du code de conduite mettra en évidence.

31.

Lorsqu'une aide fiscale est octroyée en vue d'inciter les entreprises à s'engager dans, certains projets précis (d'investissement notamment) et que son intensité est limitée par rapport aux coûts de réalisation de ce projet, elle ne diffère pas d'une subvention et peut bénéficier du même traitement. Il faut néanmoins que de telles aides établissent des règles suffisamment transparentes pour qu'il soit notamment possible de quantifier l'avantage perçu.

32.

Le plus souvent cependant, les dispositions d'allégement fiscal ont un caractère continu: elles ne sont pas liées à la réalisation de projets spécifiques et réduisent les dépenses courantes de l'entreprise sans qu'il soit possible d'en évaluer le volume exact dans le cadre de l'examen ex ante effectué par la Commission. De telles mesures constituent des «aides au fonctionnement». Les aides au fonctionnement sont en principe interdites. La Commission ne les autorise actuellement que de manière exceptionnelle et sous certaines conditions, par exemple, dans la construction navale et pour certaines aides en faveur de la protection de l'environnement (19), ainsi que dans des régions qui bénéficient de la dérogation de l'article 92, paragraphe 3, point a), dont entre autres, des régions ultrapériphériques, à condition qu'elles soient dûment justifiées et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu'elles visent à pallier (20). Elles doivent en principe (à l'exception des deux catégories d'aides mentionnées ci-après), être dégressives et limitées dans le temps. Actuellement, des aides au fonctionnement peuvent également être autorisées sous forme d'aide au transport dans les régions ultrapériphériques et dans certaines régions nordiques très peu peuplées et souffrant de graves handicaps d'accessibilité. Les aides au fonctionnement ne peuvent être autorisées lorsqu'elles constituent des aides à l'exportation entre les États membres. En ce qui concerne les aides d'Etat en faveur du transport maritime, les règles spécifiques à ce secteur sont applicables (21).

33.

Pour pouvoir être considérées par la Commission comme compatibles avec le marché commun, les aides d'État visant le développement économique de régions déterminées doivent être «proportionnelles et ciblées par rapport à l'objectif visé». Les critères d'examen des aides à finalité régionale permettent de tenir compte, dans l'examen des aides fiscales, d'autres effets éventuels de ces aides, notamment de certains effets mis en évidence par le code de conduite. L'octroi d'une dérogation sur la base de critères régionaux exige en effet que la Commission s'assure en particulier que les mesures en cause:

contribuent au développement régional et correspondent à des activités qui ont une incidence locale. L'implantation d'activités «off-shore», dans la mesure où leurs externalités sur l'économie locale sont faibles, ne participe normalement pas de manière satisfaisante au soutien de cette économie,

correspondent à des handicaps régionaux réels. On peut s'interroger sur l'existence de handicaps régionaux réels pour des activités pour lesquelles les surcoûts qu'ils entraînent entrent peu en ligne de compte, comme par exemple, les surcoûts de transport pour les activités liées à la finance qui favorisent l'évasion fiscale,

soient examinées dans un contexte communautaire (22). La Commission doit à ce titre tenir compte des effets négatifs que de telles mesures peuvent avoir sur les autres États membres.

D.   Procédures

34.

En application de l'article 93, paragraphe 3, les États membres sont tenus de notifier à la Commission tous leurs «projets tendant à instituer ou à modifier des aides» et ne peuvent mettre à exécution ces projets sans l'approbation préalable de la Commission. Cette procédure concerne toutes les aides, y compris les aides fiscales.

35.

Si la Commission constate qu'une aide d'État mise à exécution en violation de cette règle ne peut bénéficier d'aucune des dérogations prévues par le traité et est donc incompatible avec le marché commun, elle en exige la récupération par l'État membre sauf dans les cas où cette exigence serait contraire à un principe fondamental de droit communautaire, en particulier, la confiance légitime que peut fonder l'attitude de la Commission. Dans le cas d'une aide d'État sous forme fiscale, le montant à récupérer se calcule sur la base d'une comparaison entre l'impôt effectivement payé et celui qui aurait dû être payé en application de la règle généralement applicable. Des intérêts s'ajoutent à ce montant de base. Le taux à appliquer correspond au taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides régionales.

36.

Au titre de l'article 93, paragraphe 1, «la Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existants dans ces États». Cet examen s'effectue également pour les aides d'État sous forme fiscale. Afin de permettre cet examen, les États membres sont tenus de soumettre chaque année à la Commission des rapports sur leurs régimes d'aides d'État existants. Dans le cas d'allégements fiscaux ou d'exonérations d'impôt partielles ou totales, les rapports doivent fournir une estimation des pertes de recettes budgétaires. À la suite de cet examen, la Commission peut, si elle considère que le régime n'est pas ou n'est plus compatible avec le marché commun, proposer à l'État membre d'y apporter des modifications ou de le supprimer.

E.   Mise en œuvre

37.

La Commission procédera, sur la base des orientations définies dans la présente communication et à partir de sa publication, d'une part, à l'examen des projets d'aides fiscales qui lui seront notifiés et des aides fiscales illégalement mises en œuvre dans les États membres et, d'autre part, au réexamen des régimes existants. La présente communication a un caractère indicatif et non exhaustif. Dans chaque cas d'espèce, la Commission tiendra compte de toutes les circonstances spécifiques qui l'entourent.

38.

La Commission réexaminera l'application de la présente communication deux ans après sa publication.


(1)  JO C 2 du 6.1.1998, p. 1.

(2)  Voir plan d'action en faveur du marché unique, CSE(97) 1 du 4.6.1997, 2e objectif stratégique, 1e action.

(3)  Arrêt de la Cour de justice du 14.10.1987, Allemagne contre Commission, affaire 248/84, Rec. 1987, p. 4013.

(4)  À l'exception cependant des aides qui remplissent les critères de la règle «de minimis». Voir la communication de la Commission publiée au JO C 68 du 6.3.1996, p. 9.

(5)  Arrêt de la Cour de justice du 14.9.1994, Espagne contre Commission, affaires jointes C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Rec. 1994, p. I-4103.

(6)  Arrêt de la Cour de justice du 13.7.1988, France contre Commission, affaire 102/87, Rec. 1988, p. 4067.

(7)  Arrêt de la Cour de justice du 21.3.1990, Belgique contre Commission, affaire C-142/87, Rec. 1990, p. I-959.

(8)  Arrêt de la Cour de justice du 2.7.1974, Italie contre Commission, affaire 173/73, Rec. 1974, p. 709.

(9)  Voir note no 8 en bas de page.

(10)  Arrêt de la Cour de justice du 10.12.1969, Commission contre France, affaires jointes 6 et 11/69, Rec. 1969, p. 523.

(11)  Décision 97/239/CE de la Commission du 4.12.1996 sur le cas «Maribel bis/ter», JO L 95 du 10.4.1997, p. 25 (actuellement sub judice, affaire C-75/97).

(12)  En particulier, l'agriculture et la pêche, voir point 27.

(13)  Décision de la Commission du 22.7.1998 sur le cas «Irish Corporation Tax» [SG(98) D/7209], non encore publiée.

(14)  Arrêt de la Cour de justice du 26.9.1996, France contre Commission, affaire C-241/94 (Kimberly Clark Sopalin), Rec. 1996, p. I-4551.

(15)  Décision 96/369/CE de la Commission du 13.3.1996 concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146 du 20.6.1996, p. 42).

(16)  Opérateurs du secteur agricole n'employant pas plus de dix unités de travail annuel.

(17)  Arrêt du Tribunal de première instance du 27.2.1997, FFSA et autres contre Commission, affaire T-106/95, Rec. 1997, II. p. 229. Ordonnance de la Cour de justice du 25.3.1998, affaire C-174/97P, Rec. 1998, p. I-1303.

(18)  Arrêt de la Cour de justice du 22.3.1977, Iannelli et Volpi contre Meroni, affaire 74/76, Rec. 1977, p. 557. Voir aussi l'arrêt de la Cour de justice du 21.5.1980, affaire 73/79 («Sovrapprezzo»), Rec. 1980, p. 1533, du Tribunal de première instance du 18.9.1995 affaire T-49/93 («SIDE»), Rec. 1995, II. p. 2501 et de la Cour de justice du 27.5.1981 affaires jointes C-142/80 et C-143/80 («Salengo»), Rec. 1981, p. 1413.

(19)  Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO C 72 du 10.3.1994, p. 3).

(20)  Lignes directrices concernant les aides à finalité régionale (JO C 74 du 10.3.1998, p. 9).

(21)  Orientations communautaires sur les aides d'Etat au transport maritime (JO C 205 du 5.7.1997, p. 5).

(22)  Arrêt de la Cour de justice du 17.9.1980, Philip Morris contre Commission, affaire 730/79, Rec. 1980, p. 2671.


Non-opposition à une concentration notifiée

(Affaire no IV/M.1202 — Renault/Iveco)

(98/C 384/04)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Le 22 octobre 1998, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à la concentration notifiée susmentionnée et de la déclarer compatible avec le marché commun. Cette décision est basée sur l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil. Le texte intégral de cette décision est disponible seulement en français et sera rendu public après suppression des secrets d'affaires qu'il peut contenir. Il sera disponible:

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Retrait de la notification d'une opération de concentration

(Affaire no IV/M.1246 — LHZ/Carl Zeiss)

(98/C 384/05)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Le 24 septembre 1998, la Commission européenne a reçu la notification d'un projet de concentration entre LH Systems et Carl Zeiss Stiftung. Le 1er décembre 1998, les parties notifiantes ont informé la Commission qu'elles retiraient leur notification.